
L'histoire de Bois-Sainte-Marie par le chanoine Chaumont (1909)
Chœur et déambulatoire de l'église romane du Bois-Sainte-Marie - Cliquez pour agrandir
Source : BnF-Gallica.
TABLE DES MATIÈRES
I. - NOTICE HISTORIQUE
II. - L’ÉGLISE DU BOIS
COMPLÉMENTS
I. - NOTICE HISTORIQUE
Le Bois-Sainte-Marie apparaît dans les chartes dès 998. Il y avait 88 ans que Cluny était fondé (910). Un chemin (via regia) allait de Cluny à Vigouset, situé près du Bois, qui acquerra sous peu une grande importance : mais au XIe siècle il n’était encore qu’un humble village.
Mâcon (Matisco), ancien castrum des Éduens, avait été comme Chalon élevé au rang de cité (civitas), au cours du Ve siècle, dans le va-et-vient des Barbares et des armées romaines. Lorsque la conquête burgonde eut pris fin, le pagus Matisconensis, c’est-à-dire le « pays du Mâconnais », se constitua solidement dans les montagnes qui s’élèvent entre la Saône et la Loire. L’évêché de Mâcon eut les mêmes limites ; il remonte un peu avant 538 ; il avait été, pris sur le territoire d’Autun et sur celui de Lyon.
Les pagi devinrent des comtés lorsque l’administration en eut été confiée aux comtes (comites), anciens compagnons d’armes du roi. Dès l’origine, les comtes de Mâcon eurent des vicomtes, chargés de les remplacer ou de les assister dans leurs fonctions judiciaires et civiles.
L'hérédité des charges fut, on le sait, l’origine du régime féodal. Les Sires de Beaujeu se rendirent ainsi indépendants des comtes de Mâcon, leurs suzerains. Ceux-ci voyant leur territoire coupé en deux, il devint nécessaire qu’ils eussent dans la partie intermédiaire, nommée encore la Montagne, un agent stable et résidant. Ce fut le vicomte du Mâconnais. Sa demeure, primitivement fixée à Dun, fut établie à Châteauneuf, après le siège du vieux donjon par Philippe-Auguste, en 1180 ; mais dès cette époque les principaux officiers du comte se retirèrent au Bois-Sainte-Marie. La tradition rapporte que le gros de la population les suivit au Bois et que le bourg primitif devint alors une ville murée, défendue par un château fort.
Saint Louis, ayant fait, en 1238, l’acquisition du comté de Mâcon, établit un baillage qui eut les mêmes limites ; mais le pays qui primitivement relevait de Dun fut divisé en deux prévôtés royales, l’une au Sud-Ouest (Châteauneuf et Charlieu), l’autre au Nord (Le-Bois et Dun). La vieille forteresse de Dun semblable à un nid d'aigle ayant été peu à peu abandonnée, le titre de la châtellenie fut attribué uniquement au Bois-Sainte-Marie (1323).
Ce bourg s’était groupé primitivement autour d'un petit monastère (abbatiola) qui, comme il arriva souvent, fut son noyau ; par reconnaissance, les habitants demandèrent à être unis à la manse de Cluny.
L’ancienne chapelle, desservie par les Bénédictins, devint insuffisante pour les besoins de la population qui augmentait sans cesse. Les religieux bâtirent alors la belle église qui existe encore et dont l’abbé de Cluny fut le patron. Ils continuèrent pendant quelque temps le service de cette église, siège de leur doyenné, puis ils la confièrent à un chapelain et enfin à un curé, nommé par l’abbé de Cluny, obligé à la résidence mais relevant de l’évêque d’Autun. Le Bois-Sainte-Marie a toujours été en effet compris dans ce diocèse.
Le XIIIe siècle fut la belle période de notre petit bourg ; Il avait alors, outre la prévôté des comtes de Mâcon, un hôtel des monnaies, une mairie et un grenier à sel. En 1312, Philippe-le-Bel en fit l’échange pour la juridiction temporelle de Lyon avec l’archevêque.
François Ier donna la jouissance de cette terre à Chantemerle, l’un de ses plus vaillants capitaines. Les autres seigneurs engagistes de la châtellenie furent ensuite les Magdeleine, les Lesdiguière, les princes d’Armagnac et les marquis de Drée. C’est dans la librairie du château de Drée que sont encore conservés les terriers et les plans du Bois-Sainte-Marie (1).
(1) La châtellenie royale s’étendait jadis sur 32 villages ; au XVIIIe siècle elle comprenait encore Montmelard, Colombier, Dompierre, Audour, La Farge en Beaujolais, Dun-le-Roi, Vareilles et Gibles en partie.
L'enceinte murée de notre bourg était percée de trois portes et comptait environ trois hectares. Elle ne put tenir devant les attaques des Routiers et des Écorcheurs du XIVe siècle.
Les guerres civiles du XVe surtout causèrent les plus grands préjudices au Bois. Maîtres du château, les Armagnacs tinrent la campagne et y occasionnèrent de nombreuses dévastations. Mais ce qui acheva la ruine du pays fut le passage des bandes Calvinistes, en 1567. Les religionnaires brûlèrent l’église et ruinèrent le prieuré. Cependant le Bois-Sainte-Marie vécut longtemps encore de son passé. Il était, avant 1789, le siège d’un archiprêtré de 23 paroisses et, au début du XIXe siècle, d’un chef-lieu de canton. Aujourd’hui il n’est plus qu’un petit village dont l’importance a été considérablement augmentée par les orphelinats et l’asile de Rocca et de Rambuteau, fondés en 1873. La splendide église romane, si heureusement restaurée, est à la fois le fidèle témoin de son ancienne prospérité et le sûr garant d’un meilleur avenir.
II. - L’ÉGLISE DU BOIS
Le déambulatoire. — Les sculptures.
Cette église qui eut dès son origine pour vocable la sainte Vierge était vraisemblablement alors entourée de bois, de là son nom : Sancta Maria de Bosco. Elle est restée le monument le plus remarquable de la contrée. Fondée à la même époque que l’église de Dun (XIIe siècle), elle connut les mêmes vicissitudes.
Après les ravages causés par les hordes protestantes, en 1567, l’église du Bois ne reçut dans la suite qu’une réfection rudimentaire (2). En 1745, la foudre occasionna de nouveau désastres. Il fallut la robuste foi des habitants pour continuer à la fréquenter assidûment. Messire Jacques Alacoque, frère de la B. Marguerite-Marie, ayant été nommé curé du Bois, fit en 1678, d’actives démarches dans le but de relever tant de ruines ; mais, si ses efforts ne purent aboutir, il eut du moins la consolation de fonder, sur les conseils de sa sainte sœur, dans le collatéral de droite une chapelle dédiée au Sacré-Cœur et qui a été l’un des premiers sanctuaires construits sous ce touchant vocable. Il obtint, en 1718, des indulgences de Benoît XIV pour son église, le 8 septembre de chaque année. Il était alors archiprêtre du Bois-Sainte-Marie. Il mourut en 1713.
(2) On se contenta de réparer les éboulis et de couvrir le clocher d’un toit à deux pentes. En 1574, Messire Barthelot était recteur du Bois-Sainte-Marie.
Son successeur Messire Lambert fut, en 1715, parrain d’une cloche ; la marraine, princesse d’Armagnac, fonda une école, vers la même époque. M. Antoine Guyon, docteur en théologie, fit le 3 juin 1746, l’acquisition de la maison curiale. Le premier curé qui rétablit le culte au Bois, après la Révolution, fut M. Chaumont, mort en 1813. C’est M. Chavanne, curé de 1847 à 1861, qui eut la consolation de voir restaurer enfin la belle église Sainte-Marie.
La conservation de ce chef-d’œuvre du XIIe siècle importait trop aux Beaux-Arts pour que l’État ne fournit pas sa quote-part. Mme de Rocca, née de Rambuteau, porta généreusement à 32000. fr. la souscription de 10000. fr. laissée à la charge des habitants. Les travaux durèrent de 1849 à 1854 et furent habilement dirigés par M. Millet, inspecteur des monuments historiques. Mais déjà la patine du temps a confondu les teintes entre les parties neuves et les vieilles constructions de l’édifice.
Le plan est sensiblement le même que celui de l’église de Dun, splendidement restaurée à son tour, en 1898, grâce aux libéralités de M. le comte de Rambuteau ; une nef principale qui s’appuie sur deux collatéraux et se termine par un déambulatoire. Avec ses voûtes élevées, ses petites fenêtres, « son appareil robuste que ne cachent plus ni crépissage, ni badigeon », avec ses piliers énormes et surtout avec son abside mystérieuse, l’église du Bois-Sainte-Marie impressionne vivement tous les étrangers. Elle comprend quatre travées jusqu’au transept, lequel fait corps avec l’hémicycle et dont le carré porte une coupole sur trompes, selon le procédé des architectes du XIIe siècle, attribué souvent aux moines de Cluny.
Ce qui attiré aussitôt l’attention du visiteur, c'est la galerie basse qui fait suite aux collatéraux à vive arrêtes et entoure le sanctuaire. Les chroniqueurs la nomment le promenoir des anges. On sait quelle était la splendeur du déambulatoire de Cluny, avec ses ; neuf chapelles rayonnantes. Ici l’art Clunisien est encore à ses débuts, mais que de curieuses dispositions ! Chaque retombée des voûtes s’appuie sur un faisceau de quatre colonnes assemblées deux à deux, deux grosses posées suivant le rayon ; deux grêles, selon la circonférence ; leurs chapiteaux ne sont que des blocs de pierre épannelés en forme de troncs de cônes renversés, sur lesquels quatre nervures étroites dessinent des arêtes angulaires.
Les sculptures qui ornaient les chapiteaux de l’église du Bois sont très curieuses. Les plus anciennes se trouvent sur le pourtour extérieur de l’abside ; leur caractère archaïque fort prononcé les fait remonter au XIe siècle ou même à une date plus reculée.
Les chapiteaux du transept et de la nef appartiennent également à cette période ; les uns et les autres sont chargés de feuillages à faible relief, plutôt gravés que sculptés, et d’une exécution primitive.
Mais les sculptures des bas-côtés sont d’un style beaucoup plus avancé « et se recommandent autant par leur facture que par l’originalité de leur composition ».
On remarque sur les chapiteaux de droite (1re et 2e travée) des scènes de carnage et de combat ; voici tout d’abord un personnage attaqué par un animal furieux, il ouvre une large bouche pour appeler au secours ; plus loin, deux lutteurs s’étreignent corps à corps ; à la fin, l’un des deux succombe et son ennemi l’assomme en lui brisant la tête de sa massue.
Sur les chapiteaux de gauche (3e travée) ce sont deux hommes d’armes qui entrent en lutte. Ils portent le costume des chevaliers du XIIe siècle ; leur acharnement n’est pas moindre.
Si nous revenons à droite, à la 4ee travée, nous trouverons le chapiteau du damné qui implore en vain la pitié des démons. Satan en personne lui tient la tête, tandis que son valet lui arrache la langue avec des tenailles. La pensée de l’artiste est facile à saisir. Les luttes fratricides qui trop souvent ensanglantèrent la société féodale devaient avoir pour châtiments les supplices de l’enfer. « Impossible de rêver des visages plus hideux que ceux de ces démons dont un rictus sinistre découvre les énormes crocs et dont les cheveux hérissés sont moins des mèches ondulées que des flammes de l’enfer ».
Les chapiteaux qui surmontent au dehors les contreforts du déambulatoire ont le même symbolisme ; l’un deux ne compte pas moins de huit personnages. « Trois d’entre eux, revêtus de tuniques, à genoux, sur de petits tabourets sont de pauvres victimes, retenues par une lourde chaîne. Leur attitude suppliante et désolée est rendue avec une parfaite expression de vérité ». Plus loin, on voit un ange tenant un livre ouvert entre un démon et des captifs qui supportent des chaînes. C’est sans doute l’image des pécheurs détenus dans l’esclavage de Satan et demandant le secours de la grâce. Ces personnages sont vêtus et leur attitude n’est pas celle des réprouvés. L’ange qui les accompagne semble intercéder en leur faveur.
Telle est dans son ensemble la curieuse imagerie de l'église du Bois dont l’exécution est très remarquable « par la profondeur du relief et l’énergie du dessin ».
COMPLÉMENTS
• Inventaire du patrimoine de Bois-Sainte-Marie par Raymond et Anne-Marie Oursel (AD71)
• Photographie de l'église Notre-Dame en Noir & Blanc (Ministère de la Culture)
• L'église de Bois-Sainte-Marie sur les Chemins du roman
• Visite de l'église Notre-Dame de Bois-Sainte-Marie avec Pierre Durix (Vidéo 8')
• Bois-Sainte-Marie dans la "Monographie des communes du Charollais et du Brionnais, volume I, Frère Maxime Dubois (1904)"
• Description de Bois-Sainte-Marie dans "Communes du Brionnais en 1856, hameaux et écarts"
• Description de l'église de Bois-Sainte-Marie par Jean Virey (1935)
• Description de Bois-Sainte-Marie par Courtépée (1779)
