gif

Bois-Sainte-Marie par M. Jean Virey (1936)

Choeur et déambulatoire de l'église romane de Bois-Sainte-Marie (71)

Chœur et déambulatoire - Cliquez pour agrandir

Source : Congrès archéologique de France de Lyon-Mâcon, 1936 (BnF-Gallica)

Bois-Sainte-Marie (1), « Sancta Maria de Bosco », dont le nom laisse supposer un bois qui n’existe plus, est une ancienne place forte déchue, du comté de Mâcon. L’origine de la localité est inconnue. Un prieuré bénédictin ? Mais aucun texte n’en fait mention. Une charte de Cluny de 998 nous apprend seulement que le territoire était traversé par une route antique.

À l’époque romane, la ville du Bois-Sainte-Marie avait une enceinte percée de trois portes et renfermait une population assez nombreuse. C’était là, en même temps qu’à Mâcon, que les comtes battaient monnaie, et, lorsque la place voisine de Dun (2) fut rasée par Philippe-Auguste, en 1181, les émigrés se réfugièrent ici. Ce bourg, dont il ne reste qu’une des trois anciennes portes, était jadis considérable ; les comtes de Mâcon y venaient souvent et y entretenaient des officiers pour rendre la justice. Guichard de Germolles, évêque de Mâcon, obtint, en 1265, que son chapitre lèverait un denier sur chaque livre de monnaie fabriquée au Bois-Sainte-Marie. Il y avait aussi un grenier à sel qui fut transféré ensuite à La Clayette. Châtellenie royale du ressort de Mâcon, son importance était grande encore en 1312, lorsque le roi Philippe le Bel en fit l’échange, pour la juridiction temporelle de Lyon, avec l’archevêque de cette ville. C’est au XVe siècle que la décadence commença.

Bois-Sainte-Marie était le siège d’un archiprêtré du diocèse d’Autun ; son église, sous le vocable de la Vierge, avait pour patron l’abbé de Cluny, mais rien n’autorise à croire qu’elle fut un sanctuaire monastique. Un testament de 1453 nous apprend qu’à cette date l’église était desservie par un nombreux clergé séculier.

Dès 1420, la ville avait été prise et dévastée par les Armagnacs et, en 1437, le fameux Rodrigue de Villandrando s’attaqua au Mâconnais et au Charollais. Les voies de fait commencèrent par la « détrousse » du bailli de Mâcon, lorsque ce magistrat passait par la ville de Bois-Sainte-Marie pour aller tenir ses assises, accompagné d’une suite considérable de clercs, de sergents et d’archers (3).

Au XVIe siècle, les guerres civiles ne l’épargnèrent pas ; en 1567, elle fut prise et brûlée par les calvinistes.

En 1680, le curé était Jacques Alacoque, frère de sainte Marguerite-Marie.

Ces quelques notes nous renseignent d’une façon trop sommaire sur l’histoire de la localité, qui, jadis siège d’un archiprêtré, d’un hôtel des monnaies, d’une châtellenie royale, d’une prévôté et, au début du XIXe siècle, encore chef-lieu de canton, n’est plus aujourd’hui qu’un petit village dont seule l’église témoigne de l’ancienne prospérité.

Elle était elle-même depuis longtemps dans un état d’abandon lamentable. Un procès-verbal de 1678 constate une ruine qui ne fit que s’aggraver. Sur une grande partie de l’église, à la nef et aux bas-côtés, les voûtes n’existaient plus, et les lambris par quoi on les avait remplacées étaient eux-mêmes vieux et pourris. Le mur nord se détachait de l’édifice et se déversait au dehors, le déambulatoire menaçait ruine, le mur extérieur était délabré et la façade lézardée.

Plan de l’église de Bois-Sainte-Marie

Plan de l’église de Bois-Sainte-Marie

Les choses en étaient venues à ce point qu’une tentative de classement, vers 1845, risquait d’échouer, à cause du chiffre considérable qu’entraînerait une restauration, lorsque intervint une généreuse personne, la comtesse de Rocca, née Rambuteau. Le classement fut alors décidé, et les travaux dirigés par Millet, commencés en 1849, furent achevés en 1854. On refit les voûtes en poteries creuses, la toiture, le mur latéral nord et le mur du déambulatoire ; on construisit la tour d’escalier et la pyramide du clocher ; on reprit les piliers, on refit le dallage, on remonta un nouveau perron.

Le plan comprend une nef orientée, de quatre travées, flanquée de collatéraux, un transept sans saillie et une abside en hémicycle entourée d’un déambulatoire, prolongement des collatéraux. Le clocher, carré, s’élève au- dessus de la croisée du transept. La voûte de la nef, très élevée, est en berceau brisé, sur doubleaux en cintre brisé ; elle a, d’ailleurs, été refaite. Au-dessus des grandes arcades, les murs gouttereaux ont été percés de fenêtres profondément ébrasées pour éclairer directement la nef, qui reçoit aussi du jour par une grande fenêtre en plein cintre percée, sous la voûte, dans le mur de façade. Une fenêtre se voit également au milieu de chaque travée des bas-côtés : ceux-ci sont voûtés par des compartiments d’arêtes. La troisième travée du collatéral méridional est munie d’une porte ancienne ouverte sous la fenêtre.

La croisée du transept est voûtée par une coupole sur trompes et des berceaux couvrent les croisillons. L’arc triomphal ouvre directement sur l’abside, voûtée en cul-de-four, communiquant avec le déambulatoire, qui n’a pas de chapelles rayonnantes, par sept petites arcades en plein cintre séparées par des groupes de quatre colonnettes, deux grosses posées suivant le rayon et deux plus grêles sur la circonférence.

Intérieur de l’église de Bois-Sainte-Marie

Intérieur de l’église de Bois-Sainte-Marie

Au-delà du transept le déambulatoire, qui, en plan, est le prolongement des collatéraux, les réunit l’un à l’autre, après avoir contourné l’abside. On est étonné, dans cette église où les voûtes sont montées très haut, de trouver au déambulatoire une voûte annulaire fort basse, en compartiments d’arêtes.

Coupe transversale de l’église de Bois-Sainte-Marie

Coupe transversale de l’église de Bois-Sainte-Marie

Les piliers, massifs, sont cruciformes et cantonnés sur trois côtés de colonnes engagées. Il n’y a pas de colonnes vers les collatéraux.

Aux grandes arcades, on trouve le plein cintre et l’arc brisé. Celles de la travée contiguë au transept sont en plein cintre ; celles des trois premières travées sont en cintre brisé au nord, en plein cintre au sud. Il n’y a pourtant pas lieu de croire qu’il y ait eu un intervalle de temps sérieux entre ces différentes parties de la construction. Commençant par le chevet, l’architecte utilisa d’abord le plein cintre ; mais c’était l’époque où l’arc brisé s’employait déjà couramment et, au cours des travaux, il fut entraîné à adopter cette forme nouvelle.

Les retombées des voûtes de la galerie basse qui sert de déambulatoire portent, d’un côté, sur les chapiteaux de la claire-voie de l’abside et, de l’autre côté, contre le mur extérieur, sur des couples de colonnettes juxtaposées élevées sur un banc de pierre continu. Du côté de la claire-voie, les chapiteaux sont frustes, en forme de tronc de cône renversé, sur lesquels quatre minces nervures dessinent des arêtes. Les chapiteaux des colonnettes dressées contre le mur extérieur sont plus archaïques : décorés de feuillages de peu de relief, plutôt gravés que sculptés, ils sont certainement d’une date antérieure et remployés. D’où viennent-ils ? D’une église primitive ? Le fait est qu’ils s’adaptent fort mal aux fûts qui les supportent, leur diamètre étant inégal et présentant parfois une différence sensible.

Déambulatoire de l’église de Bois-Sainte-Marie

Déambulatoire de l’église de Bois-Sainte-Marie

Les chapiteaux des grandes arcades du transept et de la nef sont intéressants à étudier ; certains ont un aspect primitif : deux lions affrontés au-dessus d’un rang de feuilles et séparés par une rose. C’est un type assez fréquent et qui appartient surtout au XIe siècle. D’autres sont d’un style plus avancé : deux d’entre eux présentent des scènes de combat, l’un avec deux lutteurs nus aux prises dans un corps à corps. Dans le chapiteau voisin, qui paraît faire suite au précédent, l’assaut se termine par la chute d’un des lutteurs, la tête en bas, les jambes en l’air, et, d’un coup de massue, son adversaire l’assomme.

De l’autre côté de la nef, sur un des piliers de gauche, c’est un autre combat singulier entre deux chevaliers. L’un en costume militaire du XIIe siècle, la tête protégée par un casque conique sans nasal, muni d’un bouclier allongé, arrondi dans le haut, pointu dans le bas, vêtu dans le bas d’un haubert, mais d’une cotte longue serrée par une ceinture ; l’autre, contre lequel il s’avance, l’épée haute, est équipé de même, sauf qu'il est nu-tête et porte une rondache circulaire.

Au chapiteau du premier pilier de droite, un homme debout, la bouche entr’ouverte, est attaqué par une bête féroce ; un autre personnage survenu saisit la bête par le cou et va la percer de son épée.

Sur un autre chapiteau, au sixième pilier de droite, c'est le supplice d’un damné. Renversé, nu, aux pieds de deux démons qu'il implore en vain, l’un de ces derniers, cornu et ailé, maintient la tête du patient, tandis que l'autre démon lui saisit la langue avec des tenailles.

Chapiteau du chevet de l’église de Bois-Sainte-Marie

Chapiteau du chevet de l’église de Bois-Sainte-Marie

Un autre chapiteau, que l'on voit au chevet sur une des colonnes-contreforts appliquées au mur du déambulatoire, peut se rapprocher du précédent. On y voit huit personnages. Trois d’entre eux, vêtus de tuniques, agenouillés sur de petits tabourets, sont des victimes enchaînées dans une attitude suppliante. À droite, un démon accroupi tient le bout de la chaîne, mais, entre lui et les captifs, un ange, de face, les ailes éployées et agenouillé, présente un livre ouvert. Un second démon, tout à fait à droite, paraît tenir une autre victime. Comme les damnés et les âmes des morts sont représentés nus à l’époque romane, les trois personnages enchaînés figurent plutôt des vivants retenus par les liens du péché dans l’esclavage de l’enfer et implorant le secours de la grâce divine. L’ange qui les accompagne, à genoux lui aussi, intercédé en leur faveur.

D’une façon générale, au Bois-Sainte-Marie l’imagerie est plutôt terrifiante dans les sujets qu’elle présente ; le dessin en est énergique et le relief accentué. Il y a là un contraste avec la sculpture des chapiteaux du déambulatoire.

Avant de décrire l’extérieur, il faut mentionner le maître-autel roman que Viollet-le-Duc reproduit dans son Dictionnaire d’architecture (4) et date du XIe siècle : c’est une table rectangulaire portée par cinq supports en forme de colonnettes avec bases et chapiteaux, quatre aux angles et un au milieu.

Maître-autel roman - Dessin d'Eugène Viollet-le-Duc

Maître-autel roman - Dessin d'Eugène Viollet-le-Duc (INHA)

Extérieur — La façade, d’une belle ordonnance, contient, au milieu, une vaste porte à laquelle on accède par un perron moderne de dix-huit degrés. Elle est en trois parties correspondant à la nef et aux bas-côtés. Ceux-ci sont séparés de celle-là par de hauts contreforts servant de dosserets à deux longues colonnes engagées. Les contreforts, d’une seule montée, sans reprises, se terminent en glacis, à courte distance de la corniche qui souligne la base du pignon ; les colonnes ont leurs chapiteaux et tailloirs surmontés également d’un glacis à forte pente aboutissant à la base du glacis des contreforts. Au rez-de-chaussée, la porte, très simple, à sa baie rectangulaire encadrée par une double archivolte à angles vifs en plein cintre, dont la seule décoration consiste, pour l’archivolte intérieure, en claveaux de deux couleurs — chose rare en Brionnais ; les sommiers reposent sur des colonnettes. L’archivolte extérieure, toute à arêtes vives, est encadrée à l’extrados par une moulure.

Façade et élévation latérale de l’église de Bois-Sainte-Marie

Façade et élévation latérale de l’église de Bois-Sainte-Marie

À une assez grande hauteur au-dessus de la porte, une grande baie en plein cintre, fortement ébrasée, donne la lumière sous la voûte. Cette fenêtre, appuyée sur une corniche qui va d’un contrefort à l’autre, est encadrée par une archivolte à angles vifs ayant comme piédroits deux colonnettes. Au-dessus de la baie court une corniche moulurée, recourbée pour épouser le cintre extérieur, et plus haut c’est le pignon, assez aigu, terminé par une croix. Devant les collatéraux, à hauteur du portail, est une grande arcade appliquée, en plein cintre, avec colonnettes, le cintre encadré par une moulure. Ces arcades, assez profondes, accentuent vigoureusement les dispositions de la façade. Au-dessus de l’arcade du collatéral nord est percée une fenêtre en plein cintre fortement ébrasée. Aux extrémités de la façade montent des contreforts.

L’élévation latérale, outre les contreforts simples qui indiquent la séparation des travées, offre à une assez grande hauteur l’ouverture profonde et longue des fenêtres en plein cintré. Une porte latérale ouverte dans la troisième travée au midi présente un tympan sculpté intéressant, figurant la Fuite en Égypte.

Tympan de la porte méridionale de l’église de Bois-Sainte-Marie - La Fuite en Égypte

Tympan de la porte méridionale - La Fuite en Égypte

Au-dessus de la toiture en appentis des collatéraux, s’élève le mur gouttereau, percé de fenêtres, correspondant à la nef. L’étagement est considérable. Entre les fenêtres montent les contreforts jusque sous la corniche, supportée par une rangée de modifions simples.

À la hauteur du transept se dresse le mur de fond des croisillons ; au midi, ce mur est flanqué par la construction dans laquelle se trouve l’escalier qui monte au clocher, appendice qui date des travaux de restauration. C’est ensuite le vaste hémicycle du déambulatoire, avec sept fenêtres séparées par des contreforts-colonnes dont les chapiteaux ont presque tous été refaits. Le seul ancien, qui se trouve au midi, est celui dont j’ai parlé plus haut. — Au-dessus de la toiture du déambulatoire émerge l’hémicycle correspondant à l’abside, décoré d’arcatures dites lombardes, à quatre formes, avec bandes plates, entre lesquelles s’ouvrent trois fenêtres en plein cintre.

Cet ensemble est dominé par un puissant clocher carré. D'un soubassement aveugle montent deux étages de baies en plein cintre. L’inférieur n’a qu’une baie toute simple sur chaque face. L’étage du beffroi est largement ajouré par un grand triplet sur chaque face. Aux retombées communes des baies sont des groupes de deux colonnettes placées l’une derrière l’autre, réunies en haut par un seul tailloir qui occupe toute l’épaisseur du mur. Le clocher est coiffé par une pyramide moderne à quatre pans.

L’aspect de ce clocher massif est sévère. Il n’est pas, comme la plupart des clochers de la région, orné de pilastres et de colonnes engagées au milieu de la construction et près des arêtes. Pas de moulures aux archivoltes des baies. Les fenêtres hautes du clocher ne sont d’ailleurs pas entièrement romanes et, vues de près, les colonnettes appartiennent à toutes les époques du XIIe siècle au XVe siècle ; cela est dû, sans doute, à des réparations successives.

En résumé, cette église a une haute valeur. Elle appartient très probablement au premier quart du XIIe siècle.

Bibliographie — Une très bonne notice sur l’église de Bois-Sainte-Marie a été donnée par Joseph Déchelette dans L’art roman à Charlieu et en Brionnais, publié par F. Thiollier. Montbrison, 1892, in-4°.

Références

(1) Comm. du cant. de La Clayette, arr. de Charolles (Saône-et-Loire)
(2) Comm. de Saint-Racho, cant. de La Clayette, arr. de Charolles (Saône-et-Loire)
(3) J. Quicherat. Rodrigue de Villandrando, Paris, 1879, in-8°, p. 146.
(4) T. II, p. 18, fig. 2.

Compléments

Inventaire du patrimoine de Bois-Sainte-Marie par Raymond et Anne-Marie Oursel (AD71)

Photographie de l'église Notre-Dame en Noir & Blanc (Ministère de la Culture)

L'église de Bois-Sainte-Marie sur les Chemins du roman

Visite de l'église Notre-Dame de Bois-Sainte-Marie avec Pierre Durix (Vidéo 8')

Bois-Sainte-Marie dans la "Monographie des communes du Charollais et du Brionnais, volume I, Frère Maxime Dubois (1904)"

Description de Bois-Sainte-Marie dans "Communes du Brionnais en 1856, hameaux et écarts"

L'histoire de Bois-Sainte-Marie par le chanoine Chaumont (1909)

Photos de l'église de Bois-Sainte-Marie par Jean Virey (1935)

Description de Bois-Sainte-Marie par Courtépée (1779)

gif