Essai historique sur Châteauneuf-en-Brionnais,
ou châtellenie royale sur les bords du Sornin
Par l'abbé L. Pagani (1896)
Chapitre IV
Châteauneuf, châtellenie royale.
Ses seigneurs engagistes, barons du Banchet.
Châteauneuf, redevenu possession royale, voit disparaître les armes de Bourgogne pour être remplacées par celles du roi de France sur les portes de la ville et de la citadelle. L'on peut voir encore dans le parc du Banchet un de ces écussons aux armes royales, qui fut enlevé d'une des portes de la forteresse quand elle fut détruite définitivement sous Richelieu.
Alors le roi aliène la seigneurie de Châteauneuf et du Banchet à un seigneur engagiste avec faculté de rémérer, car les biens de la couronne ne peuvent jamais être définitivement cédés ou vendus.
Nous pensons cependant que, lorsque Louis XI était rentré en possession de Châteauneuf en 1477, il avait cédé également, à titre d'engagement, le domaine du Banchet à la famille Perière, que nous avons trouvé en possession de cette seigneurie.
Une charte des Archives de la Côte-d'Or nous apprend qu'en 1519 les Perière ayant disparu, nous ne savons pour quelle cause, le roi François Ier engage la seigneurie du Banchet, ou domaine de Châteauneuf, à messire Gérard de La Madeleine (1), d'une antique famille chevaleresque de l'Auxois.
Aux XII°, XIII° et XIV° siècles, les La Madeleine possédaient les seigneuries de Gratour et de Fournaulx ; un autre Girard de La Madeleine avait fait hommage de ces fiefs, en 1312, et Jean de La Madeleine en 1352 (2).
Gérard ou Girard de La Madeleine, qui devient seigneur de Châteauneuf, était le frère d'Edouard de La Madeleine avec lequel il était en possession de la seigneurie de Corcelles en Beaujolais, au commencement du XVI° siècle.
Les armes de cette famille sont : d'hermines à trois bandes de gueules, chargées de neuf coquilles d'or. Ainsi on les voit encore en l'église de Châteauneuf, au château du Banchet, et à Charlieu, au Poyet. Les coquilles prouvent ses voyages outre-mer et sa part aux Croisades. Sa devise : Ayez l'amour de la Madeleine, est une preuve de sa foi chrétienne. Les tenants de l'écu sont deux anges et parfois deux sauvages, qui rappellent les expéditions contre les Sarrazins ou Maures (3).
(1) Arch. Côte-d'Or, vol. I, B. 986, n° 91.
(2) Arch. Saône-et-Loire, E. 910. Arch. Côte-d'Or, B. 986.
(3) Gras, armorial du Forez.
Le roi cédait, en ce temps, la jouissance de la seigneurie de Bois-Sainte-Marie, également châtellenie royale, à messire Marc de Chantemerle, de la famille seigneuriale de Vougy, près de Roanne. Les Chantemerle portaient : d'or à deux fasces de gueules, accompagnées de neuf merlettes de même, rangées en orle ; quelquefois : écartelé au 2° et 3° d'azur au sautoir d'argent (1).
La seigneurie de Bois-Sainte-Marie passera plus tard des Chantemerle aux La Madeleine-Lesdiguières, de là à la princesse d'Armagnac, puis au marquis de Drée jusqu'à la Révolution (2).
Les châtellenies royales de Bois-Sainte-Marie, de Châteauneuf et de Marcigny, se devaient un mutuel secours et avaient à contribuer, comme faisant partie du bailliage de Mâcon, aux impositions prélevées pour la réparation des murailles de cette ville (3). Elles devaient aussi prendre leur part des frais occasionnés par le passage des gens de guerre, en Mâconnais ; mais, vers 1550, les dites châtellenies ayant été rattachées au bailliage d'Autun, elles sont exemptées de ces charges (4).
(1) Gras, Armorial du Forez.
(2) Arch. Gens., notes.
(3) Arch. Saône-et-Loire, Mâcon, B. 1339, n° 1592 à 1607.
(4) Id., C. 627.
Le Seigneur de Châteauneuf, Girard de La Madeleine, avait épousé Claude ou Claudine de Damas, fille de Jeannin de Damas, seigneur de Montagu, et de Huguette de Ragny, fille et seule héritière de messire Claude, seigneur de Ragny, chevalier. C'est ainsi que la terre de Ragny, érigée quelques années plus tard en marquisat, arrivera aux La Madeleine. Girard de La Madeleine, l'époux de Claude de Damas, était seigneur de Corcelles, de Coulanges et de Châteauneuf. Il fut bailli d'Auxois et était fils d'Edouard de La Madeleine, seigneur de Corcelles (1).
(1) Arch. des de Damas, notes Gens.
Ce fut ce nouveau seigneur de Châteauneuf, riche personnage, héritier des biens des Ragny, qui fit bâtir, ou plutôt reconstruire, sur les assises de l'ancien château du Banchet, le bel édifice gothique que l'on admire aujourd'hui. Il lui conserva ses enceintes et ses tours fortifiées, ainsi que ses fossés, tout en l'appropriant à un séjour plus agréable et plus conforme au luxe de l'époque et à la condition d'un grand seigneur de la cour de François Ier.
Girard de La Madeleine meurt en 1546, et sa veuve, Claudine de Damas, se remarie quelque temps après à Humbert de La Platière, seigneur du Bourdillon (1). Les armes de Damas, que l'on voit encore à Châteauneuf, sont : de gueules à la croix ancrée d'or.
Les La Madeleine écartelèrent alors leur écusson, de Damas et de Ragny, qui est : de gueules à trois bandes d'argent. Ecusson qui se voit encore sculpté dans l'église de Châteauneuf.
Girard de La Madeleine laissait de Claude de Damas, François de La Madeleine, fils puîné qui fut marquis de Ragny, seigneur de Châteauneuf, gouverneur du Nivernais, lieutenant du roi au pays de Bresse et de Charollais, maréchal de camp et capitaine de cinquante hommes d'armes. Né le 23 août 1543, il fut d'abord page de Henri II, et servit dignement les rois Charles IX, Henri III et Henri IV. Il épouse, en 1572, Catherine de Marcilly, fille de Philibert de Marcilly et de Louise de Halevin.
Les Marcilly portaient : de sable à trois fasces ondées d'or, à la bordure de gueules (2).
Girard de la Madeleine laissait un autre fils, nommé Jean, auquel il donna à sa mort cent écus, valant 225 livres (3).
(1) Arch. de Saône-et-Loire, E. 26.
(2) Arch. de Saône-et-Loire, F. 929.
(3) Saint-Simon.
François de La Madeleine, marquis de Ragny et seigneur de Châteauneuf, mourut en 1626, et fut enterré ainsi que sa femme, en l'église de Savigny, sur la paroisse de Ragny, dont il était bienfaiteur ; l'on y voit encore son tombeau.
Ragny-en-Auxois était un fief important sur la paroisse de Savigny, qui devint plus tard marquisat, et comprit Marmeau, Saulx, Trivilly, Varennes, Brécy, Beauvoir, Tronçois, Tréviselot, Sauvigny-le-Beuréal et les deux tiers de la paroisse de Savigny.
La maison de Ragny apparaît, en 1268, en la personne de Guillaume de Ragny ; Edmond de Ragny, en 1383 ; Pierre de Ragny, son fils, épouse Alice de Beauvoir et fonde la chapelle du château de Ragny, sous le vocable de Saint-Siméon. Son fils Eudes de Ragny a pour fils Claude, qui est inhumé en 1505, à Savigny, dans la chapelle seigneuriale. Claude de Ragny n'a qu'une fille, Claude ou Claudine, qui épouse Girard de La Madeleine et lui apporte la terre de Ragny (Courtépée).
François de La Madeleine se distingua par son zèle pour le parti royaliste au temps de la Ligue ; d'après d'Aubigné, ce fut un rude jouteur : il battit, près de Joigny, le vicomte de Tavannes, un des chefs de la Ligue. C'est en récompense de ses services, que Henri IV érigea la terre de Ragny en marquisat. De sa femme, Catherine de Marcilly, il eut trois fils : 1° Léonard, qui fut marquis de Ragny et chevalier des ordres du roi, conseiller d'Etat, capitaine de 50 hommes d'armes, lieutenant pour le roi, aux comtés de Charollais, pays de Bresse et de Bugey ; il mourut le 22 juillet 1628, et fut enterré en l'église des Minimes d'Autun. Il épousa Hyppolithe de Gondy, fille puînée d'Albert de Gondy, duc de Retz, pair et maréchal de France. II en eut : Claude de la Madeleine, marquis de Ragny et de La Bruyère, en Languedoc, qui fut lieutenant général pour le roi, en Bresse, et mourut sans enfant, en 1631 ; et Anne de La Madeleine, qui épousa Charles-Antoine de La Madeleine et seigneur d'Epéry (1) ; elle épousa en seconde noce François de Bonne de Créquy, duc de Lesdiguières, et mourut à Paris, en 1656, le 2 juillet.
Jacques de La Madeleine, second fils de François de La Madeleine de Ragny et de Catherine de Marcilly, fut comte de Ragny et lieutenant du roi en Nivernais. Né en 1589, il mourut en 1654 et fut enterré à Saint-Emillion, paroisse d'Epiry. Il avait épousé Elisabeth de Nicey ou Nucey, dont il eut : 1° Léonor, mort jeune ; 2° Claude, qui hérita de son titre de comte de Ragny ; 3° François, qui mourut à Paris, à 18 ans ; 4° Roger, qui mourut enfant ; 5° Claude, qui fut chevalier de Malte, fut tué en un combat contre les Infidèles ; 6° Antoine, qui fut comte de Nucey et bailli de la Montagne ; 7° Erard Anne, qui fut abbé de Notre-Dame de Tironneau et doyen du chapitre d'Autun ; 8° François, soldat qui fut blessé à mort au siège de Candie, en 1668, il était âgé de 28 ans ; 9° François-N., abbé de Saint-Symphorien d'Autun ; 10° Jacques et Jean-Baptiste, tous deux dans les ordres ; 11° Gabrielle, morte jeune ; 12° Anne, qui fut abbesse de Notre-Dame de Saint-Julien d'Auxerre et mourut le 10 janvier 1693 ; 13° Gabrielle, qui épousa Philibert-Alexandre, seigneur de Poyet et de Sainte-Colombe et mourut à 24 ans ; 14° Enfin, Christine, qui ne se maria pas (2).
(1) Arch. Saône-et-Loire, E. 322.
(2) D'Hozier.
Les autres fils de François de La Madeleine et de Catherine de Marcilly furent : Claude, évêque d'Autun, mort le 21 avril 1652 ; Anne, abbesse de Saint-Jean, à Autun, morte le 1er avril 1657, elle avait 80 ans ; Louise abbesse de Notre-Dame de Saint-Julien d'Auxerre, morte en 1605 ; Gabrielle, qui succéda à sa sœur Louise comme abbesse de Saint-Julien d'Auxerre, morte le 27 août 1656 ; Jeanne, abbesse de Notre-Dame-de-Réconfort, morte en 1635 ; Françoise, femme de Jacques-François de Vienne, comte de Commarin ; Marguerite, mariée à Louis de Rivière, seigneur de Chanlency en premières noces, et en secondes noces à François de Rabutin, seigneur d'Epiry, morte sans enfants ; Madeleine, qui ne s'est pas mariée (1).
Claude de La Madeleine, fils de Jacques de La Madeleine et d'Elisabeth de Nucey, fut comte de Ragny, bailli de la Montagne ; il fut baptisé à Châteauneuf, en 1622 (reg. paroiss.) ; il épousa, en 1655, Catherine de Sommières, il mourut à 45 ans, en 1666, laissant de cette alliance : 1° Anne-Bernard, qui fut comte de Ragny ; 2° Anne-Louise, religieuse à Saint-Julien d'Auxerre ; 3° Marie-Françoise, religieuse à la Visitation de Semur ; 4° Catherine-Charlotte, qui épousa, le 11 août 1686, François d'Estut, seigneur de Tracy ; 5° Antoine ; 6° François, abbé de Saint-Symphorien d'Autun ; 7° Jean, abbé ; 8° Anne-Louise, abbesse de Saint-Julien d'Auxerre ; 9° Marie-Madeleine, religieuse à la Visitation de Semur.
Anne-Bernard, fils aîné de Claude de la Madeleine et de Catherine de Sommières, fut comte de Ragny, seigneur d'Epiry ; il épousa Marie-Antoinette de Damas, héritière des Marcilly. Elle était fille de Charles de Damas, baron de Marcilly et de Marie de Gannay. D'où : N. de La Madeleine, né en 1694 ; Erard, chevalier de Malte ; deux autres fils et Catherine-Bernardine (2).
(1-2) D'Hozier.
En 1666, à la mort de son mari, Claude de La Madeleine, comte de Ragny, Catherine de Sommières se fait constituer une rente viagère par ses enfants (1).
Au XVI° siècle, les La Madeleine se sont alliés aussi aux de Rochefort. Claude de Rochefort, seigneur de Pleuvant, qui fut tué en 1557 à la bataille de Saint-Quentin, avait épousé, en janvier 1545, Catherine de La Madeleine, dame de Beauvais-en-Auxois, veuve de N. de Ferrières, seigneur de Presle, etc. Cette Catherine était fille de Girard de La Madeleine et de Claude de Damas, dame de Ragny. Ce Girard de La Madeleine, père de Catherine et aïeul de Claude, qui a formé la branche de Luçay, possédait à Mâcon, rue de la Barre, un hôtel qui fut vendu en 1540 à Philiberthe de Sachins. Cet hôtel passa par héritage à Charles Descrivaux, fils de Philiberthe, puis aux Chanuet.
De son mariage avec Claude de Rochefort, Catherine eut : 1° Joachim de Rochefort ; 2° Claude de Rochefort, d'où est sortie la branche des Luçay-Rochefort. Catherine épousa en troisièmes noces Louis de Costa, comte de Boigne en Piémont (2).
(1) Arch. Saône-et-Loire, ch. 910, E.
(2) Père Anselme, Hist. des Grands Officiers, t. IX, p. 113. La Chesnay des Bois, t. IX, p.295. Arch. Saône-et-Loire, Titres de familles 1731.
Au moment où les La Madeleine devenaient seigneurs de Châteauneuf, un membre de cette famille était un personnage important dans le gouvernement de l'abbaye de Cluny.
Jean IV de La Madeleine était abbé de Saint-Rigaud ; il avait été auparavant prieur de la Charité. Il devint par la suite prieur de Charlieu et de la Madeleine à Charolles. Devenu grand Prieur de Cluny, il fut élu abbé de la célèbre abbaye en 1518.
Il avait obtenu du pape Léon X, cette même année, une bulle enjoignant à tous ceux qui détenaient des biens appartenant à l'abbaye de Saint-Rigaud, de les restituer au plus tôt sous peine d'excommunication (1). Il demeura dix ans dans ces hautes fonctions, mais, en 1528, il donnait sa démission en faveur d'Aymar Gouffier de Boisy, et se retirait au prieuré de La Charité-sur-Loire, où il mourait en 1537, le 17 avril (2). Ce fut Jean IV qui, au temps où il était prieur de Charlieu, bâtit l'hôtel du prieuré et la chapelle de Notre-Dame (3) dans cette ville. Ce prieuré de Charlieu avait été donné à saint Odon, abbé de Cluny, vers la fin du X° siècle, par Hugues, roi d'Italie et par le pape Léon VII.
Construit par Robert, évêque de Valence et Edouard son frère, au territoire de Mâcon, avec la coopération d'un abbé Gausmar et de ses moines, il avait reçu son nom, paraît-il, de la beauté du lieu où il se trouvait, Carus Locus, Charlieu. Il eut dès le début à lutter contre les envahissements du comte qui commandait le château fort à Charlieu, situé dans le faubourg des chevaliers. En 990, Saint-Odilon qui, le premier, avait pris possession du prieuré au nom de Cluny, fut obligé de porter plainte au concile d'Anse contre ce comte spoliateur. Condamné par les pères du concile, qui avaient entre les mains une arme alors redoutable, l'Excommunication, le comte de Charlieu restitua aux moines ce qu'il leur avait enlevé (4). Ce comte devait être un Le Blanc, des vicomtes de Mâcon.
(1) Arch. Saône-et-Loire, H. I, p. 1620.
(2) Cucherat, Hist. de l'abbaye de Saint-Rigaud, p. 48. Courtépée, Description du duché de Bourgogne, t. III, p. 20.
(3) Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p. 26.
(4) Pignot, Hist. de l'Ordre de Cluny, t. I, p. 412. Voir dans l'Art Roman de M. F. Thiollier, Charlieu et ses origines, p. 11 et suivantes.
L'auteur de l'histoire des évêques de Mâcon nous fait connaître la cause de la démission de Jean IV, comme abbé de Cluny. Il avait été élevé à cette haute dignité par l'élection du chapitre de l'ordre, selon les anciens usages. Tous avaient reconnu en lui un homme éloquent, vertueux, habile et zélé, ayant déjà la charge de grand prieur de l'ordre. Mais le roi, François Ier, qui, d'après le concordat passé avec le Pape Léon X, avait la nomination des évêques, des abbés et des prieurs, nomination enlevée aux chapitres et aux couvents, posa son veto à cette nomination. On lutta pendant dix ans pour conserver les anciens privilèges, mais le roi resta maître, et Jean IV de La Madeleine fut obligé de se démettre (1).
(1) De La Rochette, Hist. des év. de Mâcon, t. II, p. 443.
Par cette nouvelle organisation de l'Eglise de France, la plus grande partie des biens du clergé passait aux mains du roi, qui s'en servit alors pour récompenser les services rendus par de nobles familles, dont un des membres se trouvait gratifié d'un de ces riches bénéfices. L'abus se glissa bientôt dans ce choix des sujets : non seulement les clercs, mais, ce qui est contraire à la constitution de l'église, des séculiers, de hautes dames et de nobles seigneurs furent appelés à en jouir. De là de graves abus, un relâchement constant dans la règle monastique, qui amenèrent la destruction de nos grandes abbayes ; cependant elles avaient rendu de signalés services pendant de longs siècles à la société chrétienne et à la monarchie française.
Jean de La Madeleine eut la gloire d'avoir lutté avec la plus ferme énergie pour la défense des droits monastiques. Il fut le dernier abbé électif, il avait succédé à Geoffroy d'Amboise sur le siège abbatial de Cluny.
Son neveu Claude II de La Madeleine, lui avait succédé, en 1518 dans sa dignité d'abbé de Saint-Rigaud ; il fut en même temps prieur de Charlieu (1) 1528.
Claude II ne fut pas le premier abbé du nom de La Madeleine, qui arriva à la dignité d'abbé de Saint-Rigaud. En 1471, Claude Ier de La Madeleine avait été élu ; il gouverna vingt-sept ans ce monastère. En 1479, il fait reconnaître les droits qu'il avait de faire garder les bois qui appartenaient à l'abbaye. Ces bois s'étendaient depuis le bois d'Avignon jusqu'à la forêt royale d'Avaise (2). Il ajoute à son titre d'abbé, en 1492, ceux de docteur en droit canon et de prieur de Saint-Thibaud-en-Auxois ; puis celui de juge et de conservateur des privilèges de l'ordre de Cluny, en 1494.
Les moines de l'abbaye de Saint-Rigaud avaient dû élever de hautes murailles et creuser de larges fossés autour de leur monastère, pour se défendre contre la cupidité des gens de guerre et de certains seigneurs voisins. En 1497, apparaît une sentence de Claude II, abbé, qui oblige les tenanciers et vassaux de Saint-Rigaud à curer les fossés du couvent et de la maison forte que les moines avaient édifiée à côté de l'abbaye pour la protéger (3).
(1) Cucherat, Hist. de l'abbaye de Saint-Rigaud, p 49.
(2) Arch. S.-et-L., H. 1, 1620.
(3) Cucherat, Hist. de l'abbaye de Saint-Rigaud, p 48.
Cette antique abbaye était situé tout près de Saint-Maurice-lez-Châteauneuf. Son emplacement avait été désigné et choisi par le pape Alexandre II, et ses fondateurs furent Grégoire VII, Humbert, archevêque de Lyon, et Drogon, évêque de Mâcon, de 1065 à 1080. Ils eurent dans cette œuvre le concours des plus grands seigneurs de la contrée, Hugues, comte de Chalon, Guy, comte de Mâcon, Guillaume, comte de Forez, Hugues-le-Blanc, vicomte de Mâcon, seigneur de Châteauneuf, qui lui donne de riches domaines en Auvergne ; Artaud, son frère, seigneur de Néronde, qui, en 1065, donne à l'abbaye, terres, prés, champs, bois, etc., depuis la rivière de Suppléon jusqu'à celle de l'Osière, tels qu'il les avait reçus de son père (1). Le premier abbé fut saint Eustorge, qui en est regardé comme le véritable fondateur. Le monastère devint bientôt fort important, et l'on consacrait son église, le 18 décembre 1067.
(1) Arch. S.-et-L., H. I, 1620, 1894. Courtépée veut que cet Artaud soit fils de Boson, comte de Périgord et de la Manche. En citant Théobald de Vichy, qui fut témoin de la fondation de Saint-Rigaud, il dit : Les Vichi sont fort anciens, leur terre de Champrond en Mâconnais a été érigée en comté en 1644, en faveur de Gaspard de Vichi, gouverneur du Pont-Saint-Esprit. Théobald de Vichi fut témoin de la fondation de Saint-Rigaud, faite en 1065 par Artaud, fils de Boson, comte de Périgord et de la Manche. Damas de Vichi, sire de Cusset, suivit saint Louis en son voyage de Terre-Sainte et fit son testament en 1279. Jean de Vichi échangea la terre de Vichi contre celle de Jausac avec le duc de Bourbon en 1344. Parmi les chevaliers de l'écu d'or ou de Notre-Dame du Chardon, institués en 1370, par Louis II, duc de Bourbon, pour la principale noblesse de son pays, on y voit Guillaume de Vichi. Presque tout les Vichy-Champrond ont porté le nom de Carados. Leur armes sont : de vair ... Courtépée. Voyage en Bourgogne en 1776, publié par A. de Charmasse et G. de La Grange, Autun, Dejussieu, 1895 p. 68.
D'après une tradition respectable, nous dit Cucherat, Pierre l'Hermite, le prédicateur populaire de la première Croisade, aurait été un enfant de l'abbaye de Saint-Rigaud. C'est de là qu'il serait parti, en 1093, pour faire son pèlerinage en Terre-Sainte, d'où il revint navré et désolé des malheurs des chrétiens de la Palestine et de la désolation des Saints Lieux. Il parcourut alors la France, qui se leva pleine d'ardeur au souffle de sa chaude parole, pour aller délivrer le tombeau du Christ (1).
Parmi les abbés de Saint-Rigaud, nous trouvons, en 1409, Raoul Perière, des seigneurs du Banchet, qui reçoit du pape Benoit XIII une bulle, lui accordant le titre d'abbé de Saint-Rigaud, ce qui laisserait croire que jusqu'alors ce n'était qu'un prieur qui gouvernait l'abbaye (2). Son neveu, Thomas Perière, est abbé de 1445 à 1456, il autorise les moines de Cluny à percevoir une portion de dîme sur des terres dépendantes de l'abbaye de Saint-Rigaud (3).
En 1578, c'est Antoine d'Amanzé, doyen de l'Église de Lyon et grand-vicaire de l'archevêque, qui est abbé ; il était fils de Jean III, d'Amanzé, et de Béatrix de Chevrières. Il eut trois frères qui moururent au service de la France ; Jean, l'aîné, fut tué à Pavie, Guillaume, à Renty, et un autre, Jean, à Saint-Quentin. Antoine d'Amanzé se démet de sa dignité en faveur de Michel de Villecourt, en 1577 (4).
(1) Voir Bulletin de la Diana, t. VIII, p. 192 et suivantes.
(2) Arch. S.-et-L., H. 1, 1628.
(3) Id.
(4) Cucherat, Hist. de l'abbaye de Saint-Rigaud.
Les armes de l'abbaye de Saint-Rigaud étaient : de gueules à une crosse d'argent soutenue de deux lions affrontés de même.
L'abbaye de Cluny, maison mère de Saint-Rigaud, portait : de gueules à une épée d'argent mise en pal, la garde et la poignée d'or, la pointe en bas, accompagnée de deux clés adossées d'argent brochant sur le tout.
L'abbaye de Saint-Rigaud possédait les dîmes de la paroisse de Saint-Pierre-Laval ; au XVIII° siècle, elle cède ses droits sur ces dîmes aux seigneurs de Lalière, en Roannais. Ces dîmes, sur laquelle le curé de Saint-Pierre-Laval prélevait une partie de sa portion congrue, avaient été données aux moines de Saint-Rigaud, au temps où le roi saint Louis se préparait à aller à Jérusalem avec une grande armée : Tempore quo Ludovicus rex (saint Louis) iturus esset Jerusalem cum exercitu magno. (Arch. de Châteaumorand.)
Ne serait-ce pas lorsque saint Louis, comme nous l'avons vu plus haut, serait venu à Châteauneuf ? Reçu dans l'abbaye qui se trouve très près de là, il aurait voulu se reconnaître de l'hospitalité reçue, en faisant ce don royal. Cette dîme fut aliénée par Antoine d'Amanzé, abbé commendataire de Saint-Rigaud, en faveur de Jacqueline de Chauzy, dame de Lalière, dans ces temps déplorables de la commende, où les abbés disposaient, presque sans contrôle, des biens des leur monastère (1).
Nous pouvons citer un autre abbé de Saint-Rigaud, en 1248, Nicolas, et qui fait association fraternelle avec Athanoulfe, abbé de Flavigny et son monastère (2).
En 1749, l'abbé commendataire de Saint-Rigaud est Pierre-François d'Esteno, il est mis en possession de l'abbaye cette année même. A sa mort, 1759, apparaît le procès-verbal de visite et de réparations à faire à ladite abbaye et à ses dépendances, fait à la requête de Jean-François d'Espiard, son successeur (3).
(1) Abbé Reure, Hist. du chât. et des seign. De Lalière, Roanne, J. Miquel, 1893.
(2) Arch. du Rhône, fonds de Châteauneuf.
(3) Arch. S.-et-L., t. Il, série B., 2371.
En 1787, l'abbé de Saint-Rigaud est Hector-Bernard de Drouas de Roussey, vicaire général d'Autun ; on tient en son nom les assises où doivent se présenter tous les tenanciers de l'abbaye (1). Ce fut le dernier abbé commendataire de cette abbaye, qui disparaît, comme tant d'autres, à la grande Révolution. Maintenant, il n'existe de cet antique monastère, que des vestiges peu importants (2).
De 1550 à 1580, ce fut une époque des plus malheureuses pour le Mâconnais et le Brionnais ; les armées calvinistes y causèrent des ruines impossibles à décrire. « Les Huguenots y commirent tant d'horreurs, dit un témoin oculaire, que des démons eux-mêmes en auraient frémi (3). »
Les églises, les monastères et leurs sanctuaires sont pillés, dévastés, souvent incendiés, et cela au nom de l'affranchissement des consciences, c'est-à-dire de la plus odieuse tyrannie.
Cette terrible guerre religieuse qui couvrit ces contrées de tant de ruines était née de cet esprit de révolte orgueilleuse qui vit malheureusement au fond de toute nature humaine. Sous le prétexte de redresser des abus, qui existaient sans doute, mais non au point que les ennemis du catholicisme à cette époque voulurent le prétendre, ils se livrèrent aux actes de la plus affreuse barbarie, sans penser qu'on ne corrige jamais par la violence d'une manière durable. Ces partisans de la soi-disante Réforme, s'étaient répandus parmi bien des provinces de France, jetant ça et là leurs doctrines pleines de fiel contre la papauté et de séduction pour les âmes peu aguerries contre les austérités de la loi évangélique (4).
(1) Arch. S.-et-L., t. II, série B, 2371.
(2) Nous avons donné ce petit aperçu sur l'abbaye de Saint-Rigaud, les rapports entre Châteauneuf et Saint-Rigaud étant très fréquents.
(3) De la Rochette, Hist. des év. de Mâcon, t. II, p. 275, 481, 482.
(4) Non seulement, ils flattaient la cupidité en offrant les dépouilles des couvents, mais ils prônaient la morale la plus facile, supprimant tout ce qui met un frein à la volupté. Plus de confession, plus de célibat, plus de jeûnes et d'abstinences ; les bonnes œuvres elles-mêmes étaient pour eux inutiles, la foi suffisait ; enfin plus de vœux, source de tous les dévouements.
Ils annonçaient des choses merveilleuses et la suppression des couvents dont on allait partager les biens, au moyen de quoi tous les pauvres allaient devenir riches. Les pauvres gens trompés, qui marchaient à leur suite pour saccager les monastères et chasser les religieux, ne songeaient pas qu'une abbaye répandait bénédictions et aisance dans les villages qui existaient à l'entour, et que sa suppression n'enfantait que misères. Ils ne réfléchissaient pas qu'on leur conseillait de s'enrichir par le pillage et le vol, moyen toujours des plus injustes, s'excusant sous le faux prétexte que les biens de l'église étaient le patrimoine des pauvres, et qu'au lieu de l'usufruit ils avaient droit à la propriété. Parfois, affectant des sentiments d'intégrité et de désintéressement, ils brûlaient les richesses artistiques et religieuses dans leur puritanisme féroce ; mais habituellement ils pillaient avant de saccager, de brûler et de détruire, et l'on vit ces bandes emporter avec elles de riches butins.
Nous assistons de nos jours à une guerre semblable, faite aux maisons religieuses, mais d'une autre façon. Il est bon d'exciter la convoitise de gens ignorants sur lesquels on s'appuie pour gouverner, sans vouloir s'apercevoir qu'on travaille à la destruction de la prospérité et de la gloire de la patrie. Mais le patriotisme n'existe guère en ces âmes vénales, ambitieuses et sectaires, qui ne veulent la liberté que pour eux, au mépris de toute justice.
En 1562, Paray-le-Monial, Marcigny, sont pris et saccagés par les Huguenots, sous la conduite de Poncenac et de Saint-Auban. Ils s'avancent sur Charlieu, mais trouvant la ville bien gardée et ceinte de bonnes murailles, ils s'éloignent et portent leurs dévastations ailleurs (1). Tout le pays autour de Belmont fut dévasté en cette tourmente religieuse. En 1567, Poncenac reparaît à la tête de 6.000 Huguenots, traverse en les ravageant les montagnes de Propières, Belleroche et Belmont, de retour d'une expédition en Mâconnais et Charollais ; il évite encore Charlieu, bien gardée par les catholiques, et va se faire battre à Champoly (2).
Ce fut vers le même temps, 1567, que les Calvinistes pillèrent le Bois-Sainte-Marie, qui avait été déjà si cruellement éprouvé par les Armagnacs, en 1420. Aussi, à la suite de toutes ces dévastations, cette petite ville, qui fut le chef-lieu d'une châtellenie importante, alla-t-elle toujours en déclinant. Après avoir été le siège d'un archiprêtré, d'un hôtel des monnaies, d'une prévôté et d'un chef-lieu de canton après 1793, elle n'est plus maintenant qu'un humble petit village. D'après Courtépée, ce sont les Calvinistes qui, en 1567, ont détruit son prieuré, qui avait été l'origine de la ville et de son importance (3).
(1) F. Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p. 26.
(2) Id., p. 26.
(3) Id., p. 26-65.
Le terrible huguenot, Poncenac, dont les châtellenies de Châteauneuf et du Bois-Sainte-Marie eurent tant à souffrir, était seigneur de Changy, l'antique Cangiacum, au canton de la Pacaudière. Ce lieutenant du féroce baron des Adrets, ayant été tué à la bataille de Cognat, fut rapporté à Changy et inhumé dans le tombeau de sa famille ; mais quelque temps plus tard, les soldats catholiques l'exhumèrent et jetèrent ses cendres au vent (1).
En 1570, c'est l'amiral de Coligny, puis le prince de Condé qui, à la tête des Huguenots, pillent et brûlent un grand nombre de villages en Mâconnais, massacrant prêtres, religieux ainsi que les paysans restés catholiques et qui cherchaient à les repousser. L'abbaye de Cluny, devenue la propriété de la famille de Lorraine, qui la tenait en commende, s'était vue plusieurs fois prise et saccagée par ces bandes féroces qui, cette année la ravagent complètement. Les Huguenots s'emparent de ses richesses artistiques et religieuses, qu'on avait renfermées au château fort de Lourdon qu'ils prennent d'assaut et qu'ils détruisent (2). De là ils font faire le siège de Thizy en passant par Belmont et Châteauneuf, qui dut recevoir plusieurs fois leurs visites.
Une autre bande conduite par Briquemont traverse ces contrées, la même année 1570, et vient mettre le siège devant Charlieu ; mais encore une fois la ferme contenance du capitaine châtelain et des habitants, la force à se retirer, et elle va subir un grave échec entre Arcinges et Ecoches (3).
(1) F. Thiollier, le Forez, p. 86.
(2) De la Rochette, Hist. des év. de Mâcon, t. II, p. 496.
(3) Thiollier, l'art roman en Brionnais, p. 26.
Charlieu et Châteauneuf revoient les Huguenots en 1576, sous les ordres de Coligny. Cette fois la ville de Charlieu compose et paye rançon pour éviter les suites terribles d'un assaut (1).
Quel fut le sort de Châteauneuf pendant ces incursions militaires en Brionnais ? Les Huguenots avaient fait des prosélytes jusque dans la famille de La Madeleine, peut-être la ville a-t-elle dû à cela d'être respectée par eux. Anne de La Madeleine, dame de La Bazolle, fille de François de La Madeleine et de Catherine de Marcilly, avait embrassé la Réforme. Obligée par l'édit d'Union ou d'y adhérer ou de sortir du royaume, elle demande la permission de prolonger son séjour, faveur qu'elle obtient grâce à sa famille restée catholique ; elle était en même temps dame de la Ferté Supérieure (2).
(1) Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p. 26.
(2) Arch. S.-et-L., E. 910.
La Bazole ou Bazolle, dont elle était dame, était un fief important sur la paroisse de Curbigny, au nord de la Clayette. Son château magnifique existe encore, sous le nom de château de Drée ; il appartient actuellement à la comtesse de Croix. Il fut bâti par le duc de Lesdiguières, puis achevé et restauré par le marquis de Drée, en faveur duquel cette terre fut érigée en marquisat en 1768. La Bazolle avait appartenu à Edouard de Damas, qui la laissa à sa sœur, Anne de Damas, femme de N. de Belarbre. Anne la vendit à Girard de La Madeleine de Ragny, de qui elle vint aux Lesdiguières. En 1760, elle était en la possession de la princesse de Lorraine, qui la vendit, en 1748, à Gilbert de Drée, seigneur de Vertpré, vieux fief et château dont on voit encore les ruines près de la route qui conduit de Chauffailles à Charlieu, à trois kilomètres du bourg de Chauffailles. Ce fief de Vertpré avait eu pour seigneurs, au XV° siècle, les de Saint-Haon (1).
D'ailleurs, en ce temps, le pays était gardé par les troupes de la Ligue.
Pierre d'Epinac, lieutenant général au gouvernement de Bourgogne, avait envoyé l'ordre à Mâcon de loger cent hommes d'armes de la Compagnie du duc de Guise ; et au seigneur d'Annebault de loger ses quarante lances avec leur suite d'archers, partie à Bois-Sainte-Marie, partie à Marcigny, partie à Châteauneuf, partie à La Clayette, pour défendre le pays contre les Huguenots (2).
(1) Courtépée, dans son Voyage en Brionnais, en 1776-77, p. 161, dit : « Bazole, magnifique château, séjour ancien des Damas et des Lesdiguières, acquis de Mlle d'Armagnac, par M. de Drée, et auquel il a donné son nom en le faisant ériger en marquisat. Je descendis ensuite à Curbigny... et je revins pour mes péchés coucher chez le curé du Bois-Sainte-Marie. Comme il achevait de bâtir son presbytère, il était gîté dans une misérable cabane fort malpropre, où toute la nuit je fus dévoré de certains petits animaux aussi incommodes que dégoûtants. J'eusse mieux aimer coucher sur la paille fraîche... Ce bon curé parut plus fâché que moi de ma nuit blanche. Au matin après avoir vu son église, assez beau vaisseau, mais mal orné, qui servi aux moines du prieuré, et la jolie chapelle des Rambuteau, fondée en 1606, par N. Barthelot, châtelain au Bois-Sainte-Marie, je me rendis, selon ma promesse à Rambuteau : j'y dis la messe le jour de saint Jérôme (le 30 septembre) et je fus très édifié de la piété des assistants. »
(2) Arch. de Mâcon. E. E., liasse 26.
Cependant François de la Madeleine, baron de Châteauneuf, titre que nous trouvons pour la première fois dans les actes, chevalier des ordres du roi, en 1567, reprend fief à Cisery, achète, en 1577, à Guy Moreau, docteur en droit et seigneur de Soutrey, la Seigneurie de Saint-Sernin (Vauban) au prix de mille livres. L'année précédente, 1576, il avait vu les Reîtres, sous les ordres du prince Casimir, ravager le Brionnais et les environs de Châteauneuf. Dans leur fureur huguenote, ils saccagent le prieuré d'Anzy, brûlent et jettent au vent les reliques des saints, entre autres celles de saint Hugues, l'illustre fondateur de ce prieuré (1).
En 1585, François de La Madeleine de Ragny, seigneur de Châteauneuf, fait l'aveu et le dénombrement de ses fiefs à la Cour des comptes de Dijon (2). Cette même année, on signale une grande peste à Charlieu et dans les environs (3) ; elle fait beaucoup de ravages.
Dans une sentence portée par les juges de la châtellenie de Châteauneuf apparaît, en 1577, la famille du Bost, seigneur du Moulin et de Viry. Jean du Bost, seigneur du Moulin et de Viry est condamné à payer la dîme à Gaspard de Vernay, abbé de Saint-Rigaud, pour toutes les terres que le sieur Jean du Bost possède à Saint-Maurice-lez-Châteauneuf (4).
(1) Arch Côte-d'Or, B. 10.660-10.667. Cucherat, Anzy-le-Duc, Courtépée, t. IV, p. 196.
(2) Arch. Côte-d'Or, B. 10.682.
(3) De Sevelinges, Hist. de Charlieu, p. 198.
(4) Arch. S.-et-L., H. 159.
Cette famille du Bost, qui portait : d'argent au chêne arraché de sinople, glandé d'or, à une tête de loup de sable bissant du pied de l'arbre (Gras), avait fiefs à Boisvert, Pesselay et Viry. Leurs armes où l'on voit parfois un sanglier gisant derrière l'arbre, nous laissent croire que celui qui a pris cet écusson était un grand chasseur de loups et de sangliers dans ce pays de montagnes boisées. Quant aux de Vernay ils devaient porter : d'or à un arbre de sinople (Gras), à moins que ce ne soient ceux que signale Le Laboureur dans les Mazures et qui portaient : d'hermines à un chef de gueules (1).
En 1589, Lyon s'était prononcé en faveur de la Ligue, Charlieu refusa aux émissaires envoyés par cette ville d'en faire partie, et, en mars 1590, elle laisse entrer en ses murs le royaliste Henri d'Apchon, seigneur de Saint-André, qui luttait pour Henri IV. La garnison royale, établie à Charlieu, se met en campagne, chasse les Ligueurs de la châtellenie et pousse ses excursions jusqu'à Villefranche. Le ravitaillement de Lyon étant ainsi menacé, les Ligueurs, conduits par Saint-Sorlin, Anne d'Urfé et Chevrières marchent sur Charlieu, résolus à frapper un grand coup. Le jeudi, 3 mai, Saint-Sorlin arrivé par Châteauneuf, ce qui nous fait supposer que cette ville était au pouvoir des Ligueurs, fait battre la place toute la journée par son artillerie, ouvre la brèche et donne l'assaut. La ville se rend à discrétion. Elle est aussitôt mise à sac ; on passe au fil de l'épée ce que l'on rencontre et« furent pendus aux fenêtres plusieurs des principaux de Charlieu ». Le sire de Fougières s'y installe alors et tient garnison pour la Ligue (2).
(1) Mazures, t. II.
(2) Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p. 26.
De là, pendant les années qui suivent, la Ligue porte ses fureurs en Brionnais et s'établit à Anzy-le-Duc. D'Amanzé, capitaine royaliste, luttant pour le roi, reprend aux Ligueurs Anzy-le-Duc, en juin 1594. Mais le 5 août suivant, le ligueur, capitaine Després, gouverneur du château d'Arcy, reprend Anzy sur les royalistes et abat les portes du prieuré, ainsi qu'une partie de ses murailles, de crainte que les royalistes ne s'y retranchent de nouveau (1).
Ce fut alors que furent ruinés le château de Briennon, la forteresse d'Arcy, l'église fortifiée d'Avrilly, la place forte de Semur et les châteaux de Lespinasse, de Champceau, d'Anzy, etc. (2).
Les La Madeleine tenaient pour le roi, et nous voyons dans les mémoires de Pierre de Fenin que N. de La Madeleine se signala au siège de Villemur, en Languedoc, qu'assiégeait le duc de Joyeuse ; que, le 27 décembre 1596, le roi Henri IV, étant dans sa chambre au Louvre, est blessé d'un coup de couteau dans la bouche par Jean Chatel, au moment où il se levait pour embrasser MM. de Ragny et de Montigny, qui étaient venus lui faire leur révérence (3) ; Gabrielle d'Estrées était auprès du roi. Ils furent donc les premiers à lui porter secours et à se jeter sur le meurtrier. C'était Charles de La Madeleine de Ragny, gouverneur de Sancerre (4), parent de François de La Madeleine de Châteauneuf, qui se trouvait auprès du roi.
Mais la Ligue perdait de jour en jour de son importance, et Lyon ayant fait sa soumission au roi, Henri IV vint visiter cette ville pendant l'été 1595 ; il y reçoit la soumission du duc de Lesdiguières, gouverneur du Dauphiné, et époux d'Anne de La Madeleine, dame de la Bazole (5), dont nous avons parlé.
(1) Cucherat. Anzy-le-Duc. Courtépée.
(2) Thiollier, le Forez, p. 148.
(3) Mémoires de Fenin. Mémoires de Sully.
(4) Courtépée.
(5) Sevelinges.
L'autorité du roi se rétablit rapidement en Beaujolais, Mâconnais et Lyonnais, et Charlieu, qui avait été longtemps une des principales places des ligueurs, reconnaissait cette année même la légitimité de Henri IV.
Deux ans après, en juin 1597, le roi reconnaissait la fidélité et les bons services de François de La Madeleine, seigneur de Châteauneuf, en érigeant en marquisat la terre de Ragny (1). François de La Madeleine, outre Ragny et Châteauneuf, possédait, à titre d'engagement, une partie du domaine royal de Bois-Sainte-Marie, que le roi avait aliéné au sieur de Chantemerle, au prix de 6600 livres (2), pour l'autre partie.
(1) Anselme, Hist. des Grands Officiers, t. IX, p. 113. La Chesnay des Bois, t. IX, p. 295. Arch. Saône-et-Loire. Titres de famille, 1731 à 1791.
(2) Arch. Saône-et-Loire, B. 1339.
En 1601, les populations du Mâconnais, si éprouvées par les guerres de religion et de la Ligue, reçoivent les consolations de leur évêque, Gaspard Dinet. Ce digne prélat veut visiter tout son diocèse à pied, malgré les chaleurs du moment et les orages, et cela pendant quatre mois. Il visita Beaujeu, Charlieu, l'abbaye de Saint-Rigaud, Châteauneuf et deux cent soixante paroisses et cinq cent quatre chapelles. Il trouva les églises dans une si profonde misère par suite des malheureuses guerres de religion, qu'il ne pouvait retenir ses larmes en les voyant dans un tel dénuement. Il envoya alors à Lyon toute sa vaisselle d'argent, présent magnifique de la munificence royale, et fit convertir cette argenterie en ciboires, calices qu'il distribua aux pauvres églises qui ne possédaient que des vases sacrés en étain. Il leur donna de même des ornements sacerdotaux, apportant ainsi par sa visite les plus généreux secours à un grand nombre de paroisses de son diocèse. Il ranima dans le cœur des fidèles l'esprit de foi que les erreurs calvinistes avaient plus ou moins altéré, et rétablit partout la dévotion au Très-Saint-Sacrement, en encourageant l'établissement des confréries de ce nom (1).
Beaujeu avait toujours dans son archiprêtré Châteauneuf, Saint-Martin-de-Lixy, Saint-Maurice et Tancon, et les curés de ces quatre paroisses étaient encore nommés par le chapitre de Saint-Paul (2), quoique sous la domination de l'évêque de Mâcon.
(1) De la Rochette, Hist. des év. de Mâcon. t. II, p. 514.
(2) A. Bernard, Cart. de Savigny. Pouillé du diocèse de Mâcon, p. 1046.
François de La Madeleine, marquis de Ragny, seigneur du Banchet-Châteauneuf, laisse en mourant cette seigneurie à son fils Léonor ou Léonard, 1626. Celui-ci prend en même temps le titre de marquis de Ragny ; son épouse est demoiselle Hippolitte de Gondy, dont nous trouvons souvent la signature dans les registres paroissiaux de Châteauneuf. Ils nous donnent la preuve des rapports bienveillants qui existaient entre les nobles maîtres de Châteauneuf et leurs tenanciers. En 1620, nous voyons figurer comme parrain d'un fils Déal et d'un fils Décligny, Jacques de La Madeleine, baron de Ragny, il signe de Ragny-Châteauneuf ; de même en 1621 et 1623. En 1636, au baptême de Hippolitte Déal, la marraine est haute et puissante dame Hippolitte de Gondy, marquise de Ragny, baronne de Châteauneuf et du Banchet. De même en 1628 elle est marraine d'un fils Poyet et d'un fils Déal, 1635.
Léonor de La Madeleine, baron de Châteauneuf, avait hérité en 1622 de sa tante, Anne de La Madeleine, dame de La Bazolle, à l'exclusion du marquis François, père de Léonor. Cette succession, qui lui est confirmée par une sentence des tribunaux de la province, le met en possession du beau fief de La Bazolle (1).
C'est à cette époque que les La Madeleine s'allient à l'illustre maison des Damas, seigneurs de Verpré et de Barnay. Les registres de la paroisse de Châteauneuf portent : août 1632, baptême de Claude-Hippolitte, fils de Christophe de Damas, escuyer, seigneur de Barnay et de Claude de La Madeleine.
La grande et illustre famille de Damas, qui se dit descendre des rois de Syrie, possédait en ces contrées, outre Barnay et son beau château (2), le fief et château d'Odour.
(1) Arch. S.-et-Loire, B. 594.
(2) Barnay appartient maintenant aux Frères Maristes.
Ainsi en parle Courtépée en 1777 : « Claude-Mathieu de Damas d'Odour, de la branche d'Antigni, au château d'Odour, près du Bois-Sainte-Marie, jadis bourg fermé où les comtes de Mâcon battaient monnaie, qui avait un grenier à sel, un prieuré et des marchés. Maintenant ce bourg est privé de tous ces avantages, ce n'est plus qu'un chétif village de quarante feux, en Mâconnais, mais de la recette du Brionnais et du diocèse d'Autun avec archiprêtré. Il en est sorti six nobles familles : les Naturel de Valentine, les Barthelot de Rambuteau, les Montchanin de La Garde Malzac, les La Foret, les Babou de Colanges et les Chevalier de Montroi. M. d'Odour me donna des notes sur sa terre et son canal d'irrigation qu'il a creusé depuis un an, l'espace de trois lieues en circulant. On en peut faire le tour en bateau et, ajouta Mme de Rambuteau, sans crainte de faire naufrage, car la barque touche les deux bords. La Compagnie s'égaya un peu aux dépens du canal et le seigneur d'Odour, qui entend raillerie, comme un autre de cette réflexion. C'est toujours un grand avantage pour ses prés ; il serait à souhaiter que le Brionnais eût plusieurs seigneurs aussi actifs et aussi intelligents que MM. d'Odour et de Rambuteau. Le second surtout a fertilisé trois lieues d'un terrain ingrat, sablonneux et très sec. Il est étonnant de trouver, près de son château si élevé, de belles pièces d'eau. Le fourrage manque cependant pour ses trente-deux domaines, mais en desséchant deux étangs et semant du sainfoin et de la luzerne, il pourra s'en procurer (1). »
Les Damas possédaient aussi le château de la Villette à Cours. Louis Damas de La Villette fut curé de Cours en 1561, et Catherine Damas de La Villette ayant épousé à Cours Christophe Thivend, notaire, en 1684, lui apporta le château de La Villette (2).
Ce fut en 1645 que le Chapitre de Saint-Paul aliéna, après dame d'Odour, en faveur du comte de Damas, seigneur de Barnay, les dismes et rentes nobles de Châteauneuf, cédant également le patronage des cures à la nomination desquelles il avait droit, c'est-à-dire tout ce qui composait l'obéance de Châteauneuf (3). A ce sujet, il y eut procédure entre le Chapitre de Saint-Paul et les seigneurs d'Amanzé de Chauffailles, pour les dismes levées sur les terres qu'ils possédaient sur ces paroisses (4).
(1) Courtépée, Voyage en Brionnais, p. 161.
(2) De la Rochette, Voyage dans le Haut Beaujolais, Thizy, p. 15.
(3) Arch. du Rhône, Fonds de Châteauneuf.
(4) Arch. du Rhône, Fonds de Châteauneuf, n° 5.
La famille d'Amanzé était également fort ancienne et illustre. Le sire d'Amanzé, seigneur d'Estieugues, combattait sous les drapeaux du sire de Rébé, quand celui-ci vint faire lever le siège de Thizy que les Huguenots avaient investi. En 1620, Antoine d'Amanzé était seigneur d'Estieugues, château près de Cours, qui passa à la famille des Vichy-Saint-Georges, à la fin du XVII° siècle.
Le seigneur de Chauffailles, qui a des contestations avec le Chapitre de Saint-Paul, en 1645, était Jacques d'Amanzé, chevalier.
Les relations d'amitié et de parenté entre les seigneurs de Chauffailles et de Châteauneuf étaient très anciennes ; en effet, en 1488, Marie de La Madeleine avait épousé Philibert d'Amanzé (1).
En juillet 1629, le marquis Léonor de La Madeleine de Ragny, baron de Châteauneuf et du Banchet, préside les assises générales de tous les hommes justiciables de ses terres, en la place Chevalard, au village de Saint-Maurice-lez-Châteauneuf. Elles furent tenues par messire Claude Bert, licencié en droit, juge de la châtellenie, baronnie et juridiction de Châteauneuf et du Banchet, assisté de messire Louis Turrin, procureur d'office, des sieurs Décligny, greffier, et Claude Rosland, sergent...
On y examina la réclamation desdits habitants à l'occasion d'un pré appelé les Prairies, pré sis sur les bords du Sornin, où ils avaient le droit, disaient-ils, de faire pâturer depuis la levée des foins jusqu'à la fête de Notre-Dame-de-Mars, 25 mars. Ils obtinrent justice et conservèrent ce droit. (Extrait de l'original exhibé par Claude Déchizeaux, de Saint-Maurice) (2).
(1) Mazures, t. II, p. 204.
(2) Arch. de Châteauneuf, Chart. 2.
Les noms des tenanciers qui réclamèrent ainsi sont : François Jalin, Claude Jugnet, Benoit Boyer, Antoine Durantel, Claude Chenal, Benoit Byet, François Joly et autres. Leurs privilèges furent reconnus et la sentence publiée aux issues des messes de Saint-Maurice et de Châteauneuf. Ont signé : Bert, licencié, Boyer, Durantel, Turrin, Jugnet et Décligny.
Léonor de La Madeleine de Ragny, baron de Châteauneuf, marie, en 1632, sa fille Anne, son unique héritière, à messire François de Bonne de Créqui, duc de Lesdiguières, comte de Sault, pair de France, chevalier des ordres du roi, gouverneur du Dauphiné. Le fils de Léonor, Claude de La Madeleine, marquis de Ragny, était mort sans postérité et lui-même meurt avant 1635, laissant Châteauneuf à sa femme, dame Hippolitte de Gondy, fille d'Albert de Gondy, duc de Retz, pair et maréchal de France. Dame Hyppolitte de Gondy fera passer à sa mort le domaine de Châteauneuf à sa fille Anne, épouse de François de Bonne de Créquy, devenu duc de Lesdiguières par la mort du connétable de Lesdiguières, en 1626. En 1635, dame Hyppolitte de Gondy, baronne de Châteauneuf, reçoit quittance de 150.000 livres de messire François de Bonne de Créquy, lieutenant général pour le roi en Dauphiné, pour la dot de sa femme, Anne de La Madeleine (1). Anne de La Madeleine, qui portait le titre de marquise de Ragny, fait reprise de fief de la terre de Ragny, en 1638 (2).
Ce ne fut qu'en 1642 que mourut dame Hyppolitte de Gondy, car nous voyons qu'en 1641, son procureur à Châteauneuf, Charles de Montchanin, reçoit en son nom cession de créance (3).
(1) Arch. S.-et-L., B. 1339.
(2) Arch. Côte-d'Or, t. II, B. 10.736.
(3) Arch. S.-et-L., E. 545.
En 1642, François de Bonne de Créquy, duc de Lesdiguières et son épouse, Anne de La Madeleine, viennent prendre possession de la terre de Châteauneuf. Ils demeurent quelque temps au château du Banchet, recevant les vassaux de leur terre et la visite des nobles familles du voisinage. Le duc veut bien alors être le parrain du fils de Jacques Poyet et lui donner son nom. C'était une des familles les plus honorables de cette petite ville et dont les descendants habitent encore le pays ; la marraine fut dame Catherine de Saint-Nazaire. (Registres paroiss.)
La branche des La Madeleine de Châteauneuf s'éteint en noble dame Anne de la Madeleine, épouse de Messire François de Bonne de Créquy. Mais une autre branche des La Madeleine est toujours en possession de Corcelles en Beaujolais et de Marcilly-les-Conches. Nous citerons, en 1776, Marie-Anne de La Madeleine de Ragny, dame et baronne de Marcilly-les-Conches, qui fait reprise de fiefs (1) ; Messire Charles-Antoine de La Madeleine de Ragny, comte de Monay, seigneur de La Tour et Ténare (2). Citons également, en 1771, Anne-Hérard Paul-Antoine de La Madeleine-Ragny, comte-chanoine de Lyon, qui portait comme ceux de Châteauneuf, écartelé de la Madeleine et de Damas. Une autre branche portait le titre de marquis de Ragny et baron d'Epiry ; nous trouvons Anne-Bernard de La Madeleine ayant ces titres (3).
(1) Arch. Côte-d'Or, B. 10.980.
(2) Arch. S.-et-L., E. 342.
(3) Id., E. 885.
Les registres paroissiaux de Châteauneuf nous font connaître quel était l'intendant à Châteauneuf des biens de haut et puissant seigneur, duc de Lesdiguières, baron de Châteauneuf. 31 mai 1654, à ce jour été baptisé sur les fonts de l'Eglise de Saint-Maurice, Claudine-Philiberte, fille d'honorable homme François Marchand, de Saint-Maurice et de dame Louise Perche ; parrain, Philibert Michon, seigneur de La Mollière ou Molière, intendant des affaires et biens de M. le duc de Lesdiguières ; la marraine, dame Claudine de Sarron, femme de messire Gaspard du Bost, seigneur de Moulin-le-Bost. Ce Philibert Michon, intendant de la terre de Châteauneuf était seigneur de La Molière, château et fief sur la paroisse de La Pacaudière.
Cette jolie résidence de La Molière appartient de nos jours à M. Peillon-Monterrad. De quelle famille était ce Ph. Michon, seigneur de la Molière ? Il y en eut trois de ce nom dans le Roannais, entre autres celle des seigneurs de Vougy, qui portait : d'azur à la croix alaisée d'argent, accompagnée en chef de deux étoiles d'or et en pointe d'un cœur de même (Gras, Armor. du Forez). Les Michon possédèrent également la seigneurie de Dommartin, près de Lyon, sur la vallée d'Azergues (1), vers la fin du XVIII° siècle.
(1) Pagani, Hist. de Chazay d'Azergues.
Quant à dame Catherine de Sarron, femme de Gaspard du Bost, elle était d'une illustre race chevaleresque, qui posséda les seigneuries du Jonchay, à Anse, d'Amplepuis, des Forges, (Fourneaux), de Vareilles, de Marcoux, de Béligneux, d'Irigny de Veaux, de Civrieux-d'Azergues où l'on voit encore leur écusson : d'argent au griffon de gueules, sur la porte du vieux château féodal, appartenant maintenant à la famille Monterrad, de Lyon, qui à son tour y a placé son blason.
La famille du Bost du Moulin était une noble maison ayant fiefs à Châteauneuf, Belmont, Chauffailles et autres lieux. Elle abritait au fief de La Guillermère dans la vallée du Bottorey, à trois kilomètres de Chauffailles en remontant vers Belleroche. En 1514, un Jean du Bost du Moulin avait épousé Gabrielle du Bost, il en eut sept enfants : 1° Anne, qui épousa Antoine de Salornay, seigneur de Serrières et de Champerny, en 1534. 2° Etienne, religieux, qui fut hôtelier à l'abbaye de Joux, près de Villefranche. 3° Catherine, qui épousa Florent Le Roy, seigneur de Saint-Craxais en Berry. 4° Jean du Bost, seigneur du Moulin, qui épousa Françoise de Rochefort, etc. (1).
En 1663, Gaspard du Bost, seigneur du Moulin, Viry et La Guillermière (2), cité plus haut, avait marié sa fille Gabrielle à messire Jean-Baptiste du Saix Choller, seigneur de Chervé, Moulin-le-Bost, Viry, etc, qui vend, moyennant le principal de 8.000 livres et 4 louis d'étrennes à dame Chervé, à Antoine de Montchanin seigneur de La Garde, Chassigny, Saint-Germain-la-Montagne, Marzac, etc., la directe, censive et seigneurie en toute justice, haute, moyenne et basse, cens, servis portant lods et mylods corvées et autres droits et devoirs seigneuriaux, à lui appartenant comme seigneur haut justicier de la dite terre et seigneurie du dit Moulin-le-Bost et de Viry, à lui advenues par la dite dame Gabrielle du Bost, son épouse, comme l'ayant reprise et acquise par retrait lignage, dans les paroisses de Chassigny, Saint Laurent, Mussy, Saint-Maurice et Saint-Igny-de Roche (3).
(1) Mazures, t. II, p. 515 et 553.
(2) Il est à remarquer que ce vieux fief de La Guillermière est encore habité de nos jours par une famille Dumoulin, qui jouit de la considération la plus honorable. Ne serait-ce pas une branche de cette ancienne famille du Bost du Moulin ?
(3) Arch. S.-et-L., E. 342.
Les Montchanin de La Garde, sur la paroisse de Saint-Igny-de-Vers, formaient une famille riche et nombreuse. En 1570, N. de Montchanin de La Garde était seigneur de Chassigny-sous-Dun ; il reçoit reconnaissance de cens, servis et rentes de Claude Merlin, curé de Chassigny, de Paul Duvernay, curé d'Ecoches, et de divers habitants de Chassigny, de La Chapelle-sous-Dun, de Chauffailles, de Mussy et de Dun-le-Roi (1). Le château de La Garde sur la paroisse de Saint-Igny-de-Vers, était leur principale résidence et l'on voyait en cette noble demeure leur écusson : de gueules au chevron d'or (Gras, Armor. du Forez).
Les registres paroissiaux de Saint-Igny-de-Vers signalent au 12 avril 1648, le baptême d'un fils de Claude de Montchanin de La Garde et de dame Anne de Foudras. Fait au château de La Garde, paroisse de Saint-Igny-de-Vers. Signé, de La Garde-Marzac et Préaud, prêtre (2).
(1) Arch. S.-et-L., E. 341.
(2) Arch. du Rhône, Saint-Igny-de-Vers. Reg.
En 1682, le 11 septembre, autre baptême de Françoise-Jeanne, fille de messire Antoine de Montchanin, chevalier, seigneur de La Garde, Marzac et autres lieux, et de dame Laurence-Antoinette de Mesgrigny, sa femme. Parrain, messire Jean de Mesgrigny. gouverneur de la citadelle de Tournay ; marraine, dame Françoise de Ragnier, dame de La Clayette, absente, remplacée par dame Anne de Foudras, sa grand-mère. Signé, Dumont. curé de Saint-Igny-de-Vers. Puis le 25 janvier 1711, est baptisée à la chapelle du château de La Garde-Marzac, Louise-Anthoinette, fille de feu messire Anthoine de Montchanin, en son vivant seigneur et comte de La Garde-Marzac, et de dame Eléonore de Faye de Maubourg. Parrain, Anthoine de Faye, chevalier de Malte, commandeur et receveur de l'ordre de Lyon ; marraine, dame Louise...., femme de messire Louis de Foudras, comte de Châteautiers.
Louise-Anthoinette, meurt le 8 août 1713. Signé, Dumont, curé.
Au baptême d'Eléonore-Françoise Buisson, en l'église de Saint-Igny-de-Vers, le 3 août 1724, nous trouvons pour marraine, demoiselle Eléonore-Françoise de Montchanin, fille de feu haut et puissant seigneur, messire Claude de Montchanin, seigneur comte de La Garde-Marzac, Chassigny, Colange, Pélicieux, Beauvernay, Cours, Charly et autres lieux, et de dame Eléonore de Faye-Maubourg. Le parrain était haut et puissant seigneur messire Charles-Paul-Hubert-François Bureau, seigneur, marquis de La Rivière, vicomte de Tonnerre et seigneur de Quincié-le-Vicomte. Signé, Guillin du Montet, curé de Saint-Igny-de-Vers (1).
Ce devait être une branche de cette noble famille, qui était venue s'installer à Châteauneuf où plusieurs de ses membres exercèrent l'état de médecin-apothicaire, profession fort honorable.
En 1641, le médecin-apothicaire de Châteauneuf est Charles de Montchanin ; il marie son fils Jean, qui lui succède dans sa charge et profession, en 1672, avec demoiselle Françoise Sacajou, 26 février 1672. La bénédiction nuptiale est donnée par le curé Jal (2), qui avait succédé au curé Pierre Tinet, en 1671, lequel n'avait été curé que de 1670 au 6 février 1671.
(1) Registres paroissiaux de Saint-Igny-de-Vers. Copie à M. l'abbé Peyrieux, à Fourvière. Ce curé Guillin, de Montet était chanoine d'Aigueperse et de la famille des seigneurs de Poleymieux, dont le dernier est resté célèbre, en 1793, par le siège qu'il soutint en son château.
(2) Arch. de la mairie à Châteauneuf. Registres.
Avant celui-ci, le curé de Châteauneuf fut Anthoine Janvier, de 1664 à 1670, qui avait succédé au curé Turrin, lequel exerça les ponctions curiales, de 1634 à 1664. En 1651 sous le curé Turrin, Châteauneuf eut la visite de l'évêque de Mâcon, Monseigneur Jean de Lingendes. C'était un excellent prélat, d'une affabilité sans égale ; il voulut visiter tout son diocèse, dont Châteauneuf faisait partie. Dans toutes les paroisses qu'il visita il laissa un souvenir ineffaçable de sa charité et de son éloquence (1). A son passage à Châteauneuf, il fut reçu au château du Banchet ; un des membres de la famille La Madeleine, Claude de La Madeleine, d'abord prieur de Charlieu, était alors évêque d'Autun, et ces deux prélats étaient liés par les liens de la plus affectueuse amitié (2).
Une famille également amie des habitants du Banchet, était la famille seigneuriale du Boyer, fief important sur Saint-Maurice et sur lequel l'abbaye de Saint-Rigaud avait cens et servis en 1618 (3).
Le sire de Boyer était messire Ponthus de Cyberand, également seigneur de Jarnosse. Les armes des Cyberand sont : d'azur à trois fallots d'or, allumés de gueules (Gras, Armor. du Forez). Ponthus de Cyberand se distingua par ses sentiments religieux, en établissant, à Charlieu, les Ursulines de Mâcon, en 1633 (4).
(1) De la Rochette, Hist. des év. de Mâcon, t. II, p. 549.
(2) Thiollier, l'Art Roman en Brionnais, p. 34.
(3) Arch. S.-et-L., B. 594.
(4) Thiollier, l'Art Roman en Brionnais, p. 30.
C'est l'époque où saint Vincent de Paul couvre la France de ses œuvres admirables de charité. Par ses hautes vertus, il s'était acquis l'estime et l'affection de la puissante famille de Gondy. Envoyé par M. de Bérulle dans la famille de messire Emmanuel de Gondy, comte de Joigny, alors général des galères de France, à titre de précepteur de ses enfants, il trouva en madame de Gondy, une femme d'excellente vertu, qui sut bien vite reconnaître les hautes qualités de Vincent de Paul. Elle le regarda comme l'ange tutélaire de sa maison, le choisit pour son directeur et fut de moitié bientôt dans toutes ses bonnes œuvres, comme faire des aumônes, visiter les malades qu'ils servaient de leurs mains, protéger la veuve et l'orphelin, consoler et catéchiser les gens de la campagne, et cela dans tous les domaines du général, qui ne comptaient pas moins de huit mille sujets.
Dame Hyppolitte de Gondy, dame de Châteauneuf, devait être la sœur du général des galères, chez qui elle rencontra souvent saint Vincent de Paul. Son admiration pour ce grand bienfaiteur de l'humanité, dut lui faire désirer de le voir évangéliser ses domaines ; aussi, croyons-nous, que lorsqu'il vint à Mâcon, en 1623, instituer la confrérie de Saint-Charles, pour le soulagement des pauvres malades, il alla à Châteauneuf rendre visite à la noble châtelaine qui avait, elle aussi, puisé en ses inspirations de charité, l'idée de fonder un hospice en cette ville, fondation qui fut faite à sa mort, d'après ses ordres exprès et ses legs pieux (1).
(1) De La Rochette, Hist. des év. de Mâcon, t. II, p. 539. Arch. de Châteauneuf.
En ce temps, 1631, les chanoines de Saint-Paul, à Lyon, possédaient toujours la présentation et nomination à la cure de Châteauneuf et à celles de son obéance. En fait foi la reconnaissance faite par l'évêque d'Autun, qui reconnaît à la mort du curé de Changy, messire Nicolas Geoffray, que la nomination et présentation à cette cure appartiennent à MM. les chanoines de Saint-Paul, de Lyon, à cause de l'obéance de Châteauneuf, dont Changy faisait partie. En conséquence, est agréée la nomination, à cette cure du diocèse d'Autun, de messire Léonard Bernard, prêtre du diocèse d'Autun (1).
Châteauneuf ainsi que Charlieu relevaient du présidial de Lyon, mais, en 1639, un présidial ayant été créé à Mâcon, ces deux villes furent placées dans le ressort du nouveau siège. Cette union fut de courte durée ; en 1648, le présidial de Mâcon ayant été supprimé, Charlieu et Châteauneuf furent rendus à celui de Lyon. Puis celui de Mâcon ayant été de nouveau rétabli, en 1652, Châteauneuf lui revint, mais non Charlieu, qui resta attaché à celui de Lyon (2).
(1) Arch. de Châteauneuf.
(2) F. Thiollier, l'Art Roman en Brionnais, p. 30.
Or le présidial de Mâcon eut à juger, en 1667, une affaire assez curieuse qui se passa alors à Châteauneuf et dont la procédure est conservée aux Archives de Saône-et-Loire. Voici le fait que nous analysons rapidement, n'ayant pu lire tout ce grimoire : Antoine Décligny, avocat à Châteauneuf, fut accusé d'avoir assassiné le sieur Bonaventure Ducarre, notaire royal audit lieu. Pour se soustraire aux poursuites exercées contre lui, il va se réfugier dans l'abbaye et maison forte de Saint-Rigaud, auprès de son ami, l'abbé Laurent de Gaspard. Celui-ci le couvre de sa protection, et arguant de son droit d'asile, s'oppose à toute perquisition dans l'abbaye et fait mettre à la porte l'huissier et ses deux sergents. Ils attendirent au lendemain, pensant que l'abbé aurait changé d'avis, mais ils comptaient sans l'entêtement du prélat. Et lorsqu'après de vaines démarches ils voulurent retourner à Châteauneuf, après avoir formulé une menaçante assignation, ils trouvèrent le chemin fermé.
La route de Châteauneuf suivait une jetée qui traversait l'étang de Saint-Rigaud ; elle se trouva barrée par des chars à bœufs. A l'abri derrière cette barricade, soixante à quatre-vingts hommes armés firent feu sur l'huissier et ses assesseurs, qui furent grièvement blessés, heureux encore de pouvoir fuir la vie sauve. Cette affaire fit beaucoup de bruit, on se défendit en disant qu'on avait grandement exagéré la chose, et l'abbé, L. de Gaspard du Sou, d'une famille alors fort influente, défendu par de puissants protecteurs, ne fut condamné qu'à une forte amende (1). La chaussée, sur laquelle passait le chemin de Saint-Rigaud, à Châteauneuf, appartenait au couvent, c'était donc terre d'abbaye que l'on regardait comme inviolable.
Plus tard, en 1694, l'abbé de Saint-Rigaud accordait à messire Pierre des Royes, seigneur de La Matrouille, l'autorisation d'établir un autre étang, à condition que le chemin de Châteauneuf à Saint-Bonnet passerait sur la jetée dudit étang (2).
(1) Arch. S.-et-L., B. 1278.
(2) Arch. S.-et-L., H. 169.
Les de Gaspard, famille dont l'abbé de Saint-Rigaud était membre, étaient seigneurs du Breuil, du Sou, du Buisson, de Saint-Amour, et comtes de Villiers. Leurs armes étaient : d'azur au chevron d'or, accompagné de trois étoiles de même ; alias au chef d'or ; alias : d'argent au chef d'or, chargé de trois bandes de gueules (Gras, Armor. du Forez). Ils étaient alliés aux Damas, seigneurs de Barnay, et aux Baronnat, seigneurs de Jas, Teillières du Vernet, à Saint-Galmier. En 1735, messire Louis de Gaspard, du Sou, seigneur de Saint-Amour et comte de Villiers, apparaît comme parrain, le 29 juillet, de Marie-Louise, fille de messire François de Montrichard, écuyer, seigneur de la Brosse, et de dame Anthoinette Guillins, son épouse. La marraine est : illustre dame Marie de Saux de Tavannes, épouse de messire Claude René de Thibauld de Noblet d'Esprés, chevalier, seigneur et marquis d'Esprés, Terreau, Chevagny-le-Lombard, Thulon, et autres lieux. Signé : Guillins, curé de Saint-Igny-de-Vers (1).
(1) Registre de Saint-Igny-de-Vers, Arch. du Rhône.
Cet Antoine Décligny, avocat, qui apparaît dans le procès ci-dessus comme meurtrier du sieur Bonaventure Ducarre, était d'une des principales familles de Châteauneuf et que nous voyons citée dans les registres et les actes du temps. Jehan Décligny était curé de Châteauneuf, de 1618 à 1634 ; N. Décligny fut curé de 1675 à 1685. En excellents rapports avec les nobles familles de la contrée, dont Anthoine Décligny était le conseiller, il se sentait soutenu et défendu par de puissants amis et de là se permettait des méfaits dont il espérait l'impunité. Il n'en était pas à son coup d'essai ; déjà, en 1657, dix ans auparavant apparaît une requête d'un habitant de Châteauneuf au lieutenant du baillage du Mâconnais, où Anthoine Décligny est gravement accusé. Voici cette requête curieuse :
Vincent Chassignol, marchand de Châtelneuf, assigne messire Anthoine Décligny, et supplie humblement M. le lieutenant du bailliage du Mâconnais d'entendre sa requête. A savoir :
que le cinquième jour d'avril dernier, passe messire Bazille d'Amanzé, fils du seigneur de Choffailles, avec un grand nombre d'autres sieurs... qui tirent plusieurs coups de fusils et mousquetons sur le suppliant et sur David Déchizelle et Pierre Boisseau, ses gendres, qui passaient au lieu de Choffailles, en conduisant des voitures de bois. Desquels coups le sieur Déal demeura mort sur la place, le sieur Boisseau fut blessé de telle sorte qu'il mourut peu de jours après ; ledit suppliant fut blessé à la tête et aux autres parties de son corps de plus de soixante blessures. Il demeura comme mort sur le lieu et perdit une telle quantité de sang que la fièvre le prit et il tomba en délire. Ce crime ayant été, à l'instance de son père, messire Anthoine d'Amanzé, seigneur baron de Choffailles, qui, croyant favoriser ledit Bazile d'Amanzé, son fils, fit porter le suppliant dans une maison appartenant à M. Anthoine Décligny, avocat es-parlement, fils de M. L. Décligny, juge dudit seigneur de Choffailles... dans laquelle demeure Benoit Magnien, mareschal, comme locataire, et... du seigneur de Choffailles et ledit messire Anthoine Décligny, ainsi qu'ils... firent signer au suppliant des obligations au profit de... Décligny, l'une de mille quinze livres, l'autre de cinq cents livres, dont ledit suppliant n'a aucune mémoire, puisque, comme il est dit... il était en deslire et état de mort... Il n'en eut connaissance que par deux exploits de M° Lapierre, huissier, du treizième du présent mois. L'un qui contient qu'à la requeste dudit seigneur de Choffailles commandement a été faist audit messire Anthoine Décligny de lui payer la somme de mille quinze livres avec les intérêts... Décligny avoue qu'il doit bien les dites sommes, mais que le suppliant est obligé de les acquitter parce que (1)... »
(1) Papier entre les mains de M. Auguste Déal à Châteauneuf.
Voilà tout ce que nous avons pu lire sur ce papier qui se trouve en très mauvais état. A la suite de cette requête, s'engage un procès qui traîna en longueur, mais nous ne savons comment il se termina. Le seigneur de Chauffailles dut, pour sa défense, accuser Vincent Chassignol de quelques graves injures ou de quelque atteinte à ses droits seigneuriaux.
Nous savons par un acte qui se trouve en l'étude de M° Dextre, notaire à Châteauneuf, qu'à cette époque, le seigneur de Chauffailles était, en effet, Anthoine d'Amanzé, écuyer, seigneur d'Estieugues, Cornille et autres lieux ; il passe procuration à sa femme, Françoise de Damas, 1635 (1).
La famille Déchizelle, qui a encore de nombreux représentants dans cette région, jouissait d'une juste considération. En 1679, vente faite par honorable homme, Benoit Déchizelle, marchand de la paroisse de Saint-Maurice, par-devant M° Alix, notaire. Nous y voyons qu'un sieur Claude Lorton habitait au château du Boyer, et que le grand bailli du Mâconnais était alors messire Pierre-Antoine Salomon des Bois (2). En 1765, N. Déchizelle était notaire à Saint-Maurice (3). Un acte du 6 juin 1667, reçu par messire de la Ronzière de La Douze, capitaine châtelain, porte réquisition de perquisitionner dans le cabinet de Bonaventure Ducarre, notaire royal et greffier, décédé à Châteauneuf, pour rechercher des papiers dont avait besoin Benoit Déchizelle (4).
(1) Acte en l'étude de M° Dextre.
(2) Arch. de Châteauneuf.
(3) Arch. Dextre, notaire à Châteauneuf.
(4) Id.
C'est ce sieur Bonaventure Ducarre, notaire à Châteauneuf, en 1667, qui fut assassiné, cette année même, par l'avocat Anthoine Décligny. Il était greffier de justice de Mgr le duc de Lesdiguières, et son épouse était demoiselle Claudine Dufour. Le 24 novembre 1667, cette demoiselle Claudine Dufour, compagne de feu Bonaventure Ducarre, est marraine d'Antoine Janvier, fils de Claude et d'Antoinette de La Coste. Le parrain est vénérable et discrète personne, messire Antoine Janvier, prêtre, curé major de Châteauneuf. Le registre qui relate ce baptême, est paraphé par messire Claude de La Ronzière, seigneur de la Douze, chastelain de la chastellenie de Châteauneuf, à la réquisition de messire Pierre Tinet, prestre curé de Châteauneuf, le 1er août 1670 (1).
Après cette malheureuse affaire, citée plus haut, la famille Décligny ne quitte pas cependant Châteauneuf. En 1676, M. Décligny y est notaire (2). Le 10 février 1687, demoiselle N. Décligny épouse Claude de Belleville, M° chirurgien à Châteauneuf (3). En 1694, un Anthoine Décligny y est apothicaire, sa femme est demoiselle Gabrielle Verchère, nom encore bien connu, dans le pays. Ils vendent à Pierre Caboux, charpentier à Saint-Maurice et à sa femme Catherine Rebbé, un pré et une maison, le tout appelé le moulin Chenal... Cette vente est faite le 23 mars 1694, par-devant M° Ducarre, notaire à Châteauneuf (4).
(1) Arch. Châteauneuf. Registre des baptêmes.
(2) Arch. Dextre, notaire.
(3) Arch. Châteauneuf. Registre de mariages.
(4) Id.
En 1684, juin 22, les habitants de Châteauneuf et de Saint-Maurice adressent une requête au châtelain royal de Châteauneuf à l'effet d'obtenir justice contre le seigneur du Moulin du Bost, qui veut les empêcher de prendre du bois dans la forêt d'Avaise, sur Saint-Maurice, selon les anciennes coutumes et privilèges ; ainsi que de pêcher dans le Sornin et faire paître dans les prés dits les Prairies, au bord du Sornin et sur Saint-Maurice. Cette requête est faite au nom des susdits habitants par leur procureur à Châteauneuf, le sieur Gabriel Dessuire.
A la réception de cette requête, l'huissier royal, Pierre Perroux, immatriculé en la châtellenie royale de Charlieu et résidant à Tancon, se transporte à cheval à Châteauneuf, où, ayant rencontré le sieur Claude de La Coste, procureur d'office dudit sieur Chervé (seigneur du Moulin du Bost), lui signifie la requête des habitants sus nommés, et assigne le seigneur de Chervé, par-devant le juge châtelain royal dudit lieu, de ce jour en huit (1). Ces droits furent reconnus justes par le capitaine châtelain, juge en la châtellenie, messire Claude de la Ronzière, seigneur de la Douze, conseiller et avocat du roi en ses conseils, juge châtelain civil et criminel de la châtellenie de Châteauneuf, du Banchet et dépendances, depuis 1670, époque où est paragraphé par lui sous ce titre le registre des baptêmes, à la réquisition du curé Pierre Tinet (2). En 1676, M° de la Coste est notaire à Tancon.
(1) Arch. Châteauneuf.
(2) Arch. Châteauneuf, mairie.
Cette requête avait été présentée plusieurs fois dans le cours des siècles précédents pour ne pas laisser prescrire des droits chers aux habitants de Châteauneuf. Présentés déjà en 1670, il est dit qu'ils datent de temps immémorial, comme le constatent les assises tenues à Châteauneuf en 1609. Le 7 janvier 1679, la terre du Moulin, pour la même cause, avait été mise en saisie par le présidial de Mâcon, jusqu'à ce que ledit seigneur ait reconnu les droits des susdits habitants. Mais celui-ci n'avait rien voulu céder, ce qui avait amené des mesures violentes causant mort d'hommes.
Cette fois, 1684, la requête signifiée par huissier royal, sur l'ordre du juge châtelain, eut son plein effet, et les habitants continuèrent de jouir de ces droits de pêche, de pacage et de bois (1).
Les de La Ronzière, plus tard marquis de la Douze, avaient pour armes : D... à trois trèfles de... Elles sont ainsi sculptées dans l'église de Charlieu (2). Ils étaient seigneurs de La Douze et d'Egrivay, à Charlieu. En 1693, le curé primitif de Châteauneuf fut François de La Ronzière, bachelier en Sorbonne, sacristain chanoine de Semur (3). Il succédait à Jérôme de Pernes, de Saint-Renée, d'une famille du Bourbonnais. Huillard-Bréolles nous parle du château Pernes en Bourbonnais (4). Voici l'extrait mortuaire du curé de Pernes : Le 11 novembre 1693, Jérôme de Pernes de Saint-Renée, âgé d'environ soixante-cinq ans, prêtre, curé primitif de Châteauneuf, étant décédé, est enterré dans l'église de Châteauneuf, vis-à-vis le maître autel, par M. Chavannes, archiprêtre (de Charlieu), et par les curés de Saint-Sernin, de la Chapelle (sous Dun), et par Etienne Auboyer, curé de Saint-Maurice. Son successeur est messire François de la Ronzière, qui dresse cet acte le 12 avril 1694, les registres paroissiaux étant encore sous les scellés. Signe : de La Ronzière, etc. (5). Le curé de Pernes avait succédé au curé Décligny, en 1685, 12 novembre.
(1) Arch. Châteauneuf, mairie,
(2) Gras, Armorial du Forez.
(3) Arch. Châteauneuf, mairie.
(4) Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, ch. 6330.
(5) Arch. Châteauneuf, mairie.
Tous deux avaient soutenu et encouragé la confrérie du Saint-Sacrement, fondée sous le curé Janvier, en 1664, et qui se montrait toujours zélée et fervente.
Les d'Amanzé, que nous avons vus figurer dans l'histoire ci-dessus, étaient d'une des familles chevaleresques les plus anciennes de cette région. C'était la branche cadette qui possédait Chauffailles.
Les armes des d'Amanzé étaient : de gueules à trois coquilles d'or, 2 et 1. La branche de Chauffailles brisait d'une bordure d'or. Ces coquilles dénotent leurs expéditions militaires en Palestine. Les supports de l'écu sont deux levrettes ; le cimier est une levrette naissante (d'Hozier).
Cette famille était originaire d'Amanzé, en Mâconnais, non loin de la Clayette, qui fut d'abord érigé en vicomté, en 1617, puis en comté un peu plus tard. Parmi leurs seigneuries, nous comptons Arcinges, Belmont, Bostdemont, la baronnie de Combles, Cours, Ecoches, Le Montet, Prusilly, Saint-Germain-la-Montagne et Chauffailles, possédé par la branche cadette dès le XV° siècle. Les d'Amanzé s'allièrent avec les Damas-la-Bazolle, les Des Gouttes, les La Guiche, les de Marcilly, les de Mitte-Chevrières, les de Monchanin, les de Villon, etc. Les d'Amanzé descendaient par les Ferrusse d'Escars et Isabeau de Bourbon, de Robert de France, comte de Clermont (1).
(1) Arcelin, Héraldique du Mâconnais, d'Amanzé. Gras, Armorial du Forez. Mazures, t. II, p. 205.
Le château des d'Amanzé à Chauffailles est pittoresquement placé aux bords des étangs, qui s'étendent au midi de cette ville. Ayant été réparé par M. Goyne, son avant-dernier possesseur, il est en assez bon état, et appartient en ce moment à M. Dumoulin, qui possède à côté une fabrique importante de tissage.
Les d'Amanzé, par leur noblesse et leurs domaines, étaient en relations d'amitié avec toutes les nobles familles de la région. Quelle belle société se trouvait parfois réunie dans ces somptueuses demeures, dans ces châteaux de Châteauneuf, d'Amanzé, de Curbigny, de Barnay, de la Brosse, de Marzac, de Vertpré, de Boyer, de la Garde, etc.
Une fête de famille qui se passe en ce dernier château, en 1729, nous donne une idée de l'importance des personnages, qui formaient cette société d'élite. En la chapelle du château de la Garde, sur la paroisse de Saint-Igny-de-Vers, le 29 septembre 1729, ont lieu les fiançailles de haut et puissant seigneur, messire Claude de Saint-Georges, chevalier, seigneur de Saint-André en Roannais, y résidant, fils de haut et puissant seigneur, messire Anthoine de Saint-Georges, seigneur marquis de Saint-André, Soucher, Estieugues, etc., et de défunte haute et puissante dame Charlotte-Elisabeth d'Apchon, d'une part ; et de demoiselle Françoise-Éléonore de Montchanin, fille de haut et puissant seigneur, feu messire Anthoine de Montchanin, en son vivant chevalier, seigneur de la Garde-Marzac, les Cours, Chassigny, Colanges, Pellicieux, Charly, Beauvernays, et autres lieux, et de haute et puissante dame Eléonore de Fay La-Tour-Maubourg, d'autre part.
Ledit seigneur de Saint-Georges autorisé par son oncle, messire illustre Claude-Marie de Saint-Georges, chanoine prévôt et comte de Lyon. La bénédiction nuptiale est donnée par illustre messire Joseph de Lentenay de Cheme, chanoine comte de Lyon ; en présence d'illustre messire Joseph de Fay, de La Tour-Maubourg, chanoine-comte de Lyon, oncle maternel ; de haut et puissant seigneur messire Louis de Foudras chevalier, comte de Châteautiers ; de haut et puissant seigneur messire Anthoine d'Amanzé, chevalier, seigneur de Choffailles ; de haut et puissant seigneur, messire Armand Camille d'Agrin, chevalier ; de messire Philibert Gondras, prêtre-aumônier au château de la Garde ; de sieur Philippe Jacquier, procureur d'office des terres de la Garde-Marzac ; de demoiselle Claudine de Fay de La-Tour-Maubourg ; de dame Claudine de Saint-Georges de Saint-André ; de demoiselle de Chenay de Saint-Chrystophe, et autres témoins. Signé : Guillin du Montet, curé (1).
(1) Registres de Saint-Igny-de-Vers.
Ajoutons à cela les Lorraine-Armagnac au château du Banchet, les Damas au château de Barnay, les des Royers au château de Boyer, les de Saint-Agnan au château de Ragny, les de Noblet à la Clayette, etc., etc., et nous aurons une idée de cette brillante société du XVII° siècle aux environs de Châteauneuf.
Courtépée, dans son Voyage en Mâconnais, Brionnais en 1776-77, nous parle ainsi d'Amanzé : « J'arrivai à Saint-Symphorien où j'allai loger chez le curé, M. Ligonet, jadis conseiller au bailliage de Charolles, prêtre fort instruit... II me conduisit dans les bois pour voir une branche de la voie romaine près de la grande route nouvelle, entre sa paroisse et Dyo.
« On a trouvé près de là des antiquités (colonne, marbres et médailles romaines), dans le champ Bartet. La route de Charolles et de la Bourgogne finit à Saint-Symphorien où reprend celle du Mâconnais par la Clayette. Quelle différence de l'une à l'autre ? La première est unie, bombée, bien sablée ; l'autre est à pierres perdues, rude, inégale et gravis tardis.
« Je descendis par les bois et les cailloux à Amanzé. Le curé, Philippe Pitoys, depuis 1758, me fit voir le château si connu par les illustres seigneurs de ce nom. Je passai sur le pont levis, où Pierre d'Amanzé, devenu protestant, fut tué d'un coup d'escopette par un cordonnier ligueur. Les d'Amanzé, dont deux ont été commandants en Bourgogne, ont fini par Marie d'Amanzé, qui porta son nom et sa terre aux Laqueille de Château-Guay, d'une ancienne maison d'Auvergne. Le château, couvert d'ardoises, est muni d'un petit arsenal et orné de quantité de tableaux en bois des rois de France, des hommes illustres et de tous les peuples étrangers avec le costume et l'habillement du temps. Une belle tapisserie flamande représente les batailles d'Annibal. C'est une terre de 15.000 livres de rente (1). »
Il eût pu ajouter parmi les illustrations de cette famille en Mâconnais, Jacques d'Amanzé, lieutenant du roi Louis XI au gouvernement du Mâconnais, qui reçoit, en 1477, le serment de fidélité des seigneurs et des villes de la province, lorsqu'à la mort de Charles le Téméraire ce comté revint au roi de France (2).
(1) Courtépée, Voyage en Mâconnais, p. 166.
(2) Arch. de Mâcon, AA., n° 4.
Mais revenons à nos seigneurs de Châteauneuf. En 1647, haute et puissante dame Hyppolitte de Gondy, dame et baronne du Banchet et de Châteauneuf, passe de vie à trépas après avoir été la bienfaitrice de sa terre et avoir fondé l'hospice, qui devait rendre de grands services aux malheureux de la baronnie. La levée des scellés, dans la Chambre du trésor, au château du Banchet, est faite à la requête du duc de Lesdiguières, son gendre, et héritier par sa femme Anne, de la belle terre de Châteauneuf (1).
Ce duc de Lesdiguières était François de Bonne de Créquy, qui avait pris le nom, les titres et les armes des de Bonne, comme héritier de son aïeul maternel François de Bonne, duc de Lesdiguières, connétable de France et duc de Champsaur.
Avec ses nouveaux maîtres, riches et grands seigneurs, le château du Banchet vit de brillantes fêtes et nombreuses sociétés. Quoique souvent à la cour et dans leurs domaines du Dauphiné, la belle saison les ramenait dans cette vallée si riante du Sornin où ils venaient jouir du calme des bois et de la fraîche verdure du pays.
François de Bonne de Créquy eut deux fils d'Anne de La Madeleine de Ragny :
1° François-Emmanuel de Bonne, comte de Sault, duc de Lesdiguières, qui fut gouverneur du Dauphiné et épousa l'héritière de la maison de Retz ;
2° Charles-Nicolas de Bonne de Créquy, qui fut marquis de Ragny, lieutenant du roi au gouvernement du Dauphiné. Il mourut, en 1674, après s'être signalé en toutes les occasions qui se sont présentées en son temps (2).
(1) Arch. Châteauneuf. Arch. Saône-et-Loire, B. 2316.
(2) Mazures, t. II, p. 115 et 116.
Les armes des de Bonne de Lesdiguières sont : de gueules au lion d'or, au chef cousu d'azur, chargé de trois roses d'argent (Jean Boisseau).
En 1679, mourait la duchesse Anne, femme de François de Bonne de Créquy, son fils François-Emmanuel recueille alors l'héritage de sa mère Anne et devient seigneur de Châteauneuf, de Savigny, de Beauvilliers, de la Bazolle, du Bois-Sainte-Marie, etc. ; il en fait cette année même l'aveu et le dénombrement (1).
Son père François de Bonne vivait toujours, il était maréchal de France, se faisait battre par Charles IV de Lorraine ; mais, en 1684, il s'emparait du Luxembourg et mourait en 1687 (2).
Le nouveau seigneur de Châteauneuf, François-Emmanuel de Bonne de Créquy, avait épousé Paule-Françoise-Marguerite de Gondy de Retz, il en eut un fils, Jean-François-Paul, qui meurt en 1704, après avoir hérité des seigneuries de son père et de Châteauneuf.
En mourant, Jean-François-Paul, qui n'était pas encore marié, institue sa mère, Paule-Françoise-Marguerite de Gondy, son héritière universelle. Elle devient de ce fait dame de Ragny, Beauvoir, Savigny, Châteauneuf, etc. Elle présente alors à la Chambre des comptes de Dijon ses reprises de fiefs et dénombrements auxquels lui donnaient droit les clauses du testament de son fils (3).
(1) Arch. Côte-d'Or, t. II, B. 10.844 et 10.851.
(2) Saint-Simon.
(3) Arch. Côte-d'Or, B. 10.913.
Mais l'année suivante, triste et désolée de se trouver au milieu de ces domaines qui lui rappelaient les pertes si cruelles qu'elle avait faites, elle se décida à s'en défaire et cède la terre de Châteauneuf par voie d'accommodement et partage de famille à Madame la princesse d'Armagnac, Charlotte de Lorraine, héritière du duc de Lesdiguières, Jean-François-Paul de Créqui, ainsi qu'à son époux Monseigneur Louis de Lorraine comte d'Armagnac
En conséquence, en 1705, Charlotte de Lorraine, princesse d'Armagnac fait déclaration de reprise de fiefs à la Cour des comptes de Dijon, et s'intitule dame de la Bazolle, du Banchet, du Bois-Sainte-Marie et de Châteauneuf (1). Le prince de Lorraine fait la même déclaration et se qualifie de comte d'Armagnac, seigneur de la Bazolle, de la Farge, du Bois-Sainte-Marie et de Châteauneuf (2).
La duchesse de Lesdiguières s'était réservé la terre de Ragny, à sa mort, vers 1710, elle donne cette seigneurie à Hercule de Neuville, duc de Villeroy, qui la vend, en 1717, à Guy de Saint-Agnan (3).
Les La Madeleine avaient abandonné cette région qu'ils avaient habitée plus de deux cents ans.
A la mort de la duchesse de Lesdiguières, marquise de Ragny, les scellés furent posés sur la chambre du trésor au château du Banchet, ce qui nous apprend que la duchesse avait continué à habiter le château.
Les scellés furent levés quelque temps après et la princesse de Lorraine entra en possession des valeurs et des bijoux qu'on y trouva (4).
(1) Arch. Côte-d'Or, B. 10.980.
(2) Id., B. 10.923.
(3) Courtépée.
(4) Arch. Saône-et-Loire, B. 2316, t. II.
Cette chambre du trésor est située dans la plus grosse tour du château ; ses murs, d'une grande épaisseur, renferment des cachettes, que probablement on n'a pas encore toutes découvertes. L'une de ces cachettes fut mise à jour au siècle dernier et le trésor qu'on mit à découvert passa en grande partie à l'Etat, qui en réclama la possession.
La légende raconte qu'on y trouva même le squelette d'un chevalier, renfermé dans cet étroit et terrible cachot et muré tout vivant soit par des ennemis, soit par des amis qui devaient venir le délivrer et qui ne l'ont pas pu ayant succombé eux-mêmes (1).
(1) Arch. Côte-d'Or, C. 2132.
Voici maintenant l'acte par lequel la duchesse de Lesdiguières céda Châteauneuf au prince de Lorraine :
« Par transactions passées par devant Le Tourneur et Lange le jeune, notaires à Paris, le 19 juillet 1704. Entre très haute et très puissante dame Madame Paule-Françoise-Marguerite de Gondy de Retz, duchesse douairière de Lesdiguières, veuve de très haut et très puissant seigneur, Monseigneur François-Emmanuel de Bonne de Créquy, duc de Lesdiguières, pair de France, gouverneur et lieutenant général pour le roy de la province du Dauphiné, héritière sous bénéfice d'inventaire et légataire universelle de défunt très haut et très puissant seigneur, Monseigneur Jean-François-Paul de Créquy, duc de Lesdiguières, pair de France, son fils décédé, d'une part.
« Et très haut, très puissant et très illustrissime Monseigneur Louis de Lorraine, comte d'Armagnac, chevalier des ordres du roy, pair de France, grand escuyer, gouverneur et lieutenant général pour Sa Majesté de la province d'Anjou, ville et château d'Angers et du Pont-de-Cée, grand sénéchal héréditaire de Bourgogne, et très haute, très puissante et très illustre princesse Calonne de Minfialle, son épouse, qu'il a autorisée, héritière en partie sous bénéfice d'inventaire, dudit Monseigneur duc, d'autre part.
« Après avoir été convenu qu'il appartiendrait et demeurerait par forme de partage et par manière d'accommodement de famille, audit seigneur et à Madame d'Armagnac : 1° la terre et seigneurie de la Bazolle ; 2° la terre et châtellenie domaniale du Bois-Sainte-Marie ; 3° les terres et seigneuries, châtellenie de Châteauneuf et du Banchet, situées en Mâconnais et partie en Lyonnais. A la charge, entre autres choses, de payer par ledit Monseigneur et Madame d'Armagnac la somme de cent soixante-neuf livres annuellement au curé de Châteauneuf, tant pour ancienne fondation que pour celle faite par Madame Hyppolitte de Gondy, par son testament du 26 juin 1643 ; plus la somme de cinquante livres annuellement pour l'entretien de l'huile de la lampe de l'église de Châteauneuf (1). »
Voilà par quelle transaction Châteauneuf passa aux princes de Lorraine en 1704.
Leurs Altesses, prince et princesse de Lorraine, gardèrent à leur arrivée le capitaine châtelain de la châtellenie de Châteauneuf. C'était messire Claude Peguin, avocat au Parlement, et qui, depuis 1692, occupait cette charge en même temps que celle de juge civil et criminel des terres et juridictions de Châteauneuf et du Banchet. Nous le trouvons en cet office jusqu'en 1720 ; il habitait au Charme sur Saint-Maurice (2).
(1) Arch. Châteauneuf, série S, n° 4.
(2) Arch. Saône-et-Loire, B. 2316, n° 36.
Son lieutenant, qui était messire Gabriel Dessuire, notaire royal à Châteauneuf, tient, à sa place, les assises générales en la paroisse de Saint-Martin-de-Lixy, sur la place balladoire. Tous les justiciables et sujets de la châtellenie furent assignés de s'y rendre par le procureur, messire Etienne Auboyer, le 9 de juillet, 1703 (1).
Dans la châtellenie du Bois-Sainte-Marie, leurs Altesses confièrent la charge de juge royal et châtelain criminel à messire François Bougarre, avocat au Parlement. En 1709 le 13 août, au nom de son Altesse, Mademoiselle la princesse d'Armagnac, comtesse de la Bazole, dame et baronne de Châteauneuf, il asservise et abbenevise à Claude Poyet, de Saint-Maurice, un tènement de terre. Signé : Nompère, notaire royal ; contrôlé par M° Ducarre, notaire royal en 1616. (2). Ce Ducarre était fils de sieur Bonaventure Ducarre, dont l'épouse Claudine de Montchanin, devenue veuve, fonde, en décembre 1701, un anniversaire de messes en l'église de Châteauneuf, de 60 livres au principal et 3 livres de rente. Contrôlé le 1er janvier 1702 (3).
Ce Benoît Ducarre, fils de Bonaventure, obtient de l'évêque de Mâcon, en 1720, l'approbation d'ériger une chapelle au côté nord de l'église de Saint-Maurice, dans laquelle serait réservé un caveau de sépulture pour lui et sa famille. Cette autorisation fut obtenue malgré l'opposition du sieur des Royers, seigneur de la Matrouille, arguant que cette faveur ne pouvait être accordée qu'à la famille seigneuriale (4).
(1) Arch. Saône-et-Loire, B. 23l6, n° 35.
(2) Arch. Châteauneuf, mairie.
(3) Id.
(4) Id.
Cette permission accordée à Benoît Ducarre nous signale l'importance de cette famille qui arrivait à la noblesse et par ses charges et par ses alliances. Benoît, en 1721, porte plainte auprès du lieutenant civil et criminel de la châtellenie, messire Jean de La Colonge, licencié en droit, contre le sieur C. Jeoffray, qui lui avait cherché querelle et se fait rendre justice (1). Ce lieutenant criminel, qui remplaçait le juge capitaine châtelain, Claude Peguin, reçoit, en 1720 et 1723, les plaintes de très haute et très illustre Mlle Charlotte de Lorraine, princesse d'Armagnac, comtesse de la Bazolle, dame engagiste de la châtellenie royale de Bois-Sainte-Marie, baronne de la châtellenie de Châteauneuf, le Banchet, Maisilly, Cuinzier, Frogny, la Farge, et autres lieux, sur les nombreux et considérables vols de bois faits en ses forêts et domaines, avec ordre de poursuivre les délinquants (2).
Claude Peguin, châtelain et juge criminel de Châteauneuf, est remplacé en 1722, par messire René Chabrier, qui a pour lieutenant messire Claude Boisseaud (3). Claude Boisseaud, sieur de Biel, était fils d'Antoine Boisseaud, huissier à Saint-Maurice et de Claudine Ducarre.
Devenu notaire royal à Châteauneuf (4), C. Boisseaud épousa Anne de La Coste, fille de François de La Coste, notaire à Tancon et procureur fiscal à Châteauneuf, d'où : 1° Jean-Louis Boisseaud, prêtre, curé d'Ecoches ; 2° Claudine, qui épousa Antoine-Claude Dextre, notaire à Arcinges ; 3° Anne, qui épousa Pierre Fleury, notaire à Saint-Igny-de-Roche ; 4° Marie, qui épousa Hugues Michel, marchand à Saint-Priest-la-Roche (5).
(1) Arch. Saône-et-Loire, B. 2316, n° 67.
(2) Id., B. 2316, n° 58 et 59.
(3) Id., B. 2316, n° 109 et 141.
(4) Id., B. 2316, n° 141.
(5) Actes de M° Dextre, notaire à Châteauneuf.
Cette famille Dextre, qui existe encore à Châteauneuf, est des plus honorables, elle remonte à plusieurs siècles dans le Pays. Claude Dextre était notaire à Châteauneuf en 1613, et les plus anciens actes signés par lui sont de 1584. Son père, François Dextre, était marié, en 1574, à Bonne Fagot (1). En 1733, N. Dextre était notaire à Châteauneuf (2). Pierre Dextre, capitaine de cavalerie au régiment de Provence en 1744, est un des aïeux de M. Emile Dextre, notaire actuel de Châteauneuf. Le capitaine Pierre Dextre avait épousé demoiselle Hélène Livet, de Charlieu (3). Le capitaine châtelain, René Chabrier, est remplacé en 1735, par messire Gilbert Tillard ou Teillard, seigneur de Thigny ; il occupe cette charge jusqu'en 1739 (4). Le procureur de justice est le sieur de La Croix et le notaire royal le sieur Dextre (5). Nous croyons que ce sieur de La Croix était de cette famille noble et si honorable de La Croix d'Azolette, qui a donné au diocèse de Lyon, Mgr de La Croix d'Azolette, archevêque d'Auch, mort à Lyon en 1861, dans un âge très avancé.
La famille Ducarre ayant terminé leur chapelle dans l'église de Saint-Maurice, le 16 avril 1725, l'a fait bénir par messire Jean Moulis, docteur en théologie, archiprêtre de Charlieu et curé de Fleury-la-Montagne en Mâconnais. Il est assisté dans cette cérémonie par messire Antoine Nompère, doyen curé-major de Châteauneuf, et par messire Charles Seguin, curé de Saint-Martin-de-Lixy, qui la mettent sous le vocable de saint Claude et de saint Bonaventure (6).
(1) Actes de M. Dextre, notaire à Châteauneuf.
(2) Arch. S.-et-L., B. 2316, n° 41.
(3) Actes de l'étude de M° Dextre.
(4) Arch. S.-et-L., B. 2317, n° 56, 62, 86.
(5) Id., B. 2316, n° 41.
(6) Arch. Châteauneuf, mairie.
Et cela fut fait malgré l'opposition de Pierre des Royers, comme nous l'avons dit plus haut. Ce seigneur de La Matrouille, qui fait reprise de fiefs vers 1728 (1), était écuyer, et probablement de la famille beaujolaise des Royers de Rongefer, qui ont pour armes : de gueules à trois roues d'argent à huit raies (2).
Antoine Nompère, qui assista à cette bénédiction, était curé primitif de Châteauneuf depuis 1711. Nous le croyons de la noble famille des Nompère de Champagny en Roannais, dont les armes sont : d'azur à trois chevrons brisés et alaises d'or. Les de Nompère furent seigneurs de Champagny, de Nantillière, de Saint-Haon-le-Vieux, de Pierrefitte, etc. ; une branche forma la tige des ducs de Cadore, qui possédaient un magnifique château près de Roanne.
Le curé Nompère était peut-être le frère de messire J.-B. Nompère, seigneur de Pierrefitte, qui, en 1725, achète à Roanne la maison Amaranthe, au bourg Basset, sur cette colline que la Loire ronge de ses ondes (3).
Châteauneuf possède les registres paroissiaux du curé Nompère ; à la fin de celui de 1730, il déclare que, du 5 octobre 1711 au 9 septembre 1730, il a fait à Châteauneuf 162 baptêmes, 30 mariages et 126 enterrements (4). Il avait succédé au curé Charnoux en octobre 1711 ; il meurt en 1736, et messire Guillaume Courdon le remplace. Celui-ci signe, le 20 février 1737, avec le titre de curé-major et prêtre doyen de Châteauneuf, une quittance de 6 livres, 5 sols au sieur Gabriel Chevalier, bourgeois de Châteauneuf et à sa femme, demoiselle Philiberte Verchère, pour la fondation d'anniversaires du sieur Claude Sabatier, en son vivant bourgeois de Charlieu (5).
(1) Arch. Côte-d'Or, B. 10.980.
(2) Gras, Armorial du Forez.
(3) Abbé Prajoux, Roanne à travers les âges, Brun, Lyon, p. 45, 1894.
(4) Arch. Châteauneuf.
(5) Id.
Cette même année le curé Courdon recevait à Châteauneuf le nouvel évêque de Mâcon, Mgr Henri de Lost de Sérigan de Valréas qui faisait une tournée pastorale dans cette partie de son diocèse (1). Cet évêque, qui voyait avec peine s'élever sans cesse procès et contestations à cause des limites non définies entre le Mâconnais et le Beaujolais, obtient enfin, en 1748, du Conseil d'État cette délimitation tant désirée (2).
L'année précédente, 1747, Mgr de Valréas voulut bien être le parrain d'un enfant de Châteauneuf, et nous ne savons pour quelle cause une honnête famille de fermier eut cet honneur. Le registre des baptêmes de 1748 porte : le 21 septembre, est baptisé Henri, fils légitime de sieur Joseph Monteret, fermier à Châteauneuf, et de demoiselle Marie Michel. Parrain, Mgr Henri de Lost de Sérigan de Valréas, évêque de Mâcon, représenté par son valet de chambre. Marraine, haute et puissante dame, Marie-Camille-Diane d'Albon, épouse de haut et puissant seigneur messire Gaspard de Vichy, comte, représentée par sa femme de chambre.
Le lendemain, 22 septembre, le curé Courdon va faire signer cet acte aux parrain et marraine alors au château de Vertpré sur la paroisse de Tancon (3).
(1) De La Rochette, Hist. des évêques de Mâcon, t. II, p. 580.
(2) Id. p. 585.
(3) Registres paroissiaux de Châteauneuf. Vertpré. Il y a quelques années, deux tours existaient encore, le propriétaire du pré et de la ferme voisine (à 30 mètres des ruines), voulant faire bâtir des écuries, ne trouva rien de mieux, pour se procurer de la pierre, que de creuser un trou de mine au pied de l'une des tours et de la renverser. Mais la maçonnerie était si solide qu'il eut toutes les peines du monde à désagréger cet immense bloc. C'est peut-être à cette difficulté d'exploiter ces pierres maçonnées que l'on doit la conservation de l'autre tour. Souhaitons qu'elle soit respectée comme un intéressant vestige de cette vieille demeure féodale !
Ce château de Vertpré, résidence des Damas, était alors en toute sa splendeur, maintenant il n'en reste que quelques pans de murailles ruinées. Outre cette demeure, les Damas habitaient également le château de La Bazole et une demeure seigneuriale à La Clayette. L'église des Minimes de cette petite ville possédait un tombeau des Damas. Ecoutons à ce sujet Courtépée :
« J'arrivai à La Clayte, petite ville du Mâconois. J'entrai chez les Minimes fondés par M. de Clermont-Chantemerle ; j'y vis la tombe gravée en 1632 de la dernière des Chantemerle, épouse de Claude de Damas, dont le cœur repose près d'elle en sa chapelle. On y lit une épitaphe fastueuse, où il est dit que C. de Damas est de l'auguste maison de Damas, connue avant le christianisme puisqu'elle descend des rois de Syrie, recherchée par les roys de France et les ducs de Bourgogne.
« L'ancien château de La Clayte fut bâti par les Chantemerle et l'Espinasse, en 1492, et détruit par la jalousie de Jean de Damas, sire de La Bazole, qui ne pouvait souffrir qu'un seigneur voisin eût un château plus fort que le sien. Après un long procès il fut condamné à le laisser achever. Le nouveau château a été construit depuis peu par M. le chevalier de Noblet dont le frère est seigneur de La Clayte. On y voit une belle pièce d'eau, six tanneries sur le ruisseau ; l'endroit est peuplé et commerçant (1). »
(1) Courtépée, Voyage en Charollais-Mâconnais en 1777, p. 168.
Les de Vichy dont on parle dans l'acte de baptême cité plus haut, comte de Vichy-Champrond, avaient un magnifique château à Montceaux-l'Etoile, près de Marcigny. Ainsi en parle Courtépée : « je me rendis de Marcigny au château de M. le marquis de Vichy-Champrond. Ma plume ne peut exprimer tous les sentiments de mon cœur envers ce digne seigneur, ni la manière affable dont il me reçut et me traita pendant deux jours. Il est très riche, étant fils unique, et héritier des Brulard, et très généreux, l'ami des lettres et de ceux qui les cultivent, d'une piété tendre et éclairée, il n'a que trente-six ans (1776)... Il a dépensé 20.000 livres pour décorer le temple du Seigneur. Il a construit au fond du sanctuaire une chapelle, qui est un vrai bijou, où il doit placer le mausolée en marbre de Mme de Saint-Georges, sa jeune épouse, morte l'an passé, le sien et celui de son père, auxquels travailla Coustou à Paris.
« Cette jeune dame marchait à grands pas dans le chemin de la vertu, lorsqu'une mort prématurée l'enleva en 1775. Elle a été si regrettée que le jour du patron, terminé ordinairement par une fête baladoire et par d'autres jeux de village, les paysans d'une commune voix répondirent aux étrangers, qui venaient y prendre part : Il n'y a pas de fête cette année, la paroisse est en deuil, notre mère est morte. « Aurai-je assez de sang et d'argent, me dit lui-même M. le marquis, pour payer de pareils sentiments ? »
« Aussi est-il le père plutôt que le seigneur de ses sujets ; il ne souffre parmi eux aucun procès, il en veut être l'arbitre... Les malades trouvent au château tous les remèdes gratis ; toujours un pot-au-feu pour eux. Afin de perpétuer le bien, il a fondé un hôpital et trois sœurs grises, etc. (1). »
(1) Courtépée, Voyage en Charollais-Mâconnais en 1777, p. 66.
Nous n'avons pu résister au plaisir de citer ces quelques lignes écrites à la louange d'une noble famille, comme il en existait tant avant la grande Révolution, quoi qu'en disent certains écrivains de nos jours, qui ne connaissent guère cette haute société du XVIII° siècle dont M. Taine, dans les Origines de la Révolution française, fait un si grand éloge en parlant de son esprit fin et éclairé, de sa bonté et de son aimable affabilité.
On pourrait faire le même éloge des Damas, et par leur foi antique, et par le bien répandu autour d'eux. Du bourg de Marcilly, les diverses branches de cette illustre famille se répandirent en Beaujolais, Mâconnais, Charollais et Brionnais. Courtépée les fait tous sortir de Hugues de Damas de Cousan, vicomte de Chalon, par son mariage avec Jeanne de Bourgogne, en 1208. Depuis lors, il fut baron de Marcilly et donna naissance aux Damas de Crux, d'Anlezy, deThianges, d'Antigni, etc. (1).
Il ne fait pas le même éloge du dernier des Chaugi, grande famille dont nous avons parlé et dont un membre fut capitaine châtelain à Châteauneuf pour le duc de Bourgogne, au XV° siècle, comme nous l'avons vu.
« A Roussillon (canton de Lucenay-l'Evêque), le curé m'apprit qu'Etienne de Chaugy, dernier comte de Roussillon, mort puissamment riche, en 1775, avait laissé 2000 livres à son église et 1000 à celles d'Anost et de Cussi. Petit viatique pour un si long voyage. Le marquis de Châtellux a hérité de cette terre de Roussillon (2). »
En 1729, le lieutenant du juge châtelain à Châteauneuf est sieur Ponthus-François Boyer, notaire royal, il enregistre une procuration passée par la princesse Charlotte de Lorraine à messire Louis Groussard de Fontebrune, comme intendant et procureur de tous ses biens et domaines ; messire Groussard avait encore cet office en 1748 (3).
(1) Courtépée, Voyage en Charollais-Mâconnais en 1776, p. 99.
(2) Id. p. 136.
(3) Arch. S.-et-L., B. 2316, n° 167. B. 2318, n° 10.
C'était un ancien trésorier au Parlement de Bourgogne et d'une noble famille de cette province. Il passe, en 1730, un bail emphytéotique avec le sieur Claude Poyet (1). Alors le greffier de la châtellenie était Claude Thomassin et le garde principal du domaine du Banchet était Louis Ruban (2).
En 1734 et 1736, les officiers de justice de la châtellenie eurent à poursuivre des délits, vols de bois, dans les forêts appartenant à dame Charlotte de Lorraine (3) ; le crime d'un misérable convaincu de viol, qui fut condamné à être pendu ; ils eurent à présider le tirage au sort des jeunes gens destinés à la milice pour cinq ans et à parfaire le contingent des troupes provinciales (4).
Ils font dans les mêmes années des observations sur le chemin, qui doit s'ouvrir de La Clayette à Charlieu et qui s'exécute vers 1735 ; puis ils présentent une requête et un devis à l'administration provinciale de Mâcon pour des réparations à faire au vieux pont du Sornin (5) rongé par les eaux.
(1) Arch. Châteauneuf, mairie.
(2) Id.
(3) Arch. S.-et-L., B. 2316, t. II.
(4) Id., C. 627.
(5) Id., C. 715 et 719.
La princesse de Lorraine était plus souvent à Paris qu'à Châteauneuf ; cependant, en juillet 1740, elle vient passer quelque temps au château du Banchet. Elle installe à Châteauneuf son nouveau procureur fiscal, qui avait l'office de toucher les revenus, baux, lods, mi-lods et servis ; c'est le sieur Francois Alix d'une ancienne et honorable famille du pays. Nous savons par les actes de M° Dextre qu'elle a fourni deux notaires à Châteauneuf, l'un en 1764 et l'autre en 1776.
C'est ce François Alix dont on voit encore la pierre tombale devant la grande porte de l'église et qui mourut le 17 septembre 1777.
Charlotte de Lorraine profite de son séjour pour convoquer les assises où doivent se trouver tous les tenanciers de ses domaines. Elle entend plaintes et réclamations, et passe bail des revenus du domaine de Châteauneuf et de celui de La Bazole, moyennant le prix de 13.270 livres (1), à un tiers que nous ne connaissons pas.
En 1743, les assises générales pour la princesse de Lorraine sont tenues à Châteauneuf par le capitaine et juge châtelain, sieur Gabriel Ducarre (2).
(1) Arch. S.-et-L., B. 2318, t. II.
(2) Id., B. 2318, n° 72.
Le 4 novembre 1744, le Sornin, grossi par d'abondantes pluies, poussait des ondes si furieuses que deux arches du pont de Châteauneuf furent emportées et que les eaux sortaient par la porte de l'écurie de l'hôtellerie de la Croix-Blanche avec tant de force qu'elles auraient pu faire marcher un moulin, nous dit une note écrite en marge sur le registre paroissial. Ce dégât ne fut réparé qu'en mai 1749 ; les deux arches emportées étaient celles placées du côté de Saint-Maurice, nous dit également la note ; et elle ajoute, qu'au 17 mai de cette année 1749, une terrible gelée a détruit les blés et les vignes.
La famille Ducarre, dont faisait partie le juge châtelain, était arrivée à la noblesse par ses charges et ses alliances : Messire Gabriel Ducarre se maria, le 23 janvier 1746, et son acte de mariage en fait foi. Le voici : « Pierre Salomon des Bois, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, grand bailli du Mâconnais, capitaine du château de Mâcon ; savoir faisons que par devant les notaires royaux soussignés, furent présents noble Gabriel Ducarre, avocat au Parlement, conseiller du roi et son juge-prévot châtelain des châtellenies royales de Châteauneuf et de Bois-Sainte-Marie, demeurant en la paroisse de Saint-Maurice, procédant avec tout avis et conseil de dame Madeleine Goyne, sa mère, veuve et héritière du sieur Benoît Ducarre son père, bourgeois de ladite paroisse de Saint-Maurice, y demeurant ; et noble Claude Thivend, aussi avocat et conseiller du roi, contrôleur général des finances, domaines et bois de la généralité de Lyon, et dame Benoîte Lespinasse de lui autorisée, tous deux demeurant à La Fontaine, paroisse de Marchezal, et de leur autorité demoiselle Pierrette Thivend, leur fille... la dot de la future est de 10.000 livres (1). »
Par ce contrat, la mère Ducarre règle également la légitime de ses deux autres fils Benoît et Joseph, Benoît Ducarre alla demeurer à Saint-Bonnet-de-Cray où il se maria, le 8 février 1790, avec demoiselle Marie, fille de Guillaume-Pierre Durocher, bourgeois de Melay (2).
(1) Arch. Châteauneuf. En 1687, mariage de Jeanne Ducarre avec Claude Rambaud, maître d'école à Châteauneuf (registre paroissial).
(2) Arch. S.-et-L., t. II, B. 2285.
A ce contrat de mariage de Gabriel Ducarre, signent la princesse de Lorraine, Pierre Thivend-Ducarre, Goyne, Ducarre, Auplat, vicaire, Lespinasse, Verrière, Merle, prêtre de Chavannes, de Moscraud, Ponthus de La Bourdelière, Gondras, curé, Merle de la Bourdelière, Alix de Drée, Georges de Drée, Petit, grand prieur, etc.
De ce mariage de Gabriel Ducarre et de Pierrette Thivend naquirent : 1° Claude, avocat au Parlement, conseiller général, décédé le 29 octobre 1826 ; 2° Germaine, religieuse à Roanne, décédée en 1836 ; 3° Pierre-Marie, décédé intestat ; 4° Pierre-François ; 5° Claudine.
Complétons sur cette famille des plus honorables de Châteauneuf, les renseignements ci-dessus.
Sieur Gabriel Ducarre, cité plus haut, eut un fils, Claude, né le 19 janvier 1748 à Saint-Maurice et mort également à Saint-Maurice en octobre 1826 à l'âge de soixante-dix-huit ans. Il fut avocat au Parlement de Paris, conseiller du roi, juge et châtelain royal de Châteauneuf. Son père Gabriel était né à Saint-Maurice en 1715 ; il fut avocat au Parlement de Paris et juge châtelain à Châteauneuf (1), charge qu'il transmit à son fils Claude. Sa femme, Pierrette Thivend, que nous voyons citée dans l'acte ci-dessus, était fille de Claude, avocat au Parlement, conseiller du roi, contrôleur des finances, domaines et bois de la généralité de Lyon, demeurant à Cours en Beaujolais. Claude Ducarre eut entre autres enfants, Pierre-François, né à Saint-Maurice, en 1779 ; il fut le père de Louis-Henri Ducarre, chevalier de la Légion d'honneur, adjoint au maire de Châteauneuf ; capitaine de cuirassiers, en 1870, il prit part à la fameuse charge de Reischoffen. Il y a des membres de cette famille à Paris, à Roanne, à Charolles, à Belmont et à Semur en Brionnais (2). Les Ducarre ont pour armes : de... (nous n'avons pu les retrouver).
(1) Arch. S.-et-L., B. 2318, 34. 46.
(2) Ann. administr. commerc. et histor. du département de Saône-et-Loire, année 1888.
En 1748, Châteauneuf et le domaine du Banchet passent à de nouveaux maîtres. Le 3 mars 1748, dame Charlotte de Lorraine, princesse d'Armagnac, baronne de Châteauneuf, comtesse de La Bazole, engagiste des châtellenies royales de Châteauneuf et du Bois-Sainte-Marie, demeurant en son hôtel à Paris, rue Sainte-Anne, vend et cède toutes ses seigneuries en Mâconnais, à savoir : Châteauneuf, Bois-Sainte-Marie, etc., à messire Etienne, comte de Drée, chevalier, seigneur de Verpré, Barnay, Moulin-le-Bost, Viry, la Sarraudière, etc., par acte reçu par M° Brouard, notaire à Paris (1).
La famille de Drée, ancienne et illustre, appartient aux familles chevaleresques de l'Auxois, d'où elle est originaire. De là elle se répandit en Mâconnais, Lyonnais, Forez, Beaujolais, et Dauphiné. Son premier titre fut seigneur de La Serrée : « En 1547, François de Bessac, écuyer, seigneur de Tallant, homme d'armes dans la compagnie du seigneur de Rolle, reçoit procuration d'Antoine de Drée, seigneur de la Serrée, homme d'armes dans la même compagnie, pour prendre, recevoir, lever des mains du trésorier payeur de ladite compagnie la paye et quartiers dudit seigneur de Drée constituant (2). »
(1) Arch., Châteauneuf.
(2) Arch. S.-et-L., E. 1196.
Les de Drée habitaient sur la paroisse de Saint-Martin-de-Lixy. Le 26 octobre 1695, messire Manin, curé de Saint-Martin-de-Lixy, baptise Anthoine de Drée, fils légitime de messire Renée de Drée, chevalier, seigneur de la Serrée, et de dame Jeanne de Damas, son épouse. Parrain, Anthoine d'Amanzé, chevalier, comte de Choffailles ; marraine, demoiselle Anne-Henriette de Busseuil de Saint-Sernin. Cet enfant ne vécut pas longtemps, car le 10 octobre 1796, le curé Julien, qui avait remplacé le curé Manin à Saint-Martin-de-Lixy, baptise Anthoine de Drée, fils légitime de messire Renée de Drée, et de dame Jeanne de Damas, son épouse. Le parrain est Antoine de Montchanin, chevalier, comte de La Garde ; la marraine demoiselle Bénigne de Drée, sa sœur. Ce second fils mourut jeune également, puisque, le 27 juillet 1700, Renée de Drée fait baptiser un autre fils du nom d'Anthoine, dont le parrain est messire Anthoine Le Preste de Vauban, lieutenant général des armées du roi, inspecteur général au pays d'Auxois ; la marraine, dame Françoise de Foudras, comtesse de Montfort (1). Il y eut plusieurs fois alliance entre les Drée et les Damas, mais cette fois l'union ne fut pas heureuse entre Renée de Drée et Jeanne de Damas, surtout dans les commencements, car ils vécurent séparés pendant plusieurs années (2). Renée de Drée fait reprise de fiefs en 1704, il y est dit seigneur de La Serrée et de Moulin-le-Bost ou le Bois (3). En même temps que Renée de Drée faisait reprise de fiefs, Gilbert de Damas, seigneur de Barnay et de Verpré faisait de même (4). Renée de Drée, seigneur de la Serrée, Viry et Moulin-le-Bost fut au nombre des élus triennaux pour la noblesse à l'assemblée générale des Etats du Mâconnais en 1700 (5). Son aïeul, Salomon de Drée, l'avait été en 1626 et en 1642 (6) ; il était seigneur de La Bêcherie et de La Serrée.
(1) Registre paroissial de Saint-Martin-de-Lixy. Busseuil, fief à Varennes, possédé en 1777 par M. Bouthier de Rochefort, maison, qui possède une belle bibliothèque (Courtépée, p. 87). En ce voyage dans le Brionnais, en 1777, Courtépée logea à Semur chez M. Bouthier de Rochefort, procureur du roi, magistrat d'un vrai mérite, dit-il, qui s'amusa beaucoup avec sa compagnie de ce que Courtépée avait dit que de loin Semur paraissait une aire d'aigle, ou plutôt un nid de chouettes. Mais de près, ajouta-t-il, c'est le séjour des muses, des grâces et de la bonne compagnie, p. 88.
(2) Arch. S.-et-L., B. 594.
(3) Arch. Côte-d'Or, B. 10.920.
(4) Id., B. 10.920.
(5) Arch. S.-et-L., C. 477.
(6) Id., C. 472-473.
Nous pouvons mentionner vers la même époque, 1697, M° Musset, notaire à Châteauneuf (1) ; puis messire François Chatelus, maître chirurgien, marié à demoiselle Laurence Pitois, 1745 ; enfin messire Pierre Devaux, mort en 1755, qui est inhumé dans l'église (2). Nous croyons ces citations intéressantes à quelques familles de cette petite ville.
En entrant en possession du domaine de Châteauneuf, messire Etienne de Drée fait visiter par ses officiers et intendants les terres et seigneuries de Châteauneuf, la Bazole, Bostdemont, Bois-Sainte-Marie, La Farge et leurs dépendances pour constater en quel état elles étaient (3). Il passe en même temps avec les commissaires députés ad hoc, le contrat d'engagiste pour les deux châtellenies de Bois-Sainte-Marie et de Châteauneuf, au prix d'une rente annuelle de 56 livres pour chacune, destinée au trésor royal (4).
L'écusson des de Drée : cinq merlettes d'argent sur fond de gueules viennent, sur les portes du château du Banchet, prendre la place de l'écu aux lions d'or et aux léopards de gueules des Armagnac.
Les habitants de Saint-Maurice se réunissent alors en assemblée pour offrir à leur nouveau seigneur les hommages du vassal et obtenir une diminution des tailles (5).
(1) Actes de l'étude de M° Dextre.
(2) Registres paroissiaux.
(3) Arch. S.-et-L., B. 2319, t. II.
(4) Id., E. 226.
(5) Id., C. 318.
Le sire Etienne de Drée se montra bon maître, puis voulant fixer son séjour à Châteauneuf, il fait faire de grandes réparations et embellissements au château du Banchet, que la princesse de Lorraine avait laissé dans l'abandon. C'est à cette occasion, 1752, qu'en grattant les murailles de la grosse tour, dite le Donjon, on mit à découvert une cachette, parfaitement célée, qui renfermait un trésor, que la légende nous donne comme considérable et d'une époque bien plus ancienne que celle de l'occupation du Banchet par les La Madeleine ; aussi vit-on intervenir un arrêt du Conseil d'État revendiquant à son profit le trésor trouvé (1).
Le 24 mars de l'année suivante, haut et puissant seigneur Etienne de Drée, baron de Châteauneuf, marie sa fille, Claude, avec messire Jean Gaspard du Sou, marquis de Saint-Amour (2), capitaine de cavalerie au régiment des cuirassiers du roi, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, habitant au château de Concrêne sur la paroisse de Villié, en Beaujolais.
Puis en 1756, Etienne, devenu comte de Drée et de la Bazole, tient les assises à Châteauneuf ; il est qualifié de seigneur du Banchet, de Maisilly, Cuinzier, Fragny, Verpré, Barnay, Moulin-le-Bost, Viry, La Farge, et baron de Châteauneuf (3). Le vieux fief de Verpré, possédé jusque-là par les Damas, lui était arrivé en 1739. Le 29 mai 1739, le registre paroissial enregistre le décès de dame Jeanne de Damas, veuve de messire Renée-Emmanuel de Drée. Elle est inhumée en l'église de Châteauneuf ; elle était dame de Verpré, qu'elle laisse en mourant à Etienne de Drée, et de Viry, vieux château situé à La Chenauderie, dont héritent également les Drée (4).
(1) Arch. Côte-d'Or, C. 2132. [Patrick Martin : les archives de Côte-d'Or possèdent également le dossier relatif à la découverte du trésor enfoui dans les murs du château, faite par M. de Drée, seigneur engagiste de la terre et à sa revendication par le Domaine (1752), C 2693]
(2) Arch. Châteauneuf, Registres paroissiaux.
(3) Arch. Saône-et-Loire, B, 2320, t. II.
(4) Viry. Il n'en reste pas trace aujourd'hui, ce domaine appartient à M. Beluze de Châteauneuf.
Le comte Etienne de Drée eut un fils, Gilbert, qui est qualifié de marquis, pour avoir obtenu ce titre vers 1756, tandis que son père reste avec le titre de comte. En est la preuve un acte de vente du 27 avril 1757 :
« Vente par haut et puissant seigneur messire Gilbert, marquis de Drée, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, lieutenant au régiment des Gardes Françaises, comte de la Bazolle, baron de Châteauneuf, seigneur du Banchet, Verpré, Barnay, Viry, Moulin-le-Bost, Maizilly, Cuinzier, Fragny, La Farge, Trétu, Bosdemont, Le Bussy, Sarraudière, etc., et dame Jeanne de Siry, son épouse, et messire Etienne, comte de Drée, son père, à sieur Pierre Mollerat de Verpré, écuyer et conseiller du roi, contrôleur ordinaire des guerres, du fief, terre et seigneurie de Sarraudière ou Seyrraudey, consistant en château, cour, écurie, jardin et domaine et un autre domaine appelé du Suchot, et ce au prix de 66.000 livres. Ce fief relève de la baronnie d'Issy-l'Évêque, appartenant à l'évêque d'Autun à qui est dû foi et hommage (1). »
En 1759, le comte de Drée, Etienne, mariait, le 25 février, sa fille, Marie-Claude-Gilberte, qu'il avait eue de sa femme Jeanne de Siry, à messire Claude-Marie, comte de Damas, vicomte de Lavieu, baron de Villars, fils de Joseph, marquis de Damas du Rousset, et de Marie-Marguerite de Tréméoles de Barges. Ce mariage eut lieu, le 25 février 1759, dans l'église de Châteauneuf, en présence de M. Le Preste de Vauban, lieutenant général des armées du roi, de l'abbé Antoine de Drée, du sieur Duclos, châtelain de l'Etoisle, de messire de Saint-Amour, de messire Gabriel Ducarre, juge et prévôt de la châtellenie. Signé : Sabatin, curé-major de Châteauneuf (2).
(1) Actes de l'étude de M° Dextre, Châteauneuf.
(2) Registre paroissial de Châteauneuf. Actes de l'étude de M° Dextre.
L'abbé Antoine de Drée, qui signe cet acte, était le frère du comte Etienne de Drée, il fut grand sacristain de l'abbaye de Savigny et vint se retirer au château du Banchet vers la fin de sa vie pour y vivre en paix au sein de sa noble famille. Au 20 novembre 1756, il vend à son frère Etienne divers objets mobiliers, pour augmenter une fortune qu'il voulait faire passer à des neveux moins favorisés (1).
La femme du comte Etienne de Drée, mère de Claude-Gilberte et du marquis Gilbert, était haute et puissante dame Jeanne de Siry de Lafarge.
Messire Claude-Marie de Damas, époux de Claude-Gilberte de Drée, mourut victime de la Terreur, en 1793, ne laissant pas d'enfant (2). Quant à Jeanne de Damas, veuve de messire René-Emmanuel de Drée, et dont nous avons cité l'acte mortuaire plus haut, elle était fille de Pierre de Damas, seigneur de Verpré et de Barnay, et d'Anne Gambier, dame de La Garde. Elle avait épousé, en 1692, René-Emmanuel de Drée de la Serrée, frère d'Etienne de Drée et fils de Charles de Drée et de Françoise de Foudras (3).
(1) Actes de l'étude de M° Dextre.
(2) Biographie des Damas.
(3) Biographie des Damas. Registres paroissiaux de Châteauneuf et actes de l'étude de M° Dextre. Le Prestre de Vauban, Nivernais et Cublize. Armes : d'azur au chevron d'or. Alias d'argent surmonté d'un croissant d'argent et accompagné de trois trèfles d'or (Gras).
Elle était donc la belle-sœur du comte Etienne de Drée et tante du marquis Gilbert de Drée à qui elle laisse ses seigneuries de Verpré et de Barnay. Les de Foudras étaient d'une ancienne et riche famille de ces régions, dont les armes sont : fascé d'argent et d'azur. Ils furent seigneurs de Contenson, Le Pinet, Augerolles, Souternon, Ornaison, La Place, etc. Leur résidence habituelle fut Courcenay, ancien château fort sur la paroisse de Mardore, et qui fut complètement ruiné à la grande Révolution. Au commencement de ce siècle, M. Suchet, son nouveau propriétaire, fit disparaître à grands frais ces ruines couvertes de broussailles et peuplées d'une multitude de serpents. Les bâtiments, qui servaient autrefois de communs, furent restaurés par ses soins, et il en fit la demeure actuelle. Mais les de Foudras n'en étaient plus les maîtres dès 1780, ils avaient vendu leur antique manoir à M. de Guillermin, seigneur de Nuzières et de Montpinay sur la paroisse du Ranchal. M. de Guillermin abandonna bientôt ce nom pour ne plus porter que celui de Nuzière, sous lequel il est plus généralement connu. Nous trouvons un de Guillermin de Nuzière dans un acte de baptême du 26 novembre 1728. « A ce jour est baptisée Jeanne-Marie Thomase, fille de messire François de Montrichard, écuyer, seigneur de La Brosse, et de dame Guillin-du-Montet. Parrain, Thomas de Montrichard, oncle paternel ; marraine, Jeanne-Marie de Magnin-Ponchon, épouse de messire Jean-François de Guillermin, écuyer, seigneur de Nuzières, Montpiney, Charmes et autres lieux, demeurant au château de Montpiney, paroisse du Ranchal. Signé : Guillin du Montet, curé, chanoine d'Aigueperse (1). »
En quittant le château de Courcenay, les de Foudras allèrent habiter leur belle demeure de La Gresle, le château de La Place, bâti à la moderne et qui existe encore (2).
(1) Registres de Saint-Igny-de-Vers.
(2) De La Rochette, Voyage dans le Haut Beaujolais, p. 37.
En 1757, par un arrangement passé entre le comte Etienne de Drée et son fils le marquis Gilbert, ou probablement par une vente, les domaine et seigneurie de la châtellenie du Bois-Sainte-Marie passent à ce dernier, qui en fait l'aveu de fief (1) et en passe le contrat de seigneur engagiste.
Vers cette époque, nous trouvons, plusieurs fois citée honorablement, la famille de La Coste, qui habitait la châtellenie de Châteauneuf, elle sortait, croyons-nous, des seigneurs de Buis près de Chissey ; en 1770, Pierrette de La Coste, fille du sieur de Buis, épouse François de Mauroy-Sauldon, sire de Marchiseuil (2). A Châteauneuf, en 1751, demoiselle Marianne, fille de Claude de la Coste, notaire à Tancon, épouse J.B. Gonnet, habitant de cette ville (3).
(1) Arch. Côte-d'Or, C. 2132, fol. 346.
(2) Courtépée, Voyage en Mâconnais en 1777, p. 120. Marcheseuil, Marca Solium, près de là se trouve la montagne de Bar, au sommet de laquelle se voit l'enceinte d'un camp et d'un ancien château, au sud. Ce fut jadis la retraite des Bardes, poètes et musiciens gaulois. (Courtépée, p. 119.)
(3) Registres paroissiaux de Châteauneuf. Guillemin de Nuzières, à Charlieu, Montpinay. Armes : d'azur au lion d'or, tenant une épée flamboyante d'argent (Gras). Guillin du Montet. Armes : De gueules à quatre flèches mises en giron d'argent (Gras). De Montrichard. Armes : de sable au chevron d'or accompagné en pointe d'un mont de sept pointes d'argent, au chef d'or chargé de trois étoiles de gueules, alias de sable, alias de vair à la croix de gueules.
En parcourant les registres paroissiaux de Châteauneuf, nous trouvons en celui tenu par Messire Pierre Sabatin, la note suivante :
« 1763, 24 août. Jean Rochard, de Cray en Dauphiné, employé à La Clayette, en qualité de brigadier des Fermes du roi, ayant été frappé d'un coup de faux, hier 23 août, en est mort. Muni de tous les Sacrements, il a été inhumé dans le cimetière de Châteauneuf, par moi, curé major, soussigné, vu l'ordonnance de M. le juge civil et criminel de la châtellenie royale de Châteauneuf. Sabatin, curé. » Le curé Pierre-Denis Sabatin mourait à son tour deux mois après, 14 octobre 1763 à l'âge de trente-huit ans, et était enterré le lendemain dans l église de Châteauneuf (1).
Ce brigadier des Fermes nous rappelle que le célèbre Mandrin, suivi d'une bande de cinquante hommes, visita ces contrées, en 1754. Par deux fois il pilla les Fermes de Charlieu (2) et probablement celles de plusieurs autres localités de cette région.
Cet homme extraordinaire, qui échappa pendant plusieurs années aux gens de police qui le poursuivaient, arrivait inopinément avec sa bande composée d'hommes déterminés, en un gros bourg, même en des villes comme Bourg, Mâcon et Charlieu, et dévalisait les caisses des gabelles (3).
(1) Arch. Châteauneuf. Registres paroissiaux.
(2) Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p. 32.
(3) Mandrin pillait surtout les gabelles et les caisses des fermiers généraux ; il était aussi faux monnayeur. Au retour des expéditions qu'il faisait en Dauphiné, Lyonnais, Beaujolais, Mâconnais et Bresse, il se retirait avec sa bande dans un vieux château en ruines de la Côte-Saint-André, dans le Dauphiné. Pour s'y livrer plus tranquillement à ses produits clandestins, il faisait croire aux habitants des environs que ce château était habité par le diable. Chaque nuit on voyait paraître sur les murailles des fantômes qui traînaient des chaînes avec fracas. Si quelqu'un se gardait pendant le jour, tout était solitaire, les faux monnayeurs se cachaient dans les souterrains et ne paraissaient pas. Mais, en revanche, on voyait sortir de tous coins des serpents et autres monstres qui se glissaient, parfaitement imités et qui jetaient la terreur parmi les trop crédules paysans et les quelques visiteurs plus hardis qui visitaient ces lieux. Mandrin fut enfin pris et roué vif.
Ce même registre nous fait connaître le procureur royal de la châtellenie, messire J.-B. de Banssière, qui épouse, le 13 juillet 1767, demoiselle Jeanne, fille de feu Claude-Philibert Godin, notaire royal ; il nous fait part également des pressantes requêtes que messire Gabriel Bruel, curé major de Châteauneuf, envoie aux Etats de la Province pour obtenir des réparations à sa cure, qui est en fort mauvais état. Mais alors, comme aujourd'hui, l'administration fait la sourde oreille, et, trois ans après, le curé renouvelle sa demande qui n'avait pas été entendue. Il lui fut répondu, le 1er novembre 1770, qu'on ne prenait pas sa demande en considération parce qu'il n'avait pas fait les réparations locatives et que le mal venait de sa faute. Le curé offre alors 24 livres de dédommagement et les réparations votées sont exécutées dans l'année 1771 (1).
Les de Drée avaient aussi de grands biens sur la paroisse de Saint-Martin-de-Lixy ; en 1772, s'élève une contestation entre le marquis Gilbert de Drée et messire Patel, curé de ce lieu. Survient alors, le 28 avril 1772, un arrêt du Conseil supérieur établi à Lyon, qui maintient le curé de Saint-Martin-de-Lixy dans la possession de son pourpris (enceinte autour de l'église) possession contestée par le marquis de Drée, qui prétendait que ce pourpris où était bâti la cure, devait faire partie des fonds abandonnés pour jouir de l'augmentation de la portion congrue, fixée à 500 livres par S. M. Louis XV (2).
Ce curé Patel, qui eut droit en cette affaire, mourait le 25 janvier 1780, et était inhumé dans le caveau placé sous l'autel de Notre-Dame, en la nef de l'église de Saint-Martin-de-Lixy. L'inhumation de ce curé, qui était âgé de soixante-dix-huit ans, est faite par messire Gondras, curé de Tancon (3).
(1) Arch. S -et-L., C. 302, n° 8. M° de Banssière était notaire à Saint-Maurice. En 1771, il passe l'acte de vente d'une vigne faite au marquis de Drée, par Philippine Déal, veuve de Jean Camp (Arch. Châteauneuf).
(2) Registr. paroiss. de Saint-Martin-de-Lixy ; Il existe en l'étude de M° Dextre une réquisition du curé Patel, aux fins de constater les réparations à faire à la cure de Saint-Martin. Acte reçu par M° Alix, en 1774. La même année, en la même étude est passé un acte où comparait M° Monteret, notaire royal et contrôleur au sel à Charlieu. Il avait un domaine à Saint-Martin-de-Lixy.
(3) Regist. paroiss. de Saint-Martin-de-Lixy.
Les Drée avaient leur caveau funéraire en l'église de Châteauneuf en haut de la nef de droite, chapelle actuelle de Saint-Joseph. Le 16 septembre 1774 y est faite l'inhumation d'un membre de leur famille, messire Gilbert de Drée de la Serrée, prêtre, prieur de Conlhiat en Auvergne. Il était actuellement chapelain de la chapelle de Sainte-Catherine-de-Viry (1) et était âgé de quatre-vingt-sept ans (2). C'était un frère du comte Etienne de Drée et oncle du marquis Gilbert.
L'abbé Gilbert de Drée, prêtre, ancien procureur de l'abbaye de Conlhiat, docteur en théologie, avait fait son testament le 1er avril 1774. Il est ouvert en l'étude du notaire de Châteauneuf, le 11 février 1775.
Le testateur, frère de Messire Etienne, comte de Drée, lègue à son frère Antoine de Drée, prieur actuel de Conlhiat et de Saint-Just-en-Chevallet, sa montre et sa tabatière ; il fait divers legs : 1° à Antoine de Drée, ancien capitaine de vaisseau ; 2° à Jeanne de Drée, marquise de Saint-Amour ; 3° à Gilberte de Drée, marquise de Damas ; 4° à N. de Drée, enseigne de vaisseau, fils d'Etienne, comte de Drée ; son héritier universel est Jean-Gilbert de Drée, officier au régiment de Champagne, comme étant le plus pauvre de ses neveux et nièces (3).
L'année suivante, Etienne comte de Drée, seigneur de Châteauneuf, le 12 août 1776, passe un bail à ferme, à Jacques Auberger et à François Auberger, du domaine du château du Moulin (4).
(1) Chapelle bâtie par les Ducarre.
(2) Id., de Châteauneuf.
(3) Étude de M° Dextre.
(4) Id.
Le procureur alors des de Drée était sieur Benoît Ducarre, notaire royal ; il rend une sentence le 26 octobre 1772 (Et. Dextre), et en l'année 1776, d'après les ordres du marquis de Drée, il donne avis à tous les habitants et tenanciers de Châteauneuf que les assises s'ouvriront le 20 août, qu'il y aura foire le même jour, et qu'on y trouvera toutes sortes de marchandises. Sont invités à s'y rendre les justiciables de la châtellenie de Châteauneuf, et ceux des châtellenies voisines et d'y apporter les denrées diverses du pays, d'y conduire les bestiaux, qui seraient bons à vendre, affirmant que sur ces marchandises on ne prélèvera aucun droit (1). Ces faveurs et franchises étaient bien capables d'attirer les étrangers à Châteauneuf.
Nous ne savons pourquoi en cette même année parut un mémoire qui fit quelque bruit. L'auteur prouvait que les châtellenies de Châteauneuf et du Bois-Sainte-Marie devaient être du ressort du Parlement de Dijon (2). Citons également un fait, qui contribua beaucoup à la richesse et à la prospérité de la vallée du Sornin, et qui se passa en l'année 1778. Un sieur Tranchant, habitant de La Chapelle-sous-Dun, en faisant des fouilles sur son domaine, découvrit des filons de charbon, qui promettaient d'être féconds. Ayant fait part de sa découverte, il reçoit de l'administration de la province des encouragements à poursuivre ses recherches, qui sont bientôt couronnées de succès (3) ; et les mines, creusées à cette époque, continuant à être exploitées de nos jours, sont la richesse du pays.
En 1777, le marquis Gilbert de Drée, chevalier, seigneur de Châteauneuf et du Bois-Sainte-Marie, avait fait reprise de fiefs pour ces deux seigneuries (4).
(1) Arch. S.-et-L., B. 2223.
(2) Id., E. 601.
(3) Id., C. 496.
(4) Arch. Côte-d'Or, B. 11.091.
Puis, deux ans après, il déposait au tombeau de la famille, le 30 novembre 1779, le vieux comte Etienne de Drée, son père. L'acte mortuaire est ainsi libellé :
« Noble, très haut et très puissant seigneur, messire Etienne, comte de Drée, chevalier, seigneur de Drée, Curbigny, Saint-Laurent, Bostdemont, Verpré, Barnay, Le Bois-Sainte-Marie, Moulin-le-Bost, et autres lieux, baron du Banchet-Châteauneuf et de La Farge, décédé en son château de Drée, le 30 novembre 1779, à l'âge de quatre-vingt-sept ans, a été inhumé dans le tombeau de sa famille, en l'église de Châteauneuf. Signé : Bruel (1). »
(1) Regist. paroiss. de Châteauneuf.
Le comte de Drée laissait ses biens et seigneuries à ses fils : le marquis Gilbert, et N. de Drée, enseigne de vaisseau. Le fils de Gilbert, Etienne de Drée, résidant plus tard à Chabeuil, en Dauphiné, épousera en secondes noces la sœur du célèbre géologue, Déodat-Guy-Sylvain-Tancrède Grattet de Dolomieu, qui lui laissera, en mourant, le château de Dolomieu. Un des fils d'Etienne, établi à Chabeuil, épousera au commencement de ce siècle, une demoiselle de Laurencin ; un autre, devenu général, est mort il y a quelques années.
Edouard de Laurencin avait épousé Joséphine de Ravel, dont il eut une fille, qui épousa le comte de Drée, fils d'Etienne, mort en 1863, et qui possédait le domaine et château de Curbigny, près de la Clayette. Ce comte de Drée eut deux filles, l'aînée épousa M. de Corrafis, de l'Eure ; et l'autre épousa M. de Fontenille, près de Nantes.
Le fief de La Farge, dont était seigneur Etienne de Drée, est une vieille maison forte aux pieds des noirs sapins qui dominent Propières et la vallée. Très pittoresquement située, c'est une résidence charmante, que le propriétaire actuel, M. le baron Charles Berthaud, a fait réparer dans le meilleur goût. Les armes du nouveau maître de La Farge sont : Parti, d'azur à la framée d'or et d'argent, à l'ours hissant de sable, au chef d'azur à la clef d'or. On arrive au vieux manoir par une très jolie route au milieu des bois, et qui part des Echarmaux.
Le curé Gabriel Burel, qui signe l'acte de décès du comte de Drée avait succédé au curé Sabatin, en 1763 ; il meurt en 1780, et est inhumé dans le chœur de l'église de Châteauneuf (1).
(1) Regist. paroiss. de Châteauneuf.
Il est remplacé par messire Antoine Ducray, comme curé major, qui continue à inscrire les actes paroissiaux sur ce même registre, qui s'arrête en 1792, et se termine par l'acte de décès de Geneviève Déal, femme de Gabriel Verand, citoyen de Châteauneuf, le 28 octobre. Signé : Ducray. Après quoi, il est dit : « Ce registre a été arrêté par nous, maire de Châteauneuf, chef-lieu de canton, ce jourd'hui, 17 décembre 1792, l'an premier de la République Française. » Ce maire est le citoyen Déal.
Le marquis Gilbert de Drée, héritier des titres et seigneuries de son père, avait vu s'élever une longue contestation entre lui et messire Rolland de la Duerie, 3 avril 1781.
La Duerie est un château à Saint-Denis-de-Cabanne, entre Châteauneuf et Charlieu. Il appartient actuellement à la famille de Jessé.
Messire Rolland ou Roland était seigneur de la Duerie, de Saint-Denis, de Saint-Pierre-de-Noailles, de La Marpondière et de la Platière ; ses armes étaient : d'or à la bande d'azur, chargée de trois étoiles d'or. Cette famille, qui eut une certaine célébrité à son époque, pour avoir donné la belle Mme Roland et son mari, le ministre de Louis XVI, était originaire de Thizy.
La ville de Villefranche revendique également cette gloire, ce qui peut parfaitement s'admettre, les Roland habitant simultanément ces deux pays. Dés le XVI° siècle, on voit paraître à Thizy la famille de Roland, qui fournissait déjà des magistrats, des docteurs en médecine et des curés à l'église de Saint-Georges de Thizy. Dans l'église du château fort, qui se trouve en haut de la montagne, il y avait la chapelle des Roland, où ils se faisaient enterrer. Ils se sont divisés en deux branches, qui se sont distinguées entre elles par le nom de leur seigneurie, Roland de La Roche et Roland de La Platière. Le château de la Platière était à Thizy, mais ce nom fut donné également au château du Clos, à Theizé, quand un membre de cette famille acheta ce fief.
Le plus illustre de cette race fut messire Jean-Marie Roland de la Platière, conseiller du roi et magistrat au bailliage du Beaujolais.
Il résidait souvent à Villefranche où il avait une demeure, c'est là qu'il vint au monde, croit-on, en 1734. Après avoir acquis dans de fortes études des connaissances profondes, il fut inspecteur général à Amiens, puis à Lyon, où il fit connaissance de Jeanne-Marie Philippon, la belle et spirituelle Mme Roland ; il l'épousa en 1780. En 1789, Mme Roland, fort influente par son esprit et ses talents, fit porter son mari aux Etats généraux. A Paris, la maison de Mme Roland devint bien vite le lieu de réunion de plusieurs hommes remarquables de cette assemblée, Brissot, Barbaroux, Vergniaud, Clavière, Louvet, etc., qui firent nommer Jean-Marie Roland, ministre de l'intérieur. Il ne resta que trois mois au ministère, puis devenu odieux au parti populaire, contre lequel il s'était déclaré, il fut obligé de se retirer à Rouen. Sa femme, restée à Paris, était bientôt arrêtée, en 1793, et sa tête tombait sous la hache révolutionnaire.
Roland, dans sa retraite, apprend la mort de son épouse : ne se sentant plus le courage de lui survivre, il quitte Rouen le 15 novembre 1793, vers les six heures du soir, et suit la route de Paris, jusqu'au village de Baudoin ; là, il se perce de l'épée que recelait sa canne. On trouva sur lui un billet ainsi conçu : « Qui que tu sois qui me trouves gisant, respecte mes restes, ce sont ceux d'un homme qui consacra sa vie à être utile, et qui est mort comme il a vécu, vertueux et honnête. Puissent mes concitoyens prendre des sentiments plus humains !.. Je n'ai pas voulu rester plus longtemps sur une terre souillée de tant de crimes (1). »
(1) De la Rochette, Excurs. dans le Haut Beaujolais, p. 185.
Mort, hélas ! qui ne fut ni chrétienne, ni celle d'un homme de cœur. Quelle est cette vertu qui ne peut supporter les misères de la vie et qui ne sait s'en faire un mérite devant Dieu !
Nous avons dit qu'une contestation s'était élevée entre le marquis de Drée et le sieur de La Platière, la voici :
3 avril 1731. Pierre-Joseph Preste, fondé de pouvoir du sieur Roland de la Duerie, seigneur de la Duerie, à Saint-Denis-de-Cabanne, en Lyonnais, vient répondre à l'assignation faite par le marquis de Drée, par-devant le procureur général.
A l'effet de représenter les titres, en vertu desquels il jouit des droits d'usage, pâturage, pacage et autres, dans les bois des Avaizes, dépendant de la châtellenie de Châteauneuf, en Mâconnais, cédée par le roi à titre d'échange au sieur marquis de Drée.
Le sieur Roland de la Duerie peut justifier ses droits par une charte de concession datant de 1457.
Le sieur Preste a ajouté les observations suivantes : « Il paraît qu'il y avait, au XV° siècle, sur les confins du Mâconnais et du Lyonnais, une forêt dite forêt des Avaises. La propriété en était partagée entre le roi et le duc de Bourgogne, à qui Charles VII avait cédé le Mâconnais, en 1435. Ces deux princes, suivant la pratique de ces temps-là, accordaient volontiers le droit d'usage et de pacage dans cette forêt aux habitants voisins qui en demandaient la concession. Le sieur Jacques de La Duerie, prédécesseur du sieur Roland... pour jouir de ce droit, s'adressa à l'officier chargé pour lors des pouvoirs du roi et du duc de Bourgogne. Il présenta sa requête au sieur Chantemerle, chancelier du duc de Bourgogne, juge-bailli royal du Mâconnais, lequel retenait pour les deux souverains la juridiction sur les deux parties de la forêt. Les conditions et charges agréées, informations prises auprès des officiers du bailliage de la province et du trésorier des émoluments et revenus de ladite forêt, on délivra au sieur Jacques de la Duerie la charte de 1457, par laquelle il peut envoyer ses bêtes à cornes, chevaux, etc., pacager, prendre du bois pour son chauffage et bâtir « exceptis tamen de lignis altae forestiae praedictae d'Avaise, in Boulay ». A charge de payer à l'avenir, auxdits seigneurs Roi et Duc ou à leur receveur, à Châteauneuf, le jour de saint Jean l'Evangéliste, quatre sols deux deniers tournois, monnaie du roi lors courante. Le roi, dans le contrat d'échange, a imposé à ce dernier, spécialement la charge de laisser jouir de leurs droits et usages les communautés et particuliers.
« Copie dûment légalisée, délivrée par Adam, notaire royal, au sieur Roland de La Duerie d'un acte de 1457, obtenu par le sieur Jacques de La Duerie, du roi Charles VII et du duc de Bourgogne, à charge d'une redevance de quatre sols et deux deniers tournois (1). »
Le 4 mai 1782, le marquis Gilbert de Drée, chevalier, seigneur de Curbigny, Bois-Sainte-Marie, Montmelare, Bostdemon Vareille, Mussy et autres lieux, baron du Banchet et Châteauneuf, marie sa fille, Anne-Louise-Albertine-Gilberte, avec messire Michel Denis, comte de Pons (2). La famille de Pons en Roannais portait : d'azur à deux lions affrontés d'or, soutenant un cœur de gueules et accompagnés en chef de trois étoiles rangées d'or et en pointe d'un croissant d'argent ; ce blason posé sur un autre échiqueté d'argent et de sable (Gras, Armorial du Forez).
Cette même année, l'Administration de la province décidait le chemin de Chauffailles à Saint-Rigaud, auquel on se mit à travailler (3).
Dans les années qui suivirent, le marquis Gilbert de Drée avait marié son fils, Etienne, capitaine au régiment de Bourbon-Dragon, avec Marie-Charlotte de Clermont-Montoison ; le mariage eut lieu dans l'église de Châteauneuf. Or, le 16 juillet 1788, les châtelains du Banchet présentent au saint baptême, dans la même église, une fille des deux jeunes époux. Elle prit le nom de Marie-Louise-Philiberte ; son parrain fut messire Charles-Théodore, vicomte de Drée, son oncle, et le baptême fut fait par l'abbé Philibert Gondras, vicaire, en l'absence du curé major (4.)
(1) Arch. Châteauneuf, mairie.
(2) Arch. S.-et-L., B. 1339.
(3) Id., C. 728.
(4) Regist. paroiss. de Châteauneuf.
Cette même année, les assises sont tenues à Châteauneuf au nom de messire Etienne, comte de Drée, capitaine au régiment de Bourbon-Dragon (1) ; il avait succédé à son père, le marquis, dans la possession de Châteauneuf, qui lui avait été cédé lors de son mariage, et voulait satisfaire aux réclamations qu'on lui adressait.
Mais là, comme ailleurs, c'est en vain que l'on cherche à calmer les esprits, la France ressent les premières commotions de la grande Révolution, et convoque les états généraux, 1789.
Les délégués pour cette région sont :
1° Jacques-Anne-Joseph Le Preste, comte de Vauban, qui se fait représenter par M. Antoine-Philibert Chapuis,
2° Etienne, comte de Drée, du Banchet-Châteauneuf, Verpré, Moulin-le-Bost, etc.,
3° Le seigneur de Chauffailles, qui est absent,
4° Le seigneur du Palais, également absent,
5° Le seigneur de Molan,
6° Le seigneur de La Tanière,
7° Le seigneur de Ragny,
8° Le seigneur de Barnay,
9° Le seigneur de Rose,
10° La dame de Saint-Christophe, Marie-Catherine-Françoise Charbonnier de Granjac, représenté par messire Chesnard de Laye,
11° Le seigneur de Fougère, absent,
12° Le seigneur de la Guillermière, absent (2).
(1) Arch. S-et-L., t. II, sér. B. 2329.
(2) Arcelin. Notes de M. Gensoul.
Par un arrêt du Conseil, du 8 août 1788, le roi décide que les états généraux s'assembleraient le 1er mai suivant. De grandes difficultés avaient surgi de toutes parts par suite de l'incurie de M. de Brienne, qui fut obligé de se retirer. En se retirant, dit M. Thiers, il laissa le Trésor dans la détresse, le paiement des rentes de l'Hôtel de Ville suspendu, toutes les autorités en lutte, toutes les provinces en armes.
L'ouverture des états généraux eut lieu le lundi 4 mai 1789. Le costume de cérémonie des trois ordres était ainsi fixé :
Clergé : MM. les cardinaux, en chappe rouge ; MM. les archevêques et évêques, en rochet, camail, soutane violette et bonnet carré ; MM. les abbés, doyens, chanoines, curés et députés du second ordre du clergé, en soutane, manteau long et bonnet carré.
Noblesse : Ces Messieurs les députés de l'ordre de la noblesse porteront l'habit à manteau d'étoffe noire de la saison, un parement d'étoffe d'or sur le manteau, culotte noire, bas blancs, cravate de dentelle, chapeau à plumes blanches retroussées à la Henri IV.
Tiers-Etat : MM. les députés du tiers-état porteront habit, veste et culotte de drap noir, bas noirs, avec un manteau court de soie ou de voile tel que les personnes de robe sont dans l'usage de les porter à la cour, une cravate de mousseline, un chapeau retroussé de trois côtés, sans ganse ni boutons, tel que les ecclésiastiques le portent quand ils sont en habit de cour (1).
(1) A. Labot, Convocation des Etats généraux, Nevers, p. 165, 1866.
Le garde des sceaux avait dit dans une assemblée préliminaire du 12 novembre 1788 : « Quelle époque plus mémorable pour le règne de Sa Majesté que celle où la prospérité générale doit renaître, l'ordre se rétablir dans les finances, la confiance publique s'assurer, l'impôt devenir plus égal et dès lors moins onéreux, l'industrie prendre un nouvel essor, le commerce une plus grande activité, la fortune de l'Etat se raffermir, la législation civile et criminelle se perfectionner, l'éducation de la jeunesse et les études recouvrer leur ancien lustre !
« Tel est, Messieurs, le tableau de la Révolution importante à laquelle nous touchons. »
Révolution ! ce mot qui se fait entendre pour la première fois devant le roi de France au milieu des plus grands personnages de ses Etats, dans l'appareil de la puissance et de la majesté, allait bientôt, quelques mois plus tard, prendre le bruit formidable du tonnerre et d'une tempête qui, dans sa terrible violence, frappe et détruit toutes les anciennes traditions, tous les vieux usages de la monarchie et de cette société française si spirituelle, si élégante, pour ne laisser que des ruines, que dix ans de cette République, une et indivisible, ne répareront pas.
Chapitre précédent Chapitre suivant