Essai historique sur Châteauneuf-en-Brionnais,
ou châtellenie royale sur les bords du Sornin
Par l'abbé L. Pagani (1896)
Chapitre V
Châteauneuf de 1789 à nos jours.
Châteauneuf, appartenant au Mâconnais, continua, en 1789, à suivre les destinées de cette province et fit partie du département de Saône-et-Loire, lors de la création de ce département.
L'agitation révolutionnaire gagnait les campagnes, les temps devenaient plus mauvais et l'hiver de 1789 fut rude et difficile à passer. Les récoltes, pendant quelques années, furent insuffisantes, et la misère, se répandant partout, vint augmenter le mécontentement général. En juillet 1791, la fête de la Fédération amena, en Mâconnais, comme ailleurs, l'obligation pour toutes les gardes nationales de prêter serment de fidélité à la Constitution. La fuite avortée du roi jette la terreur parmi les partisans fidèles de la royauté, et la fureur des révolutionnaires est de plus en plus excitée par la terreur de voir arriver les armées étrangères, qui s'apprêtaient à envahir la France. Aussitôt l'Assemblée Nationale décrète la création et la levée de 169 bataillons mobiles. Les bataillons levés dans cette région sont dirigés sur l'armée du Rhin (1). Châteauneuf, qui appartenait au district de Marcigny, y envoya son contingent.
En même temps la République, se faisant hérésiarque et persécutrice, oblige tous les prêtres à prêter serment à la Constitution civile de l'Église de France. Mesure qui amène la plus grande perturbation au milieu de nos chrétiennes populations, car tous les curés, qui refusent d'adhérer à cette injuste prétention du gouvernement, sont chassés de leur poste ou forcés de résilier leur charge. Nous voyons malheureusement un grand nombre de prêtres, qui, trompés par les paroles mêmes du roi, croient pouvoir prêter ce serment en sûreté de conscience. Le curé major de Châteauneuf, Antoine Ducray, est de ce nombre, et jure fidélité à la Constitution, le 13 février 1791, à l'issue de la grand'messe, dans les termes prescrits par le décret du 27 novembre 1790. Ce serment, que promet d'observer le curé Ducray, en présence du citoyen Pierre Déal, faisant fonction de maire, est ainsi conçu : Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de celle paroisse qui m'est confiée, d'être fidèle à la Nation, à la Loi, au Roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le roi (2).
(1) Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p. 37-38.
(2) Arch. Châteauneuf, mairie.
Il dut, à ce serment, de rester quelque temps tranquille, exerçant ses fonctions curiales dans la commune de Châteauneuf, devenue chef-lieu de canton.
Quelques autres prêtres des environs firent comme lui, entre autres Louis Griffon, curé de Propières et chanoine d'Aigueperse. Il était curé, depuis 1763, de cette église qui appartenait à l'église collégiale de Sainte-Marie-Madeleine d'Aigueperse. Le sermon du curé Louis Griffon est constaté dans un acte du 16 décembre 1792, au registre paroissial de Propières, paraphé par le maire de ce bourg, Pierre Vermorel (1).
La cure de Propières, paroisse qui à cette époque était du diocèse d'Autun, appartenait au chapitre d'Aigueperse, église érigée en collégiale, en 1288.
La charte de fondation de ce Chapitre existe encore. Il fut fondé par Hugues, évêque d'Autun, le premier samedi de décembre, après la fête de saint Nicolas. Dans la charte, il est dit : « Nous voulons et statuons que, dans l'église de Sainte-Marie-d'Aigueperse, soient établis douze chanoines séculiers et prébendés..., à savoir : le curé dudit lieu..., maître Pierre de Monteil ; maître Pierre de Saintigny ; Mathieu, curé du Bois (Bosco) ; Renaud de Villerois, archidiacre de Mâcon et chanoine de Montbrison ; Jean Dalmas, chanoine de Mâcon et de Vienne ; Etienne de Mont-Girard, sacristain de l'église de Beaujeu ; Nicolas de Mont-Chalve, chanoine de Mâcon et curé de Semur en Brionnais (Sinemuri Briennensis) ; Egidius, archidiacre du Bois, chanoine de Semur et curé d'Ozole ; Humbert de Busseuil et trois autres chanoines, qui seront préposés aux églises de Dun, de Saint-Igny, de Propières et de Saint-Bonnet (des Bruyères), établies sous le patronage de l'église d'Aigueperse, qui en touchera tous les revenus (2). »
(1) Arch. du Rhône, Propières. Regist. paroiss., fol. 165.
(2) Supplément des Mazures de l'Ile-Barbe, par MM. de Charpin-Feugerolles et Georges Guigue, p. 419.
Le curé d'Azolette fut, en 1791, plus courageux que ceux de Propières et de Châteauneuf, il refusa de prêter ce serment, se retira et probablement émigra lorsqu'on apprit l'assassinat de Louis XVI. Ce saint prêtre, Nicolas de La Croix, appartenait à une noble famille d'Azolette, qui avait alors la seigneurie de ce bourg, si gracieusement situé, entre Propières, Saint-Germain-la-Montagne et Saint-Igny-de-Vers (1) ; famille, qui, nous l'avons vu, avait des représentants à Châteauneuf.
(1) Arch. du Rhône, Propières. Regist. paroiss., fol. 116. Les registres paroissiaux de Propières et d'Azolette, conservés aux archives du Rhône, nous donnent la filiation et généalogie des de La Croix au siècle dernier. Le plus distingué de ses membres fut Mgr Nicolas-Augustin de La Croix, né en 1779, qui appartint à la maison des Chartreux à Lyon, et fut archevêque d'Auch. Il mourut à l'âge de quatre-vingt-deux ans dans la maison des dames du Sacré-Cœur, aux Chartreux, à Lyon, où une de ses nièces est religieuse, et fut enterré dans le caveau d'une des chapelles de l'église de Saint-Bruno, Voici son extrait de baptême : Nicolas-Augustin, fils légitime de messire Jean-Marie de La Croix, seigneur d'Azolette, et de dame Marie-Madeleine-Philiberte-Gabriel Verchère, son épouse, a été baptisé, le 16 juillet 1779, né d'hier. Parrain : Messire Nicolas de La Croix, prestre chapelain de Cénessé, en Bourgogne. Marraine : Dame Marie-Victoire-Augustine Verchère, épouse de messire Circaud, docteur en médecine à La Clayte. Signé : Griffon, curé de Propières. (Arch. du Rhône, Propières. fol. 54, année 1779.) Messire Jean-Marie de La Croix, seigneur d'Azolette, était fils de François-Marie, notaire royal à Azolette, juge civil et criminel de la juridiction de Propières, et de dame Elisabeth Babillon. François-Marie de La Croix était né en 1706, de sieur Jean de La Croix et de dame Louise Desforges, c'est le premier qui porta le titre de seigneur d'Azolette, meurt en 1783 (Arch. du Rhône, Azolette, Reg. paroissiaux.)
La vieille demeure ou château des de La Croix d'Azolette qu'ils habitent encore, est située au milieu de ce bourg qu'il domine, tout entourée de grands et beaux arbres. Ancienne famille de notaires royaux, cette charge la conduisit à la noblesse, vers le commencement du XVIII° siècle. Leurs armes sont : de gueules, à la croix de Saint-André en sautoir d'argent, cantonnée de quatre étoiles d'or.
Mais bientôt les armées des puissances alliées s'avançant pour rétablir la royauté, envahissent le nord-est de la France, et, en septembre 1792, les Prussiens s'emparaient de Longwy. A cette nouvelle, la fureur des Révolutionnaires n'a plus de bornes, ils se portent bientôt aux plus affreux excès. Les malheureux détenus politiques sont massacrés dans les prisons, à Paris et dans d'autres villes de province. Dans les campagnes, les foules, excitées et ameutées par des meneurs, s'emparent des maisons des nobles et des châteaux, en chassent ou massacrent les propriétaires et seigneurs, et brûlent archives et terriers, qui renfermaient les titres de propriété, de rente, de servis, et les droits seigneuriaux. Ce n'est pas que ces rentes, servis, cens, tailles, etc., fussent exorbitants, car nos contributions actuelles les dépassent de beaucoup, mais ils étaient devenus odieux et insupportables à un peuple avide d'égalité. Ces incendies et pillages de châteaux eurent lieu à Châteauneuf, à Charlieu et dans ses environs, vers la mi-septembre 1792. Celui de Châteauneuf n'eut pas beaucoup à souffrir, ses archives ayant été cachées en partie, et les biens du marquis de Drée étant déjà sous le séquestre ; mais la belle demeure des de Gâtelier, à Saint-Denis-de-Cabanne, fut pillée et dévastée ainsi que celles de plusieurs nobles familles de la région, 15 septembre 1792. Ce qui augmenta encore la hardiesse des malfaiteurs et des révolutionnaires, ce fut, au 21 septembre, la proclamation du décret, qui abolissait en France la royauté et établissait cette République une et indivisible, qui, séparant du beau titre de fraternité, allait couvrir notre patrie de ruines et de sang.
On s'attaque en même temps aux usages les plus respectables, abolissant le calendrier des Saints, changeant les noms des bourgs et des localités qui rappelaient quelque souvenir religieux ou de l'ancien régime. On leur en donne d'autres, tirés des lieux, des cours d'eau, des événements, ou des hommes qui s'étaient rendus célèbres par leurs crimes. C'est de ce temps que Charlieu s'appellera Châlier ; Châteauneuf, Pont-Sornin ; Saint-Maurice, Sornin, etc. Ces mesures ridicules, inventées par ces impies, deviennent odieuses et vexatoires aux populations ; comme si l'on pouvait détruire l'histoire et ses événements tristes ou glorieux, dont Châteauneuf et tant d'autres villes tirent toute leur renommée ! Les honnêtes gens se cachent et fuient devant la furieuse persécution de ces hommes néfastes, qui apparaissent alors dans chaque pays, êtres inconnus jusque-là et devant lesquels tous tremblent. Hommes malfaisants, haineux ou ambitieux que l'on voit paraître à chaque époque troublée, ayant toujours à la bouche le nom de liberté, mais qu'ils ne veulent que pour eux dans leur vie de désordres et de rapines, atroces ou ridicules despotes dont l'histoire et l'opinion publique font toujours justice !
Châteauneuf ne paraît pas avoir été livré à quelque révolutionnaire trop violent, cependant les décrets portés contre l'Eglise, les prêtres et les nobles y sont exécutés en leur temps.
Bientôt est fermée la vieille église de Châteauneuf, qui avait vu tant d'événements mémorables dans le cours des âges, et cela au mécontentement du plus grand nombre et au profond chagrin des nombreuses familles restées chrétiennes. Le sanctuaire est dépouillé de ses autels, de ses ornements ; tableaux et statues, tout est vendu à l'encan ou brûlé, comme emblèmes de la superstition. Quelques-uns de ces objets échappent pourtant à la fureur de ces nouveaux iconoclastes et restent caches en lieu sûr, pour reparaître après la tourmente ; ils reviendront orner le temple de Dieu et les autels des Saints quand la folie sacrilège aura passé. C'est ainsi qu'on reverra plus tard tableaux et statues à leur place primitive. Les vases sacrés, saisis par le comité révolutionnaire, sont portés par le sieur Antoine Déal, commissaire du Gouvernement et faisant fonctions de maire, au district de Marcigny, le 19 germinal an II. La direction de Marcigny donne un reçu des objets à elle remis ; un calice et sa patène, un ostensoir avec son croissant doré, un ciboire et une petite custode (1).
En même temps, le curé Ducray, malgré son premier serment, que probablement il n'avait pas voulu refaire dans les termes requis à nouveau : Je jure soumission aux lois de la République, je reconnais pour souverain le peuple français, et voue une haine éternelle à la royauté, était arrêté et conduit en prison à Marcigny.
Le presbytère est alors fermé et deux conseillers municipaux, les citoyens François Bellon et François Vérand, y apposent les scellés. Ils sont en même temps constitués les gardiens de tous les objets ayant appartenu au sieur Antoine Ducray, ainsi que de la vigne dont il avait les trois quarts de fruit, l'autre quart étant à M. de Drée (2).
(1) Arch. Châteauneuf, mairie.
(2) Id.
Le curé A. Ducray était encore détenu dans les prisons de Marcigny, le 28 vendémiaire an III ; à cette époque, son parent ou son frère, Jean-Baptiste Ducray, résidant à Saint-Martin-de-Lixy, vient exposer à la municipalité de Pont-Sornin que, étant acquéreur des meubles, effets et immeubles du citoyen Antoine Ducray, ci-devant curé, détenu dans les prisons de Marcigny il demandait à vendre, faute de fourrage, la vache du ci-devant curé, mise sous le séquestre, en germinal an II. Il s'ensuit une délibération de la municipalité de Pont-Sornin, chef-lieu de canton, autorisant la vente de ladite vache (1).
Un autre digne prêtre de la commune du Sornin, ci-devant Saint-Maurice, avait été emprisonné à Marcigny avec le curé A. Ducray : c'est le sieur Claude Deschizeaux, vénérable vieillard de quatre-vingts ans, ni fonctionnaire, ni salarié. Détenu depuis deux mois, il sollicite à cette époque sa levée d'écrou et du séquestre placé sur ses biens. Sa demande et ses plaintes restent sans effet, et il meurt bientôt en prison (2), de privations et de misère.
(1) Arch. Châteauneuf, mairie.
(2) Id.
La noble famille des seigneurs du Banchet avait eu également à souffrir de la tourmente révolutionnaire. Le marquis Etienne de Drée avait été arrêté et conduit à Paris, en messidor an II, et ses biens confisqués au profit de la Nation. Il resta en prison, du 1er messidor au 12 brumaire an II, et fut mis alors en liberté par l'influence de quelque ami puissant. Mais il n'osa revenir à Châteauneuf, où sa présence aurait pu exciter la fureur de quelque démagogue, il se retira à Belley où il vécut dans la retraite et même dans le besoin sous le nom du citoyen Drée. Aussi travailla-t-il à se faire rétablir dans ses droits et domaines, pour pouvoir vivre honorablement et en plein jour.
En conséquence, le 8 ventôse an III, l'agent national du district de Belley fait demander à la municipalité de Pont-Sornin des renseignements sur le citoyen Etienne Drée, qui se dit de cette commune, et qui sollicite sa radiation de la liste des émigrés ; établissant qu'il n'a cessé d'habiter Pont-Sornin depuis septembre 1791 jusqu'au 1er messidor an II, époque où il a été conduit à Paris et emprisonné jusqu'au 12 brumaire (1).
Il paraît qu'il y avait confusion de personne entre lui et un autre de Drée, car le marquis Etienne de Drée obtint bientôt cette radiation en faisant constater par les administrateurs du département de Saône-et-Loire qu'Etienne de Drée, ci-devant marquis et seigneur du Banchet, n'était pas le même que Etienne de Drée, héritier de Clermont-Parigny, porté sur la liste des émigrés et arrêté le 29 octobre 1792 (2).
Le ci-devant seigneur du Banchet obtient alors mainlevée du séquestre et sa radiation de la liste des émigrés et de même pour son épouse, dame Charlotte de Clermont-Montoison, le 8 fructidor an III (3). Toutes ces démarches lui redonnent enfin le droit de revenir à Châteauneuf habiter la demeure du Banchet et reprendre possession de ses domaines, qui, grâce au séquestre, avaient échappé à la dévastation. Cependant ce ne fut qu'en 1796 que ses démarches obtinrent l'heureux résultat qu'il sollicitait depuis plus de deux ans.
(1) Arch. Châteauneuf, mairie.
(2) Id.
(3) Id.
En juillet 1793, les assemblées primaires des cantons de Charlieu et de Belmont avaient émis un vœu favorable à l'acceptation de la Constitution de 1793, et avaient demandé à séparer ces deux cantons du département de Rhône-et-Loire pour les rattacher à celui de Saône-et-Loire dont faisait partie Châteauneuf, « à cause, dirent-ils, des avantages qui en résulteraient pour eux et de la communauté d'opinions favorables au succès de la Révolution ». Ce qui leur fut accordé.
Il en fut ainsi jusqu'à la création du département de la Loire chose qui eut lieu le 17 novembre 1793, ces deux cantons y reprirent alors leur place (1).
(1) Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p. 41.
Ce fut le féroce Javogues, qui a laissé un nom si tristement célèbre en Forez, qui vint organiser ce nouveau département. Disciple de Babœuf et d'un caractère despote et cruel, il a bientôt mis tout le pays sous le régime de la Terreur.
Confiscations, arrestations et exécutions capitales ne cessent d'être à l'ordre du jour ; tout ce qui est honnête tremble et se cache. Ces massacres odieux et féroces durent jusqu'au 12 février 1794, époque où il fut rappelé à Paris sur les plaintes nombreuses adressées contre lui à la Convention. Charlieu, sous le gouvernement de ce féroce bandit, avait célébré, le 10 novembre 1793, une grande fête patriotique en l'honneur de ces trois hommes de sang nommés Marat, Lepelletier et Châlier. Et les autorités de cette ville, dans leur enthousiasme révolutionnaire, ne trouvèrent rien de mieux que de donner à leur ville le nom de Châlier, de ce misérable, qui venait d'être exécuté à Lyon après avoir terrorisé cette malheureuse cité. Heureusement elle ne porta ce nom que peu de temps, et reprit bientôt le sien, cher à tous ses habitants.
C'est l'époque où la fureur jacobine s'acharne de nouveau avec rage contre tous les emblèmes du culte catholique qui demeuraient encore. On enlève les croix des places publiques, des chemins et des carrefours ; on les brise ainsi que les cloches, muettes depuis longtemps, et dont on fait de la monnaie. A Châteauneuf, procès-verbaux sont dressés contre les propriétaires des croix qui ne les ont pas abattues. Ainsi est fait au propriétaire de la croix en pierre à Bachet, et à celui de la croix en bois à La Chenauderie. Tous deux, malgré plusieurs avertissements, ayant refusé de les abattre, sont condamnés à une amende (1) et à les voir démolies à leurs frais.
Nous regrettons de ne pas connaître les noms de ces courageux citoyens et de ne pouvoir les signaler à l'estime générale ; Dieu sans doute les a bénis dans leur famille. Nous citerons cependant Michel Deverchère, tisserand à La Martorelle (Matrouille) ainsi que sa femme, ayant été requis de mettre à bas une croix, qu'on disait leur appartenir, répondirent avec beaucoup de courage : « Nous ne la mettrons jamais à bas, chargez-vous en vous-même ». Procès-verbal fut dressé contre eux par le citoyen Laurent Deruol, agent municipal, assisté du citoyen Vernay d'Hurgues, commissaire nommé (2).
Cet agent municipal, Laurent Deruol, ex-religieux, était un homme de valeur que les excès de la Révolution ramenèrent plus tard à des idées plus saines. En ce temps, il est chargé de recueillir la somme de 965 livres, pour venir au secours des parents indigents des défenseurs de la patrie, qui se trouvaient dans les armées du Rhin. Malgré tout le zèle qu'il met à la chose, il est obligé de venir déclarer qu'il ne peut obtenir le payement de cette rétribution, faute de numéraire, tellement l'argent était devenu rare en ces temps de troubles. Cette déclaration, faite le 15 germinal an IV, est adressée aux citoyens administrateurs du canton de Châteauneuf ou plutôt de Pont-Sornin (3).
(1) Arch. Châteauneuf, mairie.
(2) Id.
(3) Id.
Le même agent Deruol leur signale l'usurpation par les habitants de Sornin (Saint-Maurice) et de Pont-Sornin (Châteauneuf) des biens communaux sis au Boyer et au Brochevet, 20 germinal an IV (1).
Puis le 20 floréal, un mois après, il fait publier une invitation aux habitants de ces deux communes, d'avoir à déclarer les défrichements et usurpation de ces biens communaux ; et cela en vue de la répartition d'une somme de 26.229 livres, somme avancée par plusieurs habitants à titre de contributions foncières pendant l'année III de la République (2).
Il était également délégué pour recevoir la soumission et le nouveau serment constitutionnel du citoyen prêtre François Mamecier, ci-devant vicaire à Perreux, aux fins d'exercer le culte à Sornin ; et qui rappelle qu'il a déjà fait cette soumission et le serment requis par la Constitution civile du clergé à Perreux, le 23 janvier 1791. Ce malheureux égaré fait donc de nouveau soumission aux lois de la République, reconnaît pour souverain le peuple français, vouant une haine éternelle à la royauté, et renonçant au culte catholique. Un autre commissaire, avec le citoyen Deruol, reçoit ce serment, c'est le citoyen Benoît Tachon (3). Cette mesure avait été ordonnée à nouveau envers tous les prêtres qui voulaient alors exercer le culte dans les paroisses et recevoir un traitement du gouvernement.
Nous ne trouvons rien à signaler à Châteauneuf jusqu'en 1796 ; alors reparaissent les mêmes réclamations et contestations sur les droits qu'ont les habitants de Saint-Maurice de faire paître leurs bestiaux dans les prés du Sornin, dits les Prairies.
(1) Arch. Châteauneuf, mairie.
(2) Id.
(3) Id.
Cette fois ce droit leur est contesté par le citoyen Drée ci-devant marquis, qui venait de rentrer en possession de ses domaines.
Le 19 prairial an V, la cause est portée devant le juge de paix du canton de Châteauneuf, le citoyen Claude Déal, assisté des citoyens François Poyet et Antoine Michel. Les habitants de Saint-Martin-de-Lixy font également valoir leurs droits par deux délégués, les citoyens Claude Desseaux et François Augagneur. Est cité le citoyen Etienne Drée, propriétaire actuel de la ci-devant terre et baronnie de Châteauneuf, pour se concilier, si faire se peut, sur l'action que les susdits veulent lui intenter au sujet de leurs droits de pacage dans les prés appelés Grandes Prairies, situées sur la commune de Saint-Maurice et dépendantes de la terre ci-devant de Châteauneuf, depuis que la première herbe est coupée jusqu'au mois de mars. Ces droits sont établis par d'anciens actes du 3 octobre 1462, du 18 décembre 1467 et des 11 et 3 septembre 1641 ; lorsque le sieur Chavagnac, tuteur des enfants mineurs de Gaspard du Bost, se pourvut, en 1678, contre Marc-Antoine du Bost, propriétaire à cette époque du domaine de Châteauneuf, pour le faire condamner à payer ce qu'il devait à ses pupilles. Ne pouvant obtenir ce paiement, il fit saisir ce domaine, le 9 novembre 1678 ; alors les habitants de Saint-Maurice et de Saint-Martin firent valoir leurs droits de pacage, qui furent reconnus. Ils le furent de même, le 27 août 1748, lorsque les frères Dechizaux les présentèrent de nouveau aux assises de Châteauneuf, et enfin le 28 août 1792, lorsque les communes, appelées à faire valoir les droits dont elles avaient été dépouillées par les ci-devant seigneurs, fuient remises en ces droits et possessions (1).
(1) D'après cet acte, la famille de Bost semble avoir été en possession de la terre de Châteauneuf vers 1678. Nous n'en avons trouvé aucune trace, ce qui nous ferait croire qu'il faut voir ici un domaine détaché de la terre de Châteauneuf et conservant certains droits féodaux.
Le citoyen Drée voulant les en dépouiller par l'effet de la puissance féodale qu'il veut faire revivre, ils réclament contre cette usurpation et demandent à être réintégrés dans leurs droits, réclamant comme indemnité la somme de 300.000 livres, qui sera versée par le citoyen Drée, pour tous les dommages causés par cette suppression de droits. Le citoyen Drée se défend contre ces prétentions, qui paraissent bien exorbitantes, en disant qu'il a été lui-même grandement lésé dans la possession de son héritage par des spoliations et des envahissements injustes. Il interjette appel et demande un arbitrage.
Le juge de paix les renvoie tous alors devant un tribunal compétent pour qu'il soit fait droit à qui il appartiendra (Arch. Châteauneuf, mairie).
Nous n'avons pu trouver quelle suite fut donnée à cette affaire. Il est à croire qu'elle traîna en longueur et que M. de Drée s'exonéra de ces vieilles servitudes en excipant de la législation nouvelle, qui permettait de se soustraire à la vaine pâture, à moins d'un titre authentique et bien probant. Ce que probablement les plaignants ne purent prouver, puisque maintenant cet usage de pâturage, dans les prés dits les Prairies, n'existe plus. Ces prés ont été entourés depuis d'une clôture par leur propriétaire, M. de Drée, ce qui les a fait nommer les Près Clos.
Il en fut de même pour les autres lieux soumis jadis à ces servitudes de pâturage : les propriétaires n'eurent qu'à faire une légère clôture pour se mettre à l'abri d'un usage qui, maintenant, a entièrement disparu.
En l'année 1795, les districts disparaissent et les départements sont divisés en arrondissements, en cantons et en communes.
En messidor an V, arrivèrent de grandes pluies à la suite de violents orages et le Sornin débordé causa de graves dégâts (1). Les pertes occasionnées par ces inondations sur le territoire de la commune s'élevèrent au quart du revenu annuel, soit : 20.172 livres. Cela est constaté par une délibération du Conseil municipal, qui adresse à l'Etat une demande de secours, en lui signalant les ravages causés, surtout par le Sornin, la Baize et le Berry (2).
Pendant cette année et les suivantes, le pays est sans cesse parcouru par des soldats déserteurs, de telle sorte que les municipalités de cette région font savoir au ministre de la police générale que les routes étaient journellement couvertes de volontaires ou déserteurs, qui, abandonnant leurs corps, rentraient par divisions ou par pelotons dans leurs foyers avec armes et bagages ; et personne n'empêchait cette désertion (3) et ce désordre (1796).
(1) Arch. Châteauneuf, mairie.
(2) Id.
(3) Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p. 44.
Le désordre était général, le besoin d'un 18 brumaire se faisait sentir, et Napoléon, en s'emparant du pouvoir, le 8 novembre 1799, apporta un soulagement que tout le monde désirait. On était las de ce despotisme turbulent et persécuteur que, pendant les époques troublées, les intrigants et les hommes sans valeur font peser sur leurs concitoyens, jusqu'au jour où 'indignation et le mépris en font justice, les chassant ignominieusement comme des perturbateurs de la paix publique.
Bientôt, sous l'habile et ferme direction du premier consul, la France se ressaisit, les sentiments honnêtes et chrétiens reprennent le dessus et l'on commence à sortir de cet affreux cauchemar qu'on appelle la grande Révolution, qui ne sut que couvrir notre patrie de sang et de ruines. Les populations, lasses de ces saturnales impies et obscènes, sentent le besoin de voir les églises se rouvrir et les belles cérémonies du culte catholique reparaître. Les prêtres, cachés dans les montagnes, au sein de dignes familles, ne sont plus poursuivis ; ils reviennent reprendre la place de ces prêtres intrus que tous subissaient, mais qu'on n'estimait guère et que l'on laissait vivre sans estime et sans confiance au fond de leur presbytère. Les vrais confesseurs de la foi se répandent dans la région, consolant les fidèles, relevant les âmes tombées et égarées, baptisant les enfants et légitimant les mariages. Nous savons que plusieurs de ces hommes de Dieu, restés longtemps cachés pendant la tourmente révolutionnaire, reparurent alors dans ces régions et reconstituèrent le troupeau chrétien, mais nous ne les connaissons pas ; nous aurions désiré, en citant leurs noms, faire bénir leur mémoire.
Avant le règne de la Terreur, qui dispersa les seigneurs du Banchet, nous avons vu que le marquis Gilbert de Drée avait marié sa fille Gilberte à messire Michel-Denis de Pons. Les événements les obligeant à fuir, ils confièrent leur enfant, Claude-Antoine-Théodore, à de braves cultivateurs, René Michel, et sa femme qui avait nourri l'enfant de son lait. Cet enfant meurt, le 19 nivôse an V, et ces deux personnages viennent à la mairie de Châteauneuf déclarer le décès (1), en affirmant ne pas savoir où se trouvaient actuellement le père et la mère de l'enfant.
(1) Regist. de la mairie de Châteauneuf.
Le marquis Etienne de Drée, frère de Gilberte, ne paraissant pas en cette circonstance., nous croyons que ce ne fut que deux ou trois mois plus tard que, rétabli en ses biens il revint à Châteauneuf (1796). Veuf de dame Marie-Charlotte de Clermont-Montoison, décédée le 16 janvier 1790, il se remaria le 12 vendémiaire an V. L'acte de mariage porte : Etienne Drée, propriétaire à Châteauneuf, demeurant à Curbigny, fils de Gilbert de Drée et d'Adrienne-Valentine-Elisabeth Delatre-Neuville, épouse à Châteauneuf, devant l'officier municipal, demoiselle Alexandrine-Louise-Polixène Gratet de Dolomieu, demeurant à Dolomieu (Isère) (Regist. de la mairie de Châteauneuf.)
Les nouveaux époux viennent habiter le château du Banchet, et amènent avec eux Déodat Dieudonné Sylvain Guy Tancrède de Gratet de Dolomieu, membre de l'Institut national, commandant de Malte, frère de la nouvelle marquise de Drée et célibataire. Il était fils de François de Gratet de Dolomieu et de Françoise de Béranger. II meurt deux ans après, à Châteauneuf, le 7 frimaire an X, à l'âge de cinquante et un ans. Son corps est emporté à Dolomieu et inhumé au tombeau de ses pères, quoiqu'il se fût préparé un mausolée à Châteauneuf, monument funèbre que l'on voit encore dans le parc du Banchet, excitant la légitime curiosité des touristes qui demandent ce que signifie ce lourd monolithe de porphyre au milieu de la forêt.
Le 7 ventôse an XI, le marquis de Drée faisait enregistrer à l'état civil (Regist. de la mairie de Châteauneuf), la naissance d'un fils, Guy-François, qualifié de fils d'Etienne de Drée et de Louise-Alexandrine-Polixène de Gratet de Dolomieu. Puis, deux ans après, le 29 nivôse an XIII, c'était une fille, nommée Lucille-Camille (1). De son premier mariage avec dame Marie-Charlotte de Clermont-Montoison, le marquis Etienne de Drée avait eu deux fils ; le second nommé vicomte Gilbert-Auguste, devient possesseur du domaine du Banchet, à l'occasion de son mariage avec une fille de la maison du Rozier de Magneux ; et cela par un acte de vente passé par son père en sa faveur, le 15 décembre 1820, puis le marquis se retire probablement à Curbigny ou à Dolomieu.
Le vicomte Gilbert-Auguste de Drée s'installe dans l'antique demeure des seigneurs du Banchet, avec sa jeune épouse, demoiselle Cécile du Rozier de Magneux, d'une noble famille forézienne, qui posséda La Bâtie, Magneux-le-Gabion et La Varenne, et dont les armes sont : d'azur à trois chevrons d'or, au chef de même chargé de trois roses de gueules (Gras, Armor. du Forez), De ce mariage naquirent deux filles : la première, Etiennette, née le 5 décembre 1821, mourut le lendemain ; la seconde, qui fut nommée Alexandrine-Louise-Léontine, à son baptême, le 6 janvier 1826, épousera plus tard Henri-Charles, comte de Meffray de Sézargues (2), le futur châtelain du Banchet.
Henri-Charles de Meffray était fils d'Achille-Louis, comte de Meffray de Sézargues et de dame Suzanne-Marie-Caroline de La Tour Varan (3). Ayant épousé, en 1844 ou 1845, demoiselle Léontine-Alexandrine de Drée, il en eut, le 27 décembre 1846, Henri-Charles-Ferdinand, comte de Meffray (4).
(1) Arch. Châteauneuf, mairie.
(2) Id.
(3) Id.
(4) Id., Regist. paroiss.
Henri-Charles de Meffray acheta le domaine du Banchet, du vicomte Gilbert-Auguste, son beau-père, suivant acte passé à Lyon, en l'étude de M° Charveriat, le 18 décembre 1848 (l).
La famille de Meffray de Sézargues, originaire du Dauphiné, porte : de gueules à l'effraye volant d'or (2).
Le comte Charles-Henri de Meffray ne garda le domaine de Châteauneuf que quelques années. En 1855, il le revendait à M. Victor-Emmanuel d'Assier de Valenches, par acte passé par devant Me Rochon, notaire à Châteauneuf, le 12 novembre 1855 (3).
(1) Arch. de M. Gensoul à Châteauneuf .
(2) Armor. du Dauphiné.
(3) Arch. de M. Gensoul à Châteauneuf. Depuis deux ans, le véritable possesseur du domaine du Banchet était un marchand de biens de Roanne, nommé Denoilly, qui le possédait par acte sous seing privé, le revendant lui-même par acte sous seing privé à la famille de La Barollière de Lyon à titre d'essai. Celle-ci s'en dégoûta bien vite et résilia la vente avant la fin de l'année. C'est alors que M. de Meffray, véritable possesseur aux yeux de la loi vendit à M. d'Assier par un acte notarié.
La famille d'Assier de Valenches, des seigneurs de Valenches et de Luriec, eut son illustration dans le Forez. M. P. d'Assier de Valenches a fait paraître plusieurs ouvrages précieux pour la noblesse et l'histoire du Forez. Les armes de cette maison sont : d'or à trois bandes de gueules. Sa devise : Suis de bonne trempe (Gras, Armor. du Forez).
Victor-Emmanuel d'Assier avait acheté le château de Châteauneuf et son parc pour le compte de dame Cécile-Julie-Henriette Emery, son épouse. Il ne le garda que huit ans, ne se plaisant guère, paraît-il, dans les vieilles salles de ce château, qui demandait de grandes réparations. Aussi revendait-il bientôt le domaine du Banchet à M. Jeannez d'Ouches, banquier à Roanne. L'acte de vente fut passé, le 16 mai 1863, par devant M° Dumond notaire à Roanne (1).
M. Jeannez vint s'installer avec empressement dans le vieux château féodal des La Madeleine. Cette demeure répondait à ses goûts artistiques et historiques. Il aimait à compulser les vieilles archives, et ses recherches intéressantes, publiées dans les Mémoires de la Diana et autres Revues foréziennes, lui ont fait une place parmi les érudits du Forez. Il améliora aussitôt ce séjour du Banchet par de sages aménagements et répara la façade est du château. Ce bel engouement ne dura que quelques années ; en 1872, il revendait le Banchet à M. André-Paul Gensoul, de Lyon, par acte passé, le 22 octobre, en l'étude de M° Mestrallet, notaire en cette ville (2).
Les archéologues n'auront qu'à se féliciter de voir ce vieux château, illustré par tant de grandes familles, arriver aux mains du nouveau possesseur, qui sachant entourer ses propres connaissances des lumières d'hommes compétents et artistes, complétera les réparations faites par M. Jeannez et apportera les plus heureux embellissements au château (3) et au parc du Banchet ; en même temps comme maire il obtiendra des réparations urgentes à la vieille église de Châteauneuf. Les administrés de M. Gensoul, reconnaissants des soins apportés par lui à la chose publique, sauront apprécier le dévouement intelligent de leur premier magistrat.
(1) Arch. de M. Gensoul à Châteauneuf.
(2) Arch. de M. Gensoul à Châteauneuf. Il nous été dit que, parmi les documents recueillis par M. Jeannez, il en était de précieux sur Châteauneuf. Nous regrettons de n'avoir pu en avoir communication, nous consolant dans l'espoir que M. Jeannez les fera paraître un jour à la satisfaction des amateurs.
(3) Suivant les conseils de M. Rotival, architecte de talent et jouissant d'une estime justement méritée.
La famille Gensoul, lyonnaise depuis le milieu du XVIII° siècle est originaire du Gard. Elle a pour armes : d'azur au dextrochère d'argent, tenant une pensée (quintefeuille) au naturel, au chef cousu de gueules, chargé de deux colombes essorantes d'argent se becquetant (Léon Alègre, Notices biographiques du Gard.) Citons parmi les membres de cette famille, Alexis Gensoul, viguier de Connaux, qui fut député suppléant du Gard à l'assemblée législative de 1791. Ce fut son fils, Joseph-Ferdinand, qui vint habiter Lyon vers la fin du XVIII° siècle ; il était né à Connaux, le 20 octobre 1766. A Lyon, il entra dans le commerce de la soierie ; aux jours de la Terreur, il va chercher un abri au berceau de sa famille. Puis se rendant à Paris en 1794, il est arrêté comme un émigré, mais il recouvre bientôt sa liberté et revient à Lyon en cachette pour y exercer ses talents d'ingénieur. Ce fut le premier qui inventa les filatures à vapeur pour la soie.
Le 7 septembre 1795, il épousait Marie-Joséphine Lécuyer, fille de Nicolas Lécuyer et de Marguerite Charmetton.
De son mariage avec Joséphine Lécuyer, il eut :
1° Joseph, qui suit ;
2° Elisabeth, baptisée le 1er mars 1801. Joseph Gensoul, né le 9 janvier 1797, fut baptisé le 10 ; il fut l'habile docteur-médecin qui a laissé à Lyon un nom justement célèbre. Au milieu des épisodes d'une vie toute de charité et de dévouement, nous en choisirons un digne de l'histoire et de la reconnaissance de ses contemporains.
Pendant l'émeute de 1831 à Lyon, il était à son poste à l'Hôtel-Dieu au milieu des blessés que l'on avait confiés à ses soins, quand une foule furieuse d'insurgés se précipite et envahit les salles et les couloirs où reposaient les malheureux soldats tombés victimes de leur devoir. Ils courent les plus grands dangers devant cette foule surexcitée qui veut les écharper ; le major Gensoul se présente avec courage au-devant des émeutiers et seul tient tête à l'orage avec une admirable énergie. Il harangue cette foule furieuse, lui démontre tout ce qu'il y aurait d'indigne et d'inhumain à massacrer des malheureux blessés et mourants, et parvient à apaiser ces terribles sentiments de haine. Il sauve ainsi ceux qu'il soignait avec sollicitude et qu'il avait pris sous sa protection (1). Le Dr Joseph Gensoul épousa, le 28 janvier 1832, demoiselle Anne-Marie Malmazet, fille d'André Malmazet et de Jeanne-Françoise Praire de Terrenoire.
(1) Le major Joseph Gensoul, brochure parue à Lyon en 1873, Louis Perrin et Marinet. Notice historique sur la vie et les travaux du Dr Joseph Gensoul, par le Dr Potton, composée par ordre de la Société impériale de médecine de Lyon ; Lyon, Savy, 1861.
De ce mariage :
1° André-Paul Gensoul, qui suit ;
2° Henri-Joseph, né le 13 mai 1838 ;
3° Anne-Julie, née le 29 septembre 1843, mariée à M. Lucien Mangini.
André-Paul Gensoul, le possesseur actuel du château du Banchet, né à Lyon le 15 février 1836, fut élève de l'École centrale des Arts et Manufactures, puis ingénieur civil. A ce titre il rendit d'utiles services à plusieurs sociétés industrielles dont il fut membre ou directeur. Il s'attacha à Châteauneuf où il venait passer une grande partie de l'année avec sa famille et se dévoua tout entier aux intérêts de ses concitoyens, qui le comprirent bien vite, le nommèrent du Conseil municipal, puis maire, en 1881, charge qu'il occupe encore aujourd'hui à la satisfaction de tous ses administrés. Par ses soins fut construite, en un lieu salubre et bien aéré, la jolie mairie-école, qui est un embellissement nouveau pour cette petite ville ; cette construction fut faite sous l'habile direction de M. Rotival. L'église, ce monument si intéressant pour nos archéologues, fut également restaurée pendant son administration. M. Selmersheim, inspecteur des Monuments historiques, dirigea ces réparations et la construction d'une sacristie, devenue absolument nécessaire. L'on y installa, pour monter au clocher, des escaliers d'une forme toute particulière, reproduction heureuse de ceux qui existent dans l'intérieur du château du Banchet pour descendre aux caves et souterrains. Cette sacristie fut bâtie sur l'emplacement de l'ancienne salle de justice de la châtellenie et l'on y a conservé la croisée légendaire où saint Louis se serait montré au peuple de Châteauneuf. Au-dessous sont les prisons, qui servaient avant 1793 ; l'on y voit encore une porte de chêne, qui a subi le travail ingénieux et patient d'un de ces misérables condamnés. Avec son couteau, il avait perforé cette porte par une suite de trous au carré, qui devaient permettre de faire sauter cette partie de la porte par une pression violente et livrer ainsi passage au prisonnier. Malheureusement pour lui, on arriva avant que tout fut terminé et tous ses efforts furent en pure perte ; ce travail long et patient méritait cependant plus de bonheur.
M. André-Paul Gensoul épousa, le 23 juin 1864, Mlle Marie-Delphine-Alix Bolot, fille de M. Charles-Henri Bolot, et de dame Clémentine Dufournel.
MAIRES DE CHATEAUNEUF
Citons maintenant les maires qui, avant M. Gensoul, occupèrent cette charge depuis 1792.
Le premier, connu sous le nom de Commissaire du gouvernement, fut le sieur Antoine Déal en 1792 ; renommé le 15 germinal an III.
Le citoyen François Véraud, nommé, le 2 prairial an VI. Antoine Déal, réélu, le 13 vendémiaire an VIII. Benoît Alix, nommé maire le 28 fructidor, an VIII, paraît avoir exercé ces fonctions tout le temps du premier empire ; obligé de se retirer à la Restauration, l'adjoint Poyet devint maire le 27 septembre 1815 et resta en place jusqu'en 1822, 16 janvier.
C'est lui qui fut chargé de recevoir et de loger le détachement des troupes alliées, lors de l'invasion de 1815. Après avoir réparti Autrichiens et Cosaques chez les habitants, il fait marché, au nom de la commune, avec le sieur Beluze, pour qu'il ait à fournir à ce corps de troupes vivres et boissons nécessaires, 1er octobre 1815 (1).
(1) Arch. Châteauneuf, mairie.
Signalons en passant les halles de Châteauneuf existant autrefois sur la place qui porte encore ce nom. Sous le maire Benoît Alix, leur état de délabrement et de ruines est dénoncé au conseil municipal, qui délibère sur les réparations à exécuter, 1808. Mais devant les frais que devait exiger cette réparation, le projet est abandonné et bientôt des halles de Châteauneuf il ne resta que l'emplacement (1 ). Claude-Henri Alix succéda au sieur Poyet, le 16 février 1822.
Benoît Renon fut maire du 1er janvier 1831 au 31 janvier 1851. Le recensement fait au temps de son administration constate que la population s'est élevée de 242 habitants à 300 (2). Nous croyons la famille Renon originaire de Saint-Martin-de-Lixy ; sur le registre paroissial de cette église, nous trouvons, au 15 août 1735, la naissance de Benoît Renon, fils d'Antoine Renon et de Claudine Musset. Il est à croire que cet enfant fut le grand-père de M. Benoît Renon, maire de Châteauneuf en 1831 (3).
(1) Arch. Châteauneuf, mairie.
(2) Id..
(3) Regist. paroiss. de Saint-Martin-de-Lixy.
En 1851, 31 janvier, Benoît Renon fut remplacé par son adjoint, M. Jean-Marie-Victor Rochon, notaire à Châteauneuf. Il fut maire jusqu'au 31 décembre 1858, et fut alors remplacé par l'adjoint, M. Ducarre, qui occupa cette charge jusqu'au 31 décembre 1860. Jean-M-Victor Rochon revint alors en fonctions, du 1er janvier 1861, jusqu'en 1866, époque où le premier conseiller, M. François Déal, fut nommé maire, le 28 février. Il vit arriver sous son administration la chute de l'Empire et la guerre désastreuse de 1870. Après le 4 septembre, l'ancienne administration s'étant retirée, on nomma une Commission administrative dont le président fut Claude-Marie Ducray, 1er octobre 1870. Ce ne fut que pour peu de temps. En effet, le 21 mai 1871, le sieur Antoine-Marie Chassignolle était nommé maire. Il démissionne, le 20 septembre 1874, et est remplacé par François-Auguste Déal, installé à la suite d'une nomination préfectorale.
Claude-Marie Ducray est nommé maire au troisième tour de scrutin par bénéfice d'âge, le 21 mars 1878, et reste en charge jusqu'en janvier 1881, époque où M. Gensoul fut appelé à ces fonctions.
Nous avons dit que Châteauneuf, comme chef-lieu de châtellenie, avait été, dès 1792, tout naturellement désigné comme chef-lieu du canton. Ce fut en 1803, sous le maire Benoît Alix, que lui fut enlevée cette prérogative. Chauffailles devenait de jour en jour plus important par sa population, son industrie, ses usines, son emplacement et ses marchés de chaque semaine.
Cette ville de Chauffailles mérite une mention à la fin de cet aperçu historique sur Châteauneuf, puisque toute l'importance administrative de cette petite ville a passé à ce gros bourg.
Avant la Grande Révolution, le bourg de Chauffailles ne tirait son illustration que de la noble et grande famille des d'Amanzé que nous trouvons en possession de cette seigneurie dès le XIV° siècle. Son château pittoresquement situé entre la rivière et les étangs, qui lui servaient de défenses naturelles, avait été une maison forte dans le principe, comme l'indiquent sa grosse tour ronde et ses épaisses murailles.
Mais il perdit cet aspect vers le XVIII° siècle et fut approprié au luxe et au bien-être des nobles de cette époque. Le nom de Chauffailles vient-il, comme le veut la légende, du mot chauffeur, faisant allusion à la condition des gens de ces contrées qui, au moyen âge, se livraient à l'exploitation des grandes et nombreuses forêts, couvrant le pays, et d'où l'on tirait le charbon de bois qui remplaçait alors la houille ?
Maintenant, c'est une véritable ville de 4415 habitants (recensement officiel de 1891), dont la moitié agglomérée. Les prés si verts, qui sont appelés dans tout le Brionnais, prés d'embouche, lui font une riante ceinture (1).
(1) On nous dit que le dernier recensement (1896) donne une population de 4888 habitants : cette augmentation de près de 500 âmes, en cinq ans, nous parait peu probable.
Chauffailles est à 31 kilomètres de Charolles, son chef-lieu d'arrondissement, à 7 kilomètres de la gare de Saint-Maurice-lez-Châteauneuf, sur la ligne de Roanne à Charolles. Le service de cette gare est fait par des correspondances qui s'y rendent quatre fois par jour. La superficie de son territoire est de 2263 hectares, dont 1183 en céréales et autres cultures ; 505 en prairies ; 302 en bois de diverses essences ; 18 en vignes, qui ne donnent qu'un vin fort médiocre, le raisin ne mûrissant pas toujours très bien. Il s'y fait commerce de céréales, de pommes de terre, de fourrage, de bétail et volailles, surtout aux jours de foires, qui ont lieu tous les premiers jeudis du mois, et aux jours de marchés, qui sont très fréquentés, les vendredis de chaque semaine.
Plusieurs fabriques de soieries, appartenant à de riches négociants lyonnais, occupent plus de six cents ouvrières à l'intérieur et donnent de l'ouvrage, dans le bourg ainsi que dans la campagne, à plus de deux mille ouvriers.
Située dans la vallée formée par les montagnes de Saint-Germain-la-Montagne, de Belleroche, de Belmont, de Mussy et d'Anglure, la ville de Chauffailles est en un lieu fort pittoresque, dominé par les monts Chéri, Ternas, Chélu, qui a 663 mètres d'élévation.
Plusieurs belles routes partent de la ville et lui ouvrent de faciles communications avec les pays voisins. Au midi, celles de Saint-Igny-de-Roche, de Belmont, d'Écoche ; au sud-est, celle des Echarmeaux pour le Beaujolais et la vallée d'Azergues ; au nord, celles de Mussy, de Chassigny, d'Anglure, de Saint-Racho et de La Clayette ; à l'ouest, celles de Châteauneuf, Charlieu, etc.
Toutes ces voies suivant de fraîches vallées et les sinuosités les montagnes parcourent des contrées qui offrent les cultures les plus variées.
Sur les monts Chéri et Ternas se dressent deux sanctuaires, consacrés, l'un au Sacré-Cœur sur le Montchéri, l'autre à Notre-Dame-de-la-Salette sur le mont Ternas ; monuments élevés par la piété des populations fort chrétiennes de ce pays, ailleurs, l'on n'a pour s'en convaincre qu'à voir, à certains jour de l'année, ces longues processions pieuses et recueillies qui gravissent ces montagnes en chantant des cantiques et en récitant le Rosaire : hommes, femmes et enfants se déroulent alors en files considérables. De ces hauteurs, la vue est réjouie par un paysage des plus étendus qui embrasse des pays fort intéressants à visiter. A l'ouest, ce sont les riches campagnes du Brionnais, semées d'une multitude de villages, et la vallée du Sornin ; au nord, le Dun et ses vieilles ruines ainsi que le viaduc gigantesque de Mussy, sur le chemin de fer qui doit relier Lozanne à Paray. Ce viaduc, véritable œuvre d'art, étonne par ses gigantesques proportions : il a 562 mètres de long, 18 arches de 25 mètres d'ouverture, et sa hauteur est de 62 mètres ; c'est une masse de plus de 75.000 mètres cubes de maçonnerie. Au nord-est, Saint-Igny-de-Vers, pays semé de noires forêts qui vont jusqu'au Saint-Rigaud, le plus haut sommet de ces contrées. A l'est, la vallée de Bottorey, où serpente la route si pittoresque de Chauffailles à Beaujeu, trouvant sur son parcours : Belleroche, les Echarmeaux et les sombres sapins de Poules et de Chenelette. Au midi, le mont Pinay, les montagnes de Ranchal, de Belmont, d'Ecoches, et les fraîches vallées qui y conduisent. Tous ces vallons sont arrosés par les méandres de nombreux ruisseaux habités par l'écrevisse et la truite, et bordés de grands arbres contribuant à faire de ce pays un des plus agréables aux amateurs, qui y trouvent, pendant l'été, le plus charmant séjour. L'église de Chauffailles, au milieu de la ville, est spacieuse ; elle n'a qu'un seul mérite appréciable : c'est d'être assez vaste pour contenir les nombreux fidèles, qui, chaque dimanche, se pressent sous ses trois nefs. Elle fut le début d'un architecte de beaucoup de talent, M. Berthier, qui a fait par la suite la belle église de Saint-Pierre-de-Mâcon, et qui aurait bien voulu faire disparaître cette première œuvre et la reconstruire avec des formes plus architecturales. Les pasteurs du lieu ont annexé à cette église une importante maîtrise pour former des élèves au sacerdoce et fournir ainsi d'utiles sujets au clergé de Saône-et-Loire. Nombre sont les enfants qui la fréquentent, sous l'habile direction de M. l'abbé Antoine son directeur, et de M. l'abbé Roux. Cette école a déjà fourni une trentaine de prêtres au diocèse d'Autun ; elle a une vingtaine de jeunes gens au grand séminaire, et un nombre égal au petit séminaire de Semur.
La population de Chauffailles honnête et laborieuse, a vu s'améliorer sa situation matérielle par l'introduction du tissage de la soie, que l'on doit à l'initiative du bon curé Lambert, qui fut, pendant de longues années, le père vénéré de son peuple ; il a amené ainsi l'aisance dans bien des familles pauvres.
Chauffailles est doté du télégraphe, et bientôt sera desservi par le chemin de fer, qui, parcourant la vallée d'Azergues, traversera le col des Echarmeaux par le tunnel de Poules, et se rendra à la Clayette et de là à Paray-le-Monial, facilitant un débouché aux produits divers de ces riches contrées.
L'on y trouve trois études de notaires, qui appartiennent en ce moment à MM. R. Guyot, J. Desroches et Farge ; un juge de paix, M. A. Bonnin ; un receveur de l'enregistrement, M. Combet ; un percepteur, M. L. Roux ; deux médecins, les docteurs Briandas et Porte. Le conseiller général du canton de Chauffailles est M. Remy Guyot ; le conseil d'arrondissement M Dubreuil, de Saint-Maurice-lez-Châteauneuf.
L'hôpital, fondé il y a une cinquantaine d'années, est d'un grand secours pour le canton et la ville de Chauffailles, avec ses six lits parfaitement dotés. Il est desservi par les religieuses du Saint-Enfant-Jésus, congrégation dont la maison mère est à Chauffailles et qui rend de réels services pour l'éducation des enfants et pour les soins à donner aux pauvres gens du pays. L'aumônier actuel de cette communauté est M. l'abbé Cabut. La supérieure de l'hospice est sœur Thérèse, elle a remplacé la mère Antier, femme d'un grand mérite, qui a laissé une réputation de dévouement et de charité, acquise pendant de longues années de services. Le docteur Adrien Briandas, établi à Chauffailles depuis trente ans, est le médecin constant et dévoué de cet hôpital, admirablement tenu et dont le service religieux est fait par le clergé paroissial.
MAIRES DE CHAUFFAILLES DEPUIS 1793
Le citoyen Martin, du 11 pluviôse an III.
- Vernay, en l'an IV.
- Bellet, id.
- Durex, du 17 floréal an V.
- Bellet, pour la deuxième fois, du 27 pluviôse an V.
- Chavanis, du 17 pluviôse an VI.
- Vermorel, du 10 nivôse an VII.
- Devaux, du 20 vendémiaire an VIII.
- Vincent Durex, du 29 brumaire an IX.
- Claude Guilloux, notaire, du 24 frimaire an XI C'est sous son administration que Chauffailles devient chef-lieu de canton.
Pierre-Marie Deville fut maire du 24 janvier 1822.
Isidore Gay, notaire et propriétaire du château de Chauffailles, maire du 23 septembre 1825.
N. Chavanis, président de la Commission municipale, du 30 novembre 1830.
Claude Troncy, maire du 27 mai 1832.
Frédéric Ravier, maire du 26 juin 1835.
Jean Germain, maire du 26 août 1838.
Jean-Marie-Alexandre Sandrier, maire du 25 novembre 1845.
Jean-Louis Champfray, maire du 1er janvier 1852.
Jean-Baptiste-Marie-Isidore Gay, maire du 12 février 1855.
Jean-Benoît Villars, maire de 6 mai 1857.
Auguste Goyne, maire du 12 octobre 1861 à septembre 1870. Auguste Goyne, d'une honorable famille de Saint-Germain-la-Montagne, près de Chauffailles, était né sur cette paroisse, le 13 octobre 1816. Il mourut à Chauffailles au château dont il était possesseur, le 2 juin 1882. Il fut conseiller général du canton de Chauffailles de 1848 à 1852 et de 1861 à 1873. Délégué de Saône-et-Loire à la haute cour de justice, qui jugea le prince Pierre Bonaparte, à Blois, après l'assassinat de Victor Noir, il fit partie de cette haute cour en 1870. II avait épousé la fille de M. A. Lacroix, député de Saône-et-Loire, dont il n'eut pas d'enfant. Son père avait été aide de camp du général Dumouriez. A sa mort, M. Goyne laissa le château de Chauffailles, antique demeure des d'Amanzé, à M. N. Dumoulin, qui le possède encore aujourd'hui.
Hippolyte Achaintre administra la commune de Chauffailles, comme président de la Commission municipale, du 4 septembre 1870 au mois de décembre de la même année, où il fut nommé maire.
Auguste Goyne redevint maire, en mai 1871, et donna sa démission en mars 1873.
Remy Guyot fut alors nommé, en avril 1873, et est resté en charge jusqu'en mai 1892.
Remy Guyot, né à Ecoches, en février 1835, fit la guerre de 1870 comme chef de bataillon des mobilisés de Saône-et-Loire. A son retour, notaire à Chauffailles, il fut nommé maire puis conseiller général, en 1874, officier d'Académie en 1885 et chevalier de la Légion d'honneur en 1886.
Auguste Bonnin fut maire du 20 mai 1892 au 1er janvier 1895 ; ayant alors démissionné, M. Remy Guyot fut nommé de nouveau, le 14 janvier 1895.
CURÉS DE CHAUFFAILLES
Voici les noms des derniers pasteurs et saints curés qui ont administré cette grande paroisse.
François-Didier-Elisabeth Circaud, d'une noble famille de La Clayette et d'Oyé (1), dont les armes étaient : d'argent à une bande d'azur, chargée de trois besans d'or (Arcellin, Armor. du Mâconnnais). Son frère était grand-vicaire d'Autun, sous Mgr de Vichy. L'abbé Fr.-Did.-Elis. Circaud fut curé de Chauffailles de 1830 à 1834.
(1) Courtépée écrivait en 1777 : « Oyé est dans un pays gras : les bourgeois y sont opulens, tels que les Mathieu, Circaud, Daron, par le commerce du bétail. Le marquis de Langeron, seigneur du lieu, a un vieux château, mais il demeure en celui de Maulevrier. » (Voyage en Charollais, p. 167.»
L'abbé Jean Bajard le remplaça, il était alors curé de Saint-Racho. Il démissionna en 1836, et fut nommé à Chassigny-sous-Dun ; il mourut en 1850, retiré à Briant ; il était originaire de Suin, en Saône-et-Loire.
Nicolas Lambert, ancien missionnaire, homme d'une grande charité, eut une longue vie sacerdotale. Curé en premier lieu du Creusot, qui n'avait alors que 2000 âmes, il accepta la cure de Chauffailles, comme bien plus importante, le 7 août 1836. Il ne se doutait guère qu'à sa mort, arrivée en 1875, le Creusot aurait plus de trente mille habitants. Devant la misère qui s'étendait de plus en plus sur ces chers paroissiens, il travailla avec le plus grand zèle à améliorer leur sort. C'est dans cette pensée qu'il amena quelques maisons de soierie de Lyon à venir fonder des usines et donner du travail en un lieu où les bras ne manqueraient pas. Ce fut là l'origine de l'importance de Chauffailles, qui alla toujours en augmentant. Le curé Lambert fut le fondateur de l'école cléricale ou maîtrise, et aussi de l'église actuelle. Après avoir rempli pendant près de quarante ans les fonctions sacerdotales à Chauffailles, il mourut en laissant de douloureux regrets dans le cœur de ses administrés.
M. Antoine Thevenet, curé de Montmelard, après avoir professé au petit séminaire de Semur, fut alors installé curé-archiprêtre de Chauffailles, le 11 avril 1875. L'on vit bientôt revivre en lui les vertus de charité et de dévouement de son prédécesseur, aussi était-il nommé chanoine honoraire d'Autun, en 1882. Il est né à Varennes-sous-Dun, non loin de Chauffailles, en 1832.
Dans les soins religieux à donner à ses nombreuses ouailles et à ses écoles chrétiennes, confiées à l'habile direction des Frères Maristes, il est admirablement secondé par ses deux zélés vicaires, MM. Alacoque et Jandard (1).
(1) Ces notes sur Chauffailles nous ont été communiquées par M. l'abbé Jandard qui s'est mis à notre disposition avec une extrême obligeance.
Nous voici arrivés au terme de notre étude historique sur Châteauneuf et à sa châtellenie. Nous avons mis toute notre bonne volonté à faire ce que de consciencieuses recherches nous ont fait recueillir sur ce charmant pays. Mais nous n'avons pas la prétention d'avoir tout découvert et tout dit : bien des faits intéressants restent sans doute inexplorés dans le cours de ces longs siècles. Nous laissons à de plus habiles que nous le soin de compléter cet aperçu historique sur une contrée riche en souvenirs, mais où le temps, là comme ailleurs, démolit en silence :
Il n'est pas de ciment que le temps ne dissolve. (O. Carron.)
Nous nous estimerons heureux et largement récompensés de nos labeurs si ces pages ont pu causer quelques moments d'intéressante distraction à ceux qui prendront le souci de nous lire. En terminant nous souhaiterons aux habitants de cette région, de conserver leurs mœurs honnêtes et chrétiennes, et de vivre à l'abri de ces perturbations politiques qui, dans notre siècle, divisent tant les esprits et brouillent les familles.
Nous aimons à penser que, comme aux siècles passés, la probité régnera toujours en cet heureux pays Nous lisons, en effet, qu'en 1768, un nommé Michel, bailli et intendant du comte de Montmorillon, ayant perdu un sac de 10.000 livres, était fort inquiet sur son sort. Un pauvre manouvrier le trouva dans le bois d'Anglure, et apprenant à qui il appartenait, le rapporta sans l'avoir ouvert à son maître, qui craignait bien de ne plus le revoir. Celui-ci, pénétré des sentiments si honnêtes de ce brave paysan, l'embrassa et lui assura du pain pour le reste de ses jours. M. de Montmorillon, François-Saladin, seigneur de Lucinier, capitaine au régiment de Royal-Vaisseau, époux de dame Marie-Sophie de Franc-Anglure, ayant appris ce beau trait, s'écria : « Qu'on m'amène cet homme, je veux coucher avec lui dans le même lit ! Il y a donc encore de la probité sur la terre ! ». (Courtépée.)
Espérons que de nos jours il ne serait pas rare d'y rencontrer bien des hommes d'une telle honnêteté.
Quant aux successeurs des Montmorillon, des Damas, des La Madeleine et autres antiques races, nombreux sont-ils qui font revivre les traditions de foi et de charité de leurs nobles devanciers.
Et maintenant, redisons avec le poète :
Ille terrarum mihi praeter omnes
Angulus ridet, ubi non Hymetto
Mella decedunt, viridique certat
Bacca venafro...
Tibur, Argeo positum colono,
Sit meae sedes utinam senectae ;
Sit modus lasso maris, et viarum
Militiaeque !
« II me sourit plus que tout autre ce petit coin de terre où le miel ne le cède point à celui de l'Hymette, où le fruit frais et savoureux le dispute à celui de Venafre.
« Puisse ce gracieux séjour, antique colonie de héros, être l'asile de ma vieillesse, et que j'y trouve le terme des fatigues et des luttes de la vie ! »
(Horace, Ode VI, livre II.)
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