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Essai historique sur Châteauneuf-en-Brionnais,
ou châtellenie royale sur les bords du Sornin

Par l'abbé L. Pagani (1896)


Chapitre III



Charles V et le Mâconnais.
Anglais et Tards-Venus. Armagnacs et Bourguignons.
Les Écorcheurs. Louis XI et Châteauneuf.


Clocher et abside de l'église de Châteauneuf

Le Mâconnais, sous la régence de Charles V, voit se produire un fait important : ce prince, en 1359, donne le comté de Mâcon, érigé en pairie, à son frère Jean, comte de Poitiers (1). Cependant il retient les domaines et droits de la Couronne, comme ses prédécesseurs s'y étaient engagés, et les met en la garde du bailli de Mâcon. Puis ce bailliage se trouvant supprimé par suite de nouvelles transactions, pour défendre ses intérêts, il créa le bailliage de Saint-Gengoux, première possession royale dans le Mâconnais (2).

(1) Arch. de Mâcon, A A, I.
(2) Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p . 23. N. Durand, Origine du Lyonnais-Roannais, p. 14.


Dès lors le bailli royal de Saint-Gengoux aura la charge de sauvegarder les droits et intérêts de la Couronne en Mâconnais, Beaujolais et Lyonnais, et sur les châtellenies de Charlieu, de Dun, de Bois-Sainte-Marie et de Châteauneuf (1), ce dernier domaine cédé au sire de Beaujeu, qui le détient en fief.

Aussitôt les forteresses de ces châtellenies sont mises en état de défense, car on touchait aux plus mauvais jours. Après la malheureuse journée de Poitiers, septembre 1356, les Anglais s'étaient répandus sur les provinces de France, comme un torrent dévastateur. De l'Auvergne, où ils s'étaient fortement retranchés, ils descendent sur le Forez et s'emparent de Montbrison qu'ils incendient, 19 juillet 1359. Aussitôt le bailli royal de Saint-Gengoux convoque tous les corps de troupes de cette région en la ville de Charlieu. Là, il les organise et tient la campagne en s'appuyant sur les forteresses de Châteauneuf et de Charlieu, toutes deux entourées de fossés profonds et de hautes murailles (2). Les Anglais évitent alors ce pays si bien gardé et portent ailleurs leurs efforts.

(1) Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p. 33. Brussel, Usage des fiefs, p. 255.
(2) Thiollier, Id., p. 23. Guigue, Tard-Venus, p. 36.


Malheureusement le traité de Brétigny, qui ramenait la paix entre la France et l'Angleterre, allait couvrir nos contrées de bandes armées et féroces, licenciées par ce traité de paix. Un grand nombre de ces hommes d'armes, de tous pays et de toutes races, ne voulant pas renoncer à leur vie de rapine, se mirent à travailler pour leur propre compte. Ces bandes dévastatrices, connues sous les noms de Routiers et Tard-Venus, arrivent sur les bords de la Loire en 1362, investissent Charlieu et Châteauneuf, ces deux forteresses capables de les gêner dans leurs excursions guerrières et d'arrêter leur marche sur le Mâconnais. Ils y trouvent une héroïque résistance de la part des chevaliers et des gens du pays et sont obligés de se retirer. Ces alarmes se perpétuent plusieurs années, et en 1368, d'autres bandes, sous la conduite du prince de Galles, dit le Prince Noir, dévastent le Brionnais, saccagent en particulier Anzy-le-Duc et son prieuré, mais ne tentent rien contre Châteauneuf, qui leur parait trop redoutable (1).

Charles V, régent pendant la captivité du roi Jean, se multipliait pour organiser la défense, envoyant chartes et secours à tous les capitaines châtelains du royaume. Puis, devenu roi à la mort de son père, Jean le Bon, mort en captivité en 1364, il consolide son autorité déjà établie, confirme la donation du duché de Bourgogne à son frère Philippe le Hardi, 2 juin 1364, qui fonde la seconde maison de Bourgogne, et s'entend avec lui pour repousser les Anglais des provinces du centre de la France.

Le sire de Beaujeu, à qui appartenait toujours Châteauneuf, luttait de son côté contre les bandes anglaises, entretenait garnison à Châteauneuf et y nommait le capitaine châtelain, qui se trouvait sous l'autorité du grand bailli du Beaujolais. En 1362, le capitaine châtelain, gouverneur de la forteresse de Châteauneuf, était messire Jean de Villon. Il avait succédé, croyons-nous, à Guy de Châteauneuf, que nous voyons cité comme témoin, en 1357, dans un acte que rapporte Huillard-Bréolles (2).

(1) Guigue, Tard-Venus, p. 60. Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p. 23. Cucherat, Anzy-le-Duc. Ragut, Statistique, t. II, p. 14.
(2) Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, chart. 1450.


Ce Jean de Villon nous est connu par une charte qui rapporte un fait assez curieux et qui trouve sa place ici.

Un bon bourgeois de la ville de Châteauneuf, Jean Perrier, ayant été tué d'un coup d'épée par le sire Jean de Villon, capitaine châtelain dudit lieu (la charte ne dit pour quelle cause), la famille de la victime, s'appuyant sur les droits et franchises dont jouissait la bourgeoisie de Châteauneuf, en appelle à la justice du sire de Beaujeu et implore son appui. Ce prince fait aussitôt intenter une action contre le sire de Villon, qui effrayé des conséquences de son crime, abandonne sa charge et s'enfuit. Les officiers du sire de Beaujeu, en vertu d'une commission de Hugues de Gletteins, grand bailli du Beaujolais, saisissent les biens dudit Jean de Villon, damoiseau, 20 mai 1362 (1).

Quatre jours après, 24 mai, dame Marguerite, femme de Jean de Villon, fait opposition à la saisie, ainsi que Hugues de Villon, frère de Jean, ainsi que sa fille, mariée à Jean de La Garde, damoiseau, paroissien de Saint-Martin-du-Lac, au diocèse d'Autun, gendre de Jean de Villon (2). Malgré cette opposition la saisie s'effectue ce jour même, 24 mai, et parmi les objets saisis figurent deux tonneaux pleins de vin (3).

(1) Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, chart. 2843.
(2) Id., chart. 2844 et 2847.
(3) Id., chart. 2843.


Nous ne savons comment se termina cette malheureuse affaire, qui força la famille de Villon à disparaître du pays. Mais nous voyons par là que les bourgeois de la ville de Châteauneuf n'étaient pas d'aussi petites gens que tant d'autres tombés en puissance de seigneur, et qu'ils avaient droits et privilèges qui les mettaient à l'abri des abus de pouvoir de la noblesse et leur donnaient une réelle considération.

Dans bien des villes, comme à Mâcon, à Beaujeu, à Villefranche, ils jouissaient d'importants privilèges et franchises, assistaient aux cours de justice, où les chevaliers, bien loin de révoquer leur témoignage, les acceptaient même comme cautions.

Biens et domaines des de Villon passent en d'autres mains et leur nom ne nous est connu aujourd'hui que par quelques terres et un moulin qui le portent encore. Dès l'année 1330, la terre de Villon était sortie de la famille et avait été vendue aux de Gletteins, en la personne de messire Hugues de Gletteins, bailli du Beaujolais.

Noble et puissant homme, messire Hugues de Gletteins, chevalier, bailli du sire de Beaujeu, fait partage de biens avec son cousin germain, Jean de Gletteins, 1331. Ces biens sont situés à Jarnioux, Fougères, Poules et Villon.

En 1375, Hugues de Gletteins ayant marié sa fille, Jeanne, avec Guillaume de Saint-Romain, lui remet en dot sa terre de Villon, située sur les paroisses de Belmont, Chauffailles et Saint-Germain-la-Montagne. Il la rachète quelque temps après au prix de 200 francs d'or, et l'aliène de nouveau à Jehan de Lissieu et à Robert de Belmont pour huit vingt et dix francs ; puis la rachète le même prix en 1387 (1).

(1) De Varax, Jarnioux, p. 6, 8.


Son fils Louis, qui en hérite, ayant besoin d'argent, la revend à Philippe de Ressins, et la lui rachète en 1404. Ainsi porte la charte : « Villion sur les paroisses de Chauffailles et de Saint-Germain-la-Montagne, en pur, libre et franc alleu, sans fief, arrière-fief ou autre servitude, avec ses hommes taillables et corvéables, tenanciers, tailles, servis, blés, argent, gélines, corvées, manœuvrées, juridiction haute, moyenne et basse, lods, ventes, main-morte, le gros bois de Money, chasses, etc., pour le prix de huit vingt et 10 livres tournois.» Louis de Gletteins, en 1429, donne ce fief noble aux chevaliers de Rhodes après être entré dans cet ordre célèbre de Saint-Jean de Jérusalem. Il se fit chevalier de Rhodes ayant vu son mariage avec Jeanne de Digoine annulé, parce que dictum dominum Ludovicum de Gletteins impotentem fore et frigidae naturae (1).

Voici un spécimen du langage de ce pays et tel que nous le donne cette charte : « Tota li terra di Villon et les rendes assizes à Villon et en les perroches de Choffailli, de Saint-Germayer et de Bealmont, ensemble los bos quaqunque ils soient en les dites perroches, ou soit en servis, en tailles ou en autres choses, quacunque elles soient, avoy la seignorie et la juridiction grant et petite, quacunque elles soient en les perroches susdittes, avoy touz droitz et totes accions, appertenances et appendisses de les choses dessus dittes (2). »

Les armes des de Gletteins, seigneurs de Jarnioux et de Villon, sont : losangé d'or et de gueules.

Armes de Gletteins

Hugues de Gletteins bailli du Beaujolais, cité plus haut, aurait, le Ier mars 1375, confessé et reconnu publiquement qu'il était en vérité, et qu'il voulait être l'homme et vassal de l'illustre et puissant baron et seigneur Edouard de Beaujeu, lui faisant fief et hommage, le genou plié, les mains jointes, et lui donnant le baiser de fidélité accoutumé. Et ce en présence de vénérables et probles hommes messire Jehan de Talaru, doyen de Lyon, Dalmas de la Porte et Girard de Sainte-Colombe, chevaliers (3).

(1) De Varax, Jarnioux, p. 9, 14, 51, 59.
(2) Id., p. 83.
(3) Id., p. 8.


Par suite de cette possession si constante de la seigneurie de Châteauneuf par les sires de Beaujeu, ne nous étonnons pas si les chartes du temps, comme celles rapportées par Huillard-Bréolles, placent toujours Châteauneuf en Beaujolais. Puis les ducs de Bourbon étant devenus possesseurs de la sirerie de Beaujeu en 1400, tous les titres et chartes passèrent entre leurs mains et se trouvèrent ainsi compris dans les titres de leur maison.

Le comté de Mâcon ayant donc été cédé, en 1359, par Charles V à son frère Jean, comte de Poitiers, troisième fils de Jean le Bon, celui-ci, devenu duc de Berry et d'Auvergne, se fait remarquer par sa rapacité et détester par ses exactions.

Par un traité survenu entre lui et le sire de Beaujeu, il rentre en possession de la seigneurie et terre de Châteauneuf, qui reviennent au bailliage de Saint-Gengoux, 1367 (1). Mais en 1372, Charles V, reprenant au comte de Poitiers le comté de Mâcon, rétablit en cette ville le bailliage qui avait été mis à Saint-Gengoux (2). Les archives du comté de Mâcon, vu ce fréquent changement de bailliage, se trouvent disséminées actuellement soit à Mâcon, soit à Dijon, les ducs de Bourgogne ayant possédé ce comté en un temps.

C'est ainsi que nous trouvons aux archives de la Côte-d'Or le terrier de Châteauneuf de 1386, collationné par un conseiller du roi en la chambre des comptes de Dijon. Ce terrier contient les droits royaux dans la châtellenie de Châteauneuf et les villages qui probablement en dépendaient, à savoir : Saint-Maurice, Merlo, Avair, Saint-Martin-de-Lixy, Saint-Laurent-en-Brionnais, Saint-Denis-sur-Charlieu (3).

(1) Arch. De Mâcon, A4, n° 1 ; Id., ff., n° 1.
(2) Monnier, Ann. Admin. Et statistique, p. 1859, S.-et-L.
(3) Arch. Côte-d'Or, vol. I, B, 1386.


Puis un autre de 1390, qui contient les droits du roi dans la châtellenie de Châteauneuf pour les villages d'Amanzé, Azolette, Centenier, Colombière, Froulemez, Cherlieu, Primevaux, etc. (1).

Alors le capitaine châtelain royal de Châteauneuf est messire Amphion de Saint-An (Saint-Haon) avec « six-vins livres de gaiges », qui doit aussi garder la forteresse de Verprés dont il est sire. Il est également châtelain de Mâcon, ce qui pousse les habitants de cette ville à réclamer auprès du roi de France pour qu'il ne cumule pas ainsi les charges ; que d'ailleurs la ville ne peut en supporter les frais. De là lettres patentes du roi Charles VI, 1388, qui retire à Amphion de Saint-An la charge de capitaine châtelain de Mâcon et réunit cette charge à celle du bailli royal, qui était alors Girard de Thurey (2).

La famille de Saint-Haôn, qui possédait alors la seigneurie de Vertpré, était une branche de la maison de Roanne. Les armes des de Saint-Haôn étaient : fascé de... et de... de six pièces. Ceci d'après un sceau de 1385. Une branche avait conservé le blason de la maison de Roanne : de... au lion de... (Gras, Armorial du Forez).

A cette époque, le Charollais appartenait à la puissante famille d'Armagnac, qui, au commencement du siècle suivant, va remplir ces contrées de dévastation et de ruines. Le Charollais est vendu par Jean III d'Armagnac au duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, qui paye cette province 60.000 francs d'or (3).

(1) Arch. Côte d'Or, vol. I, B, 983.
(2) Arch. de Mâcon, E E, liasse 3.
(3) Arch. Côte-d'Or, B, 15.


Elle était arrivée aux Armagnac par Jean dit le Sage, comte de Chalon, qui, ayant épousé Mathilde de Bourgogne, échangea les comtés de Chalon et d'Auxonne avec Hugues IV, duc de Bourgogne, contre les seigneuries de Salins, Bracon, Villafans et Ornans. 1237.

Hugues IV, en acquérant ce comté de Chalon, en démembra le Charollais, qui en faisait partie, et le légua à sa petite-fille, Béatrix, fille de Jean de Bourgogne et d'Agnès de Bourbon, 1272. Béatrix, ayant épousé Robert de Clermont, en eut deux fils, Louis, duc de Bourbonnais, et Jean, baron de Charollais. Jean, étant mort en 1316, laissa une fille, Béatrix, pour qui la baronnie fut érigée en comté, à l'occasion de son mariage avec Jean Ier, comte d'Armagnac. Ce fut son petit-fils, Jean III d'Armagnac, qui vendit le Charollais au duc de Bourgogne, 1390 (1).

(1) Grande encyclopédie, Charollais.


Charles le Téméraire prit le titre de comte de Charollais, le transmit à sa fille, Marie de Bourgogne, qui le porta à la maison d'Autriche, qui le garda jusqu'en 1684, époque ou Louis XIV s'en empara ; les princes de Condé en furent les derniers comtes.

Le sire de Beaujeu, quoique ne possédant plus Châteauneuf, avait encore de nombreux fiefs en Mâconnais et en Brionnais. Une charte, du 5 avril 1392, nous fait connaître les droits féodaux qu'il possédait à Saint-Racho, en la châtellenie de Dun-le-Roi. Ce jour-là, sur les ordres du sire de Beaujeu, et à son profit, est saisi le tènement féodal de Villecourt, paroisse de Dun (Duno) Saint-Racho, pour devoirs féodaux non remplis par le nouvel acquéreur, Jean de Chavannes, qualifié de Donatus (bâtard) de Hugues Gaschet (1). Ce fief de Villecourt avait appartenu à la famille de Bère, dont une fille, Denise, avait épousé Jean de Chavannes. Un seigneur voisin, Hugues de Colanges, y avait aussi quelques droits, qu'il cède, en février 1393, audit Jean de Chavannes, bâtard de Hugues Gaschet (2).

Ruines de Dun-le-Roy

Mais Jean de Chavannes ne se presse guère de remplir ses obligations féodales et, le 13 avril 1392, le sire de Beaujeu envoie une nouvelle requête au bailli de Mâcon afin d'obtenir exécution de la saisie ci-dessus mentionnée (3).

(1) Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, chart. 3865.
(2) Id., chart. 3903.
(3) Id., chart. 3865 et 3866. Ce fief de Chavannes appartiendra plus tard à la famille de La Porte. En 1739, Jean de La Porte, seigneur de Chavannes et de l'Héronde, apparaît comme témoin dans l'acte de décès, le 31 mars 1739, de dame Philippe-Roberte de Mathieu de Sertines, veuve de feu messire Anthoine de Montrichard. Ont assisté à ses funérailles, messire Pierre-Philippe Guillin, doyen d'Aigueperse, qui a fait la cérémonie des obsèques ; M. Christophe, curé d'Azolette, Aulas, curé de Propières, le curé de Saint-Bonnet-des-Bruyères, messire Rey, Chauvin d'Aigueperse, François de Montrichard, seigneur de la Brosse, Jean de La Porte, seigneur de Chavannes et de l'Héronde, sieur Denis-Guichard Augros, bourgeois ; noble Hugues Guillin, conseiller du roi et son assesseur en la maréchaussée du Lyonnais. Signé : Guillin du Montet, doyen (du chapitre d'Aigueperse). Guilin, curé chanoine (Registre de Saint-Igny-de-Vers.)


Villecourt était un fief sur les bords du Sornin, qui appartient maintenant à M. D. ... Quelles étaient les armes de cette famille descendue de Hugues Gaschet ? L'armorial du Forez cite les de Chavannes qui portaient : d'azur à la bande d'or accompagnée de trois étoiles de même. Et les Mazures nous en donnent d'autres, qui portaient : de sable à une bande d'argent et trois étoiles de même, deux en chef et une en pointe. Ces armes semblables en plusieurs points nous laisseraient croire que ce sont deux branches de la même famille. Peut-être au château de Villecourt reste-t-il quelque écusson de ce genre ?

Ce sire de Beaujeu possédait également, non loin de Châteauneuf, les seigneuries de Perreux, près de Roanne, et de Thizy. En 1399, Alexandre Maréchal, procureur d'Edouard, sire de Beaujeu, déclare que ledit Edouard tient en foi et hommage du duc de Bourgogne, la terre de Belleville, les châteaux de Lay, de Thizy, de Chevagny, de La Bussière, et en arrière-fief le château de Perreux, que Robert, jadis duc de Bourgogne, avait octroyé à Louis, sire de Beaujeu (1).

(1) Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, chart. 4238, 4240, 4241.


Mais à ce moment, tous ces riches et beaux domaines de la maison de Beaujeu passent aux mains du duc de Bourbon. Cet Edouard fut le dernier de cette illustre race à qui appartint pendant de longs siècles le Beaujolais.

N'ayant pas su maîtriser ses passions, le rapt d'une jeune fille noble de Villefranche, renommée par sa beauté, lui attira les plus grands malheurs. Pour sauver sa tête, il céda sa sirerie au duc de Bourbon, qui le couvrit de sa haute protection, mais qui le laissa dépouillé. Il mourut à Paris quelque temps après, 1400.

Cette transaction ne changea rien au sort de Châteauneuf, qui, restant domaine royal, était gouverné par un châtelain nommé par le roi. Cette charge était occupée, croyons-nous, en ce temps par la famille des Périère, dont nous trouvons les traces. Les Périère étaient seigneurs du Banchet, ayant probablement succédé aux de Châteauneuf

Ils firent d'importantes réparations au château, une jolie porte sculptée est encore ornée de leur écusson, qui est : de... au chevron de... accompagné de deux roses de... en chef, et de trois losanges accointés de... en pointe.

Cucherat, dans son Histoire de l'abbaye de Saint-Rigaud, parle de cette famille comme étant en possession de cette seigneurie « En 1409, dit-il, l'abbé de Saint-Rigaud était Raoul Périère, des seigneurs du Banchet, à Châteauneuf. Il est alors nommé conservateur perpétuel du monastère de Cluny ; puis, en 1410, il excommunia le prieur de Saint-Thomas, à cause de son inconduite (1). »

(1) Cucherat, Hist. de l'abbaye de Saint-Rigaud, p. 47.


Cette famille de Périère, en possession du Banchet au commencement du XV° siècle, disparut, croyons-nous, pendant les terribles guerres qui ensanglantèrent cette région vers cette époque.

Armes des Périère

L'assassinat du duc d'Orléans par Jean sans Peur, en 1407, fut l'origine de la plus affreuse guerre en Bourgogne, en Charollais et en Mâconnais. Le jeune duc d'Orléans, avide de vengeance, mais trop jeune pour la diriger, donne à son parti un chef audacieux, le comte d'Armagnac, dont il avait épousé la fille, digne rival de Jean sans Peur.

Armagnacs et Bourguignons, noms funestes à la France, sont en présence, et vont soutenir une lutte acharnée. Mâcon et le Mâconnais étaient du parti bourguignon, et lorsque, en 1411, les troupes de Charles d'Orléans envahirent le Charollais et le Mâconnais, Mâcon, trop faible pour résister, parla de se rendre aux Armagnacs.

Le comte de Tonnerre, commandant les troupes de Bourgogne, ayant appris ces dispositions, envoya faire au bailli de Mâcon, Jean de Chastelux, les plus terribles menaces, si l'on osait parler de se rendre. En même temps, passant la Saône au pont de Farges, avec un corps considérable de troupes, il contint les Armagnacs, qui, après avoir ravagé la campagne, se retirèrent sans combat sérieux (1) vers le Charollais.

Survient alors un traité entre le duc de Bourgogne et les provinces du Mâconnais, du Beaujolais et du Forez par lequel ces pays s'engagent à ne pas faire cause commune avec les ennemis du duc (2) Philippe le Bon.

(1) La Rochette, Hist. des Ev. de Mâcon, t. II, p. 344.
(2) Arch. Côte-d'Or, vol. I, B, 11.915, 11.917.


En Bourbonnais, les ducs Jean Ier et Charles Ier soutenaient la cause royale d'accord avec les Armagnacs contre le duc de Bourgogne, allié des Anglais. Or le point important de la défense et du ralliement des troupes royales en ces pays était Charlieu, à très peu de distance de la forteresse de Châteauneuf, dont les gens du duc s'étaient emparés dès le commencement de la guerre. La lutte entre les deux garnisons était constante, et les Armagnacs se trouvant souvent arrêtés par le redoutable donjon de Châteauneuf, prirent alors la résolution de s'emparer de cette place à tout prix, et de rejeter au loin les troupes du duc de Bourgogne. Donc, en 1419, ou, suivant le calendrier moderne, en 1420, sous les ordres du seigneur de La Fayette, et au nom du roi Charles VII, les Armagnacs se répandirent dans les campagnes du Mâconnais, cherchant à investir Mâcon, défendu alors par son bailli Antoine de Toulougeon. Obligés de se retirer devant le prince d'Orange, qui arrivait avec des forces imposantes, ils envahirent le Charollais et le Brionnais, qui eurent beaucoup à souffrir. Ils assiégèrent et détruisirent le Bois-Sainte-Marie, la Bazolle et Marcigny, puis vinrent mettre le siège devant Châteauneuf, qui, malgré sa vigoureuse résistance, fut pris d'assaut, pillé et détruit. Ils ruinèrent de fond en comble ce vieux château fort qui avait résisté à tant d'attaques dans les siècles passés (1).

(1) Arch. de Mâcon, BB, 13.


L'on croit que c'est depuis ce siège mémorable que l'antique forteresse au sommet du Montet est restée à l'état de ruines où on la voit aujourd'hui, mais nous croyons qu'elle ne fut définitivement détruite et abandonnée que vingt-cinq ans plus tard, lorsque d'autres ennemis terribles, les Écorcheurs, en firent le siège et s'en emparèrent.

Les Armagnacs restèrent possesseurs de Châteauneuf, croyons-nous, jusqu'au traité d'Arras, 22 septembre 1435, qui amena la réconciliation du roi Charles VII et du duc de Bourgogne. Châteauneuf resta à Philippe le Bon, qui nomma un capitaine châtelain, Bertrand de la Bocquière, pour garder la place et gouverner la châtellenie.

Par ce traité, le roi de France sauvait sa couronne, mais le duc de Bourgogne s'enrichissait de ses dépouilles et agrandissait considérablement ses domaines.

Le comté de Mâcon était du nombre des riches apanages concédés par le roi, ainsi que les seigneuries de Saint-Gengoux-le-Royal et leurs appartenances. « Avec toutes les terres, seigneuries, villes, villages, de ce comté, y était-il dit, cens et revenus, fiefs, arrière-fiefs, patronages d'églises, collations et bénéfices. Cependant la juridiction ecclésiastique, le droit de régale, la juridiction civile du parlement seront réservés au roi, de même que la foi et l'hommage ; mais tous les revenus et profits provenant des deux juridictions, comme les amendes, le bénéfice sur les monnaies, la confiscation, la garde des églises, appartiendront au duc. Pour cela, le roi commettra en son nom le bailli et les prévôts, officiers et juges, que nommera le duc de Bourgogne, pour prononcer dans tous les cas royaux.

« Le duc doit jouir aussi des aides de toute nature : grenier à sel, quart sur le vin vendu, taille, fouages, en un mot de toutes les impositions et subventions quelconques qui ont cours dans ledit comté de Mâcon, et généralement dans tout le duché de Bourgogne (1), »

Par ce traité d'Arras, qui cédait au duc de Bourgogne le comté de Mâcon et ses appartenances, le roi en excepta Charlieu, malgré toutes les instances du duc, qui objectait que cette châtellenie faisait partie du bailliage cédé. L'affaire resta cause de conflit jusqu'en 1477, époque où la Bourgogne revint définitivement à la couronne (2).

(1) De la Rochette, Hist. des Ev. de Mâcon, t. II, p. 384.
(2) Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p ; 23. N. Durand, p. 14.


En même temps, aux termes des lettres de Charles VII, du 3 janvier 1436, le Forez et le Beaujolais furent distraits du bailliage de Mâcon et placés dans celui du sénéchal de Lyon, siégeant à Saint-Just (1). Ce fut probablement à cette circonstance que Charlieu dut son entrée dans le Lyonnais (2).

(1) Huillard-Bréolles, Titre de la maison de Bourbon, chart. 5506.
(2) Thiollier, l'Art roman en Brionnais, p. 24.


Cependant à partir du traité d'Arras, Charles VII, pauvre roi de Bourges, secouant la torpeur de ses jeunes années, se réveille de ce long sommeil d'indolence et de volupté ; il devient réellement roi. Le sang de Jeanne d'Arc a sauvé la France, il va travailler à sauver la royauté. Secondé d'habiles généraux, Richemont, Dunois, Xaintrailles, La Hire, Barbajan, formés à l'école de la Pucelle, il abat ses ennemis, reprend son territoire et améliore la condition de ses peuples.

Après les querelles des Armagnacs et des Bourguignons, le Mâconnais se voit encore ravagé par une invasion de bandits, que conduisent les anciens capitaines du parti des Armagnacs.

Les Écorcheurs, milices indisciplinées, qui parcoururent la France pendant un quart de siècle, commirent autant et plus de ravages en Bourgogne, Mâconnais, Beaujolais, Lyonnais et Forez que les bandes des Tard-Venus, au siècle précédent.

En 1436, ce ne sont plus les armées anglaises, licenciées après le traité de Brétigny, qui ravagent la France, ce sont les troupes royales elles-mêmes. A leur tête, ce ne sont pas seulement des bandits ou des chevaliers d'aventure, comme Rodrigue de Villandrando, ce sont aussi des seigneurs français de la plus haute noblesse, comme ce Bâtard de Bourbon dont la cruauté est restée légendaire.

Leur première apparition en nos provinces eut lieu après le siège de Montigny en Champagne, septembre 1436. Les assiégeants victorieux, sous les ordres du Bâtard de Bourbon, envahirent la Franche-Comté, puis la Bourgogne, et pendant huit années, on compte cinq ou six invasions générales de ces bandits, qui vinrent mettre à rançon nos provinces, se livrant aux plus affreux excès. C'étaient de véritables armées de dix à douze mille hommes, c'est-à-dire de douze mille brigands.

C'est en vain que les populations se levaient pour les détruire. « En vain, nous dit Olivier de La Marche, ai-je vu la Saône rougie de leur sang et leurs corps liés l'un à l'autre emportés à la dérive, en vain les efforts du duc de Bourgogne pour les repousser. Après avoir disparu quelque temps, ils revenaient plus hardis, plus rapaces que jamais. » Les Sarrasins seuls pouvaient faire autant de mal à des chrétiens, nous disent les Mémoires du temps. Le rançonnement était leur grande affaire, et ils tuaient tous ceux qui ne pouvaient se racheter, et cela après leur avoir fait souffrir tout ce que la cruauté pouvait inventer de plus féroce. L'on conserve une longue liste de villages rançonnés, brûlés, détruits et pillés, surtout dans les bailliages d'Autun, d'Auxois, de Charollais et de Mâconnais.

Dans tous ces pays, longue est la liste des malheureux grillés, écorchés, pendus, noyés ou tués avec des raffinements de cruauté impossibles à décrire. Entre autres, à Saint-Léger-sur-Dheune, ils enlevèrent le château où les gens s'étaient réfugiés. Les plus horribles scènes eurent alors lieu, hommes et femmes subirent des supplices effrayants, les femmes après avoir été violées ; « on les entendait au loin crier et brailler comme des bêtes », nous dit le chroniqueur. Le village de Dennevy subit le même sort, et une multitude d'autres.

Cependant quelques seigneurs se levèrent courageusement pour défendre leurs malheureux vassaux. Un surtout se distingua par son courage chevaleresque, c'est Guillaume de Damas, seigneur de Digoine, d'une illustre famille dont nous aurons à parler dans le cours de cet ouvrage.

Méprisant le danger, il parcourut, avec ses hommes d'armes, le pays dévasté aux alentours ; il allait secourant les misérables, défendant les opprimés et arrachant à la mort des malheureux dont il payait la rançon ou qu'il enlevait par force aux Écorcheurs. « Je voyais, dit-il, amener des malheureux tous liés à deux avec chenestes, autour desquels des ribeauds les tiraient et s'égoilloient l'ung de ça l'autre de là, et à la fin les pendaient, s'ils ne se rançonnaient ; et par mon âme, come par pitié en ai rançonné, pour la valeur de plus de cent écus. »

En 1438, ces grandes compagnies, logées dans l'Autunois, étaient au nombre de douze à treize mille hommes (1).

(1) Notes et docum. Regist. secrétariaux de Mâcon, p. 293, 388.


Le sire de Charny, lieutenant du duc de Bourgogne, se voyant incapable de leur résister, s'engagea à leur payer une rançon, qui fut arrêtée par les États de Bourgogne à 3000 saluts d'or, environ 380.000 francs de notre monnaie.

On ne les éloigna que pour quelque temps, et l'année suivante, 1439, le Mâconnais et le Brionnais furent sillonnés par les bandes des capitaines Blanchefort, Chabanne, Floquet, Lombard, Perrin des Anges, lieutenant du Bâtard de Bourbon, le Bâtard de Vertus, Jehan de Brenay et d'autres. Puis la région ruinée, toutes ces bandes prirent le chemin du nord, passèrent en Champagne et en Flandre où elles furent battues et dispersées une première fois, en mai 1441.

L'année suivante, le roi Charles VII vint visiter ces provinces si douloureusement éprouvées, au mois de juillet 1440. Il logea à Charlieu, cherchant à ramener un peu de tranquillité au milieu de ces populations désolées. Partout il recueillait les plaintes contre les excès des brigands. Il amassa un si grand nombre de griefs, en particulier contre le Bâtard de Bourbon qu'il le fit arrêter, venir devant lui à Troyes où il s'était rendu et le condamna à être cousu dans un sac et jeté dans l'Aube, juste supplice de ce grand scélérat (1).

Il n'est pas à croire que, dans ce voyage, le roi de France ait visité la ville de Châteauneuf, le duc de Bourgogne en était le maître, et, sur les portes de la ville et de la forteresse, les armes de Bourgogne avaient remplacé celles de France. Mais malgré tous les efforts du roi et des populations armées, les Écorcheurs ne purent être entièrement détruits.

Il en resta des débris, qui se reformèrent et reparurent en Mâconnais, pendant plusieurs années encore. Ils étaient campés, en juillet 1445, aux environs de Charlieu, rançonnant le pays. Ce serait alors que Châteauneuf, pour la seconde fois (2), aurait été assiégé et saccagé par eux, comme nous le racontent les Chroniques.

Messire Bertrand de La Bocquière y commandait encore pour le duc de Bourgogne (3). Ce fut en vain qu'il combattit à la tête des hommes d'armes et de tous les vassaux de la châtellenie, la place fut prise et saccagée, ainsi que le château du Banchet. Etienne Loisel en était alors le seigneur engagée pour le duc de Bourgogne, au prix de 80 livres de ferme (4), et cela depuis le 25 mars 1434 ; il avait probablement succédé aux Périère.

(1) La Mure, Hist. des ducs de Bourbon, t. II, p. 181, 182, notes.
(2) Arch. Mâcon, B, B, 14. La Mure, Hist. des ducs de Bourbon t. II, p. 184, notes.
(3) Arch. Côte-d'Or, t. II, B, 5090. Canat de Chizy, Documents pour servir à l'hist. de Bourgogne, p. 287, 368, 371.
(4) Arch. Côte-d'Or, V. 2, B, 5129. Tuetey, Les Ecorcheurs.


Ce ne serait donc que de cette époque qu'aurait été complètement ruinée la forteresse de Châteauneuf.

Bertrandon de la Bocquière resta en place jusqu'en l'année 1459, où un grand personnage de la cour des ducs de Bourgogne vint le remplacer, Messire Michel de Chaugy. Sa nomination est faite par lettres patentes du duc Philippe de Bourgogne, le 25 mai 1459, portant provision à l'office de capitaine de Châteauneuf en Mâconnais (100 écus), en faveur de messire Michel de Chaugy, chevalier, son conseiller, chambellan et maître d'hôtel, au lieu et place de feu Bertrandon de la Bocquière, son premier écuyer tranchant (1).

Puis, le 20 octobre 1461, autres lettres patentes du duc à Valenciennes, qui permet à Michel de Chaugy, attendu ses grandes occupations au service du duc, de commettre à ses frais une personne capable, pour exercer à sa place la charge de capitaine châtelain de Châteauneuf, Marcigny-les-Nonains et Vieil-Châtel (2). Ce personnage capable, Nicolas de Jacet, vient certifier que celui qu'a choisi Michel de Chaugy est Philippe de Molins, écuyer, qui sera son lieutenant en la châtellenie de Châteauneuf pour l'année 1464 (3).

Michel de Chaugy était un des grands seigneurs de la cour de Bourgogne. La famille de Chaugy, originaire de Roussillon, portait : Ecartelé d'or et de gueules, contre écartelé de sinople, à une croix d'or cantonnée de vingt croisettes de même, qui est de Roussillon. Pour cimier, une tête de léopard. Supports : un lion, un sauvage. Devise : Vous m'avés, vous mavés. Cet écusson est ainsi peint sur le triptyque d'Ambierle (4).

(1) Arch. Côte-d'Or, B., 11.825, 5104.
(2) Id.
(3) Id.
(4) Gras, Armor. du Forez.


La Mure, dans son Histoire des ducs de Bourbon, dit en parlant de la famille de Chaugy : « Seigneur de Chaugy et de Dianières en Roannais, porte : Ecartelé d'or et de gueules (1). Les de Chaugy ont possédé également les seigneuries de Chenay-le-Châtel, de Cossat et de Saint-Félix. »

Armes de la famille de Chaugy

Ils devinrent, en 1531, seigneurs du château de Lalière, par le mariage de Pierre de Chaugy, seigneur de Chenay-le-Châtel, Cossat et Saint-Félix, et petit-neveu de Michel de Chaugy, cité plus haut, avec Jacqueline de Vitry, seule survivante et héritière de Brémond de Vitry et de Catherine de Talaru. L'acte de ce mariage fut passé, le 7 décembre 1531, à Roanne, sous l'autorisation de Georges de Chaugy, chanoine-comte de Lyon et frère de Pierre (2). Ce Michel de Chaugy, châtelain de Châteauneuf, fut surnommé le Brave ; il fut premier maître d'hôtel du duc de Bourgogne, Philippe le Bon, et l'un des conteurs des Cent Nouvelles Nouvelles. Ce fut aussi le donateur du fameux triptyque d'Ambierles, qui porte ses armes ; seigneur de Chissey, de Roussillon, etc., conseiller et grand chambellan du duc de Bourgogne, il fut marié à Jeannette de Gaucourt, et était fils de Jean de Chaugy, chevalier, seigneur de Chaugy (Sail-les-Bains), de Chissey, de Chenay-le-Châtel, et en partie de Roussillon, et de Guillemette de Montagu le Blein.

(1) La Mure, Hist. des ducs de Bourbon, t. I, p. 379.
(2) Abbé Reure, Le chât. de Lalière et ses seigneurs, Roanne, J. Miquel, 1893, 72.


Michel de Chaugy, sa femme Jeannette de Gaucourt, Jean de Chaugy et Guillemette de Montagu sont peints sur ce triptyque, peinture remarquable et d'une valeur considérable (1). On peut voir une très belle reproduction de ces portraits dans le Roannais illustré, III° série, p. 51.

En 1462, les habitants de Châteauneuf, lésés dans des droits qu'ils possédaient depuis longtemps, s'adressent, pour se faire rendre justice, à la Chambre Souveraine de Bourgogne. Ils déposent au greffe les pièces qui prouvaient qu'ils avaient le droit d'usage et de pacage dans les prairies et la forêt d'Avaise, ainsi que le droit de pêcher dans la rivière du Sornin. Chaque fois que les propriétaires changeaient, on leur contestait ces droits que l'on est obligé toujours de reconnaître (2) comme légitimes.

(1) Reure, Le chât. de Lalière et ses seigneurs.
(2) Arch. Côte-d'Or, t. II, C, 2830.


Châteauneuf, continuant d'appartenir à la Bourgogne, en suit les destinées, et la mort du roi Charles VII, 1461, ne change rien au gouvernement du Mâconnais et Brionnais. La France devait à ce roi d'être redevenue forte et grande, mais au milieu de cette grandeur, il mourait du chagrin que lui causait son fils, le dauphin Louis, qui devait être l'habile Louis XI ; en lui le père tuait le roi.

Louis XI, fin et rusé, tend tous ses efforts à établir la monarchie absolue et à anéantir l'influence si puissante de la noblesse, en s'appuyant sur les communes qu'il favorise par de grands privilèges, et qui lui doivent d'avoir pris de cette époque leur réelle importance. Sa guerre aux Grands fait surgir la guerre du Bien Public, à la tête de laquelle se voient les ducs de Bourbon et de Bourgogne.

Charles le Téméraire, le plus puissant par ses nombreuses possessions et l'ennemi le plus acharné du roi, sera à leur tête. Châteauneuf, si près de Charlieu, où étaient cantonnées les troupes royales, 1465, est de nouveau mis sur le pied de guerre ; mais l'ancienne forteresse étant détruite, c'est le château du Banchet, qui voit fortifier ses tours et ses murailles, et l'on aperçoit encore quelques vestiges de meurtrières et de fossés des fortifications de cette époque.

Charles le Téméraire sent alors son orgueil ambitieux grandir, il rêve de plus immenses domaines, même d'arriver à la couronne impériale. C'est ce but insensé qui le pousse à ses guerres cruelles avec Louis XI, avec la Lorraine et la Suisse, où il trouve sa perte malheureuse.

Brave comme le roi de France, il avait contre lui d'être fougueux et téméraire, tandis que Louis XI avait une bravoure froide et tranquille, qui lui donnait de constants avantages, poussant ainsi son ennemi à une ruine complète ; ce qui arriva, en 1477, en ce combat que le Téméraire livra au duc de Lorraine, qu'il avait dépossédé de ses États.

Pendant cette guerre du Bien Public, le roi de France tint une forte garnison à Charlieu. A un moment donné il y avait même réuni deux corps d'armée, qui devaient opérer en Bourbonnais et en Bourgogne. Mais la trahison d'un riche bourgeois de Charlieu, nommé Jean Maréchal, fit échouer cette expédition. De là un procès retentissant, à la suite duquel ledit bourgeois fut emprisonné et dépouillé de ses biens, qui étaient considérables. Le roi les donna à un seigneur de sa cour, à qui il devait quelque reconnaissance, à messire Gouffier, sire de Boisy, gentilhomme poitevin, qui avait eu jadis une grande influence dans le procès de Jacques Cœur, le célèbre argentier de Charles VII. Guillaume Gouffier, fort avancé dans la familiarité royale, avait alors reçu dans le partage des biens de la victime le joli fief de Boisy, dont le château existe encore près de Roanne. Et les jumelles de sable des Gouffier remplacèrent les trois coquilles et les trois cœurs ensanglantés de Jacques Cœur (1).

Pendant plusieurs années la guerre se continua entre le roi et les deux ducs. L'armée royale, en 1474, au nombre de plus de dix mille hommes parcourait le Beaujolais et le Mâconnais s'emparant des châteaux ennemis. Châteauneuf, si près de Charlieu, devait être des premiers attaqués. C'est ce qui arriva, il fut pris par les gens du roi et une garnison royale y fut établie. 1474. Cette garnison, protégée par de nouvelles défenses, devait, avec celle qui gardait Charlieu, se prêter un mutuel secours. Une partie du Forez était également occupée par les armées royales, qui s'étaient cantonnées à Marcigny-les-Nonains.

Le duc de Bourgogne envoie alors des éclaireurs en Beaujolais et en Mâconnais pour observer la marche des armées du roi dont les troupes, nous dit La Mure, étaient campées sur les bords de la Loire, aux environs de Roanne et de Charlieu (2).

(1) Thiollier, le Forez, p. 20. L'Art roman en Brionnais, p. 24.
(2) Arch. Côte-d'Or, B. 3980. La Mure, Hist. des ducs de Bourbon, t. II, p. 301, note.


Mais bientôt tout change de face, Charles le Téméraire est tué devant Nancy, 1477, le roi de France traite la paix avec la princesse Marie, seule héritière du duc de Bourgogne, et détruit toutes les clauses si humiliantes du traité de Péronne, passé en 1468.

Le Mâconnais revient à la couronne de France, qui ne s'en dépossédera plus ; et Charles VIII, venant visiter, en 1494, sa bonne ville de Mâcon, en donnera l'assurance à tous les habitants accourus pour acclamer sa présence (1).

Châteauneuf redevient châtellenie royale et la seigneurie du Banchet sera désormais engagée à quelque noble famille, qui la tiendra directement du roi.

L'année suivante, fière de ses privilèges, la ville de Châteauneuf adresse de vives réclamations au roi au sujet du passage des gens de guerre du sire Gabriel de Montfalcon, seigneur de Gissey, qui avait passé et logé à Châteauneuf sans solder ses dépenses (2).

(1) De La Rochette, Hist. des év. de Mâcon, t. II, p. 423.
(2) Arch. Côte-d'Or, B, 3984.


Pilier de l'église de Châteauneuf en Brionnais

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