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Les sources de l'histoire du Brionnais (suite)


[Référence : J.-M. Guillard, Mémoires de la Société Eduenne (T47, 1935). 1ère partie : Mémoires de la Société Eduenne, nouv. sér., t. XL, p. 325.]

La troisième série des travaux de Verchère et de Potignon comprend les notices sur les paroisses brionnaises. C'était là comme la suite et l'achèvement de leurs recherches sur Semur et Marcigny, les deux centres rivaux de la région. Semur, par l'établissement de son bailliage, restait le chef-lieu de tout le pays autrefois gouverné par ses barons. Un certain nombre de paroisses mâconnaises, des environs de la Clayette, y avaient même été annexées pour le payement des tailles et autres impositions royales. Par ce groupement assez naturel, s'étaient établies, dans toute l'étendue de cette circonscription judiciaire et fiscale, des relations fréquentes, et dans les Archives du Greffe s'amassaient des documents sûrs pour nos laborieux historiens : recherche des feux pour l'assiette des taxes, convocations du ban de la noblesse, déclarations de fiefs, registres des paroisses avec notes des curés, etc. Marcigny, de son côté, en obtenant sa séparation du bailliage de Semur, avait entraîné dans son petit schisme toutes les terres de sa dépendance immédiate. Ces paroisses de son voisinage, où la dame prieure était d'ordinaire totale décimatrice, relevaient ainsi en première instance de sa justice. Verchère de Reffye, nous l'avons vu, pendant de longues années, exerça à la satisfaction générale les fonctions de juge de Marcigny. Il ne pouvait manquer d'étendre ses recherches à tous ces pays, sur lesquels, il était, plus que personne, sérieusement renseigné.

C'est le plus souvent sur feuilles volantes, remplies au hasard de leurs lectures, que nos deux historiens ont tracé ces plans de monographies paroissiales. Rien non plus n'est définitif ni complet dans cette partie de leurs travaux. A lire un brouillon où Verchère de Reffye indiquait l'ensemble de ses études sur Marcigny, il semble bien que son dessein était d'écrire une notice sur chacune des dix-huit seigneuries dépendantes de la Dame prieure, comme aussi sur les bénéfices, prieurés ou cures, à sa nomination. De son côté, Potignon étendit certainement ses recherches sur Semur à tout le ressort du bailliage, les vingt-cinq paroisses du Brionnais proprement dit et les vingt-deux autres annexées à sa recette. Mais la mort le surprit avant la fin de sa tâche, et de lui, comme de la Carthage de Didon, on put dire : Pendent interrupta opera. (Aen. IV, 88.)

Tout d'ailleurs, dans ce qui en reste, nous est précieux. Qui voudrait, de nos jours, étudier le passé de nos paroisses, pourra faire provision, en ces menus papiers, de beaucoup de détails inédits. Ils serviront surtout, pour une bonne partie de la région brionnaise, à contrôler les dires de Courtépée. C'est le plus souvent dans la « Description du Duché de Bourgogne », du célèbre abbé dijonnais, que nous allons puiser nos renseignements sur notre histoire locale. Par le « Journal de ses Voyages », nous savons assez bien d'où il tirait la matière de ses articles ; et, parmi ce qu'il est permis d'appeler ses « fournisseurs », Potignon ne semble pas avoir été le moins riche ni surtout le moins complaisant. « Je partis pour Brian, dit-il, le samedi soir 18 (octobre 1777) ; j'y passai le 19 et le 20 à travailler chez M. Potignon, et j'emportai huit feuilles de notes. Je n'ai ce trouvé nulle part un champ si fécond où j'ai pu glaner, que dans le cabinet de ce laborieux bourgeois ... Il m'eût fallu huit jours pour voir le fond du sac (1). »

(1) Voyages de Courtépée dans la province de Bourgogne, publiés par A. de Charmasse et G. de la Grange, p. 210.

Nous n'avons pas à juger ici la valeur de cette documentation. Ce bon travail de critique, si jamais se publie une nouvelle édition de Courtépée, se fera plus utilement alors sous forme de notes complétives ou rectificatives, qui permettront au lecteur de reconnaître ce que l'histoire a définitivement admis dans le texte de l'ouvrage. Nous nous contenterons de citer quelques-unes des notices de Potignon, en renvoyant aux articles correspondants de Courtépée. Ce seront autant d'intéressants spécimens où l'on saisira sur le vif comment se pratiquait alors l'art d'utiliser ses sources et quelle large part revient à nos modestes chercheurs dans la renommée de l'historien bourguignon.

ARTAIX (1). Paroisse du diocèse d'Autun, dans l'archiprêtré du Donjon, est sous le vocable de saint Julien et de la collation du prieuré de Marcigny, à qui ce patronage rend chaque année, au jour de la Purification, deux livres de cire et cinquante-deux sols en argent. Il y en a des titres aux archives de ce prieuré, avec trois transactions, la première devant Michelet, notaire royal le 1er juillet 1519 ; la deuxième, devant Gentil, le 21 juin 1535 ; la troisième est signée Verchère, notaire, l'an 1658.

(1) Actuellement commune du canton de Marcigny et située sur la rive gauche de la Loire, entre Melay et Chambilly.

La Prieure y prend aussi une partie des dîmes au canton appelé Artaix en Royauté, parce qu'il ne cessa point d'être dans la mouvance du Roi, au temps même où le reste de cette seigneurie relevait des Ducs de Bourgogne. C'est ce qu'on appelle encore à présent sur les lieux Artaix en Duché. Ceci est régi par la coutume de la province, et s'étend depuis la paroisse de Melay en descendant le long de la Loire, et du midi au nord, jusques à la limite du Mâconnais. Cette partie remonte en avant dans les terres, de l'orient à l'occident d'été. Elle est arrosée des petites rivières d'Arçon et d'Arcel, et répond au bailliage de Semur-en-Brionnais.

(En marge). Il arrivait souvent des contestations sur les limites des seigneuries voisines. Cela donna lieu à un arrêt du Conseil d'Etat du Roi, en exécution duquel il fut dressé procès-verbal par devant notaire du débornement fait le 18 août 1557, entre le prieuré de Marcigny, à cause de sa prévôté de Marbeau, Odette Bel, veuve de Philippe de Lespinasse, seigneur d'Artaix, et Anne de Pisseleu, duchesse d'Etampes, alors dame d'Artaix, dont Aimar de Lespinasse, héritier de Philibert, son oncle, lui avait fait une donation. Nota que dom Coquille y parut, en qualité de Grand Prieur de Cluny et de prieur conventuel de Marcigny ; mais il ne prit point la qualité de seigneur de Marcigny ni celle de prieur du prieuré de cette ville.

L'ancien château de Baigneaux, qui fut peut-être appelé de la source des eaux dont sa situation est baignée une partie de l'année, était dans les chambons de cette partie de la paroisse, en toute justice, et appartenait à la maison de Ventadour, avant que de passer à celle des seigneurs de Langeron qui le possède à présent. Mais il était en ruines depuis longtemps. On ne s'est pas mis en soin de le conserver. Il semble, au contraire, qu'on a eu l'intention d'en éteindre la mémoire, en même temps que les bâtiments, pour effacer le souvenir des droits que cette seigneurie étendait jusque dans les avenues de Maulevrier, qui était, comme il est encore, le séjour de l'acquéreur.

Le fief de la Charnaye, qui est aussi dans Artaix en Duché, n'est qu'en simple directe, réunie à celle de Maulevrier.

Maulevrier est plus haut, dans la paroisse de Melay. Il sera porté sous la lettre M.

L'autre partie de cette paroisse, régie par le droit écrit, est dans la prévôté de Narbeau, avec la forêt de même nom, et la chapelle de Saint-Loup, qui était celle d'un château, dont il y a sur le lieu même quelques anciennes marques. Il se fait un grand concours de peuple à cette chapelle tous les ans sur la fin de juillet. Elle est servie par les Bénédictins de Marcigny, qui en perçoivent les oblations. La Prieure en a la collation. Tout ce canton fut donné au monastère par une dame appelée Béatrice, veuve du seigneur de Narbeau. C'est l'une des prévôtés de la châtellenie de Marcigny, au ressort de Mâcon.

Le port d'Artaix est à l'extrémité de la paroisse, en tirant à la motte Saint-Loup, qui est placée à mi-côte dans un aspect très étendu, tourné à l'orient, extrêmement varié. Toute cette côte, depuis les Brenoms où était un ancien port à présent détruit, est habitée par des charpentiers en bateaux, qui font un grand commerce de bois.

Les anciens seigneurs de Maulevrier avaient coutume de lever sur le port deux sols six deniers de péage sur chaque bateau de marchandise montant ou descendant la rivière. Ils se fondaient sur la vente qui en avait été faite à Philibert de Lespinasse, l'un d'eux, par Jean de Chabannes qui l'avait acquis d'Edouard de Beaujeu, baron de Semur. (En marge : Contrat du 5 mai 1435). Ils étendaient ce droit d'une manière étrange, en faisant payer celui de couponnage, qui consistait en un boisseau de blé sur chaque bateau, et en percevant un second péage par terre, qu'ils appelaient le péage de Marcigny, parce qu'ils prétendaient qu'il leur était dû sur toutes les denrées et marchandises entrant sur leur terre d'Artaix et sortant de là pour aller à Marcigny.

La plupart de ces droits et péages n'ayant d'autre fondement que la volonté du plus fort, ni d'établissement que depuis les guerres qui eurent cours si longtemps entre les grands vassaux de la Couronne et les seigneurs de fiefs à leur exemple, le Roi, par arrêt de son Conseil du 29 août 1724, établit une commission de juges pour examiner les titres de ce péage et autres semblables. Et sur l'examen de ceux qui furent produits concertant Artaix et la Loire, il y eut arrêt du Conseil qui maintint le seigneur du lieu au droit de bac sur la rivière, de passage à raison de certaine perception modique, qui fut réglée, et de 2 sols 6 deniers sur chaque bateau montant et descendant à la charge par ledit seigneur de tenir la Loire nettoyée et balisée à ses frais, depuis le bec du Sornain jusques au lieu appelé le Saut du Picard. Au surplus des autres droits, péage sur terre et couponage sur la rivière, le Roi les déclara supprimés et fit défense de les percevoir à l'avenir, sous les peines de droit. Cet arrêt est daté du 28 février 1730.

Artaix n'est éloigné de Marcigny que d'une demi-lieue. De là à Semur, la distance est doublée. Le terroir, extrêmement léger, se sent de la sécheresse dans le temps de la récolte, si le printemps n'a pas été pluvieux. De là vient qu'on y cueille peu de froment et que le chanvre n'y vient pas long. Il y a été fait un grand nombre d'étangs. Peu ou point de vignes. Encore le vin n'en est-il pas d'une bonne qualité et l'herbe des prés n'est ni franche ni assez abondante (1).

(1) Comparez Courtépée Description générale et particulière du duché de Bourgogne, t. IV, p. 200-202, et 2° éd., t. III, p. 93-94.

BAUGY (1). Paroisse de l'archiprêtré de Semur, est sur la rive droite de la Loire, à demie lieue de Marcigny et au-dessous de cette ville. Son église est sous le vocable de saint Point (saint Pontius), et de la collation du prieuré de Marcigny, qui en a les dîmes en grains, vins et chanvre. (En note : Patronage, deux cents œufs et trente deniers, pour le Jeudi Saint, à cause de la Cène. Donation de Geoffroy de Semur, 2° et 4° pages du Cartulaire.) Le curé est à la portion congrue et n'a que quelques novales.

(1) Actuellement commune du canton de Marcigny, au nord de cette ville.

Le port de la Roche, en cette paroisse, est le dépôt des vins qu'on amène tous les ans du Mâconnais, et quelquefois du Beaujolais, et on les embarque pour Paris.

Cette église et ses dîmes furent données au prieuré de Marcigny par les anciens barons de Semur, en augmentation de sa fondation. Mais ce prieuré ne les prend qu'à ce qui s'appelle le haut de Baugy. Tout le reste, depuis le village d'Argue, qui est appelé dans les Cartulaires Aquœ irriguœ, appartient au baron d'Arcy, détaché de l'ancienne Maison de Semur : à l'exception de quelques articles dépendant d'un petit Terrier de la Sacristie et du Prieuré d'Anzy-le-Duc.

Chateauvert, ancien fief en simple directe, était situé en cette paroisse. Il n'en reste aucuns vestiges que ceux des fossés au milieu des terres à blé, au delà du port de la Roche.

Dans les cartes de Samson, cette paroisse est mal nommée Bangis. C'est Baugy, en latin Balgiacum, dans le Cartulaire et les anciens titres du Prieuré de Marcigny. Le grand chemin de cette ville en celle de Paray et à Digoin côtoye cette paroisse. Le ruisseau de Cacherat la partage de l'orient à l'occident.

Quant à la juridiction, elle est en deux ressorts différents. Le haut de Baugy, le Bourg où est l'église paroissiale, le port de la Roche, une partie du village d'Argues, les hameaux de Bessuge et la Tuilerie composent la prévôté de Baugy, faisant partie de la Châtellenie de Marcigny, en droit écrit, au ressort de Mâcon et du Parlement de Paris. Tout le reste dépend de la baronnie d'Arcy, dont il sera fait mention dans l'article de Vindecy, et cette partie est au pays coutumier, au ressort du Parlement de Dijon.

Quoique le terroir de cette paroisse soit très léger, il s'y cueille beaucoup de grains, surtout du seigle, un quart de froment, qui est, aussi bien que le seigle, d'excellente qualité, des chanvres et menus grains. Il y a très peu ou presque point de bois. Point de vin, si ce n'est sur le seul coteau de Chenou, appelé dans les cartulaires du pays, de campo novo, champ neuf, d'où est venu champ nouvel et enfin Chenou. Ce coteau est sur le bord de la Loire, qui en mine le terrain insensiblement et n'y laissera bientôt rien. Il n'y a pas d'excellents pâturages, mais ils sont en assez grande quantité pour la subsistance des bestiaux qui servent à l'agriculture dans cette paroisse (1).

(1) Comparez Courtépée, Id., IV, 204-206 et 2°, éd., III, 95-96.

SAINT-DIDIER-EN-BRIONNAIS (1) est dans l'archiprêtré de Semur et de la collation du Prieuré de Marcigny. L'église est sous le vocable du saint dont la paroisse porte le nom. L'Arconce en traverse toute l'étendue et la rend fertile en bons pâturages, en grains de toute espèce, en chanvre. Il y a aussi des bois. Le hameau de la Brosse-d'Aringue et le hameau de Chevrigny sont alternatifs de cette paroisse.

(1) Actuellement commune du canton de Semur-en-Brionnais.

Cette terre appartient pour la plus grande partie à M. de Laubespin, seigneur de Sarry. Chevrigny, qui est un fief en toute justice, avec une maison bâtie à la moderne, appartient aux héritiers de Pierre Gregaine, écuyer, seigneur dudit lieu et du Maupas.

La seigneurie de Montraphon et celle de Chérangue dépendent du Prieuré de Marcigny et font partie de sa prévôté de Varennes. Le premier de ces deux fiefs lui vint en partie par un échange fait avec l'abbaye de Cluny, qui le tenait d'Artaud de Brian ; l'autre partie fut un don d'Hugues de Marcilly et d'Allix son épouse, fait le 1er octobre 1281 en faveur de Marguerite leur fille qui fut reçue au nombre des Dames du Prieuré.

Chérangue a été acquis en partie des seigneurs de Boyer, dont le Terrier porte le nom, qui est Cyberan. L'autre partie a été donnée par quelques autres seigneurs. Ceux de Busseuil, à cause de Moulins-sur-Arconce, prétendirent, au commencement, du XVI° siècle, que les dîmes de vin leur appartenaient à Chérangue et s'en firent donner quelques reconnaissances par les habitants du lieu le 20 juin 1502. Dom Marin Oeuvernier, prieur de Marcigny, transigea sur la provision le 3 décembre 1512 avec Claude et Jean de Busseuil, seigneurs de Moulins, et la provision fut convertie en définitive à son profit par jugement du mois de mai 1515. (Inventaire des Archives de Marcigny, art. 279, 342, 359. Voir aussi le cartulaire, 1er cahier, charte 74.)

Tout ce que possède ce prieuré est en toute justice au ressort de Mâcon et se régit par le droit écrit. Le reste est dans le bailliage de Semur, régi par la coutume de Bourgogne (1).

(1) Comparez Courtépée, Id., IV, 230 et 2° éd., III, 107.

La quatrième série des papiers Verchère-Potignon comprend toutes leurs recherches sur les familles du Brionnais. C'est la partie de leurs travaux que nos historiens ont traitée, ce semble, avec le plus de soin ; ce n'est point celle, non plus, qui sera le moins goûtée de nos jours.

A mesure que s'accrurent pour la classe bourgeoise et la petite noblesse la richesse, les honneurs et la légitime influence dans le pays, naquit dans chaque famille marquante le désir, en somme très naturel, de connaître la suite de ses ascendants, la série de ses alliances. Parfois ces recherches généalogiques eurent le but plus pratique d'ouvrir l'accès des charges d'où la roture était exclue, d'assurer l'exemption des tailles et autres impôts qui frappaient le tiers-état. Pour tous ces motifs, Verchère et Potignon, en s'adonnant à ce genre d'érudition, étaient sûrs de plaire à ce que la région brionnaise comptait de meilleur, et, comme Courtépée le remarque du second, ils purent rendre de grands services aux gentilshommes.

Maintenant encore, malgré tous les bouleversements de nos révolutions politiques, de ces recherches qui semblent d'ordre privé, inspirées par des soucis inconnus à notre âge démocratique, nous pouvons tirer une contribution de premier choix pour l'histoire du Brionnais. Eteintes ou transportées en d'autres régions, ces familles ont été mêlées à ce qui mérite d'être retenu dans le passé du pays. Pendant les siècles d'administration autonome que nous appelons le moyen-âge, les annales de chaque partie de la France se résument le plus souvent dans l'histoire des grandes familles féodales et des établissements ecclésiastiques, préposés à sa défense et à son développement. De même, à partir de l'établissement définitif du gouvernement centralisé, c'est dans l'élite du tiers-état que se concentre la vie régionale. Placées entre la classe des laboureurs et la noblesse, l'activité de ces familles tendit d'ordinaire à s'élever d'un rang, en pénétrant, par tous les moyens que leur fournissaient l'Eglise et l'Etat, dans les ordres privilégiés. C'est parmi elles que, depuis Louis XI jusqu'à la Révolution, la royauté trouva pour l'administration de ses provinces une pépinière féconde de fonctionnaires intègres et dévoués, d'excellents cadres d'officiers pour les compagnies de ses régiments, sans compter les chanoines pour nos collégiales et les mépartistes pour le service de nos paroisses. Rien n'est intéressant, pour qui sait lire, en parcourant ces généalogies d'apparence aride, comme de se rendre compte par quels moyens, toujours à notre portée, mais malheureusement trop passés de mode, tous ces vieux noms brionnais traversèrent, intacts et honorés, les siècles glorieux de l'ancien régime : fécondité canadienne des mariages, choix judicieux des alliances, très pieuse éducation des filles, garde vigilante du patrimoine.

Le seul regret que nous ayons et qu'auront avec nous tous les chercheurs de l'histoire brionnaise, c'est que, pour cette série de leurs travaux, l'œuvre de Verchère et de Potignon ne nous soit point intégralement parvenue. Entre la mort de ce dernier et l'époque où sa famille quitta Brian, il semble bien que beaucoup de ces dossiers, confiés sans doute à ceux qu'ils intéressaient, ne sont jamais rentrés dans la masse.

Malgré ces lacunes et bien que tout, là non plus, ne soit pas achevé, ces généalogies restent donc une mine précieuse de très instructifs documents. Pour en contrôler la valeur dans tous leurs détails, il faudrait rouvrir aux Archives départementales les volumineux cahiers du fond de Marcigny et de Semur. Nous ne croyons pas d'ailleurs que cette révision fît marquer beaucoup de fautes au compte de nos historiens. Dans un pays d'étendue aussi restreinte que le Brionnais, à l'époque où vivaient Potignon et Verchère, tout ce qu'on appelait déjà les bonnes maisons, étaient unies non seulement par les relations mondaines, mais encore et surtout par des alliances de famille. De père en fils l'on se fréquentait et l'on se connaissait. Et pour les deux ou trois siècles qu'embrasse la suite de ces recherches, il aurait été malaisé, sans s'exposer à des sourires rectificatifs, d'attribuer à aucun ancêtre des titres usurpés ou une illustration factice. Nous pouvons donc tout admettre sans trop de scrupules. Désirons seulement qu'un jour ou l'autre se publient, mises au point et révisées, s'il le faut, les principales et les mieux soignées de ces généalogies, celle des Tenay de Saint-Christophe, des Vichy de Chamron, des Circaud de Daron, des Noblet de la Clayette, des Chevalier de Montrouant, des Dathoze et des Gregaine de Marcigny, des Cudel de Moncolon, des Verchère de Reffye, des Marque de Farges, des Jacquet de Chalonnay, des Joleaud des Forges, des de La Motte de Semur, des Bouthier de Rochefort, etc.

De cette sorte d'armorial brionnais, il nous suffira de transcrire ici l'étude sur cette dernière famille. Riche en procureurs, en chanoines, en religieuses, apparentée avec presque toutes les autres que nous venons de citer, elle nous offrira en raccourci un bon tableau de notre ancienne bourgeoisie, en nous apprenant par surcroît que ce n'est pas d'hier ni seulement chez les miséreux qu'existe la race des « braves gens ».

info Lien vers les Mémoires généalogiques sur la famille BOUTHIER

IV L'ABBE CUCHERAT ET SES TRAVAUX D'HISTOIRE BRIONNAISE

Si le Journal de Gregaine et les Annotations de Dupuy, dont il fut pris des copies au XVIIIe siècle, se trouvaient suffisamment assurés contre les risques de perte ou de destruction, si la meilleure part des travaux manuscrits de Verchère de Reffye nous a été conservée par Potignon de Montmegin, le labeur patient et considérable de ce dernier faillit bien être entièrement perdu pour les historiens du Brionnais.

Nous avons vu que ses papiers n'eurent pas à souffrir d'une visite domiciliaire pratiquée dans sa maison de Brian, en 1793. Mais, un demi-siècle plus tard, il s'y trouvait déjà des lacunes, quelques cahiers de généalogies ayant sans doute été prêtés ou donnés par ses enfants à des familles désireuses de connaître leurs origines et leur ascendance. Il restait cependant encore « de riches épaves de ces trésors », en 1848, lorsque les représentants de la famille Potignon, abandonnant leur résidence de Brian, n'eurent aucun scrupule à se débarrasser de ces paperasses, dont une partie fut mise à l'encan, une autre au feu. C'est merveille que tout n'ait pas été alors anéanti et que l'abbé Cucherat soit arrivé à temps pour se faire gratifier de ce qui subsistait (1).

(1) Mém. Soc. Ed., XV, 267, XL, 357-358.

En arrachant à la destruction les derniers survivants de ces précieux papiers, qu'il ne devait plus cesser « d'entourer de ses respects et de poursuivre de ses assiduités journalières », François Cucherat fut un sauveteur à qui doit aller la reconnaissance des érudits. Sans lui, les débris de la belle collection Verchère-Potignon, qui ne remplissent pas moins de quatorze grands cartons, ne nous seraient pas parvenus.

C'est une figure attachante, que l'abbé Cucherat. Il a eu ses biographes (1), qui ont loué son application en toutes choses, son aimable piété, sa charité, sa modestie. On l'a suivi, de sa naissance à sa fin subite, dans les différents postes où le placèrent ses supérieurs ecclésiastiques. Son intelligence ornée, son étonnante mémoire, son érudition étendue ont inspiré des lignes admiratives sans excès. Ses écrits nombreux ont été mentionnés avec complaisance, et un essai de bibliographie analytique en a été tenté. Mais nul n'a pensé à apprécier dans quelle mesure ses recherches et ses travaux ont fait avancer l'histoire du Brionnais.

(1) Le Pèlerin de Paray-le-Monial, et Semaine religieuse d'Autun, 21 mai 1887 ; Mém. Soc. Ed., XI, 385 ; M. l'abbé Cucherat, aumônier de l'Hôtel-Dieu de Paray-le-Monial, par l'abbé Aubray (Charolles, 1890, in-8°).

Cette histoire était celle de sa petite patrie. Né à Semur, le 7 décembre 1812, François Cucherat y avait grandi, y avait fait ses classes. Après son séjour au Grand Séminaire d'Autun et un court passage dans deux Vicariats, à Buxy puis à Saint-Vincent de Mâcon, il y revenait, en 1838, comme professeur au Petit Séminaire, l'établissement même où il avait reçu sa formation littéraire et où il occupa successivement les chaires de troisième pendant cinq ans et de rhétorique pendant trois ans. C'est à cette époque qu'il rédige pour Montalembert, en 1844, un mémoire sur l'abbaye de la Bénisson-Dieu et qu'il aborde l'histoire locale avec un Tableau historique du Brionnais (900-1300), exercice littéraire déclamé par ses élèves à la distribution des prix du 6 août 1846. Puisé à de rares sources imprimées, ce travail rachetait par l'élégance du style l'inévitable insuffisance de la documentation.

Mais déjà une grande figure avait séduit l'abbé Cucherat : celle du plus illustre enfant de Semur, de saint Hugues, élu et acclamé abbé général de l'ordre de Cluny en 1049, à vingt-cinq ans, conseiller des rois et des empereurs, ami des saints, maître des évêques et des souverains pontifes qui sortirent en grand nombre de son école, canonisé en 1121, douze ans seulement après sa mort. Dès l'année scolaire 1843, le jeune professeur avait commencé à corriger les Monuments authentiques de la vie de saint Hugues, sixième abbé de Cluny. Un préceptorat particulier, exercé à Lyon en 1846-1848, lui procura l'accès de grandes bibliothèques, offrant des ressources bibliographiques qu'il n'eût pas trouvées à Semur ni dans son voisinage. C'est ainsi qu'au printemps de 1847, il put achever et présenter en hommage au comte de Montalembert un ample Discours sur la vie publique de saint Hugues, VI° abbé de Cluny, qui est en somme une histoire de la lutte du Sacerdoce et de l'Empire. Ce travail, resté en manuscrit, devant servir d'introduction à un recueil de Monumenta, où aurait été réuni par extraits tout ce qui concerne saint Hugues et les gestes de son abbatiat dans la littérature bénédictine ou hagiographique : Actes des Conciles et Lettres décrétales, Annales bénédictines de Bucelin et Ménologe du même, chroniques générales de l'Ordre de saint Benoit, Spicilège de d'Achery, chronique du Mont Cassin, Annales de Fulda, AA. SS. de l'Ordre de saint Benoît, Bibliothèque Forézienne de Guichenon, Gallia Christiana, Surius et les Bollandistes. Bien que l'auteur semble n'avoir pas dépouillé la Bibliothèque Clunysienne de Marrier, l'Histoire littéraire des Bénédictins, ni la Patrologie de Migne, ses sept gros cahiers de Monumenta, seraient encore avantageusement mis à profit par qui voudrait étudier saint Hugues de Semur, même après le plus récent et excellent livre de D. L'Huillier sur le même sujet.

A considérer le glorieux abbatiat de saint Hugues, M. Cucherat en était venu à embrasser la grandeur et l'influence de l'Ordre de Cluny durant le XI° siècle. Ici, la matière bibliographique était particulièrement abondante. Il parait l'avoir à peu près entièrement explorée pendant la dernière année de son séjour à Lyon. Et, lorsque le ministère paroissial le rappela comme vicaire à Marcigny, en octobre 1848, voici que la Providence des historiens le comblait, en lui permettant de recueillir les épaves encore considérables de la collection Potignon. Il y a cependant apparence qu'il n'ait pas immédiatement pensé à en tirer tout le pari possible pour son Cluny au XI° siècle, dont la première édition parut en 1851. On est même tout surpris qu'au nombre des « sources historiques » de son travail, il ne cite qu'en passant, pour ainsi dire, quelques rares manuscrits provenant du prieuré de Marcigny et dont il est redevable à MM. de La Fayolle et le Dr Fricaud. Mais, dans les deux dernières éditions de ce même ouvrage, il se montre moins réservé et publie en appendice un catalogue des religieuses du prieuré de Marcigny, « d'après un manuscrit de M. Potignon de Montmegin, aidé des recherches antérieures de M. Verchère de Reffye ».

On va, d'ailleurs, à partir de ce moment, apercevoir les emprunts qu'il faits aux notes et mémoires des érudits brionnais, ses devanciers, et comment il utilise les manuscrits et documents dont il est devenu le légitime possesseur. Il s'en sert évidemment pour sa notice sur L'Abbaye de Saint-Rigaud, rédigée pour l'Académie de Mâcon en 1851, mais qu'il reprend et achève, au moyen des pièces d'archives que lui a signalées M. Ragut, durant l'année 1852-1853, qu'il passe dans le paisible presbytère de Saint-Martin-du-Lac. Il les utilisera plus d'une fois encore pour les travaux qu'il composera pendant ses studieux loisirs d'aumônier de l'Hôtel-Dieu de Paray-le-Monial.

Dans ce poste, qu'il ne devait plus quitter jusqu'à sa mort, il était naturel que la vie de la bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque, la chapelle de la Visitation et la basilique de Paray, Verosvres, Romenay et Sancenay, les Origines de Paray-le-Monial et son monastère bénédictin, sollicitant tour à tour sa plume diligente. La singulière variété de ses aptitudes lui permettait d'étudier entre temps l'Origine et l'emploi des biens ecclésiastiques au moyen-âge, un Triptyque de Notre-Dame-Abbesse de Marcigny, les Origines du Beaujolais et l'autel d'Avenas. D'autres fois, c'était les figures du cardinal Pitra et du P. Souaillard, de M. Simard et de M. de Luvigne, des abbés Marillier, d'Alais, Bézonquet, Cuénot, Lapalus, qu'il faisait revivre en des biographies substantielles. Mais tous ces sujets divers, où s'affirmait sa constante fécondité, ne le détournèrent jamais complètement de l'histoire et de l'archéologie brionnaises, qui lui inspirèrent de bonnes notices sur les Aulerci Brannovices et sur Le B. Hugues de Poitiers, le prieuré, l'église et les peintures murales d'Anzy-le-Duc.

Tout cela cependant ne constituait que ce qu'il eût peut-être appelé des « divertissements ». Son œuvre capitale, la plus solide, celle dont il poursuivit l'incessante révision jusqu'aux derniers temps de sa vie, celle aussi qui nous intéresse plus particulièrement ici, se reconnaît dans la forte monographie intitulée Semur-en-Brionnais, ses barons, ses établissements civils, judiciaires et ecclésiastiques, depuis l'an 860 jusqu'à nos jours (1).

(1) Dans Mémoires de la Société Eduenne, t. XV (1887) p. 251-313, et t. XVI (1888), p. 95-174.

C'est par là que François Cucherat rejoint les Dupuy, les Verchère et les Potignon. C'est à eux qu'il emprunte sa documentation pour la suite des barons de Semur et ses « biographies semuroises », à eux qu'il se réfère fréquemment avec gratitude, et nous savons par qui avait été constitué ce qu'il appelle « mes archives ». On peut dire qu'il a mis en œuvre et en lumière les matériaux accumulés dans l'ombre par ses érudits devanciers. Malheureusement, la mort le surprit au moment où il venait enfin de se décider à livrer à l'impression la première et la plus considérable partie de son travail. Il trépassa subitement le 16 avril 1887, avant d'avoir rédigé les derniers chapitres, qui devaient être spécialement consacrés au bailliage et aux établissements religieux de Semur-en-Brionnais. Ainsi s'explique que l'ouvrage, tel qu'il a été publié, ne corresponde pas complètement à son titre. Ainsi faut-il souhaiter qu'un continuateur avisé l'achève à l'aide des documents dont une fortune favorable nous a assuré la conservation.

« Je ne laisse ni biens fonds, ni argent, ni mobilier, écrivait l'abbé Cucherat dans son testament. Il ne me reste à vrai dire que ma bibliothèque et quelques objets d'art. Ma bibliothèque, imprimée ou manuscrite, est trop précieuse pour l'histoire monastique en général et pour l'histoire de l'arrondissement de Charolles en particulier, pour que je m'expose à la laisser dilapider ou vendre à vil prix. Je la donne à l'ami que je crois le plus capable d'en tirer un parti utile à tous autant qu'agréable, à Monsieur Alexandre Méhu, actuellement curé de Poisson près Paray. Je le prie de l'accepter et de la garder en mémoire de moi. »

En marge d'une copie de ce testament, l'abbé Méhu a cru pouvoir noter : « ... Les scellés furent levés, le lundi 27 juillet (sic pour « juin »), en présence d'un grand nombre de personnes. Dans ce moment de la levée des scellés et du premier trouble à l'entrée dans la chambre, des manuscrits ont été enlevés et des lettres ou autres papiers manuscrits ont été dérobés. Bientôt après, on a découvert le présent testament sous enveloppe cachetée ... J'ai pris possession des manuscrits qui m'étaient donnés et restaient, entendant bien conserver mes droits et les faire valoir au besoin, si l'on prétendait se servir de ce que l'on a enlevé injustement ». Mais il semble que le légataire de la bibliothèque Cucherat, trop facilement accessible aux propos de quelque héritier déçu, se soit ému sans cause. Pour peu qu'on sache comment est réglée la procédure d'une levée de scellés, on se refuse à imaginer une foule en désordre se ruant dans l'appartement et pillant armoires et tiroirs, à la barbe du juge de paix, du gardien, du notaire et du greffier.

A la vérité, on constate bien aujourd'hui que les lettres de Montalembert et du cardinal Pitra, communiquées à l'abbé Aubray pour sa notice biographique sur M. l'abbé Cucherat et dont il a cité de larges extraits, ne se retrouvent plus dans la correspondance qui nous est parvenue. Mais on a des lettres de Dom Cabrol et de Mgr Battandier à l'abbé Méhu, attestant que les précieux autographes du cardinal Pitra ont été abandonnés à son premier biographe et sont restés aux archives de Solesmes. Les lettres de Montalembert ont pu avoir un sort analogue. Nous croyons qu'à part ces quelques lacunes, assurément regrettables, la collection des papiers laissés par l'abbé Cucherat est encore intacte, sous réserve d'emprunts faits par l'abbé Barnaud pour son Discours sur les reliques de saint Hugues VI° abbé de Cluny et sa notice sur Le Prieuré de Paray (973-1791).

Un inventaire de cette ample collection, suivant l'ordre alphabétique des noms de lieux et des noms de personnes, a été publié dans les Mémoires de la Société Eduenne (T. XLVI, p. 172-216 et 292-328 ; T. XLVII, p. 5-32). Il y a lieu de corriger ici les mauvaises graphies qui s'y sont glissées :

T. XLVI p. 180. de la Querielle, lire de la Queuille. p. 186. Thomant, lire Thouvant. p. 190. Ragy, lire Ragny. p. 192. Landrault, lire Andrault. p. 196. Baudinot de Saint-Corre, lire de Selorre. p. 201. Boyneau, lire Boyveau. p. 202. Id. p. 205. Busseuil (de), lire de Busseul. p. 206. Capponé, lire Capponi. p. 209. Chevalier de Montronand, lire de Montrouand. p. 210. Id. p. 210. Chevenizet est un nom de lieu. p. 211. Même observation. p. 215. Poderin, lire Podevin. p. 305. Durier de Melezard, lire de Malezard. p. 311. Grandjeau-Montronan, lire Montrouan. p. 312. Grégaine, lire Gregaine. p. 313. Id. p. 313. Dubois, lire Desbois. p. 315. Contrefol, lire Contresol. p. 318. Chassérieux, lire Chassereux. p. 319. Laurenein, lire Laurencin. p. 321. Londreville, lire Landreville. p. 324. Fage, lire Farge. p. 325. Matray, lire Martray. p. 325. Thessy, lire Chessy. p. 328. Monteorbier, lire Montcorbier.

T. XLVII p. 5. Tunin, lire Turin. p. 5. Politte, lire Polette. p. 5. Saint-Fortuné, lire Saint-Fortunat. p. 6. Grégaine, lire Gregaine. p. 6. Politte, lire Polette. p. 6. Saint-Fortuné, lire Saint-Fortunat. p. 6. Moyne du Bourg, lire Mayne du Bourg. p. 7. bois Sainte-Marie, lire Bois-Sainte-Marie. p. 10. Nollet de Chenelette, lire Noblet de Chenelette. p. 12. Politte, lire Polette. p. 12. Dartaix, lire Artaix. p. 13. Perroy de la Floretille, lire Perroy de la Forestille. p. 13. Buffet de Millery, lire Buffot de Millery. p. 15. Deshailleur, lire des Halliers. p. 18. Rivoire du Palais, lire Digoine du Palais. p. 11. Guillemin, lire Guilleminot. p. 22. Dumet, lire Burnet. p. 24. Givingie, lire Gevingey. p. 25. Piradet, lire Picardet. p. 26. Damas, Chevalier lire Damas, chevalier. p. 30. Godeloin, lire Hédelin. p. 30. Rossard-Demaudins, lire Rcssard des Naudins. p. 30. Vindecy est un nom de lieu. p. 31. Tirrion, lire Terrion.

Il eût été préférable de ne pas inscrire en tête de cet inventaire le nom du bon Jean Gregaine, qui jamais ne se piqua d'être un « patient et érudit chercheur » et de sa vie ne collectionna mémoires et documents. Mais on y aurait pu comprendre les notes et rédactions manuscrites de l'abbé Cucherat, bien qu'à vrai dire, elles n'aient que peu d'utilité directe pour l'histoire du Brionnais. Elles constituent cinquante-deux cahiers ou dossiers se rapportant, les uns à des travaux publiés, les autres à des sujets inédits :

Travaux imprimés. - La question d'Alésia, - Eglise et prieuré d'Anzy-le-Duc. - Synodes du diocèse d'Autun, - Les origines Beaujolaises et l'autel d'Avenas. - Cluny au XI° siècle. - M. Etienne Lapalus, archiprêtre de Digoin. - M. Joseph-François de Luvigne. - De l'origine et de l'emploi des biens ecclésiastiques au moyen-âge : Introduction au cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon. - Histoire populaire de la bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque. - Vie abrégée de la bienheureuse Marguerite-Marie-Alacoque. - La prophétie de la succession des Papes. - La basilique du Sacré-Cœur de Paray-le-Monial. - Les saints pèlerinages de Paray-le-Monial et de Verosvres. - Notre-Dame de Romay. - Notice historique sur l'abbaye de Saint-Rigaud. - Monographie de Semur-en-Brionnais. - La question du Terreau, lieu de naissance de la bienheureuse Marguerite-Marie.

Notes et manuscrits inédits. - Petit martyrologe du diocèse d'Autun pendant la Révolution. - Les seigneurs de Bâgé (830-1294). - Vie de Bernon, premier abbé de Cluny. - Extraits de la Description du Gouvernement de Bourgogne par Garreau. - Exercice littéraire sur le Brionnais au moyen-âge et au XIX° siècle. - Visites des archiprêtrés de Charlieu et du Rousset (1746). - Annales de l'abbaye de Cluny. - Fondations de Cluny dans le diocèse d'Autun. - Invasion de l'abbaye de Cluny par les Huguenots. - Necrologium Cluniacense de D. Burin. - Bénédictions du Val-de-Grâce à Cluny. - Le bienheureux Jean-Joachim abbé de Flora. - Discours sur la vie publique de saint Hugues, VI° abbé de Cluny. - Vie de saint Hugues, abbé de Cluny. - Le bienheureux B.-J. Labre, pèlerin de Paray-le-Monial. - Héroïcité des vertus du P. de La Colombière. - Parenté de la bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque. - Armorial et nobiliaire de Paray-le-Monial. - Chartes de Paray-le-Monial. - Coins monétaires de Paray-le-Monial. - Hôtel-Dieu de Paray. - Hôtel de Ville de Paray. - Les protestants à Paray-le-Monial. - Monastère de la Visitation de Paray-le-Monial. - Nécrologie de Louis-Marie Quicherat. - Armorial des villes et bourgs de Saône-et-Loire. - Histoire généalogique des seigneurs de Semur-en-Brionnais précédé de la description du Brionnais. - L'inscription de Vasso (Puy-de-Dôme). - Observations sur le chant ecclésiastique. - Le Fâcheux et la Femme babillarde, traduit du grec de Libanius. - Le grand Monarque promis et attendu. - Mélanges (Lettres, discours, excercices littéraires, notes diverses).

Le classement fait par l'abbé Méhu des documents manuscrits que son vénérable ami lui avait légués, atteste le respect et les soins dont il les entoura. Soucieux d'en assurer après lui la conservation et de les garantir contre une funeste dispersion, il fut bien avisé en les confiant, avant de mourir, en 1900, à Joseph Déchelette, qui commençait à manifester son aptitude à l'archéologie et n'allait pas tarder à en devenir l'un des maîtres incontestés.

Les études et les travaux dans lesquels Déchelette se spécialisa ne l'amenèrent pas à faire appel aux dossiers constitués par Verchère, Potignon et Cucherat, où l'antiquité celtique et gallo-romaine ne tenait aucune place appréciable. Mais il les avait suffisamment explorés pour mesurer tout le parti qu'en pouvait tirer l'histoire régionale. La Société Eduenne, dont il devint vice-président en 1902, lui parut mieux que quiconque désignée pour en être instituée la gardienne attentive. Aux termes de son testament, fait en 1912, il lui légua, par prélèvement sur sa bibliothèque, « les imprimés et manuscrits concernant l'ancienne province de Bourgogne et en particulier les pièces d'archives et documents manuscrits provenant de la bibliothèque Cucherat ». Moins de deux ans ensuite, en octobre 1914, il était tué glorieusement à l'ennemi. La délivrance de son legs ayant été retardée par les circonstances consécutives à la guerre, c'est au début de 1922 que la Société Eduenne en est entrée en possession.

J.-M. GUILLARD.

Epilogue : « Nous avons tous lu l'attachant Journal de Jean Gregaine, bourgeois de Marcigny, pendant les guerres de la Ligue, et l'étude d'une érudition si aisée sur Les Sources de l'histoire du Brionnais, que les Mémoires de la Société Eduenne ont publiés en 1910 et 1912. Leur auteur, M. l'abbé J.-M. GUILLARD, était un de ces humanistes, de plus en plus rares, dont la curiosité est en quelque sorte universelle. Au petit séminaire de Semur, il était déjà « fort en tout » et toujours le premier en toutes matières ; au grand séminaire d'Autun, ses supérieurs l'ayant chargé du soin de la bibliothèque, il s'y délectait à lire dans le texte tour à tour les Pères grecs et les philosophes allemands. Il lui suffit de suivre un an les cours de la Faculté de Lyon pour être reçu licencié ès-lettres, en 1886, et pouvoir immédiatement professer avec succès la rhétorique au petit séminaire de Semur-en-Brionnais. Nommé sur sa demande, en 1900, curé de la petite paroisse de Saint-Martin-du-Lac, c'est alors qu'il put se livrer tout entier à des recherches historiques et archéologiques, qui le passionnaient au point de lui faire oublier que la santé a ses exigences. Au début de 1914, débilité par ses privations, il dut consentir à faire comme une cure de repos dans l'aumônerie des Dominicaines de Bonnet. Cependant, quelques mois plus tard, on l'appelait au petit séminaire de Rimont, pour y suppléer un professeur mobilisé. Il espérait terminer sa vie laborieuse dans cette maison, dont la bibliothèque lui assurait un asile de paix. Mais, après une opération subie au mois de mai 1931, sa santé ruinée lui imposa de se retirer à la maison de retraite de Rully. Au commencement d'octobre de l'année dernière, sentant son mal s'aggraver et sa fin prochaine, il voulut aller mourir sous le toit qui l'avait vu naître, à La Chapelle-de-Guinchay. Il ne put achever ce dernier voyage ; arrêté à Romanèche-Thorins, il y expirait, le 12 octobre, âgé de soixante et onze ans ».

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