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Description des églises romanes de Saint-Maurice-lès-Châteauneuf et de Châteauneuf par Jean Virey (1891)

Linteau des douze apôtres de l'église de Châteauneuf en Brionnais (71)

Linteau des douze apôtres de l'église Saint-Paul de Châteauneuf - Cliquez pour agrandir

Source : L’architecture romane dans l’ancien diocèse de Mâcon par Jean Virey, Mémoires de la Société éduenne, 1891 (BnF-Gallica)

ÉGLISE DE SAINT-MAURICE DE CHÂTEAUNEUF

Le village de Saint-Maurice-lès-Châteauneuf (1) est séparé du village de Châteauneuf par le cours du Sornin. Une église y a été bâtie dans ces derniers temps, mais on peut voir encore debout le clocher et le chœur de l’ancienne église du douzième siècle, dont la nef n’existe plus. À la différence de presque tous les clochers de la région, qui sont élevés au-dessus de la croisée du transept, ou, quand le transept fait défaut, au-dessus de la travée qui précède le chœur, l’ancien clocher de Saint-Maurice-lès-Châteauneuf est bâti hors œuvre, sur le côté méridional de l’église, à la naissance de l’abside. Ce clocher qui a beaucoup d’analogie avec celui de Donzy-le-Royal est amorti par une pyramide en maçonnerie, à quatre pans. Il présente un seul étage de baies ; construit sur plan carré, il offre quatre faces, toutes semblables. Chaque face est éclairée par une baie géminée : deux colonnettes placées l’une derrière l’autre soutiennent la retombée médiane des deux archivoltes en plein cintre.

Église romane de Saint-Maurice-lès-Châteauneuf (71)

Église romane de Saint-Maurice-lès-Châteauneuf du XIIe siécle et vieux cimetière

Le chœur, construit sur plan semi-circulaire, était éclairé par trois fenêtres en plein cintre qui sont toutes actuellement bouchées ou remaniées et sans caractère ; le chœur est voûté en cul-de-four brisé. À l’extérieur, sous la toiture posée directement sur les reins de la voûte, est une corniche portée par des modillons sculptés ; on y voit des têtes d’animaux et des figures grimaçantes. L’abside est étayée par deux contreforts en forme de pilastres munis de bases composées de deux tores séparés par une gorge, comme à l’abside de l’église de Châteauneuf. Ces bases sont caractéristiques du douzième siècle.

ÉGLISE DE CHÂTEAUNEUF

Le village de Châteauneuf (2) qui s’étend sur le bord du Sornin (3), est dominé vers l’orient par un rocher escarpé sur la pointe duquel s’élève une très intéressante église construite au douzième siècle. La cure de Saint-Paul de Châteauneuf, qui dépendait du diocèse de Mâcon, et de l'archiprêtré de Beaujeu (4), était à la collation du chapitre de Saint-Paul de Lyon (5). Châteauneuf était une châtellenie royale située dans le ressort du bailliage de Mâcon : on y voit encore les ruines de l’ancien château du roi.

Pont sur le Sornin entre Châteauneuf et Saint-Maurice

Pont sur le Sornin entre Châteauneuf et Saint-Maurice - Cliquez pour agrandir

L’église Saint-Paul de Châteauneuf, classée comme monument historique, a été l’objet de plusieurs études ; Viollet-le-Duc donne dans son dictionnaire d’architecture (6) le plan, la coupe et l’élévation du clocher. Dans le volume publié par Edmond du Sommerard intitulé : « Les Monuments historiques de France à l’exposition universelle de Vienne (p 93-98) », on lit deux rapports sur l’église de Châteauneuf et les projets de restauration (7). Les premiers travaux de restauration commencés vers 1850 se continuaient encore tout récemment.

L’orientation de l’église est parfaitement régulière ; son plan est celui d’une église à trois nefs avec un transept sans aucune saillie, et un chœur terminé par une abside en hémicycle ; dans l’axe des collatéraux sont deux chapelles formées aussi d’une travée et terminées par une absidiole ronde.

La nef se compose de trois travées voûtées en berceau légèrement brisé, soutenu par deux doubleaux en cintre brisé supportés à leurs retombées par des colonnes engagées. Dans l’axe de chacune des grandes arcades, de chaque côté de la nef, le mur gouttereau est percé d’une fenêtre ; ces fenêtres sont en plein cintre, encadrées de vastes archivoltes ornées retombant sur des colonnettes ; comme elles sont placées très haut, elles nécessitent des petites lunettes dans la voûte (8). La nef est d’un aspect élancé, élégant et hardi. Des cordons de perles courent horizontalement au-dessus des grandes arcades dans toute la longueur de la nef.

Plan de l'église romane de Châteauneuf (71)

Plan de l'église de Châteauneuf

Les collatéraux paraissent très étroits par rapport à leur élévation ; ils sont voûtés en berceau plein cintre, et non comme l’a dit M. Millet l’architecte chargé le premier de la restauration, et comme l’a répété après lui M. Mérimée dans son rapport, en demi-berceau contrebutant les grandes voûtes de la nef ; nous ne partageons pas non plus l’opinion de MM. Millet et Mérimée, qui trouvent que l’église de Châteauneuf rappelle par son style architectural les monuments de l’Auvergne ; nous ne voyons pas trop quels caractères ont pu servir à établir cette analogie, si ce n’est le demi-berceau aux bas-côtés, lequel se trouve être un berceau plein cintre. Dans les nombreuses églises rurales que nous avons visitées, nous n’avons vu dans toute la région qu’une seule église, celle de Brancion (9), qui présente aux collatéraux des voûtes dont la section est un quart de cercle.

Les bas-côtés sont donc voûtés en berceau plein cintre, présentant des espèces de lunettes qui coïncident avec le cintre brisé des grandes arcades ; ils ont des doubleaux, et sont éclairés dans l’axe des travées par des fenêtres en plein cintre dont presque tout l’ébrasement est à l'intérieur. Dans le mur de façade sont percées de longues fenêtres en plein cintre dans l’axe des bas-côtés : ces fenêtres n’ont pas d’ébrasement à l’extérieur. La partie haute de la nef est éclairée sous la voûte par une grande fenêtre en plein cintre.

La nef communique avec les collatéraux par l’ouverture des grandes arcades en cintre brisé et doublées ; les piliers sont munis de colonnes engagées qui supportent la retombée intérieure des grandes arcades. Les piliers de la nef sont construits sur plan carré présentant sur trois faces la saillie circulaire d'une colonne engagée et sur la quatrième face la saillie d'un pilastre. C’est un plan que l’on rencontre assez souvent dans les monuments du douzième siècle en Bourgogne.

La nef communique avec la croisée du transept par une grande arcade doublée, en cintre brisé. La croisée est voûtée sous le clocher par une coupole octogonale placée au-dessus d’une lanterne à huit côtés. Le plan de la croisée étant carré, on passe au plan octogonal de la lanterne par quatre trompes en cul-de-four placées dans les angles du carré. Cette lanterne est éclairée par quatre fenêtres reliées entre elles par des arcatures aveugles en plein cintre. On rencontre rarement cette disposition dans les églises de la région.

La croisée communique avec chaque croisillon par une grande arcade doublée, en cintre brisé ; les croisillons sont voûtés par des berceaux brisés perpendiculaires à l’axe de la nef. Le mur de fond de chaque croisillon est percé par un oculus du douzième siècle. Les croisillons communiquent avec les collatéraux de la nef et avec les travées collatérales du chœur par des arcades en cintre brisé non doublées. Avant de quitter la croisée du transept pour entrer dans le chœur, il est bon de remarquer que le plan des quatre piliers d’angle de la croisée n’est plus le même que celui des piliers de la nef ; en effet, les quatre arcades qui donnent entrée dans la croisée étant doublées, il faut des pieds-droits en nombre suffisant pour soutenir les retombées des voussures intérieures ; nous avons donc affaire non plus à un pilier carré cantonné de trois colonnes engagées et d’un pilastre, mais à un pilier cruciforme cantonné de trois côtés par des colonnes engagées.

L’arcade qui donne entrée dans la travée de chœur précédant l’abside est également doublée, en cintre brisé. La travée de chœur est voûtée en berceau brisé et communique avec l'abside par un arc en cintre brisé. La voûte de la travée de chœur étant plus élevée que le cul-de-four de l’abside, dans le décrochement on remarque un oculus.

L’abside est éclairée par trois fenêtres en plein cintre d’une assez grande ouverture, dont la baie à l’intérieur est encadrée par un système de cinq arcatures analogues à celles que nous avons vues à Avenas, à Saint-Nicolas de Beaujeu, etc. L'arcature centrale a ses retombées sur deux pilastres ; les autres supports sont des colonnettes ; pilastres et colonnettes sont richement sculptés ; les tailloirs eux- mêmes sont décorés par des rangs de perles.

Les travées collatérales du chœur sont voûtées chacune par un berceau parallèle à l’axe de l’église ; elles sont éclairées par des fenêtres en plein cintre. Dans le mur oriental de ces travées s’ouvrent les absidioles voûtées en cul-de-four brisé comme l’abside, et éclairées chacune par une fenêtre en plein cintre, ébrasée à l’extérieur et à l'intérieur.

Revenons maintenant sur nos pas, et après avoir constaté la présence d’une porte du douzième siècle percée dans le mur de la troisième travée du collatéral méridional, examinons attentivement la structure des piliers de la nef, l’aspect de ceux de la croisée, les bases, les chapiteaux des colonnes engagées, et nous n’aurons pas de peine à reconnaître à la fois des restaurations modernes et des restaurations du quinzième siècle. C’est que l’église de Châteauneuf est bâtie, comme le fait remarquer M. Millet, « en maçonnerie faite avec de petits matériaux revêtus seulement par des pierres plates d’un grand appareil. Les piles intérieures, de faibles dimensions, sont aussi construites de la même façon, et c’est bien certainement le peu de résistance que présentaient ces piles qui a motivé toutes les mutilations qu’ont subies l’intérieur et surtout la partie centrale de cette église. Au quinzième siècle, les piles sous le clocher s'écrasèrent et mirent sans doute déjà le clocher près de sa ruine ». À cette époque, on dut consolider les quatre piliers de la croisée ; depuis on les a refaits à neuf. Mais, dit M. Millet, « l’intérieur de l’église a subi encore, au quinzième siècle, diverses modifications : le sol a été élevé et de nouvelles bases ont été incrustées ; la deuxième pile de la nef a été augmentée de dimension, et la plupart des chapiteaux anciens ont été remplacés par des chapiteaux de cette époque. Il m’est impossible de deviner la cause qui engagea les artistes du quinzième siècle à mutiler ainsi l’intérieur de cet édifice. »

En effet, toutes les bases des colonnes engagées ont été refaites sur les modèles employés au quinzième siècle ; les chapiteaux très courts et à corbeille évasée, à sculpture très fouillée et contournée, ne sont pas non plus des chapiteaux du douzième siècle ; le pilastre qui porte la retombée de la première grande arcade au midi, contre le mur de façade, a reçu lui aussi des sculptures gothiques. Ce dut être là un travail très considérable et très délicat dont nous avons la date exacte, grâce à une inscription qu’on lit sur le premier pilier septentrional, sur la face qui regarde la nef, à trois mètres environ de hauteur ; voici cette inscription, dont nous reproduisons la disposition :

M CCCC
LX III P
OCTOBRIS

Inscription sur le premier pilier nord de la nef de l'église de Châteauneuf

Inscription sur le premier pilier nord de la nef de Châteauneuf

Elle nous donne la date de 1463. Quant à l’arcature qui décore le chœur, une partie qui avait été détruite a été restituée dans les dernières restaurations.

Si nous passons maintenant à la description de l’extérieur, nous trouvons que la façade reproduit les dispositions intérieures de la nef, c’est-à-dire qu’elle est divisée verticalement en trois parties correspondant à la nef et aux collatéraux. Le mur de la nef principale se termine en haut en forme de pignon ; il est séparé du mur formant la façade des collatéraux par deux longs contreforts qui finissent au-dessus du point correspondant à l'extrémité supérieure du toit des collatéraux qui vient s'appuyer contre le mur de la nef. Entre ces deux contreforts s’ouvre, au rez-de-chaussée, la porte principale, dont la baie rectangulaire amortie par un linteau nu surmonté d’un tympan également nu est encadrée par trois séries de moulures formant une archivolte en plein cintre ; les pieds-droits qui supportent le linteau sont des colonnes engagées comme celles que l’on voit à la porte de l’église d’Iguerande : leurs bases ont été refaites ainsi que leurs chapiteaux. Les moulures de la seconde série ont aussi des colonnes comme pieds-droits. La partie supérieure de ce mur de façade est ornée par une grande fenêtre en plein cintre dont l’archivolte moulurée retombe de chaque côté sur une colonnette ; un encadrement terminé en haut par un gâble triangulaire soutenu par des pilastres cannelés entoure cette baie. Le mur de façade des collatéraux est limité vers l’arête par un contrefort ; une longue et étroite fenêtre en plein cintre, sans ébrasement extérieur, en forme le seul ornement. La toiture de la nef, ainsi que celle des bas-côtés, est posée directement sur les reins de la voûte.

Considérons l’élévation latérale vers le midi : nous trouvons trois fenêtres longues et étroites, en plein cintre, séparées l’une de l’autre par des contreforts de peu de saillie qui marquent la division intérieure en travées. La troisième travée est percée au rez-de-chaussée par une curieuse porte du douzième siècle. L’encadrement de cette porte est en plein cintre ; les voussoirs sont très bien taillés et appareillés : ils sont munis vers leur extrados d’une moulure composée d’un méplat dont l’angle est abattu puis creusé en une gorge que vient remplir un tore. Les sommiers de cette voussure reposent sur des colonnettes munies de bases, de chapiteaux et de tailloirs richement sculptés sur leur méplat et leur chanfrein ; les chapiteaux sont à personnages. La baie proprement dite est rectangulaire et amortie par un linteau sur lequel sont sculptés douze personnages, probablement les douze apôtres, représentés debout, chacun sous une petite arcature en plein cintre. Un linteau analogue se voit à l’intérieur du porche de Charlieu, au-dessus de la porte qui donnait entrée dans l’église. Le tympan qui est au-dessus de ce linteau, à Châteauneuf, n’est pas sculpté.

En continuant notre examen, nous arrivons devant le mur qui ferme le croisillon limité par deux contreforts. Ce mur est orné d’un bel oculus du douzième siècle dont la baie circulaire est bordée d'une sorte de feston encadré par des moulures.

Venons maintenant au chevet : chaque absidiole est flanquée d'un contrefort en forme de demi-colonne, présentant une belle base du douzième siècle, et un chapiteau à feuillages richement sculpté.

L'abside centrale est flanquée de deux contreforts rectangulaires formant pilastres, munis d'une base et d’un socle. Ces contreforts séparent les trois fenêtres qui éclairent l’abside : la fenêtre de l'axe a seule des colonnettes à ses pieds-droits ; la fenêtre de l’abside tournée vers le nord n’a pas d’ébrasement extérieur. La corniche placée à la base du toit est très saillante et moulurée ; les parties anciennes en sont supportées par des modillons à têtes grimaçantes dont la sculpture est très variée.

La toiture de l'abside et des absidioles est posée directement sur les reins des voûtes. Quant au clocher carré qui s'élève au-dessus de la croisée du transept, il est dessiné dans le dictionnaire de Viollet-le-Duc, à la description duquel nous n'avons rien à ajouter. On travaillait tout dernièrement à le restaurer en entier.

Il nous paraît en somme évident que l’église de Châteauneuf, bien homogène, remonte tout entière au milieu du douzième siècle, sauf les remaniements et restaurations qu’elle a dû postérieurement subir. La richesse de l’ornementation du chœur, de la nef, des fenêtres, des portes, de l’abside, est vraiment remarquable et caractéristique. En un mot, l’église de Châteauneuf est un type que l’on s’efforce avec raison de conserver.

RÉFÉRENCES

(1) Canton de Chauffailles, arrondissement de Charolles (Saône-et-Loire). L’église était à la collation du chapitre de Saint-Paul de Lyon, et dépendait de l’archiprêtré de Beaujeu.
(2) Canton de Chauffailles, arrondissement de Charolles (Saône-et-Loire).
(3) Petite rivière qui se jette dans la Loire près de Pouilly-sous-Charlieu.
(4) Pouillé du seizième siècle publié par U. Chevalier. Une charte donnée entre 1096 et 1124 mentionne l’église Saint-Paul de Châteauneuf (Cartul. de Saint-Vincent de Mâcon, 607).
(5) Pouillé du seizième siècle, publié par M . Aug. Bernard.
(6) Viollet-le-Duc, t. III, p. 328-330.
(7) Paris, 1876 (Imprimerie nationale), p. 93-98.
(8) On voit des fenêtres en pénétration dans la voûte de la petite église de Châteauneuf (Viollet-le-Duc, VII, 115.)
(9) Canton de Tournus, arrondissement de Mâcon. Cette église dépendait de l’ancien diocèse de Chalon-sur-Saône.


COMPLÉMENTS

Histoire de Châteauneuf et de Saint-Maurice-lès-Châteauneuf
Photos de la vieille église de Saint-Maurice-lès-Châteauneuf
Inventaire du patrimoine de Châteauneuf par Raymond et Anne-Marie Oursel (AD71)
Inventaire du patrimoine de Saint-Maurice
L'église romane de Châteauneuf en Brionnais (Fiche du CEP)

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