
Saint-Julien-de-Jonzy par M. Jean Virey (1936)
Portail ouest, tympan et linteau représentant le Christ en majesté et la Cène
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Source : Congrès archéologique de France de Lyon-Mâcon, 1936 (BnF-Gallica)
Saint-Julien-de-Jonzy (1) ou de Cray, « Sanctus Julianus de Craïo », dont l’église, mentionnée dès 1106, « ecclesia Sancti Juliani Briennensis » (2), dépendait du diocèse de Mâcon et de l’archiprêtré de Beaujeu (3), appartenait au bailliage de Semur-en-Brionnais.
L’édifice ancien a été presque entièrement détruit. Il n’en subsiste que l’ancienne croisée du transept, surmontée d’un petit clocher carré, un des plus jolis types des clochers romans bourguignons. Ce témoin de l’église de jadis se trouve aujourd’hui à l’entrée de l’église nouvelle, et son intérêt se trouve augmenté de la présence du précieux portail du XIIe siècle, heureusement conservé et appliqué en avant de la croisée du transept, au pied même du clocher. Ce dernier et le portail doivent être peu antérieurs au milieu du XIIe siècle.
La travée sous le clocher est voûtée par une coupole octogonale sur trompes établie au-dessus de quatre arcades en cintre brisé. Deux fenêtres en plein cintre, étroites, profondément ébrasées, percées l’une au nord, l’antre au midi, éclairent la travée. L’arcade ouverte sur l’ancienne abside, en cintre brisé, est à double rouleau et ses retombées intérieures portent sur des colonnes engagées munies de bases et de chapiteaux. L’arc triomphal qui communiquait avec l’ancienne nef était analogue. Les chapiteaux et les tailloirs des colonnes engagées ont reçu des sculptures aussi riches que variées : certains chapiteaux sont à personnages, d’autres sont couverts de feuillages.
Travée sous le clocher
Le clocher carré, couvert par une toiture moderne en forme de pyramide assez aiguë à quatre pans, se compose d’un soubassement aveugle orné d’une élégante arcature de cinq arcs en plein cintre, à la retombée desquels on voit de courts pilastres cannelés. Les quatre faces ont reçu cette décoration. Au-dessus de ce soubassement existe un seul étage de grandes baies jumelles qui ajourent largement le beffroi. L’archivolte extérieure, encadrée à la partie supérieure par un cordon de perles qui suit la courbe des cintres, est moulurée et pose aux retombées sur trois colonnettes, deux aux extrémités des baies et une à la retombée commune. Les arcs intérieurs portent chacun sur deux colonnettes, une à chaque extrémité et deux aux retombées communes, ce qui fait qu’il y a au milieu un groupe de quatre colonnettes, comme au clocher de Châteauneuf, une en avant, deux sur la même ligne et une en arrière. Vers les arêtes de la tour montent deux demi-colonnes qui partent de la corniche d’appui des baies du beffroi ; des culots en forme de chapiteaux leur servent de supports sous la corniche. Cette montée de lignes verticales aux angles des tours, particulièrement dans le Charollais-Brionnais et le Beaujolais, leur donne beaucoup d’élégance. Les colonnes appliquées et les arêtes mêmes de la construction sont entourées vers les deux tiers de la hauteur par le cordon perlé qui, contournant les cintres des archivoltes, fait le tour de la construction.
Clocher
Le portail n’est plus aujourd’hui dans le cadre qui le mettait en valeur. L’archivolte, actuellement surmontée d’un pignon ou gâble surbaissé, était-elle réduite à la frise unique de feuilles dérivées d’acanthes que nous voyons ? En dehors des colonnes qui la supportent, à chapiteaux très refouillés, dont la sculpture est si semblable à celle des chapiteaux de Charlieu, nous voyons à l’encadrement de ce portail des pilastres cannelés.
Au-dessus de la baie, le linteau figure la Cène. Toutes les têtes sont martelées. Le Christ et les apôtres sont assis devant une table aux mêmes pieds cannelés, couverte d’une nappe aux plis réguliers, comme à Charlieu. Aux extrémités du linteau sont représentés d’autres épisodes : à droite, Jésus, à genoux, lave les pieds de saint Pierre assis sur un siège dont les accoudoirs sont décorés d’arcatures ; à gauche, deux disciples opèrent la même ablution, tandis qu’à l’extrémité de la table un serviteur saisit une amphore placée sous une niche. Dans le même bloc de pierre est pris le tympan : deux anges aux ailes déployées, pleins de mouvement, soutiennent des deux mains une gloire en forme d’amande, à large bordure, où trône, les pieds posés sur un tabouret à claire-voie, le Christ en majesté. Il a la main droite levée pour bénir, et la main gauche tient le Livre de Vie appuyé sur le genou. C’est le même style, le même faire et les mêmes détails qu’au porche de Charlieu : les œuvres sont certainement contemporaines, et peut-être de la même main. Ce qui ajoute au prix de ce tympan, c’est que les têtes y sont intactes.
Tympan de l’église de Saint-Julien-de-Jonzy
La tête divine est, d’ailleurs, assez médiocre ; les anges ont un visage expressif et nullement efféminé. Très habilement dessinés pour occuper tout l’espace libre du tympan, ils sont pourtant incorrects dans l’attache de la tête et des épaules ; mais quelle souplesse dans les plis de l’étoffe légère qui les habille !
Cet ensemble d’un linteau qui nous montre la Cène et d’un tympan occupé par la figure du Christ en majesté se retrouve souvent dans le domaine de l’art bourguignon, et il est remarquable que la Cène soit accompagnée parfois du Lavement des pieds. Ces deux représentations ont ainsi, comme l’a très justement indiqué M. Ém. Mâle, un sens symbolique, le Lavement des pieds figurant le sacrement de la Pénitence et la Cène le sacrement de l’Eucharistie. À Vandeins (Ain), une inscription fait comprendre la vraie signification des sculptures de la Cène et du Lavement des pieds :
« Ad mensam Domini peccator quando propinquat
Expedit ut fraudes ex toto corde relinquat. »
[Lorsqu'un pécheur s'approche de la table du Seigneur, il est opportun qu'il abandonne ses tromperies de tout son cœur.]
« La figure du Christ qui plane dans le tympan achève de leur conférer leur caractère surnaturel. On peut croire qu’il y a là une affirmation réfléchie du dogme, l’artiste ayant voulu présenter la confession et la communion comme un devoir qui s’impose à tous les chrétiens (4). » On peut constater ici que l’école de sculpture dont le Brionnais a conservé nombre d’œuvres remarquables est en réaction très nette contre les traditions byzantines : elle se distingue par une recherche parfois exagérée du mouvement, mais elle est composée avec une noblesse et un goût parfaits ; son habileté décorative est merveilleuse et, par l’emploi d’un relief très accentué, elle obtient des effets auxquels les œuvres antérieures étaient loin d’atteindre.
Références
(1) Canton de Semur-en-Brionnais, arr. de Charolles (Saône-et-Loire).
(2) Chartes de Cluny, 3826.
(3) Pouillé du XVIe siècle, publié par Aug. Bernard.
(4) Émile Mâle, L'art religieux du XIIe siècle en France. Paris, 1922, in-4°, p. 419-420.
Compléments
• Description de l'église romane de Saint-Julien-de-Jonzy par Jean Virey (1891)
• Inventaire du patrimoine de Saint-Julien-de-Jonzy par Raymond et Anne-Marie Oursel (AD71)
• Photos de l'église de Saint-Julien-de-Jonzy sur les Chemins du roman
• Photos de l'église Saint-Julien (Base POP du ministère de la Culture)
