
Description de l'église romane de Saint-Julien-de-Jonzy par Jean Virey (1891)
Église de Saint-Julien-de-Jonzy - Cliquez pour agrandir
Source : L’architecture romane dans l’ancien diocèse de Mâcon par Jean Virey, Mémoires de la Société éduenne, 1891 (BnF-Gallica)
Saint-Julien-de-Jonzy (1) ou de Cray (Sanctus Julianus de Craio), situé sur le sommet d’une colline assez élevée, dépendait du bailliage de Semur-en-Brionnais, du diocèse de Mâcon et de l’archiprêtré de Beaujeu. L’église se trouvait sur le territoire du Beaujolais, et était à la collation de l’évêque de Mâcon (2). Nous avons trouvé dans le cartulaire B de Cluny une mention de l’église : « Ecclesia Si Juliani Briennensis », à la date de 1106 (3).
(1) Canton de Semur-en-Brionnais, arrondissement de Charolles (S.-et-L.).
(2) Pouillé du seizième siècle, publié par Aug. Bernard.
(3) Bibl. nat. Latin 1498, nouvelles acquisitions, folio 265 recto.
Porte de l'église de Saint-Julien-de-Jonzy
L’église actuelle, bien orientée, est entièrement neuve, sauf le clocher qui est très beau, et la porte ornée d’un magnifique tympan sculpté au douzième siècle. Le clocher est actuellement en façade, position que l’on ne rencontre guère dans nos églises rurales de Bourgogne ; mais il faut prendre garde que, tout en conservant l’orientation, l’architecte a construit les nouvelles nefs sur l’emplacement de l’ancien chœur, et le clocher, qui se trouvait autrefois entre la nef et l’abside, occupe maintenant la partie antérieure de la nef. Quant à la porte richement sculptée qui décore l’entrée, elle a été soigneusement détachée de l’ancienne façade, et plaquée à l’endroit où elle se trouve aujourd’hui. On peut d’ailleurs facilement reconnaître que l’encadrement extérieur de cette porte, les pilastres cannelés et le gâble obtus qu’ils supportent sont modernes. Ce n’est pas d’ailleurs le seul exemple que nous ayons d’une nef déplacée par rapport au clocher ; nous pouvons citer l’église de Chissey.
La travée au-dessous du clocher est voûtée par une coupole octogonale sur trompes en cul-de-four ; les murs qui la supportent sont établis au-dessus de quatre arcades en cintre brisé. Deux fenêtres en plein cintre, étroites, profondément ébrasées, placées l’une au midi, l’autre au nord, éclairent le dessous du clocher. L’arcade qui donnait entrée dans l’abside est en cintre brisé, et doublée ; ses retombées intérieures portent sur des colonnes engagées munies de bases et de chapiteaux. L’arcade qui donnait accès de la nef dans la travée sous le clocher était analogue à l’arc triomphal que nous venons de décrire. Les tailloirs ainsi que les chapiteaux des colonnes engagées ont reçu des sculptures aussi riches que variées : certains chapiteaux sont à personnages, d’autres sont couverts de feuillages décoratifs. Les bases sont assez curieuses.
La baie de la porte, à l’extérieur, est amortie par un linteau sculpté, surmonté d’un tympan également sculpté, richement encadré par une archivolte ornée dont deux colonnettes à chapiteaux à feuillages refouillés supportent les retombées. Ces colonnettes et cette archivolte sont elles-mêmes comprises dans un encadrement formé par un gâble très aplati supporté par deux pilastres cannelés. Nous croyons que ce dernier encadrement, ainsi que certaines parties de l’archivolte ne sont pas anciens. Sur le linteau est représentée la Cène ; les figures des personnages sont mutilées. Au centre du tympan on voit, comme à Perrecy-les-Forges et à Anzy-le-Duc, ainsi qu’à la porte de l’église du prieuré de Charlieu, dans une gloire en forme d’amande, le Christ assis, les pieds posés sur un tabouret à claire-voie, bénissant de la main droite levée, et tenant de la main gauche le Livre de vie : deux anges aux ailes déployées supportent la gloire au milieu de laquelle trône le Christ. Ces figures d’anges sont d’un beau mouvement. D’ailleurs, la sculpture tout entière de cette porte est fort belle et très finement traitée ; elle ne ressemble en rien à la sculpture barbare, maigre et allongée, de la porte du prieuré voisin d’Anzy-le-Duc ; elle ne ressemble pas davantage à la sculpture du tympan de la cathédrale d’Autun. C’est certainement un travail du milieu du douzième siècle, contemporain du porche de Charlieu. Au-dessus de la porte, on voit dans la maçonnerie la trace de l’arc brisé qui donnait autrefois dans la nef.
Tympan de l'église de Saint-Julien-de-Jonzy
Le clocher, construit sur plan carré, présente quatre faces semblables : il se compose d’un seul étage de baies. Au-dessous de cet étage de baies est une série horizontale de petites arcatures doublées, en plein cintre, reposant sur des petits pilastres cannelés soutenus par de petits culs-de-lampe. Cette décoration ingénieuse et d’un bel effet, rappelle celle du clocher de Perrecy-les-Forges. Cette ligne d’arcatures est surmontée par la corniche au-dessus de laquelle est bâti l’étage éclairé. On y voit sur chaque face une grande baie géminée en plein cintre, dont les archivoltes doublées retombent sur des colonnettes ; un faisceau de quatre colonnettes distinctes les unes des autres soutient la retombée médiane ; les archivoltes extérieures sont finement moulurées. A droite et à gauche de cette baie, vers les arêtes, montent deux colonnes engagées dont la base repose sur la corniche renforcée en dessous, à cet endroit, par un cul-de-lampe. Ces colonnettes montent jusque sous la corniche du toit. Cette dernière est portée par des modillons fort simples. Au-dessus s’élève la toiture en forme de pyramide à quatre pans, couverte en ardoises. Cette pyramide et sa charpente sont modernes.
En somme, ce que nous possédons de l’église de Saint-Julien-de-Jonzy est de nature à nous faire regretter que le reste soit détruit ; la structure intérieure au-dessous du clocher, la sculpture des chapiteaux, celle de la porte, les dispositions du clocher, nous portent à croire que cette construction ne remonte pas plus haut que le milieu du douzième siècle.
COMPLÉMENTS
• Photos de l'église de Saint-Julien-de-Jonzy
• Inventaire du patrimoine de Saint-Julien-de-Jonzy par Raymond et Anne-Marie Oursel (AD71)
