Paray-le-Monial et les églises du Brionnais par Jean Virey
Source : Paray-le-Monial et les églises du Brionnais (Nouvelle éd. 1962) par Jean Virey (1861-1953).
Ce volume, paru en 1926, a conservé toute sa valeur. Les nombreux travaux publiés sur Paray-le-Monial et sur les églises du Brionnais, notamment ceux de Jean Virey lui-même et d’André Rhein dans le congrès Archéologique de Lyon-Mâcon 1935, de Ch. Oursel, de Jean Vallery-Radot, et le gros volume de Raymond Oursel — ce fut sa thèse de l’École des Chartes en 1948, — et d’A.M. Oursel paru en 1956, d’autres encore, n’ont rien retiré de son intérêt au texte de Jean Virey.
Nous avons donc cru bon de le réimprimer sans y rien changer qu’une ou deux dates manifestement erronées, et un ou deux détails matériels qu'ont révélés des fouilles récentes sur les travaux de restauration.
Plan de l’église de Paray-le-Monial - Cliquez pour agrandir
INTRODUCTION
Parmi les pèlerins que chaque année amène à Paray-le-Monial, beaucoup sont attirés par un très noble reste d’architecture clunisienne : la basilique de ce lieu est en effet un des types les plus purs de l’école romane bourguignonne et son chevet est un chef-d’œuvre. On ne saurait trop admirer l’artiste inconnu qui en a tracé le plan, en a combiné les proportions et en a dirigé l’exécution. C’était sans doute un moine de Cluny, et l’on peut croire que les deux églises, Cluny et Paray, qui ont tant d’analogies malgré la différence des proportions, ont eu même architecte et ont été élevées presque en même temps. La décoration intérieure si ingénieuse et si bien comprise, dont la richesse apparaît surtout au déambulatoire, reste sobre et discrète, et l’impression de beauté qui se dégage est due surtout aux grandes lignes et à l’harmonieuse disposition des parties de l’édifice. Une seule chose y étonne, la brièveté de la nef arrêtée brusquement dans son développement par l’ancien porche et les tours de façade contre lesquels elle vient buter.
C’était, sous le vocable de Notre-Dame et de Saint-Jean-Baptiste, l’église de l’important prieuré clunisien de Paray : elle reste le joyau de la vieille ville qui semblait condamnée à s’endormir dans le silence des lieux abandonnés. Le réveil est venu de plusieurs côtés à la fois et surtout par la dévotion au Sacré-Cœur aujourd’hui très vivante, mais au point de vue qui nous occupe la chapelle du couvent de la Visitation ne saurait nous retenir. Il faut signaler toutefois dans cette cité aux rues tortueuses, où se dressent d’assez nombreuses tours rondes aux toits pointus et quelques anciennes maisons à tourelles, parmi les constructions dont la plupart sont de date moderne, quelques belles demeures des XVIIe ou XVIIIe siècles, des couvents de divers Ordres, un Musée, et surtout une très intéressante maison de la Renaissance qui sert aujourd’hui d’Hôtel de Ville. Et on ne peut parler d’elle sans citer les restes de l’ancienne église Saint-Nicolas, du XVIe siècle, qui lui fait face, église dont un pignon est surmonté d’une curieuse et longue tourelle posée en encorbellement, et le lourd clocher qui l’accompagne.
On a joint à cette notice du Paray archéologique une revue rapide des églises du Brionnais : ce n’est pas seulement à cause de leur voisinage, mais étant à peu près contemporaines de Notre-Dame de Paray — aujourd’hui basilique du Sacré-Cœur, — leur groupement où s’est épanouie au XIIe siècle une floraison sculpturale remarquable complète au point de vue artistique la physionomie de cette région. On a ainsi le contraste d'une église, celle de Paray, la plus belle entre ses voisines, dont la décoration — sauf sur quelques rares chapiteaux — semble écarter systématiquement la représentation de la figure humaine, alors que dans le pays qui l’environne se voit la plus riche collection de tympans et de linteaux sculptés où l’art roman s’est plu à figurer la majesté divine et des scènes parfois pleines de mouvement et de vie réunissant un grand nombre de personnages harmonieusement groupés.
Et après avoir vu toutes ces choses, c’est un charme, avant de quitter Paray, de parcourir les belles routes ombragées qui rayonnent du centre de la ville ; celle, notamment, vraiment magnifique avec ses platanes séculaires aux frondaisons inclinées en forme de voûte, qui laissant à gauche l'humble couvent de Sainte-Claire, contourne ensuite le somptueux Carmel pour offrir aux yeux le spectacle du Val d’Or, des prés arrosés par les sinuosités de la Bourbince ; et à l’horizon, au-dessus de cette belle étendue de plaines plus ou moins ondulées, le relief des monts du Beaujolais, la silhouette de la montagne de Dun, tandis que sur la droite apparaissent les montagnes du Forez.
L’église de Paray-le-Monial vue en avion - Façade occidentale - Chevet
I. HISTOIRE
Paray (1) (Paredum), seconde ville des Etats du Charollais dépendait de l’ancien diocèse d’Autun, de l’archiprêtré de Charolles et de la justice de l’abbé de Cluny. L’origine de Paray coïncide-t-elle, ainsi qu’à Cluny, avec la fondation d’un monastère ? il ne semble pas, mais sûrement son importance date de là. Lorsque les bénédictins venus à l’appel de Lambert, comte de ChaIon s’installèrent en 973 sur une des collines qui dominent le Val d’Or (Vallis aurea), il y avait déjà dans le voisinage un sanctuaire de construction ancienne, tempuam antiquissimum (2) dit la charte de fondation. Le lieu n’était donc pas inhabité. Rainaud de Semur, abbé de Vézelay puis archevêque de Lyon, dans sa biographie de saint Hugues de Semur (3) abbé de Cluny, fait mention de cet édifice qui existait encore à la fin du XIe siècle. Il n'en reste rien.
Entre 973-976 l’église bénédictine s’éleva (4) et reçut en 977 les reliques de saint Grat, évêque de Chalon. Sensible aux services des habitants de Paray qui l’avaient aidé dans plusieurs expéditions militaires, Lambert comte de Chalon leur accorda en 990 une charte exemptant dans l’avenir la ville et ses environs de toutes sortes de redevances et érigeant le territoire en pur fief sous la réserve de la foi à prêter à chaque nouveau comte par les quatre édiles. Le comte Lambert mourut dans la même année et fut lui-même inhumé (5) dans l’église du monastère dont il avait provoqué la fondation. C’est sans doute à cette église que Courtépée fait allusion lorsqu’il écrit à propos de Paray : « Église très ancienne, presque en ruines, hors du lieu, sur une éminence (6) ».
Le fils du Comte Lambert, Hugues, comte de Chalon et évêque d’Auxerre, fit don aux religieux, dont les ressources étaient restées précaires, de ce qu’il possédait encore à Paray, et en 999 réunit leur abbaye à celle de Cluny, réduisant ainsi la première au rang de prieuré. Prieuré d’ailleurs vite prospère et que les moines déplacèrent, quittant la colline où ils avaient établi leur première demeure pour s’installer sur les bords de la Bourbince. Une nouvelle église fut construite et consacrée le 9 décembre 1004 (7).
Subsiste-t-il quelque chose de cette église du début du XIe siècle ? E. Lefèvre-Pontalis qui dans sa première étude (8) sur l’église de Paray-le-Monial avait pensé que le porche et les clochers de la façade, du moins celui du Sud, étaient des témoins de celle époque, abandonna cette opinion au cours d'une nouvelle étude (9).
Ce qui paraît hors de doute, c’est qu’à la fin du XIe siècle ou aux premières années du XIIe on travaillait à l'église de Paray. La preuve en est d’abord dans le récit d’un fait miraculeux rapporté par deux biographes de l’abbé de Cluny saint Hugues, ses contemporains Rainaud de Semur et Hildebert de Lavardin évêque du Mans. Il s’agit de la guérison d’un jeune novice grièvement blessé dans l’église par la chute d’une pièce de bois tombée du haut d’une tour. Hildebert (10) ne précise pas exactement le lieu où l’accident s’est produit, mais la pièce de bois est tombée du haut d’un clocher « decidens ex culmine campanarii tabula » ; Rainaud de Semur (11) précise davantage : le moine était en prière avec ses frères dans le chœur, et la pièce de bois est tombée du haut d’une tour « puer quidam monachus apud Paredum monasterium dum in choro cum fratribus oraret, una de tabulis cadente quae in lacunari turris eminentis jungebatur, contritus a vertice est ». Il s'agit alors de la tour élevée au-dessus de la croisée du transept, contre le chœur : on y assemblait peut-être une charpente en vue de la construction de la coupole. Mais si l’on rapproche de ce fait la présence de l’abbé Hugues de Cluny déjà vieux « Christi veteranus » alors en visite au prieuré de Paray et qui accourt auprès du moribond, Hugues étant mort à 85 ans le 29 avril 1109, on peut supposer que l’accident arriva autour de l’année 1100.
Or le saint abbé venu de Cluny à Paray était passé vraisemblablement d’un chantier de construction à un autre. On sait que la première consécration de la fameuse église abbatiale, ou plutôt seulement du chœur de cette église, date de 1095, et que les travaux ne furent pas interrompus ; et si l’on, compare, dans ce qui reste du chevet de Cluny, l’absidiole romane contiguë à la chapelle Bourbon qui fait saillie dans le mur oriental du petit transept, avec une des absidioles du chevet de Paray, on est frappé de la presque identité des deux constructions : même maçonnerie, de part et d’autre mêmes contreforts en forme de demi-colonnes avec bases et chapiteaux — forme rare dans le voisinage —, mêmes plinthes pareillement moulurées, décoration identique d’un cordon horizontal orné de billettes régnant à la hauteur des tailloirs, au-dessus des chapiteaux des demi-colonnes contreforts, cordon qui s’élève et se courbe en archivolte pour embrasser le cintre des fenêtres.
Que conclure d'une pareille comparaison ? Ses résultats corroborant les faits qui viennent d’être racontés n’autorisent-ils pas à conclure que l’église de Paray est à très peu près contemporaine de celle de Cluny, et que le chevet de Paray ainsi que la tour qui le domine peuvent être datés des environs de l’an 1100 ? La construction de la nef dut se poursuivie aussitôt, c’est-à-dire aux premières années du XIIe siècle, et fut arrêtée au contact du porche surmonté des deux tours de façade que l’on avait décidé de conserver. Porche et tours pourraient donc être à coup sûr, dans ces conditions, datés du XIe siècle, sauf peut-être la partie supérieure de la tour du Nord.
C’est reculer ainsi d’un grand quart de siècle l’âge attribué à cette belle église que l’on a datée jusqu’ici surtout par comparaison avec la cathédrale d'Autun consacrée en 1132 et avec Notre-Dame de Beaune achevée en 1140. On s’est autorisé par contre, avec quelque raison, semble-t-il, de la date d’achèvement de l’église de Cluny en 1113 pour placer sa construction vers 1110-1120, Si l’on admet que la consécration de Cluny en 1095 correspond au chœur, on est bien forcé de reconnaître que le chevet de Paray très analogue sinon identique (12) à celui de Cluny est à peu près son contemporain, et que l’achèvement de la nef n’a sans doute pas exigé un plus grand nombre d’années qu’à l’abbatiale de Cluny. On paraît donc fondé à proposer comme date d'achèvement de l’édifice 1110-1120 environ.
En 1080 les libertés, immunités et bonnes coutumes avaient été confirmées aux habitants de Paray, ce qui n’empêcha pas le comte Guillaume II un siècle plus tard de fatiguer ses vassaux de ses exactions. Ceux-ci portèrent leurs plaintes au roi Philippe-Auguste et à l’abbé de Cluny, et, par un accord passé au château de Bourdon, près Cluny, le comte Guillaume renonça à tous abus et reconnut que Paray ne lui devait ni tailles ni tributs. Beatrix, comtesse de Chalon, ratifia en 1205 l’accord fait en 1180 par Guillaume II son père. À l’exemple de ses prédécesseurs, Jean, comte de Chalon, s’engagea en 1228 à Paray à respecter les privilèges dont jouissait la ville et à maintenir les franchises de ses foires et marchés.
En 1253 la résistance du clergé et spécialement de l’abbé de Cluny Guillaume de Pontoise à satisfaire aux engagements contractés pour le paiement des subsides concédés par le Saint-Siège au titre de la croisade, avait exaspéré nombre de seigneurs revenus de Palestine ruinés ou fort obérés ; le duc de Bourgogne Hugues IV, très irrité, devint un des ennemis les plus acharnés de la grande abbaye. On peut croire que c’est à son instigation ou, du moins, couverts par sa protection, qu’une bande de pillards et d’incendiaires se livra à toute sorte de brigandages sur les domaines de Cluny : une nuit, ils envahirent la ville et l’église de Paray, mais ils ne purent s'y maintenir à cause de la résistance qu’ils rencontrèrent (13).
En 1287, les limites du territoire de Paray furent vérifiées de nouveau ; des bornes ou croix y avaient été placées dès le temps du comte Lambert.
Au point de vue monumental le XIIIe siècle n’a pas laissé de traces à Paray. Nous savons grâce aux procès-verbaux des visites, que le nombre des moines fixés au prieuré oscilla de 20 en 1262, tombant exceptionnellement à 17 en 1268 pour revenir à 20 en 1271 et 1277, jusqu’à 24 en 1280, 31 le prieur compris en 1292, pour se tenir à 27 en 1294, 1298 et 1299.
C’est au XIVe siècle que l’on peut attribuer l’étage supérieur du clocher central tel qu’il existait avant la restauration de 1860. L’étage supérieur du début du XIIe siècle fut à cette époque remanié au goût du jour. Sur le soubassement octogonal formé par le premier étage on construisit un second étage ajouré par huit baies amorties par des arcs en tiers-point supportés par des colonnettes. À l’intérieur les baies étaient garnies par un fenestrage composé de deux arcs tréflés jumeaux reposant sur trois colonnettes — une médiane et deux aux extrémités — surmontés par un quatre-feuilles. Bien que de deux époques cette tour n'offrait pas un aspect déplaisant. Elle était pourtant coiffée d’un affreux dôme établi en 1810, et flanquée d’une tourelle d’escalier fort disgracieuse. Des photographies prises avant la restauration de 1860 nous font regretter que l'architecte Millet ait cru devoir rétablir l’unité de style en sacrifiant l’étage gothique pour le remplacer par un étage roman qui reproduit les dispositions de l’étage inférieur. La flèche en charpente est une autre erreur. Le clocher de l’église de Paray avec son étage de baies gothiques devait avoir primitivement une silhouette analogue à celle du clocher de Semur-en-Brionnais.
En 1347 la peste noire étendit ses ravages à Paray. Moins d’un siècle plus tard l’importance de la ville y avait attiré des changeurs dont une ordonnance de Philippe le Bon en 1422 avait fait en Bourgogne une institution officielle. Les changeurs avaient repris en partie les opérations auxquelles se livraient Juifs et Lombards. Commissionnés par le duc, ils prêtaient serment à la chambre des Comptes de Dijon, et moyennant une redevance annuelle pouvaient exercer leur industrie dans toute l’étendue du duché.
Philippe le Bon choisit Paray pour y traiter de la suspension d’armes entre le Charollais et le Bourbonnais en 1423. Dévasté par la peste de 1438, le pays fut exposé en 1439 aux incursions et aux excès d’Antoine de Chabannes, chef d’une bande d’Écorcheurs.
En 1456, le dauphin Louis — plus tard Louis XI — remuant et dangereux, fut envoyé par Charles VII son père, en Dauphiné, son apanage. Le prince tomba malade en passant par Paray, et l’abbé de Cluny Jean de Bourbon s’empressa de le faire soigner. En mémoire de ce séjour le prieur avait fait peindre à l’intérieur de la tour du Nord au-dessus du porche les écussons (14) du duc de Bourgogne, du Dauphin et des seigneurs de sa suite. Courtépée en rapportant cet événement mentionne que cette tour s’appelait tour du moine-garre, nom qui semble perpétuer le souvenir de l’accident arrivé sous saint Hugues. Pour certains, cette tradition indiquerait que l’accident aurait eu lieu à cet endroit. C’est inadmissible.
D’abord que vaut cette tradition et où remonte-t-elle ? Elle n’infirmerait d’ailleurs pas le récit de Rainaud de Semur, l’appel invraisemblable sous cette forme vers l'an 1100 — ayant pu être lancé de cette tour par un spectateur voyant à distance l’imminence du danger.
Au XVe siècle, divers travaux importants furent entrepris à l’église et au prieuré : à l’église, l’absidiole en hémicycle du croisillon méridional fut démolie pour établir à la place une chapelle funéraire sous l’invocation de saint Georges. L'autorisation en fut accordée vers 1470 par l'abbé de Cluny Jean de Bourbon à Robert de Damas-Digoine dont la famille s’était toujours montrée généreuse à l'égard du prieuré de Paray. Cette construction du style le plus riche et le plus élégant ne dépare en rien l’édifice.
En ce même temps la guerre sévissait à Paray et aux environs : c’était l’époque où Louis XI ayant isolé Charles le Téméraire osait l’attaquer de front. Le roi de France opérait sur deux théâtres à la fois : tandis qu’une première armée occupait Saint-Quentin, Amiens, Roye et Montdidier, une seconde armée commandée par le bâtard d’Armagnac, le dauphin d’Auvergne et Alain sire d'Albret envahit le Mâconnais et vint jusqu’à Prissé dans l’intention d’enlever Mâcon. La résistance qu’ils y trouvèrent les fit changer de direction : ils prirent Cluny et y firent beaucoup de mal, s’emparant ensuite du pays voisin. Saint-Gengoux, Marcigny, Charolles, Paray et presque tous les châteaux du Mâconnais sauf ceux de Dondin et de Berzé-le-Châtel tombèrent en leur pouvoir. Le duc de Bourgogne ayant réuni une armée, celle-ci alla au-devant des Français : la bataille eut lieu à Buxy, après la mi-carême 1470, et les Bourguignons furent battus (15).
La contrée eut encore beaucoup à souffrir des troubles qui suivirent la mort de Charles le Téméraire en 1477.
Au prieuré de Paray, le logis du prieur, aujourd’hui ruiné et dont il ne reste qu’une tour, fut commencé en 1480 par Jean de Bourbon abbé de Cluny ; il fut terminé par l’abbé Jacques d’Amboise mort à Paray en 1516 (16).
Les épreuves subies dans la seconde moitié du XVe siècle se renouvelèrent en s'aggravant au siècle suivant, et les guerres de religion causèrent, tant à Cluny qu’à Paray, de sérieux dommages. Le trésor fut pillé par les Huguenots le 3 juin 1562 après la prise de la ville, et la châsse de saint Grat donnée au monastère en 977 par Lambert comte de Chalon disparut ; le mobilier de l’église brisé et amoncelé sous le porche fut incendié, et si la construction parut résister au feu sa solidité fut compromise et les religieux trouvèrent prudent de soutenir les doubleaux et les voûtes du porche par des étais de maçonnerie qui étaient encore en place au moment des travaux de restauration de 1860.
C’est en ce siècle agité, de 1525 à 1528 que fut bâtie une des curiosités de Paray, l’Hôtel de Ville, anciennement la maison Jayet, du nom de son fondateur Pierre Jayet négociant, fabricant de serges dont il se faisait alors dans la ville un commerce considérable. L’église voisine de Saint-Nicolas dont il ne reste qu’une partie aurait été bâtie d’après Courtépée (17) en 1535.
En 1576 les Allemands firent leur apparition avec Jean Casimir, fils de l’électeur palatin, qui ayant envahi la Bourgogne fut repoussé de Dijon et se dédommagea sur le Beaunois et le Charollais, traversant Charolles, Paray-le-Monial et Semur-en-Brionnais.
En 1591 Tavanes, sans cesse en campagne, arrêtait les convois de vins et de marchandises qui se dirigeaient vers les villes ligueuses, et vidait les dépôts de sel de Paray-le-Monial et de Digoin où l’ennemi s’approvisionnait.
Après l'Édit de Nantes (13 avril 1598), les Réformés nombreux à Paray y formèrent une importante communauté protestante ; ils avaient un temple à la porte du Périer qui fut détruit en 1686. Après la révocation de l’Édit de Nantes (22 octobre 1685) Paray se ressentit cruellement du départ des protestants qui s'expatrièrent : les manufactures d’étoffes et de toiles fines furent fermées et les procédés de fabrication passèrent à l’étranger.
Au XVIIe siècle, dans les années 1631, 1637 et 1644, le peintre Jacques Lucas, travaillant à l’église, orna de peintures les murs du transept, les voûtes de la nef et celles du chœur ; au XVIIIe, en 1760, tout le sol du vaisseau fut carrelé et on installa dans le chœur les stalles qu’on y voit encore aujourd’hui.
Survint la Révolution, et en 1794 la ville de Paray-le-Monial racheta 15.000 francs l’église et les bâtiments du prieuré mis en vente. Cette acquisition sauva l’édifice dont la flèche du clocher central eut seule à subir le marteau des démolisseurs. Cette flèche fut remplacée en 1810 par un dôme fort laid. Mais le manque d’entretien dont l'église eut longtemps à souffrir la mit en fâcheux état. En 1856 sur les instances de Montalembert la Commission des Monuments historiques vota des fonds pour la restaurer. Le Conseil général de Saône-et-Loire et la ville de Paray s'associèrent aux dépenses et les travaux furent confiés à l’architecte Millet.
On restaura l’abside en consolidant le soubassement des murs, on fit disparaître un bâtiment adossé au collatéral nord, et le clocher octogonal inspirant de graves inquiétudes, on reconstruisit entièrement l’étage supérieur et le dôme fut remplacé par une flèche en charpente On s’attaqua ensuite au porche : des tassements causés par l’incendie allumé par les huguenots s’étaient produits, et tout le poids des tours de la façade portait sur des murs en maçonnerie qui obstruaient le porche. L’architecte se lança dans une reprise en sous-œuvre, fort délicate, qui réussit à souhait : pour éviter l'écrasement des nouveaux supports, leurs assises furent taillées dans le granit d’Ambierle (Loire), et, depuis 1862, enrichie de nouveaux autels et de verrières, l’église de Paray n’a plus été remaniée.
L’entretien du gros-œuvre, longtemps négligé, a rendu indispensables d’importants travaux aux voûtes, aux murs et aux toitures. Grâce à la générosité des fidèles et des pèlerins et à l’aide des Monuments historiques, de la Ville et du Conseil Général, ils ont pu être exécutés par le Service des Monuments Historiques avec tout le soin que mérite ce précieux joyau de notre art roman et du patrimoine artistique de la France.
II. DESCRIPTION DE L’ÉGLISE DE PARAY-LE-MONIAL
Régulièrement orientée, l'église de Paray (18) comprend un porche à étage surmonté à ses extrémités par deux tours ; une nef de trois travées flanquées d’un collatéral de chaque côté, un transept à forte saillie avec chapelle à chaque croisillon, et un chœur en hémicycle entouré d’un déambulatoire et de trois chapelles rayonnantes. Trois portails dont un en façade et un ouvert dans le mur de fond de chaque croisillon donnant accès dans l'édifice que surmontent trois clochers.
On peut établir tout de suite un parallèle avec l’abbatiale de Cluny dont le plan gigantesque diffère évidemment de celui de Paray : on ne voit ici ni doubles collatéraux, ni double transept, ni cinq chapelles rayonnantes ouvertes dans le déambulatoire, mais ce dernier est conçu à Paray comme à Cluny, et a une largeur moitié moindre que celle des collatéraux. Ce rétrécissement du déambulatoire dans les deux églises est d’autant plus frappant qu’il est assez rare, bien que la région, outre l’exemple de Cluny et de Paray, présente aussi celui — plus ancien — de Saint-Philibert de Tournus. J’ai déjà signalé à l’extérieur des trois chapelles du chevet une ressemblance complète avec la seule chapelle romane qui subsiste au petit transept de Cluny, et en décrivant l’intérieur l’occasion se présentera de signaler d’autres analogies.
Porche. — Le porche assez vaste se compose de deux travées de trois nefs. Il est voûté par six compartiments de voûtes d’arêtes séparées entre elles par des doubleaux en plein cintre. Les retombées des voûtes portent à l’extérieur sur les murs de la façade ou de la nef et à l’intérieur sur deux piliers isolés formés d’une grosse colonne centrale (19) accostée de quatre colonnettes ou piliers plus petits avec chapiteaux représentant au pilier sud des magots accroupis alternant avec des animaux fantastiques affrontés. Au pilier nord des chapiteaux ont reçu une décoration végétale. Les bases sont constituées par d’énormes tores ou boudins ornés de galons, entrelacs, etc. D’ailleurs ces piliers ayant été entièrement refaits lors de la restauration de 1860 il n'y a pas lieu d’y insister. L’accès du porche est donné par trois arcades en plein cintre à l’Ouest et par deux autres baies analogues au Nord ; la muraille au Sud est adossée aux bâtiments du prieuré. À l’étage est une salle dont les trois nefs sont voûtées d’arêtes avec piliers montés sur plan cruciforme couronnés par des tailloirs en biseau sans chapiteaux. Cinq fenêtres en plein cintre éclairent la salle qui ne fait pas tribune sur la nef. Ce porche, entièrement restauré, ne fournit pas d’éléments pour l'attribution d’une date de construction, mais nous examinerons tout à l’heure les deux tours qui le dominent.
Le portail en plein cintre qui donne accès à l’église sous le porche ne correspond pas à l’axe de la nef et du chœur. Cela tient-il à une maladresse commise lorsque, aux environs de l’année 1100 on commença par le chevet la reconstruction de l’église du début du XIe siècle ? Ou plutôt le plan de reconstruction prévoyant une ou deux travées de plus à la nef et par suite l’obligation de supprimer ce qui restait de la construction antérieure, c’est-à-dire le porche surmonté des deux tours, l’architecte négligea-t-il le souci de faire coïncider les deux axes ? Sans doute les ressources du prieuré ne permirent pas d’achever l’édifice d’après le projet nouveau, et bon gré mal gré on dut élever le mur de façade en établissant la porte là où les dispositions du porche l’exigeaient.
Le portail est en plein cintre ; son tympan, appareillé, sans sculptures, encadré par une archivolte formée d’un gros tore décoré de chevrons ou bâtons brisés et d’un rang de grosses perles, porte sur un linteau. Celui-ci est nu également, sauf dans sa partie inférieure où une ornementation empruntée au règne végétal, sorte de feuilles d’acanthe, se continue le long des jambages pour former l’encadrement de la baie. Deux colonnettes soutiennent les retombées de l’archivolte : leurs fûts sont garnis de chevrons à l’une, d’entrelacs à l’autre. Des grappes de raisins et des feuillages se voient aux chapiteaux dont les tailloirs ont reçu plusieurs rangs de billettes ; aux bases classiques, le tore inférieur commence à s’écraser. Cette porte est une œuvre du XIIe siècle.
La Tour nord-ouest - Partie du chœur est et sud - Le narthex de l’église de Paray-le-Monial
Nef. — La nef voûtée en berceau brisé sur doubleaux à double ressaut, sans moulures, est très courte et n’a que trois travées ; elle est flanquée de chaque côté par un collatéral dont les travées séparées les unes des autres par des arcs doubleaux à double ressaut sont couvertes de voûtes d’arêtes. L’élévation d’une travée de la nef laisse voir la fenêtre du collatéral au milieu de l’encadrement formé par la grande arcade ; celle-ci en cintre brisé est, comme les doubleaux de la voûte de la nef, formée d’un double rang de claveaux. L’arête des claveaux du second rang est abattue en forme de chanfrein garni d’oves enchâssés dans une espèce d’entrelacs.
Les grandes arcades reposent sur des piliers de plan cruciforme dont trois faces sont cantonnées de colonnes engagées et la quatrième, celle tournée vers la nef, d’un pilastre cannelé. Ce pilastre à trois cannelures est coupé dans sa montée, au niveau des sommiers de l’arcade, par un chapiteau ; il repart au-dessus du chapiteau mais flanqué de deux colonnettes jusqu'au cordon mouluré qui souligne la base du triforium. Au-dessus de ce cordon qui embrasse, leur formant tailloirs, la saillie des chapiteaux du pilastre et des colonnettes, pilastre et colonnettes sont remplacés par une colonne engagée. Le fût de cette dernière est encerclé à mi-hauteur comme d’une bague par une autre moulure de pierre correspondant à l’appui des fenêtres hautes de la nef. Ainsi se trouve modifiée avec beaucoup d’ingéniosité trois fois dans sa hauteur cette montée des piliers.
Entre le sommet des grandes arcades et l’appui des fenêtres hautes s’étend une grande surface de mur contre laquelle vient s’appuyer à l’extérieur le comble des bas-côtés. Pour en masquer la nudité l’architecte de Paray-le-Monial comme celui de l’abbatiale de Cluny — imités d’ailleurs par ceux de la cathédrale d’Autun, de Notre-Dame de Beaune, etc. — l’a décorée d’une arcature aveugle, constituant une espèce de triforium, dont le prototype doit être cherché dans quelqu’un des monuments antiques d’Autun, comme la porte d’Arroux. Les arcades en plein cintre de ce faux triforium, au nombre de trois par travée, sont séparées par des pilastres cannelés dont l’usage fort répandu en Bourgogne dans les églises construites avec un certain luxe tire également son origine des portes romaines d’Autun. De ces trois arcades deux sont aveugles ; celle du milieu est ouverte sur le comble des bas-côtés. Elles sont simples et sans encadrement ; elles ne sont pas, comme Cluny, entourées de ce feston qu’y découpe une série de disques ou rondelles creusées dans la pierre, ornement rare et bizarre où M. Em. Mâle a vu un emprunt fait à l’art arabe (20).
Une moulure assez saillante posée sur des modifions marque la séparation de l’étage du triforium de celui des fenêtres. Au-dessus en effet, correspondant aux arcades du triforium s’ouvrent les fenêtres hautes qui donnent à la nef de Paray un bel éclairage. Ce sont de simples baies en plein cintre, sans ébrasement, au nombre de trois par travée. Chaque fenêtre est encadrée par une archivolte en plein cintre formée d'un gros tore, dont les retombées portent sur des colonnettes.
La naissance de la grande voûte est marquée par un cordon saillant.
Les chapiteaux de la nef sont garnis d’acanthes, de feuillages, de monstres et d'animaux affrontés ; les bases des colonnes et des pilastres ont le même profil que les bases des colonnes de la porte d’entrée, une scotie entre deux tores dont l’inférieur est légèrement aplati. Les travées des collatéraux couvertes de voûtes d’arêtes sont séparées les unes des autres par des doubleaux en cintre brisé dont les retombées correspondent à des colonnes engagées. Sous les formerets, aussi en cintre brisé, s’ouvrent les fenêtres en plein cintre, ébrasées ; celles du bas-côté nord sont flanquées de colonnettes. Toute la nef, bien homogène, paraît avoir été construite en une seule campagne. Le mur de façade à l’intérieur est orné en bas par un grand tambour en boiserie sculptée du XVIIIe siècle, dissimulant la porte qui n’est pas ouverte dans l’axe de la nef. La grande fenêtre en plein cintre au-dessus de la porte a ses piédroits cantonnés de colonnettes ; elle correspond à l’étage du porche, et, pour la même raison que la porte, n’est pas au milieu du mur. Elle est surmontée par le taux triforium qui se poursuit comme latéralement ; puis ce sont les trois fenêtres hautes, surmontées encore par une grande baie fortement ébrasée percée sous la voûte. Avant d’abandonner la nef, je signale que tout l’intérieur de l’église a été débarrassé, il y a une quinzaine d’années de l’affreux badigeon qui la déshonorait : l’apparition de la pierre colorée met en valeur le beau style de cette architecture dont la technique apparaît défectueuse : les pierres d'appareil qui constituent la pile sont souvent mal coupées et mal employées.
Transept. — Le transept fait à l’extérieur une forte saillie ; ses croisillons sont voûtés en berceau brisé sur doubleaux simples portés par des colonnes engagées ; la croisée, encadrée par quatre grands arcs doubleaux en cintre brisé, doublés, dont les claveaux ornés d’oves et d’entrelacs reposent sur des colonnes engagées, est voûtée par une coupole octogonale sur trompes comme toutes les coupoles de la région. Mais du côté de la nef et du chœur les colonnes qui correspondent aux doubleaux ne montent pas de fond, elles parlent seulement à 9 mètres du sol au-dessus de deux pilastres superposés.
Aux murs des croisillons se continue le triforium décrit plus haut surmonté de l’étage des fenêtres hautes, trois par travée. À chaque mur de fond on remarque en bas une porte, et tout en haut sous la voûte, au-dessus des trois fenêtres, une autre baie en plein cintre très allongée. Au croisillon nord, entre les deux doubleaux, s’ouvre à l’Est, encadrée par deux pilastres, une chapelle en hémicycle voûtée en cul-de-four. Trois fenêtres ébrasées, en plein cintre, l’éclairent et occupent trois des quatre arcatures qui garnissent le mur. Ces arcatures ornées de besants sont portées sur des colonnettes.
Le portail du croisillon nord
Près de la porte du même croisillon se trouve un grand bénitier de granit entouré de feuilles frisées : c’est l’ancienne vasque du lavabo du cloître. Elle est datée, par les armoiries qu'elle porte, de Jacques d’Amboise abbé de Cluny de 1485 à 1510.
Près du croisillon nord et à l’entrée du déambulatoire on remarque un charmant autel du XIIe siècle en forme de bahut plein, dont les pilastres d’angle sont décorés de rameaux feuillus et de rinceaux tandis que l’intervalle est occupé par une dalle pleine couverte d’une espèce de gaufrure faite de têtes de clous en forme de losanges sculptés en creux. Cet autel a été déplacé, car Viollet-le-Duc, dans son Dictionnaire (H, p. 55), en donne le dessin en plan et en élévation, et le plan indique que l’autel occupait le fond d’une absidiole.
Le croisillon méridional était semblable à l’autre, mais la chapelle romane en hémicycle a disparu lorsque vers 1470 fut accordée à Robert de Damas-Digoine l’autorisation de la démolir pour reconstruire à la même place celle que l’on voit aujourd’hui. Bâtie vers la fin du règne de Louis XI, cette chapelle gothique se compose de deux travées et d’un chevet polygonal. Les voûtes sont des croisées d’ogives à profil piriforme renforcées de liernes et de tiercerons Aux trois panneaux du chevet s’ouvrent au-dessus d’un autel surmonté de cinq niches des fenêtres à réseau flamboyant. Un tombeau du XVe siècle à dais richement sculpté est adossé au mur méridional.
Chœur. — La première travée du chœur est identique aux travées de la nef, et la travée du collatéral qui l’accompagne de chaque côté est identique à celles des collatéraux de la nef : voûte en berceau brisé entre deux arcs doubleaux en cintre brisé sur l’une, voute d’arêtes sur les autres ; mais l’arc doubleau qui encadre l’entrée du sanctuaire voûté en cul-de-four étant moins élevé que l’arc triomphal, un mur de décrochement réunit les deux voûtes. Ce mur est ajouré d’une fenêtre en plein cintre et d’un oculus de chaque côté.
L’abside communique avec le déambulatoire par neuf arcades en plein cintre : huit colonnes semi-monolithes hautes de 5m. 20 avec un diamètre de 0m. 42 s’élèvent d’un bahut garni de dalles qui entoure le sanctuaire. Leurs chapiteaux sont sobrement décorés de feuilles d’eau peu découpées, et, — c’est le seul contraste dans cet ensemble — ne ressemblent en rien aux magnifiques chapiteaux des colonnes du déambulatoire de Cluny, qui ont été évidemment sculptés un certain nombre d’années après leur mise en place.
Aux deux extrémités de l'hémicycle la retombée des arcades se fait sur des colonnes engagées dans les piliers massifs qui précèdent le rond-point. À Cluny il en était de même. Ces arcades de l’abside ont leur cintre décoré de petits oves comme les arcades de la nef.
Au-dessus des neuf arcades s’étend une surface de mur qui pouvait être, comme à Cluny, décorée de peintures, et qui correspond à la toiture du déambulatoire. Cette région est limitée à sa partie supérieure par un feston décoratif : c’est une série de petits arcs — qui existaient aussi à Cluny — formant corniche (21), et rappelant les arcatures lombardes si souvent employées au XIe et au XIIe siècles dans la partie haute des murs à l’extérieur. Cette corniche est surmontée par neuf fenêtres cintrées ouvertes au-dessus des arcades, encadrées par des archivoltes du même genre que celles des fenêtres hautes de la nef, mais plus richement décorées par plusieurs rangs de billettes : des colonnettes jumelles en portent les retombées. Une moulure marque la naissance du cul-de-four de l’abside où fut découverte en 1935 une fresque représentant le Christ en majesté.
Lorsqu’on examine les gravures anciennes qui représentent le chœur de l’abbatiale de Cluny, on est frappé de sa ressemblance complète avec celui de l’église de Paray : mêmes dispositions, mêmes détails de décoration.
Le déambulatoire ne mesure que 3m. 20 de largeur, soit la moitié de la largeur du collatéral. Le déambulatoire de Cluny était sensiblement plus étroit aussi que le grand collatéral dont il formait le prolongement. Cette différence de largeur à Cluny est bien apparente sur les plans que nous possédons, et un détail la rend manifeste. Dans le plan de l’abbatiale donné par Mabillon (22) nous voyons le tombeau de l’abbé Ponce, mort à Rome en décembre 1125 mais ramené plus tard à Cluny par Pierre-le-Vénérable, tombeau qui devait être assez monumental puisqu’il représentait l’abbé Ponce en effigie, logé dans l'angle formé par le mur septentrional du chevet et la paroi correspondant au rétrécissement du déambulatoire par rapport au collatéral.
D’ailleurs le rétrécissement ne produit dans la perspective, ainsi que le remarque Eug. Lefèvre-Pontalis, aucun effet fâcheux, à cause de la travée droite de même largeur que le collatéral interposée entre le transept et le déambulatoire. Celui-ci s’ouvre entre deux demi-colonnes qui soutiennent un arc en plein cintre ; il est couvert par neuf voûtes d’arêtes séparées par des doubleaux en cintre brisé. Les doubleaux reposent d’un côté sur les tailloirs des colonnes du rond-point et de l’autre sur des faisceaux de deux courtes colonnes accouplées, adossées au mur extérieur. Le socle d’où montent les colonnes est logé dans l’écoinçon formé par la retombée commune des archivoltes de neuf arcs qui ornent la muraille au rez-de-chaussée. Quatre servent d’encadrement aux fenêtres basses du déambulatoire, deux aux extrémités sont appliquées sur le parement du mur, et les trois autres accompagnent l’arcade d’entrée des trois chapelles rayonnantes.
Cette arcature fait au déambulatoire la plus élégante et la plus riche décoration : les archivoltes chargées de trois rangs de grosses billettes où se jouent l’ombre et la lumière et les pilastres cannelés qui soutiennent leurs retombées sont du plus bel effet. Les quatre fenêtres basses sont cantonnées de colonnettes aux fûts couverts d’écailles, et, au-dessus des archivoltes à billettes, du niveau d’une moulure monte un étage de sept fenêtres hautes dont l’éclairage accentue le relief des feuillages bien découpés des chapiteaux des pilastres. Un bahut formant banc règne autour du déambulatoire.
Chapiteaux de la nef et du chœur - Colonnades du chœur - Architecture du déambulatoire
Les trois chapelles rayonnantes se composent d’une travée droite voûtée en berceau, éclairée de chaque côté par une fenêtre, et d’un hémicycle percé de trois fenêtres et voûté en cul-de-four ; un doubleau sépare les deux voûtes et retombe sur deux pilastres cannelés à chapiteaux d’un beau style.
Extérieur. Façade et tours. — Nous avons vu que la façade de l’église est en majeure partie masquée par le porche surmonté de deux clochers. Trois arcades cintrées donnent accès à l’Ouest au rez-de-chaussée du porche : une d’elles correspond à la partie centrale, entièrement restaurée dans toute sa hauteur. On y voit à l’étage une longue fenêtre cintrée ouverte sous un pignon.
Les clochers sont montés sur plan carré et épaulés à leurs angles par de puissants contreforts à deux ressauts : leurs soubassements sont percés d’arcades. Bien qu’ils diffèrent l’un de l’autre dans leurs étages supérieurs comme âge et comme décoration, ils présentent tous deux quatre étages de fenêtres dont le premier éclaire l’étage du porche. C’est au-dessus de ce niveau que le clocher Nord, le plus récent, a été reconstruit à une époque qui peut être la fin du XIe siècle ou le début du XIIe.
Celui du Sud, construit au cours du XIe siècle, mais qu’il serait hardi de prétendre contemporain de la consécration de la fin de l’année 1004, offre au deuxième étage une seule baie cintrée, de forme allongée, toute simple. Il est épaulé par des contreforts d’angle dont le glacis vient mourir sous un cordon de pierre de faible saillie existant seulement sur la face ouest. Ce cordon sert d’appui à la baie géminée ouverte à chacune des quatre faces du troisième étage construit en léger retrait. Les arcs en plein cintre des baies géminées sont faits de claveaux bruts, sans moulures, et leurs retombées communes portent sur deux colonnettes à chapiteaux très frustes placées l’une derrière l’autre. Un autre cordon de pierre qui entoure toutes les faces du clocher marque la séparation du troisième et du quatrième étage. Ce dernier est ajouré sur chacune de ses faces par une baie géminée semblable à celles du troisième étage. Un toit en pyramide assez aiguë couronne cette tour.
L’architecture de la tour du Nord présente, dans sa partie supérieure, un aspect singulièrement plus riche et plus avancé : le deuxième étage de fenêtres qui s’ouvrent entre le haut des contreforts a reçu sur chacune de ses faces une baie géminée déjà plus décorative et dont les arcs en plein cintre sont supportés par des colonnettes à fûts lisses ou cannelés en spirale. Au-dessus règne une moulure de pierre qui entoure le clocher ; de son niveau s'élèvent les deux derniers étages. Ceux-ci sont presque entièrement construits en pierres d'appareil, tandis que tout le clocher Sud et les régions inférieures du clocher Nord sont en petits moellons dont l'emploi était presque exclusif dans cette partie de la Bourgogne au XIe siècle. Aux quatre angles de la tour sont engagées des colonnes posées sur la moulure de pierre, base des deux étages supérieurs. Ces colonnes embrassent les deux étages et leurs fûts traversent le cordon de pierre séparant les étages, pour aller se raccorder à l’arcature de la corniche sur laquelle repose le toit. Chacune des faces du troisième étage est percée de deux baies accouplées, amorties en plein cintre, à triple rang de claveaux en retrait les uns au-dessous des autres. Ces baies, cantonnées de colonnettes à chapiteaux à feuilles plates surmontés de tailloirs ornés de billettes, sont séparées l'une de l’autre par la montée d’une colonne qui, comme les colonnes d’angle, va rejoindre sous le toit la corniche à arcature. Le quatrième étage est semblable au troisième, si ce n’est que l’arc des baies est constitué par deux rangs de claveaux au lieu de trois ; il est en outre encadré à sa partie supérieure par une jolie corniche à arcature surmontée par la pyramide du toit.
Un certain nombre de clochers de la région brionnaise ou du Charollais présentent des ressemblances avec le clocher Nord du porche de Paray ; mais celui-ci, qui paraît plus ancien, l’emporte par l’élégance de sa silhouette sur ceux de Saint-Laurent-en-Brionnais et surtout de Varenne-l’Arconce, plus massifs et trapus.
Le clocher de Vareilles, dans ses proportions et dans les grandes lignes de sa décoration se rapproche davantage de celui de Paray. On retrouve l’emploi des colonnes pour orner les angles ou les faces des clochers notamment à Saint-Point, à Saint-Nicolas de Beaujeu, etc.
Élévation latérale. — Masquée au Sud par les bâtiments du prieuré élevés au XVIIIe siècle et par le cloître qui s’y adossent, l’élévation latérale vue du côté Nord est très simple ; la nef et les collatéraux ne présentent que la saillie des contreforts placés au droit des arcs doubleaux de l’intérieur et les baies des fenêtres en plein cintre, de dimensions moyennes, sans moulures ni colonnettes et par ébrasement apparent. Les corniches sont supportées par des modillons ordinaires. Le développement très marqué des croisillons n’offre à l’extérieur, vers l’Ouest, que la montée d’un contrefort de chaque côté duquel s’ouvrent trois fenêtres hautes.
Le mur du fond ou façade du croisillon Nord est renforcé vers les angles de la construction par de hauts contreforts sans ressauts, entourés près de leur extrémité supérieure par le cordon de pierre qui souligne tout autour de la nef et des croisillons l’appui des fenêtres hautes. Au-dessus d’un magnifique portail la nudité de la muraille n’est interrompue que par trois baies correspondant à l’étage des fenêtres hautes, et dominant celles-là par une grande baie en plein cintre de forme très allongée ouverte sous le pignon.
M. Émile Mâle a reconnu dans une ancienne estampe représentant la grande porte de l’église abbatiale de Cluny un encadrement qu’il considère comme une importation de l’art musulman. Il dit n’avoir pas trouvé en France d’autre exemple de cette disposition caractéristique. Le portail du croisillon Nord de Paray lui aurait-il donc échappé et un encadrement analogue ne se retrouve-t-il pas au porche de Charlieu ?
En effet la porte de Paray dont le tympan nu est entouré par une riche archivolte en plein cintre, est encadrée sous un portique rectangulaire formé par deux pilastres cannelés supportant une frise horizontale ornée d’une arcature. « Il est difficile, écrit M. Mâle à propos de la porte de Cluny, de ne pas penser aussitôt au rectangle où s’inscrivent toutes les portes des monuments arabes (23) ».
Cette porte, écrivait très justement Ed. Jeannez dans sa notice de l’église de Paray-le-Monial publiée en 1892 dans L’Art roman à Charlieu et en Brionnais est véritablement l’entrée d’un palais oriental. La baie rectangulaire à qui la forte saillie arrondie des impostes donne une physionomie très originale est entourée — linteau, impostes et pieds-droits — par trois rangs d’acanthes, de petites billettes et d’oves enrubannés. Au-dessus de cette baie dont le tympan est resté nu, le plein cintre de l’archivolte est dessiné par un gros tore soutenu par deux colonnettes. Le tore accompagne de deux rangs de perles est sculpté d’une gaufrure, motif bizarre en forme de sachets d’étoffe dont les coins seraient rabattus ; on la retrouve sur le fût d’une des colonnes L’autre est couverte d’un réseau très régulier de petites alvéoles profondément fouillées. Les chapiteaux feuillus sont surmontés de tailloirs à billettes.
Un large galon délicatement gravé plutôt que sculpté offre une guirlande de rosaces, décoration chère à la Bourgogne. Ce galon monte de part et d’autre le long des colonnes et les dépassant se retourne ensuite à angle droit en une frise tangente à la courbe de l’archivolte. Il est lui-même exactement encadré dans le portique formé par les pilastres cannelés avec chapiteaux à feuillages et tailloirs à billettes supportant la frise découpée en forme d’arcature horizontale.
Cet ensemble décoratif empreint de finesse et d’élégance est d’un goût parfait.
Une porte analogue s’ouvre au croisillon Sud, sur le cloître, conçue comme celle qui vient d’être décrite. À première vue elle parait plus ancienne ; elle est d'une exécution moins délicate et d’une richesse plus lourde. Le dessin est le même, bien qu’il y manque masqué par la voûte d’arêtes du cloître — le bel encadrement rectangulaire signalé à la porte Nord. La baie proprement dite a reçu aussi une bordure sculptée, de relief très peu accentué, dont le dessin est emprunté au règne végétal. Cette sorte de broderie sur pierre qui court à la partie inférieure du linteau est surmontée d’une rangée de huit médaillons d’un travail assez fruste, plutôt gravés que sculptés, représentant à droite une tête (de moine ?) vue de face, et à gauche une grosse rosace. Les six médaillons intermédiaires représentent des animaux fantastiques ou des sujets indéterminés. Le tympan est nu ainsi qu’il l’est aux autres portes. Les colonnes à droite et à gauche de la baie ont leur fût pareillement décoré d’entrelacs ; les chapiteaux sont l’un couvert d’oiseaux, l’autre d’ornements végétaux, et supportent le gros tore formant l’archivolte. Celui-ci couvert de billettes, motif de décoration que l’on retrouve partout à Paray, est encadré lui-même par un autre tore qui se prolonge à la descente du cintre jusqu’au sol, orné de chevrons en saillie.
Dans l’élévation orientale du croisillon Nord s’arrondit au rez de chaussée l’hémicycle de la chapelle éclairée par trois fenêtres séparées par deux contreforts en forme de colonnes engagées. Ce type de contrefort, rare dans la région, se retrouve à Cluny et l’église du Bois-Sainte-Marie, à celle de la Chapelle-sous-Brancion, à Saint Vincent-des-Prés, à Donzy-le-Royal, à Saint-Nicolas de Beaujeu, à Châne et à Châteauneuf. Ces colonnes, montées sur un socle saillant de même hauteur que la plinthe moulurée qui enveloppe tout le soubassement du chevet, ont des bases dont le tore inférieur un peu plus saillant que le tore supérieur reste encore bien arrondi, et des chapiteaux à feuilles peu découpées, dont les tailloirs son entourés d’une guirlande de grosses billettes. La guirlande court tout autour du chevet en s’incurvant au-dessus des fenêtres pour encadrer le cintre des baies. Au-dessus d’une corniche posée sur des modillons simples s’élève la toiture en tuiles creuses posée sur les reins de la voûte en cul-de-four.
Au-dessus de l’hémicycle de la chapelle, l’élévation orientale du croisillon est semblable à celle du côté de l’Ouest, avec les baies des fenêtres hautes accouplées trois par trois.
Contiguë à la chapelle du croisillon une construction élevée sur le plan rectangulaire accuse la travée droite du collatéral du chœur. C’est ensuite le mur du déambulatoire à pans coupés séparés par des contreforts plats, avec ses deux étages de fenêtres, celles de l’étage intérieur s’intercalant entre les absidioles du chevet, les autres au-dessus dominant les trois chapelles. Celles-ci composées d’une travée droite et d’une partie en hémicycle prononcent une forte saillie au pourtour du déambulatoire : leur décoration est analogue à celle de la chapelle du croisillon, mais la présence à l’intérieur des chapelles du chœur d’un arc doubleau qui sépare la travée droite de l’hémicycle est accusée au dehors par un pignon comme on en voit dans les églises d’Auvergne, pignon plus élevé au-dessus de la chapelle de l’axe qu’au-dessus des deux autres.
Les fenêtres basses — des chapelles et du déambulatoire — sont ébrasées ; les fenêtres hautes du déambulatoire le sont déjà moins, et les fenêtres hautes du chœur ne semblent plus l’être du tout. Ces dernières, ouvertes sous le cul-de-four de la grande abside dont la toiture repose sur une belle corniche à arcatures sont encadrées d’archivoltes couvertes de besants ; à la retombée des archivoltes on voit les chapiteaux des pilastres cannelés qui séparent les fenêtres.
Au-dessus du toit de l’abside apparaît le mur en pignon qui relie le cul-de-four à la voûte plus élevée de la travée droite du chœur. Dans ce mur de décrochement sont percées trois ouvertures, une fenêtre en plein cintre dans l’axe, et de chaque côté un oculus encadré d’un feston circulaire où sont découpés des demi-cercles comme à l’étage supérieur des fenêtres du gros clocher de Saint-Philibert de Tournus et au faux triforium de l’abbatiale de Cluny.
En contournant le chevet on arrive à la chapelle construite au XVe siècle en remplacement de la chapelle romane du croisillon méridional. De grandes baies à fenestrage flamboyant, celle du milieu entre deux contreforts, ajourent l’abside à trois pans.
Clocher central. — Le clocher octogonal qui se dresse de la croisée du transept a été reconstruit en 1860 par l’architecte Millet. Il a remplacé un clocher pittoresque mais délabré dont l’étage inférieur seul appartenait au XIIe siècle. L’étage supérieur avait été refait au XIVe siècle, et percé de huit grandes baies en tiers-point encadrant un fenestrage composé de deux baies jumelles allongées, amorties par des arcs tréflés, cantonnées de colonnettes et surmontées d’un quatre-feuilles. Un dôme à huit pans datant de 1810 nuisait à l’élégance de la construction. Les travaux de restauration ont rétabli deux étages du même style où toutes les baies du premier étage ont été aveuglées. Une flèche en charpente termine le clocher.
Telle est cette église d’une rare élégance, si précieuse par les dispositions et les détails empruntés à l'abbatiale de Cluny ; et, il faut le redire, d'une beauté décorative où la sculpture joue un rôle si discret. Et dans un pays qui est tout proche du foyer d’art qu’était le Brionnais, comment expliquer l'exceptionnelle nudité des tympans des trois portes de Paray ?
Le prieuré ; le château abbatial. — On ne peut clore cette étude sur la basilique de Paray sans mentionner les importants bâtiments du prieuré contigus au clocher Sud du porche et à l’église, reconstruits au XVIIIe siècle, enfermant un cloître de la même époque, dont les galeries ont reçu des voûtes d'arêtes, et sur lequel ouvre le portail du croisillon Sud. Ces bâtiments servent actuellement aux écoles de la ville. À l’extrémité Est de la façade exposée au Midi, on voit les restes d’un vaste édifice appelé le château abbatial : à l'un des angles se dresse une tour ronde à trois étages qui en faisait partie. En effet, dans un chapitre général tenu sous l’abbé Pierre II de Chastellux (1322-1344) le prieuré de Paray fut réuni à la mense abbatiale de Cluny, et cette annexion, confirmée par les papes Alexandre IV et Clément VI, semble avoir fait de Paray un lieu de villégiature des abbés. Vers la fin du XVe siècle, en 1480, l'abbé Jean de Bourbon éleva, près des constructions du prieuré un château achevé par son successeur Jacques d’Amboise, qui y mourut en 1516. Le cardinal de Bouillon, abbé commendataire de Cluny, tombé en disgrâce auprès de Louis XIV, y passa en partie le temps de son exil ; et ce serait à ce prélat grand seigneur, qui avait fait de Paray une résidence charmante et son séjour de prédilection en été et en automne que l’on doit la création des magnifiques avenues ombragées de platanes séculaires.
Hôtel de Ville de Paray-le-Monial (Maison Jayet)
L’Hôtel de Ville (maison Jayet). — Un joli édifice de la Renaissance habité longtemps par la famille Riballier, notable à Paray, est devenu vers 1854 l’Hôtel de Ville. Un riche marchand, Pierre Jayet, en fit commencer la construction en juin 1525 et vint l’habiter en mai 1528. Classée parmi les monuments historiques, cette curieuse maison à trois étages dont un au niveau des combles, présente une façade chargée de sculptures et de médaillons qui l’ont fait appeler la Maison des poupons. On y entre par une porte cintrée dont les pieds droits sont accompagnés de pilastres à chapiteaux, surmontée par une claire-voie garnie de balustres. À droite et à gauche de la porte sont de grandes baies cintrées, à encadrements moulurés, séparées par des pilastres qui montent sous une frise bordée de moulures. Cette frise, décorée de statues dans l’axe des pilastres, et de figures en buste dans des cadres rectangulaires ou dans des médaillons a reçu en son milieu, au-dessus de la porte du rez-de-chaussée de fines arabesques surmontées par une coquille sous un encorbellement. Aux deux extrémités de la frise se trouvent d’autres encorbellements supportant la base saillante de longues et fines tourelles engagées aux trois quarts dans la façade.
Au-dessus de la frise s’ouvrent les baies du premier étage, rectangulaires, à meneaux cruciformes, séparées par des pilastres ornés. Une seconde frise sépare le premier étage du deuxième ; elle est enrichie de coquilles ou de médaillons, surmontés eux-mêmes de têtes, séparés par de courts pilastres.
Le deuxième étage est ajouré comme le premier par des fenêtres à meneaux ; là encore apparaissent des médaillons et des dais richement sculptés qui abritaient des statues aujourd’hui absentes. Une troisième frise à coquilles, médaillons et pilastres se trouve sous l’appui des baies du troisième étage, à mi-hauteur desquelles court la corniche du toit. À ce niveau émerge le couronnement conique des trois fines tourelles alternant avec les gables pleins (les grandes et riches baies à meneaux. Ces gables présentent un écu à leur centre et se dressent entre deux pinacles sculptés. Quatre médaillons se voient encore à cette hauteur.
À l’intérieur il faut signaler des figures en buste sculptées et une belle cheminée.
Une inscription se lit sur la façade, à droite de la porte :
PIERRE : JAYET : HABITANT : A : PARAY :
TRENTE ; QVIZ : ANS : DE : SA : NATIVITÉ :
EN : MAY : LE : 4 : JOURS : 1525 : BIEN : COPTER :
CESTE : PLACE : ACHEPTA : ET : SANS : SEIOURNER :
EN : JUING : SUIVANT : COMASARE : A : BESOGNER :
TANS : DE : MASSONS : AVEC : DAULTRES : HOUURIER :
EN : CE : BATTYMENT : AINSSY : QUE : LE : VOYER :
QUE : EN : MAY : 1528 : ILZ : LY : VIN : HABITER :
NOCTER : DEVES : QUE : ILS : LUY : A : COUSTER :
DACHAPT : ET : BATTYMENT : ... FRANCS :
ET : DE : LA : PEYNNE : EN : A HEU : LARGEMENT :
VOUS : QUI : APRES : CY : SERES : IOUISSANT :
PRYE : A : DIEU : LE : TOUT : PUISSANT :
QUE SON : AME : EN : IOYE : SOIT : HETERNELLEM :
: AMEN :
AUDACES : FORTUNA : IUVAT :
On lit encore au-dessus de la porte sur les rubans que tiennent les génies :
1525 : FUT : COMACE : CESTE MAISON :
Saint-Nicolas et la tour de l’Horloge. — L’ancienne église Saint-Nicolas aujourd’hui ruinée, dont subsiste seulement la crypte transformée en cave, fut remplacée au début du XVIe siècle par une autre chapelle dédiée au même saint dont on voit encore les restes en face de l’Hôtel de Ville. La façade n’a rien de remarquable si ce n’est la fine tourelle audacieusement construite en encorbellement à la pointe du pignon. À cette chapelle est adossé un lourd clocher ou tour de l’Horloge surmonté par un dôme, œuvre du XVIe siècle également.
Musée. — Le musée eucharistique, ou Hiéron, renferme des collections géologiques, préhistoriques, et des antiquités ainsi que des œuvres d’art de tout genre. On y remarque un beau tympan du milieu du XIIe siècle qui ornait la porte principale du prieuré d’Anzy-le-Duc. Lorsque la porte fut démolie en 1791, ses débris furent remis en place dans le parc du château d’Arcy, situé sur la commune de Vindecy. Ils sont passés de là au Hiéron à Paray-le-Monial, où on peut les admirer.
Sous une voussure dont le gros tore est orné d’un rinceau de palmettes s’encadre le tympan où l’on voit le Christ enseignant assis dans une gloire en forme d’amande soutenue par deux anges sculptés presque en ronde bosse qui lui tournent le dos. La pose est hardie, un peu tourmentée, mais le dessin est bien composé et la sculpture est traitée avec une maîtrise consommée.
Au-dessous du tympan, sur le linteau, une Vierge-Mère assise au milieu est entourée à sa droite par les quatre Evangélistes et à sa gauche par quatre Saintes femmes. Le groupe de la Vierge avec l’Enfant à demi renversé sur ses genoux est fort gracieux. Cette œuvre est bien de la même école et de la même date que les sculptures du porche de Charlieu et de la porte de Saint-Julien-de-Jonzy.
Carte des églises du Brionnais - Cliquez pour agrandir
III. LES ÉGLISES DU BRIONNAIS
Au voisinage de Paray-le-Monial, vers le Sud, se trouve le Brionnais, petit pays de l'ancienne Bourgogne. Plus étendu autrefois, il est aujourd’hui réduit dans le département de Saône-et-Loire, sur la rive droite de la Loire entre Digoin au Nord et l’embouchure du Sornin au Sud, en face de Briennon. Il a le Mâconnais à l’Est, le Lyonnais au Sud, une partie du Forez et du Bourbonnais à l’Ouest et le Charollais au Nord.
Il s’étend entre Charolles au Nord et Charlieu au Sud, de l’Arconce au Sornin, en collines et en petites montagnes adossées à l’Est au massif granitique et porphyrique du Beaujolais.
Il avait pour capitale Semur-en-Brionnais, était compris dans le comté de Charollais et formait un des 39 bailliages du duché de Bourgogne. Au point de vue religieux, il était partagé entre les diocèses de Mâcon et d’Autun. C’était dans l’antiquité une partie du territoire des Brannovii, clients des Eduens.
Jusqu'au début du XVIe siècle, le Brionnais s’étendait sur les deux rives de la Loire, et se divisait en haut, moyen et bas Brionnais, La partie supérieure à l'Est, entrecoupée de collines et de bois a les plus riches pâturages et nourrit un magnifique bétail à Oyé, à Saint-Christophe ; elle va jusqu’à Semur. Le moyen Brionnais est au-dessous et s’étend sur la rive droite de la Loire de l’embouchure du Sornin jusqu’à Digoin. Marcigny. Anzy-le-Duc, Iguerande, Montceaux-l’Étoile en font partie. Cette région n’était presque, au Xe siècle, qu’une vaste forêt. Le bas Brionnais était de l’autre côté de la Loire.
C’est dans ce pays que se trouvent groupées nombre d’églises de l’époque romane, fort intéressantes et très variées d’aspect, dont beaucoup offrent une décoration sculptée qui mériterait d’être mieux connue. Il y a là, parfois juxtaposés comme les tympans d’Anzy-le-Duc, des morceaux archaïques et d’autres qui témoignent d’un foyer d’art beaucoup plus avancé, en possession de tous ses moyens, développé vers le second quart du XIe siècle, très probablement sous l'influence de Cluny, Il faut ajouter enfin que la région brionnaise riche en beaux matériaux et notamment en carrières de pierre calcaire de lit épais, de belle coloration, au grain tendre et fin, était une terre d’élection pour les sculpteurs.
Je ne puis, dans le peu de place dont je dispose, étudier sérieusement les églises du Brionnais et leur décoration, je veux simplement, dans une revue rapide, noter les caractères des principales d’entre elles et l’intérêt qu’elles présentent au point de vue de l’art.
Église de Montceaux-l’Étoile, chapiteau et tympan (en haut)
Église de Montceaux-l’Étoile. — En quittant Paray-le-Monial dans la direction de Roanne, près de la seconde station qui est Montceaux-l’Étoile on trouve une petite église dédiée aux saints Pierre et Paul, régulièrement orientée et soigneusement construite en moyen appareil mêlé de moellons. Elle est à nef unique voûtée en berceau sans doubleaux ; une travée plus étroite en avant de l’abside est voûtée en coupole sous le clocher. L’abside, voûtée en cul-de-four, a son hémicycle décoré d’arcades appliquées, à l’intérieur desquelles s’ouvraient des petites fenêtres en plein cintre.
Au XVIIIe siècle le fond de l’abside a été percé pour communiquer avec une chapelle nouvellement construite en arrière.
À l’extérieur, la façade, débarrassée par une restauration récente d'un porche sans style qui l’avait longtemps masquée, s’élève toute simple, ornée seulement d’un portail sculpté où réside surtout l’intérêt de cet édifice, portail surmonté d’une fenêtre en plein cintre profondément ébrasée, dominée par un pignon.
L’élévation latérale de la nef présente quatre contreforts droits, dont le glacis vient mourir sous les modillons sculptés au-dessous de la corniche du toit. Entre les contreforts s’ouvrent trois baies fortement ébrasées.
Le clocher qui s’élève au-dessus de la coupole, monté sur le plan carré à deux étages ajourés par une baie géminée sur chaque face, baie ornée de deux colonnettes, l’une derrière l’autre, à la retombée commune des deux arcs. Les baies de l’étage inférieur sont établies un peu en retrait sous des arcades dont les pieds droits et les voussoirs sont à arêtes vives. Des cordons de pierres moulurés séparent les étages. À celui d’en haut les baies géminées n’ont pas reçu d’encadrement, mais sous la corniche de la pyramide du toit apparaît une arcature lombarde.
Sous la corniche de l’abside on voit des modillons sculptés de petits magots et de têtes d’animaux.
Toute cette construction paraît appartenir au début du XIIe siècle.
Les montants de la baie du portail sont cantonnés de colonnes à bases ornées de rinceaux feuillus très saillants et à chapiteaux historiés. Des tailloirs richement moulurés s’interposent entre les chapiteaux et la retombée des voussures intérieures de l’archivolte. Celle-ci, à cinq voussures, est constituée vers l’intrados par un tore nu enveloppé d’un rang garni par ce motif bizarre que l’on voit au portail du croisillon Nord de la basilique de Paray, en forme de petits sachets dont les quatre coins sont rabattus ; un bandeau bordé de moulures, puis un gros tore nu et un dernier bandeau mouluré complètent l’archivolte.
Sous le cintre, tympan et linteau sont faits d’une pierre unique où est figurée comme à Anzy-le-Duc et à Saint-Julien-de-Jonzy la scène de l’Ascension. En haut, dans une gloire en forme d’amande soutenue par deux anges qui s’envolent, le Christ nimbé s’élève debout. L’envolement des anges tournant le dos à la gloire qu’ils soutiennent d’une main, montrant de l’autre le ciel, est charmant de grâce un peu tourmentée. Sur le linteau habilement groupés en une scène pleine de mouvement et de vie, sont sculptés en bas-relief quatorze personnages nimbés, tous debout, la tête et les bras levés, contemplant l’ascension du Christ. Au milieu on distingue la Vierge et saint Pierre que désigne une énorme clef. La variété des attitudes est remarquable ainsi que le groupement très étudié de toutes ces ligures. Il n’y a plus ici d’archaïsme, ni rien de la raideur et de l’immobilité byzantine : c’est une belle composition qui marque une évolution dans l’art de la sculpture.
Les corbeaux des impostes de la porte représentent l’un un oiseau à tête humaine, l’autre saint Michel terrassant le démon. L’équipement guerrier de saint Michel date cette sculpture du commencement du XIIe siècle ; le bas-relief de l’Ascension est sans doute d’une époque un peu postérieure.
Plan de l'église d'Anzy-le-Duc - Église - Clocher - Chapiteau (à droite)
Anzy-le-Duc. — En quittant Montceaux-l’Étoile on gagne rapidement Anzy-le-Duc distant de 4 kilomètres à peine par une route qui remonte le cours de l’Arconce. L’église, que son clocher signale au loin, régulièrement orientée, est dédiée à la Trinité, à la Sainte-Croix et à la Vierge-Mère. Elle appartenait au diocèse d’Autun et dépendait d'un prieuré de l’abbaye de Saint-Martin de la même ville.
Son plan que Jean Vallery-Radot a justement comparé à celui de Charlieu comporte une nef de cinq travées accompagnées de collatéraux, coupée par un transept dont les croisillons à saillie prononcée sont munis à l’orient de chapelles en hémicycle. Au-delà du transept, nef et collatéraux se prolongent en une travée droite et se terminent en abside et absidioles en hémicycle de profondeur décroissante, suivant le type dit « bénédictin ». L’abside principale est allongée dans son axe par une dernière absidiole qui s’ouvre sur elle : c’est une disposition fort rare, qui existait également au prieuré de Charlieu.
La nef est voûtée non par un berceau, comme c’est la règle absolue dans l’ancien diocèse de Mâcon, mais par des compartiments d’arêtes séparés par des doubleaux redoublés en plein cintre ; il y a dans l’ancien diocèse d’Autun quelques exemples de nefs ainsi voûtées, et on peut citer dans le voisinage du Brionnais les églises de Gourdon, de Toulon-sur-Arroux, de Bragny-en-CharolIais, de Saint-Lazare d’Avallon et de Pontaubert. La Madeleine de Vézelay en est le représentant le plus célèbre. Les collatéraux ont reçu également des voûtes d’arêtes séparées par des doubleaux. Les piliers de la nef, cruciformes, ont reçu de trois côtés — sauf vers les collatéraux — des colonnes engagées. Les grandes arcades sont en plein cintre, doublées.
La hauteur de la nef, par rapport aux bas-côtés, a permis un éclairage direct par les fenêtres d’assez grandes dimensions ; d’autres fenêtres se voient à chaque travée de collatéral. De plus, la grande nef a reçu un supplément de lumière par une grande baie en plein cintre ouverte dans la façade.
La présence d’une crypte a exigé la surélévation du sol dès la croisée du transept, qui est voûtée par une coupole sur trompes en cul-de-four ; un berceau, plus bas que les nefs, couvre les croisillons ainsi que la travée droite du chœur et la petite travée de l’absidiole qui prolonge dans son axe l’abside principale ; à la travée droite qui correspond aux absidioles on retrouve des voûtes d’arêtes ; tous les hémicycles sont voutés en cul-de-four.
II faut signaler dans la décoration intérieure de l'église, en plus d’une riche collection de chapiteaux historiés (24) à la retombée des doubleaux de la nef et à celle des grandes arcades, la corniche au-dessus de laquelle s’élève le cul-de-four de l’abside. Cette corniche, formée d’une petite arcature supportée par des pilastres, reproduit à l’intérieur de l’hémicycle central la décoration si fréquente à l’extérieur des nefs, des absides ou des clochers de ces régions — surtout dans la vallée de la Saône — des bandes et arcatures lombardes. Leur emploi à l’intérieur est fort rare : on les trouvait cependant à la grande abside de l’abbatiale de Cluny, et on les rencontre à la basilique de Paray-le-Monial, et à Saint-Germain-des-Bois.
Y a-t-il eu, comme le prétend M. André Rhein, deux campagnes dans la construction ? C’est fort probable et les raisons qu’il donne ont de la valeur. Tout le chevet, jusqu’au carré du transept inclusivement, serait de la deuxième moitié du XIe siècle, mais la nef et les collatéraux ont dû, je pense, suivre d’assez près. Tout l’édifice est antérieur au milieu du XIIe siècle.
D’anciennes peintures, peut-être de la fin du XIIe siècle, avaient disparu sous une couche de badigeon ; elles furent dégagées de 1850 à 1856, mais leur mauvais état exigeait une restauration qui fut opérée — trop généreusement — par un peintre du pays.
À l’extérieur l’église d’Anzy a beaucoup de caractère. La façade, très simplement conçue et soigneusement bâtie en bel appareil d’un calcaire coloré marque d’emblée les divisions intérieures : la partie centrale limitée par de hauts contreforts à deux ressauts terminés par un glacis s’élève notablement au-dessus des bas-côtés. Elle présente au rez-de-chaussée le portail d’entrée, important et qui devait être fort beau, mais dont la décoration sculptée a été saccagée. Au-dessus du portail une très vaste baie à plein cintre, dont l’archivolte est formée d’un gros tore retombant sur les chapiteaux de deux colonnettes ; au-dessus le mur de façade en pierres rouges et jaunes se termine en pignon percé d’une baie rectangulaire pour l’aération des combles.
Le portail, avec linteau et tympan sculptés, a reçu un encadrement dont l’archivolte à deux voussures de forte saillie en retrait l’une sous l’autre, porte sous les tailloirs moulurés de colonnes, deux de chaque côté, dont les bases et les chapiteaux ont été martelés. La première voussure montre deux boudins entre lesquels un large cavet est décoré de figures verticales où l’on peut reconnaître les vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse. Dans la seconde voussure se trouve un rinceau. Les bases des colonnes offrent entre deux fortes baguettes couvertes de palmettes une échine renversée ornée de rinceaux : c’est le type des bases de Montceaux-l’Étoile mais moins accentué. Les chapiteaux étaient décorés de feuillages et de petits personnages couronnés.
La baie présente aux impostes des consoles historiées. Au centre du linteau on reconnaît la Vierge et de chaque côté six apôtres ; le tympan figure l’Ascension mais non plus en mouvement comme à Montceaux-l’Étoile : deux anges debout, joliment dessinés y soutiennent l’amande mystique où le Christ est figuré assis, un livre à la main, les pieds sur un tabouret.
L’élévation latérale est toute simple : elle n’offre au niveau des collatéraux que la saillie des contreforts qui marquent les travées, les baies en plein cintre des fenêtres, puis la corniche sur modillons sculptés. Au-dessus de la toiture en appentis s’élève la muraille latérale de la nef avec contreforts, fenêtres et corniche à modillons sous la toiture. Chaque croisillon, sensiblement bien élevé que la nef se termine par un mur en pignon étayé de contreforts et percé d’une baie en plein cintre. Mais au-dessus de la croisée se dresse le plus beau clocher de la région, magnifique tour octogonale à trois étages de baies couronnée par une pyramide très basse. Les deux étages inférieurs sont identiques et séparés l’un de l’autre ainsi que du troisième par des corniches à arcatures lombardes dont les bandes verticales reliées d’une face à l’autre embrassent les arêtes de la construction. À chaque pan de chaque étage une arcade en plein cintre encadre deux baies géminées à double voussure ; une colonnette apparaît à la retombée commune. À l'étage supérieur les voussures extérieures reposent sur des colonnettes placées aux angles des pieds-droits, et les moulures dès impostes contournent des bandes verticales plus étroites qu’aux étages inférieurs. La corniche haute n’est pas une arcature mais une tablette posée sur des modillons.
Le chevet ne présente ni contreforts ni moulures aux fenêtres : seules les corniches à modillons à copeaux ou sculptés d’animaux ou de magots, ornées sous la tablette d’animaux affrontés, de figurines ou de palmettes constituent une décoration sommaire.
Une crypte s’étend sous le chœur et les absidioles et affecte le même plan. Les voûtes d’arêtes de la nef centrale reposent sur des piles cylindriques au nombre de six dont quatre sont des fragments de fûts antiques ; les chapiteaux sont nus. Cette crypte détachée de l’église au XVIIIe siècle est propriété privée.
Dans les dépendances de l'ancien prieuré encore debout au Sud, près d’un donjon rectangulaire du XIIe siècle, un portail de l’enceinte nous a été conservé avec linteau et tympan historiés sous une archivolte d’encadrement reposant sur des chapiteaux sculptés de petits personnages. Des consoles ornées d’animaux supportent le linteau qui figure la séparation des élus et des damnés au Jugement dernier. Deux scènes illustrent le tympan : à gauche, la Vierge assise sur une sorte de trône a sur ses genoux l’Enfant Jésus que viennent adorer les Mages ; à droite, c’est la désobéissance d’Adam et d’Ève séduite par le serpent, et mangeant le fruit défendu.
Cet important morceau de sculpture primitive, de travail encore très fruste, annonce le style des tympans d’Autun et de Vézelay, et diffère étrangement d’un autre portail qui était situé à peu de distance de la façade de l’église, vers l’Ouest. On ne le voit plus à Anzy ; il a été démoli et transporté d’abord à Arcy, puis à Paray-le-Monial où il est exposé au Musée du Hiéron.
Chevet de l’église de Semur-en-Brionnais - Porte principale - Porte au nord - La nef, vue du chœur
Semur-en-Brionnais. — De la station de Marcigny-sur-Loire il n’y a guère plus de 4 kilomètres pour atteindre Semur qui faisait partie du diocèse d’Autun et dont la belle église a été bâtie à la fin de l’époque romane. Ses proportions, le fini de son exécution, ses formes architectoniques où se reconnaît l’influence de la cathédrale d’Autun de l'abbatiale de Cluny et des églises de Paray-le-Monial et de Beaune en font un édifice remarquable où la décoration sculptée n’a joué qu'un rôle effacé. Les représentations historiées ont été reléguées dans l’ornementation extérieure des portes, tandis qu’à l'intérieur les chapiteaux sont ornés de motifs empruntés à la flore indigène, de crochets végétaux qui montrent la voie où va s’engager la sculpture du XIIIe siècle.
L’orientation est régulière et le plan comporte une nef flanquée de collatéraux coupée par un transept à peine saillant au delà duquel nef et collatéraux se prolongent en une travée de chœur et deux travées latérales terminées en abside et absidioles en hémicycle.
La nef était voûtée en berceau brisé sur doubleaux à double voussure. Il ne subsistait depuis les incendies du XVIe siècle que les doubleaux et la voûte de la quatrième travée. Maladroitement restaurée au début du XIXe siècle, la voûte est aujourd’hui un berceau en plein cintre qui s’accommode fort mal avec les doubleaux brisés et masque une partie de l’oculus de la façade. Les bas-côtés sont voûtés d’arêtes avec doubleaux brisés.
Les piliers cruciformes sont cantonnés latéralement de demi-colonnes et vers la nef de pilastres cannelés ; ces pilastres montés jusqu'à la corniche au-dessus de laquelle s’établit le triforium continuent en demi-colonnes jusqu’à la retombée des doubleaux de la maitresse voûte.
Les grandes arcades en cintre brisé ont double rang de claveaux en retrait l’un sur l’autre, à arêtes vives ; ils sont surmontés de l’élégante corniche du triforium dont les arcades brisées portées par des colonnettes forment une galerie décorative non aménagée pour la circulation. Il en est ainsi à Paray, à Autun, etc.
Au-dessus du triforium s’ouvrent les fenêtres de la nef ; il y en a une par travée, de chaque côté.
Les croisillons sont voûtés en berceau brisé, sensiblement moins élevé que celui de la nef, tandis que la croisée est surmontée par une lanterne octogonale sur trompes, ornée d’arcades appliquées dont une seule, au-dessus de l’arc triomphal, est percée d’une fenêtre. Une coupole surmonte la lanterne.
La travée droite du chœur a reçu un berceau brisé et les travées latérales ont des voûtes d’arêtes. Des culs-de-four ovoïdes couvrent l’hémicycle de l’abside et des absidioles. Le mur de l’abside est orné de trois fenêtres ouvertes dans un revêtement d’arcades, au nombre de cinq, dont les pieds-droits sont des colonnettes ou des pilastres alternés.
Avant de quitter l’intérieur de l’église, si l’on se retourne vers le mur de façade, on voit au-dessus de la porte, au niveau du triforium, une tribune établie sur un encorbellement formé de douze assises de pierre en saillie progressive. Le pourtour de ces assises est arrondi en forme de tores. On ne voit guère par où on accédait à cette curieuse tribune, très probablement inspirée par la chapelle Saint-Michel établie en encorbellement au-dessus du grand portail à l’intérieur de l’église abbatiale de Cluny.
À l'extérieur, deux contreforts construits au droit des murs de la nef divisent la façade en trois parties correspondant à la nef centrale et aux collatérales. Ces dernières offrent une baie en plein cintre cantonnée de colonnettes, surmontée d’une meurtrière. Quant au panneau central, au-dessous d’un bel oculus éclairant la partie haute de la nef, il présente au rez-de-chaussée un portail d’une riche décoration. Une archivolte à trois voussures en cintre brisé — qui indique le XIIe siècle avancé — encadre la baie de la porte dominée par un linteau et un tympan historié : la voussure extérieure repose sur des pilastres à entrelacs, la deuxième sur des colonnettes à fûts torses, la troisième sur des colonnettes dont les fûts sont ornés de ce motif singulier que nous avons déjà vu à Montceaux-l’Étoile et à Paray-le-Monial, en forme de petits sachets dont les coins sont rabattus. Les bases et même les socles des pilastres et colonnettes sont profondément refouillés, les chapiteaux chargés d’acanthes et de palmettes ont un galbe oriental, sauf celui de la colonne intérieure de droite où deux personnages, une femme et un homme, symbolisent l’impureté. Les voussures ont reçu une décoration analogue à celle de leurs supports : un tore et un bandeau s’interposent entre la seconde et l’extérieure dont le bandeau ciselé d’entrelacs est entouré d’un rang d’oves enrubannés que l’on rencontre fréquemment. À la clef de cette voussure extérieure on voit l’Agneau nimbé comme à Charlieu.
Au tympan, dans une gloire en forme d’amande portée par deux anges aux ailes bizarrement croisées, et entourée par l’aigle, l’homme ailé, le lion et le bœuf symboles des Evangélistes, apparaît le Dieu de Majesté assis, bénissant de la main droite levée, et tenant de la gauche le Livre de la vie appuyé sur son genou. En dehors de la tête divine qui a été refaite, cette sculpture est grossière et assez malhabile.
Le linteau représente une scène de la légende de saint Hilaire, patron de l’Église : c’est le concile de Séleucie en 359, où l’évêque de Poitiers est allé combattre l’arianisme. Entre les évêques assis sur des sièges allongés, plane au-dessus de saint Hilaire humblement assis à terre l'ange qui va le soulever au niveau des Pères du Concile. À droite est figurée la mort du pseudo-pape Léon. Cette curieuse sculpture traitée dans la tradition archaïque paraît étrange dans un édifice d’architecture aussi avancée.
Dans l’élévation latérale, entre les contreforts sont percées des baies ornées de colonnettes à chapiteaux feuillus, à archivoltes en plein cintre, moulurées, posées sur des tailloirs qui se prolongent sur le nu du mur. Dans chaque collatéral s'ouvre une porte en plein cintre richement décorée : celle du Sud, moins importante, surmontée d’un linteau et d’un tympan orné d'une croix ansée, est encadrée par une archivolte où la mouluration est accompagnée d'un joli feston ; des colonnettes munies de chapiteaux à feuillages cantonnent les pieds-droits. La porte au Nord est très belle : son linteau, orné de cinq grandes rosaces enguirlandées dans un galon en forme de médaillon, porte un tympan encadré d’un rang de perles, garni de trois fleurons convergents en palmettes, comme on en voit à Charlieu et à La Bénissons-Dieu. La voussure intérieure à gros câble tordu en spirale qui s’appuie sur une corniche à patinettes barrant horizontalement tout le portail au-dessus du linteau. La partie de voussure qui avoisine le câble torse se compose d’une échine séparée par un grain d’orge d’un bandeau parcouru par un listel biais. La voussure enveloppante, en forme de bandeau plat, a reçu un rang d’oves enrubannés et un rang ou plutôt quatre rangs de fines billettes analogues à ce que l’on voit à la porte du croisillon Nord de Paray et au porche de Charlieu.
Les retombées de la voussure intérieure portent par l’intermédiaire de la corniche à palmettes sur le tailloir des chapiteaux de deux colonnettes à fût lisse, tandis que deux pilastres ornés l’un de rosaces enguirlandées comme celles du linteau et l’autre de deux rangs d’oves entre des baguettes verticales correspondent à la voussure extérieure. L’effet remarquable de ce portail est complété par la jolie fenêtre à colonnettes qui le surmonte.
Au-dessus du toit en appentis des collatéraux, apparaissent aux murs de la nef la montée des contreforts entre les travées et les belles fenêtres richement encadrées d’archivoltes et de colonnettes. Le mur de fond des bras du transept, amorti en pignon est accompagné de contreforts montés jusqu’à mi-hauteur d’un encadrement mouluré percé d’un oculus et terminé à sa partie supérieure par une arcature formée de deux petits arcs en plein cintre juxtaposés. Le même encadrement se trouve au chevet sous le pignon du mur de décrochement qui ferme à l’orient la travée de chœur et la relie à la voûte en cul-de four de l’abside.
Au chevet s’arrondissent les absidioles qui n’ont pas de contreforts et sont percées d’une seule fenêtre nue, et l’abside flanquée de deux contreforts séparant trois fenêtres en plein cintre, de forme allongée, sans décoration. Les contreforts montés sur plan rectangulaire sont en deux parties : l’inférieure, élevée jusqu’aux deux tiers de la hauteur des fenêtres, sert de soubassement à la partie supérieure en forme de pilastres avec bases et chapiteaux à feuillages et patinettes dont les tailloirs portent les glacis. À la base du toit est une jolie corniche à arcature comme à l'abside de Paray-le-Monial.
Le clocher construit au-dessus de la croisée du transept est une construction octogonale, à deux étages de baies, terminée par un pavillon à huit pans très bas. L’étage inférieur présente à chacune de ses faces deux baies géminées, aveugles, en plein cintre, dont les archivoltes ornées de moulures et de billettes sont portées par trois colonnettes, une sous la retombée commune des arcs, les autres sous les retombées extrêmes.
L’étage supérieur est séparé de l’autre par une corniche posée sur des denticules. Chaque face est encadrée, tout près des arêtes, par des colonnettes engagées réunies en haut par une arcature en petits arcs brisés, souvenir évident des arcatures et des bandes lombardes. Au milieu de cet encadrement, qu’elle remplit entièrement, une arcade dont l'archivolte en cintre brisé se décompose en trois voussures en retrait les unes sous les autres abrite deux baies géminées eu plein cintre dont les pieds-droits sont à arêtes vives et qui ont à leur retombée commune une colonnette. Les trois voussures correspondent de chaque côté à trois colonnettes, et cet ensemble forme un ébrasement aux baies. Les chapiteaux des sept colonnettes qui ornent chacune des faces de cet étage sont romans, du même style que ceux que l’on voit dans le reste de l'édifice. Il semble bien que cet étage, souvent considéré comme une œuvre du XIIIe siècle, peut appartenir à la même époque que toute l’église, soit au dernier quart du XIIe siècle.
L’église de Varenne-l’Arconce - Porte (en haut)
Varenne-l’Arconce. — Varenne-l’Arconce, sur un coteau en plein cœur du Brionnais, à 13 kilomètres au N.-E. de Semur, possède une église fort intéressante. C’est un bon exemple, après les types que nous venons de décrire, de la variété qu’impose aux formes de l’architecture et à la décoration la nature des matériaux employés, généralement extraits des carrières du voisinage. Le grès dont elle est bâtie a restreint la décoration sculptée et lui a donné un caractère d’énergie beaucoup plus que de finesse.
L’église, d’une bonne conservation et d’ailleurs habilement restaurée, bien homogène, dépendait d’un prieuré qui fut détruit pendant les guerres de la Ligue. Fondé en 1045 par l’abbé de Cluny saint Odilon, le prieuré fut donné en 1094 au couvent de Marcigny, et il est fort possible que l’église ait été construite peu après, dans les premières années du XIIe siècle. Dédiée à la Vierge et à saint Pierre elle faisait partie du diocèse d’Autun.
Le plan est cruciforme : c’est une nef de trois travées, sans étagement, flanquée de bas-côtés ; le transept fait une saillie prononcée ; le chœur est simple, à une seule nef d’une travée terminée par une abside en hémicycle. La nef est voûtée en berceau brisé, les collatéraux ont des voûtes d’arêtes ; les bras du transept et la travée de chœur ont des berceaux brisés ; la croisée du transept a une coupole sur trompes et l’abside un cul-de-four.
Les grandes arcades sont en cintre brisé, doublées ; les piliers, de plan cruciforme, sont cantonnés de colonnes engagées sur trois faces, sauf vers le collatéral ; les chapiteaux de la nef sont historiés ou à décoration végétale.
Une série de cinq arcades appliquées, en plein cintre avec colonnettes, orne le pourtour de l’abside ; les deux extrêmes sont aveugles, les trois autres servent d’encadrement aux trois fenêtres. Un cordon horizontal qui marque la naissance de la voûte en cul-de-four est relié par des pilastres cannelés aux chapiteaux des colonnettes.
La nef, sans étagement, est éclairée par les fenêtres des bas-côtés et par une grande baie en plein cintre ouverte dans la façade.
À l’extérieur, l’absence d’étagement à la nef donne à la façade d’ailleurs bien composée, un aspect robuste et trapu. Très soigneusement construite en moyen appareil elle présente au centre un parement en saillie formant avant corps qui correspond à la nef tandis que le mur des bas-côtés, en léger retrait n’offre dans son élévation de chaque côté qu’une très petite fenêtre cintrée et plus haut une baie d’aération pour le comble en appentis ; un contrefort est à l’angle de l’édifice.
La partie centrale de la façade est à trois étages : au rez-de-chaussée la porte est surmontée d’un linteau et d’un tympan sans sculptures, encadrés par une archivolte à plusieurs voussures formées surtout de gros tores joliment enveloppés par une rangée de billettes sur trois lignes. À leur retombée les voussures s’appuient sur une corniche profilée dans toute la largeur de l'avant-corps de la façade, sauf sur le linteau, comme à Semur. Dans les angles formés par les retraits successifs de la maçonnerie du portail, retraits à arêtes vives formant pieds-droits, sont logées de chaque côté deux colonnettes à chapiteaux assez primitifs.
Au-dessus du portail qu’une importante et robuste corniche sépare de l’étage, ce dernier a reçu une très heureuse décoration. Au milieu s’ouvre une grande baie profondément ébrasée, encadrée de moulures dont une creusée en sorte de cavet, accompagnée à droite et à gauche d’une fine et longue colonnette dont le chapiteau s’abrite sous la corniche supérieure. Chaque extrémité de la façade de l’étage s’orne d’un pilastre cannelé, avec base et chapiteau, appuyé à un dosseret formant contrefort, qui réunit les deux corniches. Entre ce pilastre et la longue colonnette le parement du mur est décoré d’une courte arcature de deux petits arcs en plein cintre.
Au-dessus de la corniche supérieure, sous un pignon surélevé pour rompre la monotonie de lignes qu’offre le couronnement d’une façade d’église à trois nefs sans étagement, s’ouvre encore une baie en plein cintre.
Il faut signaler dans l’élévation latérale une porte donnant accès au bas-côté sud. Très simple, avec des montants à arêtes vives, elle est surmontée d’un tympan représentant l’Agneau crucifère. Autour du tympan, cinq claveaux, portant chacun une grosse rosace sont encadrés par une archivolte à moulures. À la partie inférieure du tympan, une ligne de petits besants se prolonge sous les retombées de la voussure à rosaces.
Robuste comme le reste de l’édifice le clocher, élevé au-dessus de la croisée du transept sur le plan carré, à deux étages de baies, couvert par un toit en pyramide à quatre pans, offre de l’analogie avec le clocher Nord du porche de Paray, avec le clocher de Vareilles, celui de Saint-Laurent-en-Brionnais, etc.
Chacune de ses faces, accompagnée vers les arêtes par une longue colonnette engagée qui monte du soubassement au toit, est partagée dans son milieu par une troisième colonnette pareille aux autres. L’étage inférieur s’élève un peu en retrait sur la corniche du soubassement. Il est percé sur chaque face de deux baies à double voussure en plein cintre dont l'intérieure porte sur des colonnettes. Au-dessus des chapiteaux de ces colonnettes le tailloir se profile en moulure tout autour du clocher. Les deux baies sont séparées l’une de l’autre par un massif de maçonnerie où monte la colonnette qui partage chacune des faces. Au-dessus d’une autre corniche s’élève l’étage supérieur où, de chaque côté de la colonnette médiane s’ouvrent deux baies géminées encadrées sous une archivolte dont la moulure rejoint celle des tailloirs des colonnettes des baies, moulure qui entoure le clocher. Plus haut encore une autre moulure court horizontalement tout autour de la construction. C’est sans doute à ce niveau qu’à l’origine la tour s’arrêtait. Les travaux de restauration ont supprimé la plus grande partie d’un étage crénelé surélevé peut-être dès le XIVe siècle dans un but de défense.
Iguerande. — L’église d’Iguerande, sous le vocable de saint André, bâtie au sommet d’un coteau escarpé en bordure de la rive droite de la Loire, appartenait à l’ancien diocèse de Mâcon et était sous le patronage de la prieure de Marcigny depuis 1088. La date est à retenir, car elle doit correspondre à pou près à l’époque de la construction.
C’est un édifice aussi massif et plus trapu encore que l'église de Varenne-l’Arconce, et, comme cette dernière, à trois nefs de trois travées sans étagement, à transept de saillie prononcée, à chœur à trois nefs terminé par une abside et deux absidioles. Au-dessus de la croisée du transept voûtée par une belle coupole octogonale s’élève le clocher très trapu.
La nef est voûtée en berceau plein cintre sur arcs doubleaux doublés ; les collatéraux ont des voûtes d’arêtes et communiquent avec la nef par de grandes arcades en plein cintre ; les bras du transept sont voûtés en berceau plein cintre ainsi que la travée principale et les travées collatérales du chœur.
Les piliers de la nef sont montés sur plan carré à colonnes engagées aux quatre faces ; au carré du transept le plan des piliers est cruciforme et deux faces seulement ont des colonnes.
La nef, sans étagement, n’est éclairée directement, comme à Varenne-l’Arconce, que par une grande fenêtre en plein cintre ouverte au-dessus de la porte de façade ; la lumière lui vient surtout par les fenêtres des bas-côtés ; une fenêtre est percée dans le mur de fond de chaque bras du transept ; le chœur a deux baies latérales, l’abside en a trois et les absidioles une.
Les chapiteaux des colonnes engagées forment à l’intérieur de cette église une collection intéressante à signaler.
À l’extérieur, la façade large et trapue est terminée en haut par un pignon à deux pentes d’inclinaison peu accentuée — une seule toiture à deux rampants embrassant les trois nefs — et le parement du mur qui correspond à la nef centrale est, comme à Varenne-l’Arconce, sans que les deux façades puissent être comparées, en légère saillie sur celui qui ferme les collatéraux. Deux contreforts limitent cette région qui présente en son milieu un grand portail en plein cintre ou linteau et tympan appareillé sent privés de décoration ; les pieds-droits de la baie sont en forme de demi-colonnes avec bases et chapiteaux dont la sculpture archaïque manque de relief. Une archivolte formée surtout d’un gros tore est reçue à ses retombées par deux colonnettes à bases, chapiteaux et tailloirs sculptés ou plutôt graves de motifs empruntés au règne végétal ; un cordon mouluré encadre l'archivolte et, au niveau des tailloirs, se profile horizontalement jusqu’aux contreforts.
Au-dessus de la porte est une fenêtre en plein cintre sans décoration, déjà signalée à l'intérieur. Aux angles de la façade d’autres contreforts viennent épauler la construction. Il n’y a rien à dire de l’élévation latérale ni du chevet.
Le clocher, carré, fort lourd, couvert par une pyramide à quatre pans très obtuse, dont l’étage inférieur est plutôt un soubassement, présente un étage correspondant au beffroi où chaque face est ornée de deux arcades en plein cintre, dont l'archivolte a reçu une simple moulure torique et dont les pieds-droits sont à arêtes vives ; à l’intérieur de chacune de ces arcades s’ouvrent deux baies géminées en plein cintre dont les retombées pèsent sur des colonnettes La silhouette de cette tour rappelle celle de Saint-Martin-d’Ainay à Lyon.
Portail du porche de l’église de Charlieu
Charlieu. — Charlieu était de l’ancien diocèse de Mâcon, et son abbaye du IXe siècle, soumise depuis 930 à Cluny fut alors réduite au rang de prieuré. L’abbé de Cluny Odilon fit reconstruire au commencement du XIe siècle les bâtiments conventuels. De l’église monastique consacrée en 1094 sous le vocable de saint Fortunat, détruite à la Révolution mais dont le plan nous est bien connu par les fouilles de Noël Thiollier et de Jean Bernard, — plan très voisin de celui de l’église d’Anzy-le-Duc, il ne reste aujourd’hui que la première travée de la nef et des bas-côtés, avec la façade masquée par l’admirable porche du XIIe siècle. Au carré du transept s’élevait un clocher dont la flèche fut foudroyée le 8 mai 1638.
À cette première travée qui nous est restée on voit que les piliers de plan cruciforme étaient cantonnés vers la nef et les grandes arcades de colonnes engagées, à bases archaïques ainsi que les chapiteaux, les premières décorées de lions, d’entrelacs ou de plusieurs boudins, les seconds d’hommes dévorés par des lions ou de feuillages recourbés aux angles en forme de crochets. Les moulures des tailloirs sont des cavets, des baguettes ou des bandeaux. Du côté du collatéral la colonne engagée est remplacée par un simple pilastre. Les grandes arcades sont à double voussure et à plein cintre. La première travée de chaque collatéral a conservé sa voûte d’arêtes.
Du côté de l’église le linteau de la porte de façade, supporté par des consoles à petits personnages, est décoré de palmettes plates. Au-dessus s'ouvre une vaste baie dont l’archivolte à boudin orné de feuilles repose sur des colonnettes d'angle dont les bases sont en torsades, les chapiteaux garnis de sirènes ou de griffons, les tailloirs de billettes. À mi-hauteur cette baie est accostée de part et d’autre d’une arcade aveugle avec colonnettes. Un double cordon, dont la moulure intérieure est torse, encadre à leur partie supérieure ces trois arcades.
Le porche à étage appliqué en avant de la façade occidentale au second quart du XIIe siècle a heureusement échappé à la ruine de l’église. Il a été très soigneusement appareillé en beaux matériaux et se trouve en excellent état de conservation. La façade où s’ouvre la porte principale est au Nord : le rez-de-chaussée est séparé de l’étage par une jolie corniche dont les moulures profilées au-dessus d’un rang de perles surmontent une arcature de petits arcs en plein cintre. L’arcature est interrompue par deux bandes verticales ornées de grecques et de festons qui, en saillie sur le parement du mur, descendent jusqu’à la plinthe au-dessus du sol et forment à la porte un encadrement rectangulaire analogue à celui qu’on a vu au croisillon nord de Paray-le-Monial.
La baie rectangulaire est amortie par un linteau au milieu duquel on voit le Christ assis entre deux anges aux ailes déployées ; à droite et à gauche sont les douze apôtres. Toutes les têtes dans ce porche merveilleux ont été martelées. Le linteau est porté sur deux pilastre entièrement sculptés de motifs variés : celui de gauche, au-dessus de médaillons encadrant des monstres montre la Luxure sous la figure d’une femme enlacée par un serpent, et dont le sein est dévoré par un crapaud. Au-dessus de cette sculpture, deux anges aux ailes ouvertes occupent les angles du chapiteau du pilastre.
Un cordon de palmettes profilé dans toute la largeur du portail sépare le linteau du tympan. Celui-ci encadré sous deux rangs de perles montre, entre les symboles des Evangélistes, un Christ triomphant dans une gloire en amande soutenue par deux anges pleins de mouvement, ceux-ci avec une jambe relevée et le pied appuyé pour l’un sur le dos du lion, pour l’autre sur le dos du bœuf.
Une très riche archivolte à trois voussures enveloppe le tympan : la première, couverte de rinceaux, a ses pieds-droits délicatement ciselés d’autres rinceaux aux dessins variés ; à la place des chapiteaux sont deux personnages où l’on a cru reconnaître Ratbert archevêque de Vienne et son frère, le roi Boson, fondateur du monastère. La seconde voussure présente des zigzags faisant l'effet de damiers : elle est portée à gauche sur une colonnette entourée de feuillages, à droite sur un montant refouillé de motifs végétaux ; deux figures en guise de chapiteaux montrent à droite le roi David, à gauche saint Jean-Baptiste. La troisième voussure est un large bandeau garni de rosaces encadrées dans des médaillons perlés ; elle porte à sa clef l’Agneau et aux retombées deux anges musiciens. Deux colonnettes cerclées de bagues et surmontées de chapiteaux richement sculptés servent de supports. Un cordon de palmettes entoure l’archivolte.
À côté et à droite de cette porte dont une description est impuissante à montrer la richesse et l’infinie variété décorative, dont seules les belles planches de L’Art roman à Charlieu et en Brionnais peuvent donner l’idée à ceux qui ne l’ont pas vue, est une fenêtre dont l'ornementation est conçue comme celle d’un portail important, La baie est amortie par un linteau porté sur deux pilastres à chapiteaux dont l'un, celui de gauche, montre une tête grimaçante, l’autre, celui de droite, trois personnages interprétés comme les trois personnes de la Trinité assises et se tenant par la main, ou le Christ entre deux saints, sans doute saint Pierre et saint Paul. Le linteau très mutilé représente une scène d'holocauste, un sacrifice antique. Quant au tympan, fort bien composé, les uns y voient la Cène, les autres les noces de Cana : on distingue en effet dans le coin à droite une femme transvasant le contenu d'une amphore dans une autre ; en outre, la tête du personnage à la gauche du Christ est nimbée, et le nombre des convives ne correspond pas au nombre des apôtres.
L’archivolte qui entoure le tympan figure la Transfiguration : c’est une frise à personnages, au nombre de six, dont les noms sont d’ailleurs pour cinq d’entre eux inscrits sur la pierre. Vers l’imposte à gauche c’est saint Jacques, au-dessus de lui saint Jean, puis à la clef Jésus et Moïse au même niveau, et en redescendant vers la droite saint Pierre et enfin Elie dont le nom est absent. Les pieds-droits de l’archivolte sont à arêtes vives, sans décoration.
Un peu au-dessus de l’archivolte est encastré dans le mur un petit bas-relief avec une figurine à demi sortie d’un nuage, mutilée : serait-ce Dieu le Père complétant la scène de la Transfiguration ?
Au-dessus de la corniche l’étage supérieur est accompagné à l’Est d’un contrefort en encorbellement ; le milieu du parement est percé d’une baie en plein cintre ouverte dans une arcade dont l’archivolte, ornée vers l’intrados d’un chanfrein garni de billettes et, à l’extérieur de deux rangs de perles autour d'un bandeau nu, repose sur des colonnettes. La façade se termine sous les rampants d’un pignon.
Je ne peux m’attarder à la description de la face occidentale du porche, d’ailleurs plus sobrement décorée, et je signale simplement à l’intérieur du porche couvert de trois voûtes d’arêtes le portail de l’église à quatre voussures, au linteau décoré par les apôtres assis sous douze petits arcs (à la porte latérale de Châteauneuf ils figurent ainsi mais debout), au tympan sculpté de l’image du Christ dans une gloire soutenue par deux anges. Ce portail est une œuvre du début du XIIe siècle. À l’étage, dans une belle salle — qui est l’ancien chartrier — couverte d’une voûte d’arêtes entre deux voûtes en berceau brisé, s’ouvre sous un riche encadrement la grande baie percée sur la nef.
J’indique seulement le cloître reconstruit dans la seconde moitié du XVe siècle, dont trois galeries subsistent encore, abritant un Musée lapidaire. Sur la galerie orientale, avec, laquelle elle communique par une série d’arcades du XIe siècle, s’ouvre par une porte en accolade la salle capitulaire du début du XVIe siècle avec son curieux pupitre de pierre.
Que d'autres restes intéressants ! et le donjon du XIIe siècle, et le logis des prieurs du début du XVIe et l’église Saint-Philibert des XIIIe et XIVe siècles avec chapelles du XVe qui contient vingt-quatre stalles de bois avec panneaux peints de la fin du XVe siècle, et les maisons du Moyen âge, et l’église et le cloître des Cordeliers ! mais à Charlieu il faut se borner.
Saint-Julien-de-Jonzy. — Saint-Julien-de-Jonzy ou de Cray situé au sommet d’une colline, vers la pointe du triangle de voies ferrées qui enserre le Brionnais, peut être atteint au plus près par Iguerande, ou par Marcigny-sur-Loire, par Charlieu ou par Châteauneuf. Son église, mentionnée dès 1106, était du diocèse de Mâcon. De l’édifice ancien presque entièrement détruit il ne reste qu’un petit clocher, un des meilleurs types des clochers bourguignons, placé jadis entre la nef et le chœur, et qui se trouve aujourd’hui à l’entrée de l’église nouvelle, — et surtout le précieux portail heureusement conservé, qui se trouve aussi à l’entrée, à la base du clocher. Ce dernier et le portail doivent être peu antérieurs au milieu du XIIe siècle.
Le clocher est carré, couvert par une pyramide en charpente. Un seul étage de baies est construit au-dessus d’un soubassement plein, décoré à sa partie supérieure par une arcature formée de cinq petits arcs en plein cintré sur chaque face, portés sur de courts pilastres cannelés. Les baies, géminées, en plein cintre, sont vastes et ajourent largement le beffroi ; elles sont à double voussures, l’extérieure formant archivolte moulurée avec trois colonnettes aux retombées, deux aux extrémités et une seule à la retombée commune. À l’intérieur les baies reposent sur quatre colonnettes, de sorte que le support commun aux deux baies et à leurs arcades d’encadrement est un faisceau de quatre colonnettes, une en avant, puis deux sur la même ligne, et une en arrière. Vers les arêtes de la tour montent deux demi-colonnes posées sur la corniche d’appui des baies du beffroi ; des culots en forme de chapiteaux leur servent de supports sous la corniche, les colonnes ajoutent à l’élégance du clocher : elles sont entourées aux deux tiers de leur hauteur par un cordon perlé qui, contournant les cintres des archivoltes, fait le tour de la construction.
La porte n’est pas aujourd’hui dans le cadre qui la mettait en valeur, car l’archivolte primitive ne devait pas être réduite à l’unique voussure en feuilles dérivées de l’acanthe que nous voyons ; en dehors des colonnes à chapiteaux très refouillés dont la sculpture est exactement conforme à celle des chapiteaux de Charlieu, d’autres pieds-droits qui leur sont contigus, les pilastres cannelés supportaient sans doute autre chose que le médiocre pignon qui domine la porte.
La baie est amortie par un linteau figurant la Cène où toutes les têtes sont martelées. Le Christ et les apôtres sont assis devant une table aux mêmes pieds cannelés, couverte de la même nappe aux plis réguliers qu'à Charlieu ; aux extrémités du linteau sont représentés des épisodes secondaires : à droite, Jésus à genoux lave les pieds de saint Pierre assis sur un siège dont les accoudoirs sont décorés d’arcatures ; à gauche deux disciples opèrent la même ablution, tandis qu’à l'extrémité de la table un serviteur saisit une amphore placée sous une niche. Le tympan est pris dans le même bloc de pierre : deux anges aux ailes déployées, pleins de mouvement, soutiennent des deux mains une gloire à large bordure, en forme d’amande, où trône, les pieds posés sur un tabouret à claire-voie, le Dieu de Majesté. Il a la main droite levée pour bénir, et la main gauche tient le Livre de vie appuyé sur le genou. C’est le même style, le même faire et les mêmes détails qu’au porche de Charlieu ; les œuvres sont certainement contemporaines, et peut-être de la même main. Ce qui ajoute au prix de ce tympan c’est que les têtes y sont intactes.
La tête divine apparaît d’ailleurs assez médiocre et son nimbe manque d’ampleur ; mais les anges ont un visage expressif et nullement efféminé. Très habilement dessinés pour remplir tout l’espace libre du tympan, ils sont pourtant incorrects dans l’attache de la tête et dans les épaules ; mais que d’art et de souplesse dans les plis de l’étoffe légère qui les habille !
Cette école de sculpture dont le Brionnais a conservé nombre d’œuvres est en réaction contre les traditions byzantines : elle se distingue par une recherche parfois exagérée du mouvement, mais elle compose avec une noblesse et un goût remarquables ; son habileté décorative est merveilleuse, et par l’emploi d’un relief très accentué elle obtient des effets auxquels les œuvres antérieures étaient loin d’atteindre.
Église de Bois-Sainte-Marie - Intérieur de l’église - Fuite en Égypte (en bas)
Le cadre restreint de ce petit volume ne me permet pas de présenter comme il faudrait quelques églises qui auraient mérité beaucoup mieux qu’une simple mention ; je veux du moins les signaler. L’élégante église de Châteauneuf — du milieu du XIIe siècle — de l’ancien diocèse de Mâcon — qui domine la vallée du Sornin et dont l’heureuse silhouette complète un joli paysage ; en contraste avec elle est la belle église de Saint-Germain-des-Bois ou Saint-Germain-en-Brionnais, d’un ancien prieuré de chanoines réguliers de Saint-Augustin, dont l’architecture massive et imposante offre un grand intérêt : c’est aussi une église du milieu ou de la seconde moitié du XIIe siècle. Il ne faut pas oublier non plus l’importante église du XIIe siècle, à déambulatoire original, si précieuse aussi pour l’iconographie, d’une localité déchue de son ancienne importance, Bois-Sainte-Marie. Et que de beaux clochers encore, à Saint-Laurent-en-Brionnais, à Vareilles, ici moins important que là, mais d’un charmant dessin !
Clocher de l’église de Vareilles
À Saint-Julien-de-Civry ce sont des baies aveugles en mitre, mais surtout c’est à l’intérieur un joli édicule du XVIe siècle servant de tabernacle.
L’intérêt du Brionnais au point de vue de l’art n’est pas tant dans le nombre que dans l’importance et la variété de ses édifices ; région privilégiée pour la beauté et la qualité de ses matériaux de construction, elle s’est ouverte à plusieurs influences et les maîtres d’œuvre ont utilisé au mieux les ressources dont ils disposaient. Des bancs épais de calcaire jaunâtre d’un grain fin, facile à tailler et résistant leur ont permis d’élever des monuments lumineux où la sculpture s’est épanouie, comme Charlieu, Saint-Julien-de-Jonzy, Anzy-le-Duc, Montceaux-l’Étoile, Semur-en-Brionnais, tandis qu’avec le granit ou le grès ils obtenaient des effets de ligne ou de masse, comme à Varenne-l’Arconce, Saint-Germain-des-Bois, Iguerande, Bois-Sainte-Marie. Quel contraste entre la silhouette élégante d’églises comme Châteauneuf, et l’aspect trapu de certaines autres tandis que la forme des clochers octogonale à Anzy-le-Duc, à Semur, à Paray au-dessus de la croisée du transept, reste simple dans les clochers carrés du porche de Paray, de Saint-Laurent-en-Brionnais, de Châteauneuf, de Varenne-l’Arconce, de Vareilles, de Montceaux-l’Étoile.
Quelle différence encore entre la sculpture archaïque des magots du linteau de Semur-en-Brionnais, de la porte latérale de Châteauneuf, des figures allongées de celui des tympans d’Anzy-le-Duc qui offre tant d’analogie avec le tympan de la cathédrale d’Autun, et l’art si plein de vie, si habile, témoin d’une véritable renaissance qu’on admire aux linteaux et tympans de Saint-Julien-de-Jonzy, de Montceaux-l’Étoile, de Charlieu, d’Anzy-le-Duc (25) et aux magnifiques chapiteaux de ce dernier portail !
Résumons en quelques lignes les caractères généraux de ce groupe d’églises. La nef unique, sans bas-côtés, non voûtée, se voit à Baugy, tandis qu’à Montceaux-l’Étoile elle est voûtée en berceau sans doubleaux ; elle se continue par un chœur dont la travée droite surmontée du clocher, couverte par une coupole à Montceaux-l’Étoile, un berceau à Baugy, et se termine par une abside en hémicycle voûtée en cul-de-four.
Plus nombreuses sont les églises où la nef centrale est flanquée de bas-côtés, avec transept saillant comme à Iguerande, à Anzy-le-Duc, à Varenne-l’Arconce, à Paray-le-Monial ; sans saillie comme au Bois-Sainte-Marie, à Saint-Laurent-en-Brionnais, Châteauneuf, Semur-en-Brionnais ; où le chœur rarement terminé par une seule abside comme à Varenne-l’Arconce, s’accompagne habituellement d’absidioles dans l’axe des collatéraux : c’est le cas d’Iguerande, de Saint-Laurent-en-Brionnais, de Châteauneuf, de Semur-en-Brionnais, de Saint-Germain-des-Bois, d’Anzy-le-Duc. Dans ce dernier exemple, comme à Saint-Fortunat de Charlieu, la forme du chevet est singulièrement compliquée, d’abord par la présence de chapelles en hémicycle ouvertes dans le mur oriental des croisillons, contiguës aux absidioles ; et en outre par une dernière absidiole dans l’axe de l'édifice greffée sur l’abside principale.
La présence d’un déambulatoire fournit deux autres types : au Bois-Sainte-Marie le déambulatoire entoure l’unique abside, et comme aucune chapelle ne vient s’y ouvrir, le plan du chevet n’est qu’un vaste hémicycle. À Paray-le-Monial où comme à Anzy-le-Duc, des chapelles en hémicycle font saillie sur le mur oriental des croisillons, le déambulatoire s’ouvre sur trois absidioles.
Sur la grande nef, que celle-ci soit ou non à étagement, la voûte est toujours un berceau plein cintre ou brisé dans la partie du Brionnais qui dépendait de l’ancien diocèse de Mâcon ; il n’en va pas de même dans l’ancien diocèse d’Autun, et le Brionnais fournit à cet égard l’exception de la nef d’Anzy-le-Duc couverte de voûte d’arêtes séparées par des doubleaux.
En général, les collatéraux ont reçu des voûtes d’arêtes séparées entres elles par des arcs doubleaux. Il en est ainsi à Iguerande, Anzy-le-Duc, Paray-le-Monial, Bois-Sainte-Marie, Varenne-l’Arconce, Semur-en-Brionnais, Saint-Germain-des-Bois ; à Châteauneuf des berceaux sur doubleaux couvrent les étroits bas-côtés.
Au transept, les croisillons ont toujours reçu un berceau perpendiculaire à l’axe de l’église ; à la croisée, au-dessus de laquelle s’élève le clocher, une coupole octogonale sur trompes en cul-de-four avec ou sans lanterne, est la règle.
Lorsque le chœur est flanqué de collatéraux, la travée droite est voûtée d’arêtes comme ces derniers, à Paray-le-Monial et Semur-en-Brionnais, par exemple, ou plus souvent en berceau comme à Saint-Laurent-en-Brionnais, à Anzy-le-Duc, à Iguerande, à Châteauneuf où d’ailleurs les collatéraux sont déjà voûtés de même. La voûte en cul-de-four plein cintre ou brisé couvre les hémicycles.
Le déambulatoire de Paray est, comme était celui de Cluny, moitié moins large que les collatéraux ; il est composé de neuf voûtes d’arêtes séparées par des doubleaux. Le déambulatoire du Bois-Sainte-Marie de largeur normale est couvert par sept voûtes d’arêtes ; il a vue sur le sanctuaire entre six groupes de quatre colonnes ainsi disposées : deux petites sur la circonférence en bordure du déambulatoire et deux plus grosses sur le rayon.
Habituellement les nefs sont, comme dans le reste de la Bourgogne, à étagement et directement éclairées : trois font exception : Iguerande, Saint-Germain-des-Bois et Varenne-l’Arconce.
La décoration intérieure est plus ou moins riche suivant l’importance de l’église et la nature des matériaux dont elle est construite. Les principales dispositions à signaler sont, autour de l’abside, un rang d’arcades appliquées, les unes aveugles, les autres encadrant les fenêtres ; aux retombées des archivoltes de ces arcades figurent des colonnettes ou des pilastres diversement ornés, et tout cet ensemble repose sur un stylobate ou un banc de pierre.
À la naissance du cul-de-four de l’abside on remarque dans quelques édifices, à Paray-le-Monial d’abord — en conformité avec ce qui existait à Cluny, et dans ces deux cas c’est sous l’étage des fenêtres hautes qui éclairent l’abside, — une arcature formée de petits arcs en plein cintre, souvenir évident des anciennes arcatures lombardes. La même décoration se retrouve à Anzy-le-Duc et à Saint-Germain-des-Bois.
À l’extérieur, les façades de Châteauneuf, du Bois-Sainte-Marie, de Varenne-l’Arconce, de Charlieu, sont intéressantes, et il faut citer outre les portails principaux de Montceaux-l’Étoile, d’Anzy-le-Duc, de Semur-en-Brionnais, de Saint-Julien-de-Jonzy, de Charlieu (église et porche), les portes latérales de Paray-le-Monial, de Semur-en-Brionnais, du Bois-Sainte-Marie, de Châteauneuf ; signaler aussi de curieuses séries iconographiques dans les chapiteaux d’Iguerande, d’Anzy-le-Duc, du Bois-Sainte-Marie.
Et en terminant j’insiste encore sur le soin avec lequel, dans la vallée de la Loire, l'ensemble de la construction dès la fin du XIe siècle est appareillé. À cet égard le contraste est frappant avec la région voisine du Mâconnais.
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
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ILLUSTRATIONS
I. — L’église vue en avion
II. — Façade occidentale de l’église de Paray-le-Monial
III. — Le chevet
IV. — Tour nord-ouest
V. — Partie du chœur est et sud
VI. — Le narthex de l’église de Paray-le-Monial
VII. — Colonnades du chœur et déambulatoire
VIII. — Architecture du déambulatoire
IX. — Le portail du croisillon nord
X. — Hôtel de Ville de Paray-le-Monial (Maison Jayet)
XI. — Église d’Anzy-le-Duc
XII. — Clocher de l’église d’Anzy-le-Duc
XIII. — Chapiteaux de l’église de Montceaux-l’Étoile et de l’église d’Anzy-le-Duc
XIV. — Tympan de l’église de Montceaux-l’Étoile. — Légende de Saint-Hilaire, église de Semur-en-Brionnais
XV. — Chevet de l’église de Semur-en-Brionnais
XVI. — La porte principale de l’église de Semur-en-Brionnais
XVII. — La porte au nord de l’église de Semur-en-Brionnais
XVIII. — La nef, vue du chœur, de l’église de Semur-en-Brionnais
XIX. — L’église de Varenne-l’Arconce
XX. — Église de Varenne-l’Arconce. Fuite en Egypte. — Église de Bois-Sainte-Marie
XXI. — Portail du porche de l’église de Charlieu
XXII. — Clocher de l’église de Vareilles
XXIII. — Église de Bois-Sainte-Marie
XXIV. — Intérieur de l’église de Bois-Sainte-Marie
Plan de l’église de Paray-le-Monial
Chapiteau de la nef
Déambulatoire
Chapiteau de chœur
Ancienne baie du clocher central
Plan de l’église d’Anzy-le-Duc
Chevet de l’église (couverture)
Tympan de l’église de Saint-Julien-de-Jonzy (verso de la couverture).
TABLE DES MATIÈRES
Carte des églises du Brionnais
INTRODUCTION
I. Histoire
II. Description de l’église de Paray-le-Monial
Porche - Nef - Transept - Chœur - Extérieur. Façade et tours - Élévation latérale - Clocher central - Le prieuré ; le château abbatial
- L’hôtel de ville (maison Jayet) - Saint-Nicolas et la tour de l’horloge - Musée
III. Les églises du Brionnais
Église de Montceaux-l’Étoile - Anzy-le-Duc - Semur-en-Brionnais - Varenne-l’Arconce - Iguerande - Charlieu - Saint-Julien-de-Jonzy
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
ILLUSTRATIONS
RÉFÉRENCES
(1) Paray-le-Monial, chef-lieu du canton de l’arrondissement de Charolles (Saône-et-Loire).
(2) Courtépée : Description générale et particulière du duché de Bourgogne, 2e éd., t. III, Dijon. 1848, in-8°, p. 53.
(3) Acta Sanctorum, avril, t. III, p. 652.
(4) Cartulaire de Paray, ch. n° 2.
(5) Gallia Christiana, t. IV, c. 444.
(6) Courtépée, III, p. 51. L’abbé Cucherat identifie cette église avec la chapelle qui occupe au centre du cimetière de Paray le sommet de la colline des Grenetières. Cette identification semble admissible sous la réserve que l’édifice composé seulement d’un chœur en hémicycle précédé d’une travée en coupole, ayant appartenu à une église dont la nef a disparu, ne présente aucun caractère qui permette de le dater d’une époque antérieure à la période romane.
(7) Courtépée, III, p. 53.
(8) E. Lefèvre-Pontalis : Étude historique et archéologique sur l’église de Paray-le-Monial (Mémoires de la Société Éduenne. T. XIV, nouvelle série), tirage à part, Autun, 1886, in-8°, p. 6.
(9) E. Lefèvre-Pontalis : Paray-le-Monial, Congrès archéol. de Moulin-Nevers, 1913, p. 53.
(10) Acta Sanctorum, avril, t. III, p. 641.
(11) Ibid., p. 652.
(12) Les différences sont surtout dans les proportions, et dans le plan qui comporte 3 chapelles absidiales à Paray tandis qu’il y en a 5 à Cluny.
(13) E. Petit, Histoire des ducs de Bourgogne de la race capétienne, tome V (1894), in-8°, Paris, p. 8-9.
(14) Ces écussons disparurent lors des remaniements entrepris vers 1730.
(15) Journal de famille des Dupré, publié par L. Lex et S. Bougenot dans Annales de l’Académie de Mâcon, 3e série, II, pp. 437-440.
(16) Ce logis fut habité en 1704 par le cardinal de Bouillon, abbé de Cluny, qui ayant encouru la disgrâce de Louis XIV, y avait été exilé. Le cardinal entreprit de travaux au prieuré, fit tracer de beaux jardins ; on lui attribue la plantation des superbes platanes de la route de Charolles.
(17) III, p. 51.
(18) Les principales dimensions de l’église de Paray sont les suivantes : longueur totale 63m 50 ; profondeur du narthex 9m 40 ; longueur de la nef 22 mètres ; longueur du transept 40m 50 ; longueur du chœur 25 mètres ; largeur totale 22m 35 ; largeur du narthex 10m 80 ; largeur de la nef 9m 25 ; largeur des bas-côtés 6m 55 ; largeur du transept 9m 50 ; largeur du chœur 9m 75 ; largeur du déambulatoire 3m 20 ; hauteur de la nef 22 mètres ; hauteur des bas-côtés 12 mètres ; hauteur de la coupole 25m 50.
(19) Ces piliers isolés sur qui, comme le remarque Viollet-le-Duc dans son Dictionnaire (VII, p. 282-283) portaient assez imprudemment les deux clochers de la façade, se composaient chacun d’un groupe de 4 colonnes. L’architecte Millet, pour parer à leur écrasement, les a renforcés en leur centre par une colonne de granit et a pu ainsi conserver à ce narthex toute son élégance.
(20) Em. Mâle : Les influences arabes dans l’art roman, dans Revue des deux Mondes du 15 novembre 1923.
(21) Cette corniche à arceaux est rare à l’intérieur : on la retrouve pourtant à Anzy-le-Duc et à Saint-Germain-des-Bois.
(22) Annales ordinis Sancti Benedicti, t. V, p. 252 ; ce plan est reproduit par F.L. Bruel dans Cluny, album historique et archéologique, Mâcon, 1910, in-4° ; pl. IX.
(23) Em. Mâle : Les influences arabes dans l’art roman (Revue des Deux Mondes du 15 novembre 1923, p. 315.)
(24) Tous les chapiteaux, sous les doubleaux de la nef, ont une décoration végétale, les autres sont très variés : on y voit des oiseaux mangeant des graines, des animaux affrontés, des hommes montés sur des lions, dévorés par des lions, la lutte de saint Michel et du démon, des lutteurs, des têtes d’hommes et d’animaux, un sciapode, etc.
(25) Au musée du Hiéron à Paray-le-Monial.
Le prieuré de Paray-le-Monial en 1835 par Émile Sagot peintre et lithographe.
Étude historique et archéologique sur l'église de Paray-le-Monial par Eugène Lefèvre-Pontalis (1886).
Photos en N&B de l'église Notre-Dame sur le site du ministère de la Culture (146 photos).