Le prieuré de Paray-le-Monial en 1835 par Émile Sagot peintre et lithographe
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[Source : Voyage pittoresque en Bourgogne, 2e partie, département de Saône-et-Loire, 1833-1835, BnF/Gallica.]
De même que la plupart des monastères fondés dans le moyen-âge, le Prieuré de l'ordre de Saint-Benoît, construit à Paray, en 973, par Lambert, comte de Châlon, reçut de ses fondateurs un nom poétique et pompeux, celui de Val-d'Or (Vallis aurea), ou Orval, qu'il a toujours conservé depuis. Ce lieu avait déjà été habité dans les temps antiques, car on y trouve encore aujourd'hui des fragmens romains qui l'attestent. Dès le dixième siècle, il y existait une église, que la charte de fondation appelle templum antiquissimum ; mais ce n'était plus qu'un lieu désert et couvert de broussailles, quand les premiers moines entreprirent de le défricher. Les libéralités de Lambert en firent bientôt un des plus riches monastères du pays ; on voit qu'il lui fit don, en 779, d'une magnifique châsse d'argent, renfermant les reliques de saint Grat, évêque de Châlon au septième siècle. Après la mort de Lambert, Hugues, son fils et son successeur, fît de nouvelles largesses aux moines du Val-d'Or, et pour leur assurer une protection plus efficace encore que la sienne, il unit ce prieuré à l'abbaye de Cluny en 999, après avoir rebâti le monastère aux portes de la ville. L'église fut consacrée en 1004.
Jean de Damas-Digoine, seigneur de Clessey, chevalier de la Toison-d'Or, en 1468, fut enseveli dans une chapelle où l'on voit encore son tombeau. Cette famille était comptée parmi celles des bienfaiteurs de la maison.
Le palais abbatial, dont on admirait, avant 1789, les jardins élégans, avait été construit, en 1480, par Jean de Bourbon. Jacques d'Amboise y mit la dernière main en 1516. Louis XI, n'étant encore que dauphin, et fuyant la cour de son père, s'y arrêta et fut contraint par la maladie d'y faire un assez long séjour, dont on consacra le souvenir par des fresques, qui furent détruites en 1730, en faisant de nouvelles constructions; ces fresques représentaient les armoiries du duc de Bourgogne, celles du dauphin et celles des principaux seigneurs qui l'accompagnaient, au nombre desquels étaient les sires de Digoine, de Damas, de Vienne, de Beaufremont, de La Guiche, etc.
La ville de Paray souffrit beaucoup des troubles religieux du seizième siècle. Les calvinistes, sous la conduite de Ponsenart et Saint-Aubin, forcèrent la place en 1562, et livrèrent au pillage les églises et le Prieuré. Après l'édit de pacification, leurs ministres établirent un temple près de la porte du Poirier. Dumoulin et Bèze y prêchèrent devant une foule immense, accourue au bruit de leur réputation. Cet éclat retentit jusqu'à Cluny, qui crut sa sûreté menacée par le voisinage d'une congrégation aussi nombreuse. Le cardinal de Richelieu, abbé de Cluny, sollicita un arrêt du conseil qui prononça, en 1634, l'interdiction du prêche de Paray. L'expulsion des protestans, consommée en 1684, fut fatale à cette petite ville ; plus de trois cents habitans quittèrent les murs, emportant avec eux, en Suisse et en Allemagne, des capitaux et une industrie dont la perte ruina, pour ainsi dire, le pays qu'ils abandonnaient.
Il y avait à Paray un couvent de Visitandines, établies en 1626 ; Marie Alacoque, dont la légende, imprimée à Paris en 1727, n'a pas tant contribué que les vers de Gresset, à sauver le nom de l'oubli, a rendu célèbre cette maison, qui fut le théâtre de ses extases et de ses miracles. C'est là qu'après avoir gravé sur son sein avec un canif le nom de Jésus, et prédit la mort du jésuite La Colombière, son disciple, elle composa son livre de La dévotion au cœur de Jésus, devenu fameux par les contestations des cordicoles, comme on les appelait, avec ceux qui n'approuvaient pas cette dévotion nouvelle.
La petite ville de Paray, qui n'a plus aujourd'hui d'autres monumens que son église, renferme encore trois mille cinq cents habitants, qui se livrent particulièrement au commerce des bois et des bestiaux.
Paray est à huit myriamètres de Châlon.