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Histoire du château de Faverges-de-la-Tour

Château de Faverges-1 Château de Faverges-2

Le château de Faverges - Cliquez sur une photo pour l'agrandir

[Source : Docteur André Dénier, Histoire des Châteaux de La Tour-du-Pin, Revue Évocations, AD38, PER970/1, 1945-1948]

Le nom. Il vient de "Ad Fabrices" (Aux forges). Il n'est pas rare, comme lieu-dit, dans les Alpes Valaisannes, Savoyardes, Dauphinoises au Nord de la limite linguistique de Pont-Haut. Dans le Sud, il devient Faurie, la Faurie ; dans le Nord Favière, Faverolles, Favril. Pourtant on a soutenu l'hypothèse que la graphie originaire était "Ad fervidas aquas". Dans le cas de Faverges-de-la-Tour, cette solution est manifestement erronée.

Le nom s'applique au château de Faverges. La paroisse s'appelait Saint-Barthélemy de Faverges. Ce n'est qu'à la fin du XIIIe siècle, au moment de la séparation de la communauté que Saint-Barthélemy a pris le nom du château.

Ancienneté du château. Dès le XIIIe siècle, on en constate l'existence. Elle doit remonter beaucoup plus haut. Car le site présente une excellente position stratégique qui commandait à la fois l'ancien Compendium d'Augustum, route de Vienne à Aoste et Chambéry et le chemin de Morestel, à Évrieu, la "Via Favergeysia" des actes du Moyen Âge.

Il faut remarquer que le Compendium venant de La Tour-du-Pin, la route actuelle par La Bâtie-Montgascon, date de Louis Philippe, passait à Saint-Clair-de-la-Tour où une borne milliaire a été retrouvée, montait sur le plateau du Vion et par Balatière et le Bourg, redescendait au pied de Faverges pour gagner Aoste par Croix-Chevillate et Leyssins. Cette route très fréquentée jadis, portait le nom de "Chemin des Nourrices" car elle était couramment parcourue par les Savoyardes qui allaient chercher à Lyon les enfants que les citadins plaçaient chez elles en nourrice.

info La voie romaine entre La Tour-du-Pin et Aoste, le "Chemin des Nourrices" (Pierre de Saint-Olive)

Le site. À l'extrémité orientale d'une des terrasses fluvio-glaciaires à 390 mètres d'altitude dominant de 100 mètres la plaine de Corbelin et les marais du Rhône, le château est assis sur un terre-plein dont la défense naturelle a été renforcée de la main de l'homme. Une vaste enceinte soutenue sur l'à-pic par une longue terrasse sur voûtes et protégée par un mur, qui jadis, comportait des meurtrières sur la partie plate, défendait la forteresse. Les murs des voutes n'avaient pas moins de deux mètres d'épaisseur. Ils semblent dater du XIIIe siècle, mais des reprises de maçonnerie permettent de certifier que le travail effectué à cette époque n'était qu'une réfection d'une enceinte antérieure.

Le château était jadis un bâtiment pourvu de deux grandes ailes, selon la tradition dauphinoises encore visible à Virieu ou à Mérieu.

La tradition raconte que vers 1780, la moitié de cet édifice fût la proie des flammes. Elle explique ainsi la présence de trois murs dans la cour du château, parfaitement inutiles et supportant deux masses de terre rapportée. Ce serait les débris de l'incendie que deux magnifiques tilleuls plus que centenaires recouvrent de leur ombre.

Une tour située à l'angle Sud-Est, servait de vigie ; elle fut découronnée pendant la Révolution et ramenée au niveau des toits « par respect de l'égalité républicaine ». Elle reçut vers 1880, un cercle de mâchicoulis d'un effet assez lourd et inhabituel en nos régions.

Le château comporte des vestiges des XVe, XVIIe, XVIIIe siècles. Au début du XIXe siècle, le propriétaire voulut le compléter par l'adjonction de tourelles. L'une d'elles s'écroula, sitôt montée, une autre subsiste encore. Il construisit, dans le même temps un corps de bâtiment qui, en s'insérant entre les deux ailes, donna au château la forme d'un parallélépipède qu'il possède actuellement. Enfin, en 1880-1885, une restauration complète dans le goût pseudo-italien cher à l'architecte Bresson, anéantit la plupart des souvenirs que les respectables murailles pouvaient conserver. L'ancien toit de tuiles qui avançait par un large auvent au-dessus des fenêtres fut remplacé par une couverture d'ardoise et de plomb fort laide et fort solide.

De vastes communs comportant notamment des écuries voûtées somptueuses furent construites au XVIIIe siècle. Sur l'une des fenêtres, on relève la date : 1762. La moitié seule en subsiste.

Les propriétaires. Si haut que l'on remonte dans l'histoire, c'est-à-dire à partir du XIIIe siècle, le château appartenait à l'une des branches de la famille de Virieu. Martin de Virieu en était propriétaire en 1210.

Il existait cependant une famille de Faverges qui a dû posséder le château et la terre du même nom antérieurement, mais elle était probablement tombée en quenouille.

Et à l'aurore de la Révolution, c'est encore la même famille de Virieu que l'on retrouve dans les mêmes murs.

Non pas qu'elle ait joui d'une paisible propriété pendant la suite des âges. Mais autant de fois le château glissa en d'autres mains, autant de fois les descendants des Virieu parvinrent à rentrer dans leur vieille demeure.

Jusqu'au traité de 1354, qui met fin aux litiges sans cesse renaissants entre le Dauphiné et la Savoie, le château relevait des Comtes de Savoie, tandis que la paroisse dépendait de l'évêché de Belley. L'un et l'autre faisant partie de ce qu'on a appelé le Bugey "a parte Delphinatu". Cette zone s'étendait des Avenières à Vaulserre en passant par Faverges.

À partir de 1534, Faverges définitivement rattaché au Dauphiné, rend foi et hommage au Roi-Dauphin en son parlement de Grenoble.

Vers 1371, le château passe entre les mains de la famille de Rivoire, puis de Pierre Gerbais, trésorier du Comte Vert, mais dès 1381, Sibuet de Virieu est rentré en possession de sa terre patrimoniale.

À la fin du XVe siècle, une alliance avec la famille de Beauvoir donne aux Virieu-Faverges un éclat remarquable. Ils en profitent pour ajouter définitivement le nom de Beauvoir à leur patronymique et à leurs armes, au point de délaisser parfois le nom de Virieu. Éclat temporaire : au début des guerres de religion en 1550, deux frères, François et Jacques de Virieu-Beauvoir se comportent en vrais brigands, rançonnent et pillent leur voisin, brûlent le château de Fossan qui appartient à leur beau-frère Claude du Monnet, sont capturés par les gens du roi, jetés à la prison de Grenoble, jugés par le parlement et condamnés aux galères. Ils parviennent cependant, au bout de quelques temps, à se faire gracier et réintègrent leur château de Faverges, vers 1561. Pendant ces événements, il a servi de place-forte pendant les guerres religieuses : les paysans révoltés s'en sont emparés. Les troupes royales sous la conduite du sieur de Gautheron, les y ont assiégés et ont eu tôt fait d'emporter la forteresse. Une vieille tradition prétend qu'elle fut livrée par la trahison d'un nègre (?) qui ouvrit la porte d'une poterne de l'enceinte. La poterne existe toujours mais la présence du nègre à cette époque est plus que suspecte. Toutefois il existait une famille Noir dans la région. Le traître fut-il un de ses membres ?

Les deux galériens meurent, leur descendance disparaît au début du XVIIe siècle. Le château passe à Pierre-Jacques de Virieu-Beauvoir, leur cousin de la branche de Varassieu, qui semble bien être un bâtard de François de Virieu.

Pendant le XVIIe et le XVIIIe siècle, les de Virieu-Beauvoir sont, de père en fils, conseillers au Parlement de Grenoble. Toutefois, en 1765, Pierre Xavier de Virieu-Beauvoir se décide, comme tant d'autres représentants de noblesse de l'époque, à tenter la fortune à Saint-Dominique, d'où il semble qu'il ne soit pas revenu. Sa veuve avait trois filles et un fils. Ce dernier Sylvion de Virieu s'acoquina, avant la Révolution, avec une bande d'écervelés, mangea tout son bien et finit par disparaître sans laisser de regrets. Pendant la Terreur, sa mère et ses sœurs se sauvèrent en Savoie, puis à Bordeaux.

Au début de la Révolution, pendant la "Grande Peur", le château reçut la visite des bandes armées qui s'emparèrent des archives et des terriers et les brûlèrent. Après quoi, ils rendirent une visite à la cave dont celle-ci se trouva vidée, mais le château fut épargné. En 1793, il fut occupé et pillé par la bande terroriste de Vauquoy qui devait finir sur l'échafaud.

À la fin de la Révolution, on retrouve le château entre les mains de Sébastien Marion, ancien régisseur de Madame de Virieu. Aucune pièce d'archives n'a été retrouvée concernant ce changement de propriétaire.

Aujourd'hui c'est M. Saint-Olive, maire de Faverges, qui en est le possesseur.

Compléments :

info La Maison de Virieu : Armorial de Dauphiné de Gustave Rivoire de La Bâtie (BnF/Gallica).

info Armes de la Maison de Virieu de Beauvoir : Louis d'Hozier - 1651 (BnF/Gallica).

Virieu

Blason des Virieu-Beauvoir de Faverges à dextre (Armorial de Charles d'Hozier, vol. 11, Dauphiné) - Cliquez pour agrandir
Écartelé au 1 et 4 d'azur, à 3 vires d'or ; au 2 et 3 écartelé d'or et de gueules, qui est de Beauvoir (Rivoire de la Bâtie)
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