Histoire du château de Demptézieu à Saint-Savin
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[Source : François Mancipoz, Revue Évocations, AD38, PER970/1, 1945-1948]
Le château date du XIe siècle. Du vieux manoir il ne subsiste plus qu'une aile avec une tour, ce qui ne représente qu'une toute petite partie de ce qu'était la puissante forteresse féodale. Au XVe siècle le château subit une transformation.
La partie formant l'aile gauche côté nord, bâtie sur une cave de la dimension totale de l'immeuble a été démolie vers l'année 1810. D'une construction remarquable elle était riche en ornements et emblèmes religieux comme en témoigne la tour de l'escalier principal qui se rattache à l'époque de transition du gothique à la Renaissance, c'est-à-dire à la fin du XVe siècle. Cette partie du château se composait de salles spacieuses ornées de cheminées richement sculptées représentant de jolis spécimens d'architecture, et éclairées par de grandes fenêtres à meneaux artistiques. Ce qui reste encore debout aujourd'hui est de la première époque ; c'est le cachet de la vieille forteresse féodale. L'approche du château était défendue par une quinzaine de tours échelonnées et reliées par un mur d'enceinte de 1 m. 30 d'épaisseur sur un périmètre d'environ 800 mètres. Ces ouvrages, garnis de meurtrières et de créneaux, couronnaient les pentes abruptes de la Combe et du Chatelard ; ils s'étendaient du côté de l'église en traversant les rampes au sud du lavoir public, entourant la chapelle seigneuriale (église actuelle) et de là décrivant un angle obtus dans le cimetière pour aller rejoindre la tour nord-est du château (ancienne école). On voit encore un peu partout des vestiges de cette ceinture fortifiée qui était une des plus imposantes du Bas-Dauphiné. Le château était défendu du côté du levant et du midi par un fossé profond et large ; on en voit encore les traces, ainsi que celles de la porte du pont-levis qui a été murée. La muraille extérieure qui regarde le levant, est de deux mètres d'épaisseur. À hauteur des créneaux dans cette épaisseur, se trouve ménagé un chemin de ronde. Un escalier à vis permet d'accéder au sommet de la tour qui existe encore et dont les murs sont également de deux mètres d'épaisseur.
Le plus ancien châtelain de Demptézieu que l'on connaisse, après des recherches minutieuses, se nomme Hugues de Demptézieu, frère d'Athenulphe (Athenoud) gendre d'un de Beauvoir ; il fut châtelain de 1075 à 1080. Pendant un certain temps, la terre de Demptézieu avait appartenu aux abbés de Saint-Chef (Saint Theudère). En 1270, Ainard abbé de Saint-Chef alla voir la veuve du Dauphin Guigues André qui se retira après la mort de son mari au château de Beauvoir dans le Royans. C'est là que l'abbé Ainard régla avec elle le différend qu'avaient suscité ses prétentions sur le château et la terre de Demptézieu. Il reconnut les tenir en fief du Dauphin et promit d'entretenir fidèlement les conventions qui avaient déjà été arrêtées entre eux à ce sujet. Le principal article en était que l'Abbé serait obligé de secourir le Dauphin entre le Rhône et l'Isère dans les guerres faites soit pour attaquer ses ennemis soit pour s'en défendre (1). La terre de Demptézieu passa ensuite dans les mains d'Antoine de Clermont. En l'année 1430 Antoine de Clermont entreprit d'ouvrir une voie entre Bourgoin et Crémieu passant par Flozailles (Flozayes) aux frais de communautés intéressées. On devine les difficulté qu'il fallait vaincre pour aller du Temple de Vaux à Corbessieu, à travers les marais qui ne devaient être desséchés qu'aux premières années du XIXe siècle. Le chemin traversait la Bourbre au confluent de cette rivière et du ruisseau venant des bois de Flozailles et tournant les coteaux de Saint-Marcel.
En 1455, le 9 janvier, le Dauphin Louis II qui devint le roi Louis XI étant à Grenoble, signe des lettres patentes destinées à Jean du Port, notaire à Bourgoin et à Jean Bovet de Demptézieu par lesquelles il leur rappelle qu'étant à Valence le 11 mai 1454 il a envoyé des lettres à Me Jean Botut, son secrétaire delphinal, et au dit du Port, les chargeant de faire achever le chemin de Bourgoin à Crémieu. Botut étant malade n'avait pu s'occuper de l'exécution de ces travaux et depuis lors le mauvais état de cette route n'avait fait qu'empirer.
En conséquence, il invite de nouveau le dit du Port et Jean Bovet à poursuivre activement l'éxécution des dits travaux « du chemin de Flosaïs à travers les marais de Chéruy pour aller droit de notre ville de Bourgoin à Crémieu » afin d'éviter aux passants de faire un long circuit par des chemins dangereux pour se rendre dans cette dernière ville ; à construire des ponts, principalement celui de la rivière de la Charuise (canal catelan), garnir ce chemin de graviers et de sable, puis creuser des fossés de chaque côté. Il les autorise à requérir les habitants des lieux circonvoisins, tant gens d'église que nobles et populaires, afin de concourir aux dits travaux, ou de les y contraindre par corvée.
En 1460, les travaux n'étant pas encore achevés, le gouverneur du Dauphiné, Louis de Laval donna encore des ordres pour le même objet aux châtelains de Crémieu et de Demptézieu (2). Le château et la Terre de Demptézieu passèrent ensuite à une branche de la famille Alleman ; de cette famille naquit la mère de Bayard le chevalier sans Peur et sans Reproche. Le 20 mai 1484 Arthaud et Pierre de Villars frères, héritiers d'Antoine de Clermont vendirent à Barrachin Alleman le château et la seigneurie de Demptézieu. Villam, castrum et mandamentum, castellanum et ressortium de Dempteziaco et territorium atque baronicam, cum introtibus, casalibus, pratis terris cultis et incultis, hortis, vincis, nemoribus, piscariis stagnis molinaribus, pascuis herbagiis, etc.
Les Alleman s'illustrèrent dans les armes ; plusieurs d'entre eux furent de grands capitaines. À l'illustration des emplois militaires les membres de cette grande famille ne négligèrent pas d'ajouter celle que l'on tirait alors des dignités ecclésiastiques. Deux Alleman furent évêques de Cahors, au XVe siècle, de 1466 à 1492. Ils étaient de la branche des Alleman de Rochechinard et l'un d'entre eux, Antoine qui était fils de Barrachin, a possédé Demptézieu où le souvenir de son nom s'est prolongé jusqu'à nos jours. C'est lui qui fit reconstruire la portion du château démolie en 1810. Un autre, Louis Alleman, archevêque d'Arles et cardinal en 1426, fut béatifié par le pape Clément VII, un siècle après, quatre autres furent évêques de Grenoble. Parmi eux il ne faut pas oublier Laurent Alleman, frère de Joséphine Hélène Alleman, mère de Bayard qui fut le protecteur et l'éducateur du fier chevalier (3).
Le dernier de la famille Alleman qui posséda Dempézieu fut Pierre Alleman qui mourut sans postérité. Pierre Alexandre Vallin hérita de son oncle vers l'année 1686 ; il n'avait donc que treize ans, étant né en 1673, aussi dans tous les actes publics, est-il assisté de son père Messire Melchior Joseph de Vallin. Pierre Alexandre de Vallin, qui avait épousé le 3 avril 1693 Marie Françoise de Falcoz d'Anjou, eut un fils Guy de Vallin qui se maria le 15 décembre avec Urbaine de Rhodes, dame de Barbarel. De ce mariage naquit le 28 août 1728 Messire Laurent Marguerite de Vallin, qui fut le dernier seigneur de Demptézieu ; en 1746 il était chevalier de Malte. De son mariage avec Ursule Henriette de Vienne, il eut 6 enfants. À la grande Révolution il émigra et alla se retirer à Bourg dans l'Ain, chez Renaud, aubergiste. À cette date il avait déjà vendu une partie de sa seigneurie au Comte de Menon. Étant veuf et âgé, infirme, il mourut ruiné.
Ainsi finit la seigneurie de Demptézieu (4). La domination des familles Clermont et Alleman fut la période héroïque de son existence ; la période agitée des hauts barons ; son nom eut alors le plus grand retentissement. Cette seigneurie puissante vivait d'une vie qui lui était propre ; elle jouait un rôle important en cette fin de l'ère féodale.
Lorsqu'elle passa au pouvoir des seigneurs de Vallin, la Terre de Demptézieu n'était plus qu'une source de revenus pour ses maîtres, revenus territoriaux et redevances féodales. Les Vallin avaient affermé le château de Demptézieu et habitaient leur maison patrimoniale de Vallin à Châteauvillain, actuellement à Saint-Victor-de-Cessieu. Comme Syndic de la noblesse, le seigneur de Vallin assistait aux délibérations de la communauté qui se tenaient tantôt à Saint-Savin, tantôt à Demptézieu.
François Mancipoz
(1) Chorier : Vol. II. page 149.
(2) Archives de l'lsère B. 2967. f. 164-165.
(3) Ces indications ont été puisées dans les notices de M. Albert Dussoès insérées dans l'Album du Dauphiné sous les titres « Uriage et Rochechinard ».
(4) Archives communales.
Trésor d'Isère : Le château de Demptézieu à Saint-Savin
La famille de Vallin d'après Rivoire de La Bâtie
Blason de la famille Alleman (Armorial d'Hozier, Dauphiné)
De gueules, semé de fleurs de lys d'or, à la bande d'argent brochant sur le tout
Blason de la famille Vallin (Armorial de Dauphiné)
De gueules, à la bande componnée d'argent et d'azur, de six pièces
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