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Ymbert de Bathernay, sire du Bouchage, un des plus remarquables seigneurs dauphinois

Imbert de Batarnay Georgette de Montchenu

Imbert de Baternay et Georgette de Montchenu son épouse - Tombeau dans l'église de Montrésor (Indre-et-Loire)
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Texte de Jean Imbert (Extrait d'une étude sur les seigneurs d'Ornacieux, Revue Évocations, octobre 1946, AD38, PER970/1).

On sait que Louis XI, étant Dauphin, séjourna en Dauphiné, lors de sa brouille avec son père. Il résida et chassa à la Côte-Saint-André. Le seigneur du mandement d'Ornacieux était à cette époque Gabriel de Roussillon, sire du Bouchage et de Brangues, fils de Louis de Miollans. Ce fut lui qui fonda une maladrerie pour lépreux sous le vocable de sainte Madeleine sur le territoire de Penol, au lieu dit la Maladière (Guy Allard place cet établissement sur le chemin d'Ornacieux conduisant au moûtier de Bocsozel). Louis XI qui s'était prononcé en faveur de Gabriel d'Ornacieux lors du différend de ce dernier avec les autres héritiers de la famille de la Chambre pour la seigneurie d'Ornacieux (Bib. Nat. ms. 2912) fut très mal récompensé, en 1456, quand Gabriel de Roussillon ne prit pas le parti du dauphin contre le roi Charles VII. Devenu roi, le rancunier Louis XI, tirant vengeance de tous ceux qui l'avaient mal servi sous le précédent règne, confisqua tous les biens de Gabriel de Roussillon, malgré la brillante conduite de ce seigneur lors de l'affaire d'Anthon, conduite qui aurait dû plaider en sa faveur. Bien mieux, il le fit enfermer dans un cachot à Beaurepaire, où le vieux seigneur ne tarda pas à mourir (1461). D'après Guy Allard le roi l'avait fait poursuivre comme criminel de lèse-majesté « pour avoir abandonné son parti lorsqu'il fut contraint à fuir le Dauphiné et d'avoir fomenté un complot avec son parent Louis de Poitiers, évêque de Valence ».

Les terres dauphinoises confisquées furent données à Ymbert de Bathernay qui connut une brillante carrière sous les quatre rois qu'il servit tour à tour. Né en 1438, il était le second fils d'Arthaud de Bathernay, de vieille mais très pauvre noblesse de la vallée de la Galaure. D'après l'imaginatif Chorier, le dauphin Louis, en 1455, se rendant de Vienne à Romans où l'appelait l'amour de la belle Marguerite de Sassenage, aperçut, au pied des murs du château de Charmes, un jeune damoiseau qui chassait au faucon. L'enfant y mettait tant d'adresse que le prince, grand chasseur lui-même, fut si ravi de sa bonne grâce et de l'affabilité de ses manières qu'il l'engagea à le suivre, l'attachant dès lors à sa personne. En 1461, après la mort de Charles VII, on retrouve Ymbert de Bathernay capitaine de Blaye et de Dax. À la suite d'une mission en Guyenne, le roi qui savait récompenser les services véritables lui donna quatre seigneuries dans cette province, avec un revenu de 5.000 livres tournois « pour sa vaillance, loyauté, suffisante preudomie et bonne intelligence ». Peu après, pour de nouveaux services le jeune dauphinois fut nommé châtelain de Beaumont, Monteux et Veyrins dans notre province avec les revenus de ces châtellenies. Après lui avoir donné la succession du seigneur d'Ornacieux, Louis XI le maria avec Georgette de Montchenu, nièce de Gabriel de Roussillon, malgré l'opposition de Falque de Montchenu le plus considéré des seigneurs bas-dauphinois. Le beau-père, ne reconnaissant pas cette union, fut enfermé à Cornillon, puis banni pour 12 années ! (Quicherat a avancé que le pape aurait excommunié Ymbert de Bathernay pour violences commises contre son beau-père). Après la mort du sire de Montchenu le différend entre Ymbert et sa belle famille s'éternisa jusqu'en 1487.

Ymbert de Bathernay fut le type du parfait courtisan. Commynes le cite souvent. S'il fut ambitieux et dénué de scrupules, son ascension qui en fit un des premiers personnages du royaume fut méritée car il servit loyalement ses maîtres et en particulier Louis XI et Anne de Beaujeu à une époque où les grands féodaux travaillaient à ruiner la monarchie. Ymbert de Bathernay devint écuyer du roi et par lettre royale du 1er juin 1468 il fut appelé à siéger au conseil et devint chambellan (Bib. Nat. ms. 2909). Son rôle ne consistait pas seulement à se transporter aux sanctuaires les plus vénérés pour y déposer les offrandes royales devant les châsses des saints. On le retrouve lieutenant général en Roussillon, puis gouverneur de Bourges où il réprime une émeute populaire. Dans la crise du « Bien public » il est aux côtés de son roi à Montlhéry avec ses 300 lances et 600 archers dauphinois. Il est capitaine de la place de Mehun-sur-Yèvre et sur celle plus importante du mont Saint-Michel où vont se succéder des abbés dauphinois (en particulier Guillaume et Jean de Lemps). Il seconde Louis XI dans sa lutte contre le Téméraire, arrive à convaincre de trahison le cardinal Ballue qu'on exécute, puis le maréchal de Saint-Pol dont les biens sont confisqués et des dépouilles duquel il retire sept seigneuries de Champagne. Ayant réprimé une émeute en Armagnac, il devient maître de la « réceptrerie d'Auch » et un des plus riches du royaume. En 1475, sur l'ordre de Louis XI, il part pour le Roussillon révolté avec le titre de « lieutenant général du roi pour le Roussillon et la Sardaigne ! (Bib. Nat. ms. 2911) mais plus temporisateur que le souverain, il renonce aux expulsions massives et à la politique de la « place nette » dans cette province depuis peu dans la mouvance française. Avec Commynes il négocie avec le roi d'Angleterre l'accord de Picquigny et avec les Suisses, adversaires du Téméraire (ce qui lui vaut le droit de dixième sur les mines d'argent de Mur-de-Barrez puis le titre de comte de Fézensac). Après la mort du duc de Bourgogne il entre derrière son roi dans Dijon, puis négocie avec Maximilien, avec les Milanais, avec l'ambassadeur du pape, le célèbre Julien de la Rovère. Il acquiert entre temps terres et seigneuries en Auvergne et dans le Berry. On le voit partout malgré sa maladie « pierre, colique, passion et douleur du côté » qui ne l'empêchera pas d'aller jusqu'à 85 ans. Il se plaint sans cesse « d'envieillir ». La mort de Louis XI n'écarta pas Ymbert de Bathernay de l'entourage d'Anne de Beaujeu. Il resta loyaliste contre le duc d'Orléans et Dunois pendant la guerre folle. Il négocie le mariage de Charles VIII et d'Anne de Bretagne. Il est chargé de mission auprès des rois catholiques. Pendant les guerres d'Italie son rôle fut important. Il approcha Ludovic le More [Ludovic Sforza, dit le More] et d'autres grands personnages de cette époque. Ce fut lui qui se rendit auprès du pape Alexandre Borgia lors de l'affaire du divorce de Louis XII.

Ses possessions dauphinoises comprenaient :

• La baronnie d'Ornacieux avec Semons, Commelle et Nantoin (hommage au roi à Amboise) plus Faramans qu'il acheta (Arch. Dép. B 3431) et pour lequel le roi, en considération des services rendus, lui fit don de tous les droits, lods et ventes auxquels il pouvait être tenu.
• La baronnie du Bouchage avec Brangues et Morestel (érigée en baronnie par lettres données à Ermenonville en 1478) ;
• Les terres de Dolomieu, cadeau de noces de Louis XI, lors du mariage avec Georgette de Montchenu ;
• Les terres d'Auberives et d'Anthon, des terres à Saint-Georges-d'Espéranche.

Louis XI qui l'avait investi de l'office de visiteur des gabelles de la sénéchaussée de Lyon avec « marchés et ports et passages » lui aurait aussi donné, d'après Aymar du Rivail, une somme de 100.000 écus d'or à valoir sur la dot de la reine. Ce présent « vraiment royal » fait à « l'amé et féal escuyer » est certainement faux, ou ne fut peut-être qu'une gasconnade, car Louis XI eut beaucoup de peine à se faire payer par le duc de Savoie les 20.000 écus de la dot de Charlotte. Par contre, il fit don à Ymbert de Bathernay d'une créance de 2.000 livres sur les juifs du Dauphiné. On peut voir dans l'église de Bathernay dans la Drôme (autrefois Batarnay), à toutes les clés de voûte, les armes que le seigneur d'Ornacieux et du Bouchage obtint en 1490. Elles sont d'or écartelé d'azur, entouré du collier de Saint-Michel.

Bien que très vieux et malade, Bathernay servit le roi François Ier. Il semble bien avoir connu Bayard. Il mourut en 1523, laissant une fortune considérable. Il eut une descendance illustre. Sa petite-fille fut la célèbre Diane de Poitiers à qui échut quelque temps la seigneurie d'Ornacieux. Dans la postérité d'Ymbert, nous trouvons aussi le maréchal de Joyeuse [Guillaume de Joyeuse marié à sa petite-fille Marie de Baternay] et le connétable de Montmorency [Henri de Montmorency (1534-1614) marié à Antoinette de La Mark, descendante de Jeanne de Baternay sa fille].

info Généalogie et compléments sur la famille de BASTARNAY ou BATARNAY d'après G. de Rivoire de La Bâtie.

Descendance d'Imbert de Baternay

Descendance d'Imbert de Baternay et Georgette de Montchenu - Cliquez pour agrandir

Lettre de François Ier

Lettre du roi François Ier à Monsieur du Bouchage, alias Imbert de Baternay.
À Amboyse, le XXIe jour de novembre (Ms. Français 2965, BnF/Gallica)
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Lettre d'Anne de Beaujeu

Lettre d'Anne de France, alias Anne de Beaujeu, à Monsieur Du Boschaige.
Amboise, le XVIIIe jour de janvier (Ms. Français 2896, BnF/Gallica)
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