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Description de la ville de Dun-le-Roi, ou Dunet-Froid, tirée d'un très ancien manuscrit trouvé dans le château de Chevannes à Saint-Racho

Montagne de Dun

Environs de la montagne de Dun - Cliquez sur la carte IGN pour l'agrandir

La ville de Dunet-Froid que le vulgaire appelle Dun-le-roi, est situé sur l'une des plus hautes montagnes du comté de Mâconnais et à icelle est contigüe une autre montagne du côté d'Orient qu'on nomme Dunet, il n'y a qu'un peu d'espace entre les deux et sont situées les dites montagnes en un lieu aride, de peu de valeur, froid, abondant de buissons et bois taillis épais lesquels étaient grand de quantité de bêtes sauvages tels que cerfs, chevreuils, sangliers et autres. À cette occasion les rois, princes et grands seigneurs y prenaient plaisir.

La montagne de Dunet est beaucoup plus éminente que celle de Dun qui est diminutif de Dunet, d'où vient le proverbe que : si Dun sur Dunet était, les portes de Rome on verrait. En cette ville de Dun-le-Roi, les comtes de Mâcon prenaient plaisir et faisaient quelques résidences à Châteauneuf, lieu limitrophe du Comté de Beaujolais.

On dit cette ville être plus ancienne que Mâcon et s'y voit encore des vestiges de murailles, tours, distinction de rues, maisons et citernes.

La ville de Dun-le-Roi ou Dunet-Froid est sur le lieu le plus éminent de la montagne joignant Dunet du côté du Midi sous les dites montagnes, environnée d'une bonne et forte muraille de plus de quatre pieds d'épaisseur, appuyée de grosses engives que les gens de guerre appellent contre-escarpes. En icelle étaient deux puissantes portes : l'une du côté d'Orient appelée Porte de Mâcon et l'autre appelée Porte de Saint Laurent du côté du soir ; et au-dessus de cette ville, qu'est le lieu le plus éminent de la montagne, était le fort et château du comte de Mâcon accompagné de quatre grosses tours rondes qui servaient de citadelle à ladite ville, à distance les unes des autres de quinze toises, dont deux du côté de bise et une forte muraille entre deux accompagnée de précipices et de rochers inaccessibles. Les deux autres tours étaient du côté du Midi, l'une d'elle regardait vers l'Orient défendant la porte de Mâcon et l'autre regardait la porte Saint Laurent. Les tours accompagnées d'une bonne muraille séparent le château de la ville. L'entrée du château était du côté d'Orient protégée d'une autre muraille forte, bien distincte de la porte de la ville appelée Porte de Mâcon. Du château on sortait du côté du soir par une autre porte.

En ladite ville était une place assez spacieuse où se tenait le marché et les murs d'icelle étaient faits avec tant d'artifice qu'il était plus facile de rompre les pierres que de les séparer du mortier ou ciment. En l'enclos des quatre tours du château n'est autre bâtiment qu'une chapelle dédiée sous les noms de Saint Jean et Saint Firmin, l'église paroissiale dédiée sous les noms de Saint Pierre et de Saint Paul, entre lesquels édifices et derrière la grande porte de l'église on ne voit pas de ruines ; ce parait n'avoir été qu'un cimetière, et pour le regard de la dite ville paraissant les ruines des maisons et des rues distinguées ; même la grande rue qui reste encore à présent porte le nom de chemin ou rue Saint Laurent : en icelle était un puits citerne environ le milieu de la ville. La margelle du puits est une pierre de grès laquelle a été transportée en la maison du Seigneur de Trémont et à présent elle est sur le puits de l'hôtel de Bourgogne à La Clayette [Cette pierre sa trouve maintenant dans le parc du Marquis de Noblet au château de la Clayette]. La ville était située au penchant de la montagne du côté de midi et du côté d'occident et vers le matin ; elle était assise sur la montagne et prenait sa longueur du côté d'occident, ayant la vue sur une belle plaine, sur tout le Brionnais, le Charollais, le Bourbonnais, le long des rivières de la Loire, de l'Allier et l'Arroux qui sont contrées à voir sur le septentrion.

En icelle est une chose remarquable qui arrive tous les ans le jour de la fête de Saint Firmin qui est le 25 septembre : de toutes parts arrive une grande quantité de fourmis volantes comme si elles étaient essaim d'abeilles, les fourmis approchent le cimetière, se mettent en terre et dès lors elles cessent de voler, et s'en vont passer dedans la grande église, puis retournent à la chapelle de Saint Firmin, environnent l'autel, tant dedans que dehors de la dite chapelle et est advenue que la charité des gens de bien s'étant refroidie le curé n'ayant nul moyen d'entretenir le couvert à cause des grands vents et orages, a voulu transporter l'image de Saint Firmin. (Probablement dans la grande église ?).

Les dites fourmis étant proches du cimetière, de là elles s'en vont à la grande église et à l'autel sur lequel repose Saint Firmin et ne s'en retournent jamais plus mais elles meurent toutes. Point d'autre fourmis que des volantes.

Pour montrer ce qui a causé la ruine de cette ville et du château, on voit que la montagne de Dunet joint celle de Dun-le-Roy environ à trois tirs d'arbalètes : au plus haut de la montagne est le lieu où étaient posées les machines et artillerie royale. À la porte du château et au-dessous de la batterie on voit les tranchées où étaient logés les assaillants, ces tranchées prenaient le haut de la montagne de Dunet du côté de bise et du côté du matin et se joignaient vis-à-vis la porte du château et la porte de la ville à portée d'arquebuse du côté du soir. Et furent les châteaux et villes de Dun le Roi et Dunet froid ou Buisson le Roi, battus, pris, ruinés de telle sorte qu'il n'en reste plus que des masures remplies de buissons. Et peut contenir l'étendue des villes et châteaux plus de dix journaux de terre sans qu'il y ait aucune habitation que la chapelle et l'église paroissiale. Est venue la ruine du temps de Philippe-Auguste, fils de Louis le Jeune, lequel Louis le Jeune, Roi de France, fut contraint de lever une grosse armée et faire la guerre aux comtes de Châlons, de Mâcon et de Beaujeu parce qu'ils ne voulaient pas que les ecclésiastiques jouissent en leurs terres des franchises et droits que le Roi Louis le Jeune, son père, leur avait accordés, et pour les contraindre à ce, on leur aurait assiégé, pris et démoli plusieurs de leurs places et châteaux. Cette ville de Dun le Roi fut prise et ruinée environ l'an 1181 et sur le comte de Beaujeu fut aussi pris et ruiné le fort et ville de Chavanne le Lombard distant de Dun d'une lieue environ [Chevagny le Lombard à Aigueperse (69)].

Après la démolition de cette ville et château, le roi abandonna toutes les rentes qui étaient dues au Comte de Mâcon au monastère de Charlieu pour l'entretien de ses religieux. La montagne de Dun qui contient en carré plus de 400 journaux il donna à un sien gendarme nommé d'Anglure. Le roi ne voulut pas que l'on rebâtît cette ville mais qu'elle demeura déserte comme ayant été acquise de sujets rebelles et félons. Néanmoins l'enclos d'icelle étant rempli de buissons a été asservi à un nommé Corneloup, faisant profession des armes, les successeurs duquel en jouissent encore à présent. Pour dix journaux de terre on payait les servis au châtelain du Roi en la ville du Bois Sainte Marie où, après la démolition, tous les habitants, bourgeois et principaux officiers du comte s'étaient retirés et pour cela fut appelée « Castrum Nobilium ».

Ce qui donne des preuves à ce discours c'est que le terrier du sieur pitancier de Charlieu, pour confins des héritages qui sont en la montagne de Dun appelle en ces termes : juxta muros villa Duna regiae. Pour dire Dunetum, bocage royal ou du Roi. Mais l'ignorance des écrivains ou notaires de ce mot Dunetum a dit Dunum pour Dunetum lieu de buissons, lieu épineux ou rempli de buissons.

Remarques sur le précédent manuscrit :

L'auteur inconnu de ce travail s'appuie comme nous le voyons dès le début de sa narration, sur un principe faux : il suppose que Dun vient de Dunetum ou de Buisson. Selon lui, Dunet est le mot primitif et Dun n'en est que le diminutif. Ce sont je crois deux erreurs manifestes.

D'abord le mot Dunetum n'est pas latin, le véritable mot serait Dunetum pour la signification donnés de buisson, or Dun ne vient pas de Dunetum mais du mot celtique Dun qui veut dire montagne et que les Romains ont latinisé pour en faire Dunum et dont ils se sont souvent servi pour la dénomination des établissements qu'ils fondèrent dans nos contrées. C'est ainsi que nous voyons : Lugdunum, Augustodunum, Virodunum, Sedunum, Gurthodunum, Brancedunum. (Lyon, Autun, Verdun, Suin, Gourdon, Brancion).

Et bien que le mot dunum veuille exactement dire montagne, les romains l'employaient souvent pour désigner des lieux qui n'étaient pas forcément situés sur une montagne, il leur suffisait d'avoir à faire à des sites établis sur une simple éminence par rapport au territoire environnant.

Dun vient donc de Dunum et Dunet n'en est que le diminutif.

Pour ce qui est des restes de constructions dont parle notre manuscrit, tout est parfaitement exact et malgré le surcroît de temps écoulé depuis sa rédaction, nous pouvons encore en vérifier l'exactitude en fouillant dans les buissons qui ont envahi le sommet de la montagne.

Quant à l'église dont les ruines ont été restaurées dernièrement, sont-ce véritablement les vénérables restes de l'église dédiés à Saint Pierre et Saint Paul que nous avons sous les yeux ? Il est permis d'en douter car la construction semble plutôt appartenir au 13e siècle qu'au roman de la haute époque auquel la date de 1181 nous reporterait. On peut, en effet, supposer que la primitive ait eu à souffrir de la destruction de la ville et que, le territoire de l'ancienne paroisse restant le même, c'est-à-dire celui de la paroisse actuelle de Saint-Racho qui ne date que du début du 18e, on ait été obligé de reconstruire celle dont nous voyons les restes pour desservir le culte dans ces montagnes toujours habitées. Cette église resta église jusqu'à la construction de celle de Saint-Racho : on sait, en effet, que depuis 1711 au moins, les curés de Dun habitaient ce village et y faisaient la plus grande partie de leur service depuis que les seigneurs de Collonge avaient édifié le nouveau temple. Ils restaient cependant curés de Dun et signaient leurs pièces sous ce nom. En 1735 il n'était pas encore question de Saint-Racho et tous les actes de cette année sont encore signés du curé de Dun-le-Roy.

D'autre part, Saint-Julien de Balleure confirme cette manière de voir quand il nous dit que l'église de Dun est sous le vocable de Notre-Dame, le changement de patron nous autoriserait à croire au changement d'édifice. Voici en effet ce qu'il nous dit : « Cette ville de Dun est avec raison, estimée avoir été quelque chose de grand car les marques du circuit donnent connaissance de son amplitude. De toute l'antique ville de Dun-le-Roy il ne reste quasi plus que l'église et le presbytère d'une parochiale dépendant du chapitre d'Aigueperse. Elle est dédiée à Notre-Dame : il y a un grand apport. Céans est une chapelle de Saint Firmin. » C'est en 1705 qu'a eu lieu le transfert du chef-lieu paroissial de Dun à Saint-Racho mais comme nous l'avons vu plus haut le curé gardait toujours le titre de curé de Dun-le-Roy.

info Remarques sur la signification du mot Dunum.

info Actes du roi Philippe-Auguste du 28 juin au 18 septembre 1180 et son entrée en Bourgogne.

info Source du document : Archives du château de Rambuteau (vues 211-219/392).

Philippe-Auguste

Figure du roi de France Philippe-Auguste (1165-1223) - Cliquez pour agrandir (BnF/Gallica)
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