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De quelques figurations d'animaux aux portails des églises romanes du Brionnais, par François Ginet-Donati

Montceaux-l’Étoile, portail de la façade ouest

Église de Montceaux-l’Étoile, portail de la façade ouest - Cliquez pour agrandir

Parmi les différents motifs de sculpture qui ornent les chapiteaux ou les consoles des portails des églises brionnaises, on rencontre assez fréquemment des animaux jouant de divers instruments de musique.

À l'église de Baugy, la corbeille d'un chapiteau sans feuillage, ni volute, est occupé par trois de ces animaux musiciens. Un lièvre sonne de la trompe, un porc vu de face, joue de la cythare, à ses côtés un autre quadrupède promène un archet sur une viole.

Au portail de l'église de Fleury-la-Montagne, sur l'un des chapiteaux qui recouvre la voussure de l'archivolte, au milieu de feuillages d'acanthes et sous les volutes, un âne debout porte sur son poitrail, une harpe en forme de triangle, il agite les cordes avec ses pieds de devant. À ses côtés, un bouc joue de la viole.

Pour certains auteurs, ces représentations d'animaux musiciens, figurés aux portails des églises, ont pour mission d'interdire à la musique profane l'accès du saint lieu ; cependant, nous avons rencontré à l'intérieur des églises ces compositions. À Saint-André d'Iguerande, sur l'un des chapiteaux soutenant l'un des doubleaux de la voûte de la grande nef, un renard pince de la harpe, tandis qu'à ses côtés un cyclope avec un œil unique au milieu du front souffle dans une flûte de Pan.

Dès le début de l'art roman, les artistes s'inspirèrent parallèlement des Écritures et des Fables de l'antiquité. Les Bestiaires issus du Physiologus, ces traités de zoologie allégorique, copiés par les scribes carolingiens, furent la véritable source de leur inspiration. De là ces nombreuses représentations d'animaux, de ces créations moitié humaines, moitié animâtes tirées des mythologies, comme les centaures, les sirènes, les griffons, les harpies, les basilics, les licornes, etc.

À cette époque du moyen-âge, ces figurations d'animaux ne provoquaient pas la répulsion, ne soulevaient pas la raillerie qu'elles excitèrent par la suite comme au XVIIe et XVIIIe siècle. Lorsque l'abbé Courtepée fit son voyage en Brionnais, il s'extasie et pousse des cris d'admiration devant la chapelle adossée à l'église de Montceaux-l’Étoile. Cette chapelle seigneuriale, de style Pompadour, venait d'être construite. Puis devant les sculptures de l'église romane d'Anzy-le-Duc, il s'écrie : ce sont des figures barbares et grotesques. Simple question de temps et de mode.

Certaines de ces compositions sont traitées dans une note très réaliste, avec une véritable recherche de la vérité ; dans d'autres on ressent très nettement l'influence des arts anciens. À Varenne-l'Arconce, un centaure et un griffon sont des emprunts directs faits à l'art romain. À Anzy-le-Duc, un lion à la crinière tressée semble une copie très exacte des bas-reliefs assyriens. À Melay, à côté de sirènes, se voient deux paons ; ces oiseaux très stylisés, sont visiblement copiés des tapis sassanides importés de Byzance.

Une autre composition que l'on trouve souvent reproduite aux portails des églises, c'est la lutte de l'archange Saint-Michel et du démon. D'après certains commentaires iconographiques, saint Michel aurait pour mission d'empêcher le démon de pénétrer dans l'église.

Au portail de Montceaux-l’Étoile, sur une des consoles qui supportent le linteau, l'archange porte un coup de pointe de son épée au démon accroupi à ses pieds. Il est coiffé du casque à nasal posé par-dessus le capuchon d'une broigne à mailles, il porte au bras gauche le bouclier rond. Le démon a deux ailerons serrés autour de sa tête, sa bouche grande ouverte montre ses dents, et ses lèvres sont plissées par un rictus effrayant, ses pieds sont palmés, de son bras droit il repousse le bouclier.

De l'ancienne église de Chenay-le-Châtel, il subsiste un chapiteau. C'est la représentation du démon qui soulève de ses deux mains un énorme trident qui vient s'amortir sur le bouclier de l'Archange brandissant son épée ; le même sujet est représenté à Saint-Laurent-en-Brionnais.

Au portail de Fleury-la-Montagne, sur le chapiteau de gauche l'on a cru voir la représentation de David et de Goliath, mais ne serait-ce pas plutôt la lutte de saint Michel et du démon. L'archange est porteur d'une fronde, du bouclier carolingien et à umbo ; son adversaire dont le corps présente ces créations moitié humaines et moitié animales, brandit une épée, large et courte, de la main droite.

Ces représentations d'animaux musiciens, de même que ces costumes des premiers temps de la Chevalerie, datent du XIe siècle. On les retrouve à Fleury-la-Montagne, à Baugy, à l'ancienne église de Chenay-le-Châtel, à Montceaux-l’Étoile, et sur les modillons du transept méridional de l'église d'Anzy-le-Duc.

[Source : Bulletin de la Société d'études du Brionnais, juin 1930]

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