
Excursion à Châteauneuf par Jean Virey (1936)
Plan de l’église de Châteauneuf - Cliquez pour agrandir
Source : Congrès archéologique de France 1935 (BnF-Gallica)
Châteauneuf (1) domine la vallée du Sornin. L’église s’élève sur un rocher escarpé au-dessus du village. Sous le vocable de saint Paul, elle dépendait du diocèse de Mâcon et de l’archiprêtré de Beaujeu.
Classée depuis longtemps comme monument historique, les premiers travaux de restauration furent entrepris vers 1850 (2) et se sont continués longtemps après. Viollet-le-Duc a dessiné le clocher dans son Dictionnaire.
Bien orientée, l’église à trois vaisseaux interrompus par un transept sans saillie et prolongés par un chœur, précédés d’une travée droite suivie d’une abside et de deux absidioles, dans l’axe des vaisseaux. La nef, de trois travées, est voûtée en berceau légèrement brisé, renforcé par des doubleaux en cintre brisé ; elle est éclairée directement par des fenêtres en plein cintre encadrées de vastes archivoltes ayant, à leurs retombées, des colonnettes. Ouvertes à une grande hauteur, ces fenêtres ont nécessité des lunettes dans la voûte. L’aspect de la nef, où courent des cordons de perles au-dessus des grandes arcades en cintre brisé, à double rouleau, est élancé et fort élégant.
(1) Canton de Chauffailles, arr. de Charolles (Saône-et-Loire).
(2) Cf. du Sommerard, Les monuments historiques de France à l’Exposition universelle de Vienne, Paris, 1876, in-4°, p. 93-98 (rapports de E. Millet et P. Mérimée).
Les collatéraux, que leur élévation fait paraître très étroits, semblent voûtés en berceau plein cintre et non en demi berceaux ; des pénétrations coïncident avec le cintre brisé des grandes arcades ; des doubleaux séparent les travées, qu’éclairent des fenêtres en plein cintre dont presque tout l’ébrasement est à l’intérieur. Le mur de façade dans l’axe des collatéraux est percé de longues fenêtres en plein cintre et, dans la partie correspondant à la nef, d’une grande fenêtre de même forme, éclairant la partie haute sous la voûte.
À la retombée des grandes arcades, des piliers montés sur plan carré présentent sur trois faces la saillie d’une colonne engagée et sur la quatrième, tournée vers le bas-côté, la saillie d’un pilastre.
La nef communique avec la croisée du transept par l’arc triomphal, grande arcade à double rouleau en cintre brisé. La croisée au-dessus de laquelle s’élève le clocher est voûtée par une coupole octogonale montée au-dessus d’une lanterne à huit côtés. Le plan carré de la croisée passe à l’octogone, grâce à quatre trompes en cul-de-four. La lanterne est éclairée par quatre fenêtres reliées entre elles par des arcatures aveugles en plein cintre. De grandes arcades en cintre brisé, à double rouleau, font communiquer la croisée avec les croisillons, dont le mur de fond est percé d’un oculus. Des arcades simples, de même forme, donnent passage des collatéraux aux travées latérales du chœur. Les piliers de la croisée sont de plan cruciforme cantonné sur trois côtés par des colonnes engagées.
À l’entrée du chœur, l’arcade brisée est à double rouleau. La travée du chœur voûtée en berceau de même forme, plus élevé que le cul-de-four de l’abside, nécessite un mur en décrochement percé d’un oculus. Le mur porte sur une arcade également brisée, ouverte sur l’abside.
Cette dernière est éclairée par trois fenêtres en plein cintre encadrées dans une arcature à cinq formes, analogue à celle que l’on remarque dans nombre d’édifices, comme Avenas, Saint-Nicolas de Beaujeu, etc. Deux pilastres sont aux retombées de l’arc central ; ailleurs, ce sont des colonnettes. Pilastres et colonnettes sont richement décorés, ainsi que les tailloirs où l’on voit des rangs de perles.
Les travées collatérales du chœur, voûtées en berceau plein cintre, comme les fenêtres, sont suivies d’absidioles en hémicycle et couvertes, ainsi que l’abside centrale, d’un cul-de-four brisé. Une fenêtre en plein cintre ouvre dans l’axe de chaque absidiole.
Intérieur de l’église de Châteauneuf
Une porte latérale, contemporaine de la construction primitive, est percée dans le mur de la troisième travée du bas-côté sud. Un examen rapide des piliers, des bases et des chapiteaux des colonnes engagées nous a fait reconnaître, outre les restaurations modernes, de curieuses restaurations du XVe siècle. À cette époque, les piliers de la croisée s’écrasèrent sous la charge du clocher ; on les consolida et, depuis, on a dû les refaire à neuf ; le sol a été surélevé et de nouvelles bases ont remplacé les anciennes. La plupart des chapiteaux du XIIe siècle ont été remplacés au XVe, et le travail considérable effectué au cours de ce siècle se trouve daté, au premier pilier nord sur la face qui regarde la nef, par une inscription ainsi disposée :
Inscription 1463
qui donne la date de 1463. Quant à l’arcature qui orne le fond du chœur, elle a été restaurée à la fin du siècle dernier.
À l’extérieur, la façade reproduit les dispositions intérieures : elle est divisée verticalement en trois parties correspondant à la nef et aux collatéraux. Le mur en avant de la nef principale se termine en haut par un pignon, et deux longs contreforts le séparent de celui des bas-côtés. Entre ces deux contreforts ouvre la porte, dont la baie, amortie par un linteau nu comme le tympan, est encadrée par trois séries de moulures formant une archivolte en plein cintre. Des colonnes engagées, soutiennent les extrémités du linteau, comme à la porte de l’église d’Iguerande : chapiteaux et bases ont été refaits. Aux autres moulures correspondent des colonnettes.
À la partie supérieure de la façade de la nef se trouve une grande fenêtre en plein cintre dont l’archivolte retombe sur des colonnettes. Un encadrement formé latéralement par des pilastres cannelés se termine en haut par un gâble.
Le mur de façade des collatéraux est limité, vers les arêtes de la construction, par un contrefort ; une longue et étroite fenêtre en plein cintre, sans écrasement extérieur, en fait le seul ornement.
Façade et clocher
Au midi, l'élévation latérale est percée de trois fenêtres longues et étroites séparées les unes des autres par des contreforts de peu de saillie. À la troisième travée on remarque une porte ancienne, dont l'encadrement en plein cintre, aux voussoirs bien appareillés, est décoré, vers l’extrados, d’une moulure composée d'un méplat suivi d’une gorge que vient remplir un tore. Les sommiers de l’arc reposent sur des colonnettes munies de bases, de chapiteaux et de tailloirs sculptés sur le méplat et le chanfrein. Les chapiteaux sont à personnages. La baie rectangulaire est amortie par un linteau où sont sculptés, sans doute, les douze apôtres, debout, chacun sous une petite arcade en plein cintre. Un linteau analogue se voit à l’intérieur du porche de Charlieu, au-dessus de la porte qui donnait entrée dans l’église. À Châteauneuf, le tympan qui est au-dessus de ce linteau n’est pas sculpté.
Porte latérale sud
Au mur de fond du croisillon, accompagné de deux contreforts, on voit un bel oculus du XIIe siècle dont la baie circulaire, encadrée par des moulures, est bordée d’une sorte de feston.
Au chevet, chaque absidiole est flanquée d’un contrefort en forme de demi-colonne avec base et chapiteau à feuillages richement sculpté. L’abside centrale est munie de deux contreforts rectangulaires formant pilastres, accompagnés de bases et de socles. Trois fenêtres éclairent l’abside ; celle de l’axe est ornée de colonnettes, et celle qui est tournée vers le nord n’a pas d’ébrasement extérieur. La corniche moulurée qui soutient la base du toit est très saillante ; les parties anciennes en sont supportées par des modillons variés à têtes grimaçantes. À l’abside et aux absidioles, la toiture est posée directement sur les reins des voûtes.
Chevet de l'église de Châteauneuf
Le clocher, élevé sur plan carré, se compose d’un soubassement plein en moellons, avec angles de pierre, posé, suivant l’usage, sur les quatre piliers de la croisée et les quatre arcs doubleaux ; d’un étage percé d’une seule baie sur chaque face, et de l’étage du beffroi ajouré de quatre baies jumelles, enfin d’une pyramide à base carrée maçonnée en moellons, aérée par quatre lucarnes.
Les baies du premier étage, en plein cintre, dont l’archivolte, ornée de disques et de moulures, repose sur des colonnettes, sont prises dans un encadrement terminé en haut par un gâble analogue à celui que l’on voit à la grande fenêtre de la façade. Les angles de l’étage du beffroi sont flanqués de pilastres ornés de disques portant la corniche. Il y a dans toute cette décoration un souvenir de l’antiquité romaine.
À l’intérieur du clocher, à la base de la pyramide de pierre, on voyait les traces d’un chaînage de bois destiné à arrêter le déversement des murs. Il faut remarquer aussi la disposition originale, que l’on retrouve souvent dans les clochers de la région, des faisceaux de colonnettes qui séparent les baies jumelles de l’étage du beffroi. Ces quatre colonnettes, une en avant, puis deux, puis une en arrière, donnaient une légèreté apparente qui ne sacrifiait en rien la solidité a l’élégance.
En résumé, l’église de Châteauneuf, dont la silhouette domine la vallée du Sornin et complète un joli paysage, bien homogène, remonte tout entière au milieu du XIIe siècle - sauf les remaniements et restaurations qu’elle a dû subir postérieurement. La richesse de la décoration du, chœur, de la nef, des fenêtres, des portes, de l’abside, du clocher, est vraiment remarquable, et c’est un des meilleurs types de l’art roman arrivé à son plein développement.
