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Histoire du château de Tournin à La Tour-du-Pin

Château de Tournin 2

Le château de Tournin et sa tour-observatoire - Cliquez sur la photo pour l'agrandir

[Source : Docteur André Dénier, Histoire des Châteaux de La Tour-du-Pin, Revue Évocations, AD38, PER970/1, 1945-1948]

Le château de Tournin que les Turripinois appellent plus familièrement le château Picot-la-Beaume domine la ville de La Tour-du-Pin. Au midi on voit émerger, des frondaisons qui s'étalent sur les bois de Hauteur, la vieille Tour surmontée de son observatoire ; une lithographie de Victor Cassien dans l'Album du Dauphiné (1837) la montre dans son aspect actuel avec cette différence que la colline est dénudée et le château visible dans tout son ensemble.

Les limites des deux communes de Sainte-Blandine et de La Tour-du-Pin passent dans la propriété, ce qui fut au cours des siècles l'objet de maints procès pour les impositions.

En faisant des fouilles dans un petit bois, près du château, il y a quelques années, on a découvert une pierre tombale de l'époque romaine, de dimensions : 75 x 63 x 47 centimètres, portant l'inscription :

D. M.
M. VLPI PAVIN
ANIMAE DULCIS
SIMAE Q. VIXIT
AN. XXXII M. V.

une ascia (hache) sculptée sur la face droite en regardant l'inscription, inscription que l'on reconstitue ainsi :

DEIS MANI BUS MARCI ULPII PAULINI
ANIMAE DULCISSIMAE
QUI VIXIT ANN XXXII MENSES QUINQUE

Que l'on peut traduire :

Aux Dieux Manes de MARCUS ULPIUS PAULINIUS
dont la délicatesse du cœur fut très grande.
Il vécut 32 ans et cinq mois.

L'histoire de cette pierre est curieuse. M. Pillot dans une séance de la Société des Statistiques de l'Isère du 29 décembre 1843 rapporte qu'un cippe (colonne funéraire) a été trouvé dans les fondations d'une maison près de la grande place de La Tour-du-Pin, maison démolie il y a peu d'années, cippe sur lequel il y avait cette inscription. Où est-elle maintenant ?

En 1875 Allmer dans ses Inscriptions Antiques (Tome III) signale cette inscription et dit qu'elle a été perdue. Comment est-elle venue échouer dans le bois de Tournin ? Quel heureux hasard a permis de la retrouver au cours d'une banale fouille de terre.

Allmer fait remarquer que « cette épitaphe n'est pas complète, il y manque les dernières lignes contenant les noms de la personne qui avait élevé ce tombeau. À cause du nom Ulpius le monument ne devait pas être d'une époque antérieure à Trajan, donc début du IIe siècle après Jésus-Christ. Il y a même une grande apparence que notre Marcus Ulpius qui avait non seulement le nom mais aussi le prénom de ce prince était le descendant de quelqu'un de ses affranchis ».

L'inscription « sub ascia » a été interprétée de plusieurs manières, mais la plus simple semble être celle-ci. On se servait d'une espèce de hache pour tailler la pierre, véritablement un doloire ; l'inscription « sub ascia » ou souvent la seule gravure de l'instrument comme ici sur une des faces de la pierre indiquait tout le soin mis à polir ces pierres funéraires, et signifierait que le tombeau était consacré à la mémoire du défunt au sortir des mains de l'ouvrier. C'était en somme une marque de la corporation des tailleurs de pierre indiquant la bonne façon de l'ouvrage.

Dans la salle à manger du château se trouve une pierre encastrée sur la cheminée et portant les armes de la famille de Clermont-Tonnerre. Il semble que cette famille ait été propriétaire de Tournin au Moyen-Âge. Les Clermont-Tonnerre possédaient d'ailleurs une grande partie des terres communes actuelles de La Tour-du-Pin et de celles avoisinantes. Leur fief était Saint-Geoire-en-Valdaine.

Sur les origines de Tournin, M. Saint-Olive a eu l'obligeance de me communiquer des notes de Gauduel.

Tournin était primitivement une maison forte dont le premier possesseur connu était en 1450 Pierre de Virieu dit de Tournin, fils de Jean de Virieu et Isabelle de Loyes. Cette Isabelle de Loyes nous a laissé une donation inscrite dans la pierre, le 23 septembre 1393 devant François Liarzon, notaire à La Tour-du-Pin. À cette date Jean de Virieu qui était seigneur de Cuirieu était mort.

Tournin passe à Noble de Gourdon marié à Françoise de Meyrieu, qui laisse un fils Antoine, placé sous la tutelle se sa mère. Mais celle-ci pour éteindre les dettes de son mari est obligée de vendre sa maison forte à Noble Jacques Joffrey au prix de 1.500 florins qui la revendit en 1540 à Antoine de Boissat, fils de Thomas de Boissat, capitaine châtelain de La Tour-du-Pin.

C'est un fils d'Antoine de Boissat, Jean de Boissat, qui forma la branche de Cuirieu.

À Antoine de Boissat succède Noble Symphorien Borin, maître ordinaire à la Chambre des Comptes, en 1609. Il épouse le 29 février 1612 Marguerite de Baronnat, fille de Gaspard seigneur de Poleymieu, et de Laurence de Monteynard. Il fit sa femme héritière de tous ses biens. Celle-ci testa le 5 janvier 1649 en faveur de son neveu Aymar de Manissy qui avait épousé le 20 février 1647 Anne Mitalier fille de Pierre Mitalier, conseiller et doyen à la Chambre des Comptes. Aymar mourut criblé de dettes ; son fils Joseph de Manissy se débattit dans des procès comme on les connaissait à l'époque. C'est sa fille Dame Anne Marie Félicité de Manissy, épouse de Noble Claude Étienne Frayer conseiller et secrétaire du royaume à la Chancellerie du Dauphiné qui liquida la situation par un acte du 29 mars 1738. Elle vendait au prix de 60.000 livres à Henri François de Francou seigneur de Saint-Marcel, chanoine de l'église Saint-Louis de Grenoble. À cette époque les bâtiments sont habités par un fermier, Fleury Poulet. Mais Tournin ne porte pas bonheur à ses propriétaires. En 1748 de Francou meurt et ses héritiers les Borel vendent le bien, pour payer les dettes à Nicolas Faure qui à son tour le revend le 12 août 1756 à Charles Picot de la Buissonnière pour 50.000 livres. Voilà enfin le château fixé dans une famille pour un siècle et demi. Cette famille Picot, originaire de Genève, vint en France sous Louis XIII et en Dauphiné vers 1670. Le père de Charles, Philibert Picot, se fixa à Eclose dans le vieux château fort de la Buissonnière et prit le nom de Picot de la Buissonnière. Ce château fut par la suite converti en église et le reste fut rasé.

C'est Picot de la Buissonnière qui transforma le château dont un état des lieux en 1770 décrit le besoin de restauration. C'est lui qui changea la tour en observatoire en la décapitant de son toit. À la fin du XVIIIe siècle, sous l'impulsion des encyclopédistes, c'était une émulation dans le domaine des sciences et Picot voulait un observatoire pour faire de l'astronomie.

De son mariage avec Clémence Giroud de la Marnière, Charles Picot eut sept enfants : Jean-Marie, avocat au Parlement, André Picot de Charvin né en 1760, passa sa thèse de Médecine le 10 mai 1788 à Strasbourg. En 1828 son confrère le docteur Joseph Alphée Reymond lui dédia sa thèse sur « l'Influence du son sur l'économie ». Une fille Françoise épousa en 1777 Hugues Philippe Paulin, notaire royal à La Tour-du-Pin. Il habitait la maison des Dauphins et à sa mort légua la demeure à la ville pour en faire un hôpital, mais la municipalité préféra vendre la maison à M. de Sainte-Julie.

Jean Baptiste Picot né le 6 novembre 1752, avocat, marié à Mademoiselle Nallet, vint habiter le château de Torchefelon, appartenant à l'oncle La Beaume, il prit alors le nom de Picot La Beaume et fut maire de Torchefelon jusqu'en 1793. À cette date il quitta Torchefelon pour venir, à la mort de son père, habiter le château de Tournin. Il fut maire de La Tour-du-Pin jusqu'en 1803, puis Conseiller Général, juge suppléant au Tribunal de Bourgoin et Président de la Commission de dessèchement des marais de Bourgoin et La Verpillière.

En 1812, il fut désigné par l'Empereur pour la dignité de Comte de l'Empire, mais avec l'obligation de constituer un majorat en faveur de son fils. Ce majorat n'ayant pas été établi dans les délais voulus, le titre de Comte ne lui fut pas attribué malgré de nombreuses démarches faites par lui et son fils pour supprimer cette forclusion.

Son fils, Constance Picot La Beaume, se maria en 1829 à Lyon avec une fille de M. le Baron d'Aufferville, directeur des Postes à Lyon, et mourut en 1836.

En 1923, M. Courbier de Lyon acheta Tournin aux Picot La Beaume et le restaura entièrement, lui redonnant sa parure première, et il en avait besoin car M. Picot avait agi un peu en paysan du Danube.

L'histoire vaut d'être rapportée :

Il y a 70 ans, Monsieur de Buffières rendait visite à Tournin à M. Picot La Beaume, ancien juge du Prince de Monaco, entendait de la bouche de son propriétaire ces paroles : « Hein, il fait clair chez moi avec ces grandes fenêtres ; figurez-vous qu'elles étaient toutes obscurcies par des croix en pierre que j'ai fait couper ». Le brave homme ne se doutait pas qu'il avait déshonoré son château en faisant disparaître les fenêtres à meneaux, caractéristiques de la construction du Moyen-Âge et de la Renaissance.

Un souterrain aujourd'hui en partie comblé s'étend du château à un étang situé eu bordure de la route de La Tour-du-Pin à Virieu. La légende y a vu des oubliettes ou un ensemble de voies souterraines reliant le château avec les châteaux circonvoisins. La réalité est plus prosaïque. Ce ne sont que des galeries creusées dans la colline pour alimenter les sources de l'étang.

Ne troublons point l'air de mystère qui plane autour de ces vieilles pierres et goûtons tout le charme des heureuses proportions de cette demeure ancienne dont la façade s'étend devant un parc aux lignes harmonieuses.

Dr A. Dénier

Château de Tournin 1

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Clermont

Blason des de Clermont (Armorial d'Hozier) - De gueules à deux clefs d'argent passées en sautoir
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