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Histoire du triptyque de La Tour-du-Pin

[Source : Dr André Dénier, Bulletin de l'Académie delphinale (1935)]

Ce triptyque est placé dans la sacristie de l'église de La Tour-du-Pin, et son curriculum vitae est celui-ci : un peintre allemand revenant d'Italie où il était allé se perfectionner, tombe malade en passant à La Tour-du-Pin ; il est hospitalisé à « l'hôpital pour le soulagement des pauvres, des pèlerins et des soldats estropiés qui allaient et venaient d'Italie et d'au delà des monts ». Cet hôpital a été créé en 1190. Pendant le temps de sa maladie, qui dure deux ans (1541 et 1542), il peint les trois panneaux intérieurs du triptyque. Ce tableau est placé dans la chapelle de l'hôpital.

L'hôpital est partiellement démoli en 1590 par les gens de la Ligue, commandés par Gabriel de la Poype Saint-Jullin, qui s'empare de la Tour, et en 1591 par les Napolitains ayant à leur tête le comte Olivary, vice-roi de Sicile, qui seront décimés par Lesdiguières à Pontcharra, peu de mois après.

En 1619 un couvent de Pères Récollets est construit à La Tour-du-Pin, et en 1627 le triptyque est transféré dans l'église du couvent et il est placé dans la chapelle de Notre Dame de la Pitié.

C'est à ce moment que l'on peint sur les panneaux extérieurs : à droite, Saint Jérôme dans le désert, patron des Récollets ; sur le panneau gauche, un Ecce Homo, et sur la face postérieure du grand panneau, un Christ en grisaille avec une inscription : O Fili David, miserere nobis.

A la Révolution de 1791, le couvent est transformé en maison communale ; l'église devient le siège de la Société populaire et le triptyque est transféré dans l'église paroissiale.

En 1833, M. Chevallier, maire, le signale dans une lettre au sous-préfet, en précisant qu'il est peint sur bois ; il raconte l'histoire du peintre malade.

En 1854, M. Thierrot, conservateur des musées et palais des Beaux-arts de Lyon, en fait l'expertise sur la demande des fabriciens. Après avoir éliminé Lucas Cranach comme auteur du triptyque, il l'attribue à Georges Penez. Il estime le chef-d'œuvre à 10.000 francs or.

En 1868 le Conseil de fabrique veut le vendre pour 5.000 francs, afin de trouver l'argent pour l'édification de la nouvelle église ; mais le Conseil municipal s'y oppose par délibération du 5 novembre 1877.

En 1880, le triptyque est placé dans la sacristie de la nouvelle église, où il se trouve actuellement. Le 29 février 1904, un arrêté ministériel le classe monument historique.

Le triptyque présente un panneau central de 1 m. 80 x 1 m. 65 et deux volets de 1 m. 80 x 1 m. 10 ; il porte dans les entrelacs du cadre les dates 1541 et 1542, et les trois panneaux représentent : à gauche Jésus montant au Calvaire, avec comme fond le château-fort de la Tour ; au centre l'ensevelissement de Notre-Seigneur ; à droite, la descente de Croix.

Les visages des personnages sont pleins d'âme et d'expression, tenant à la fois du style allemand et italien ; il y a un groupement des attitudes autour du Christ qui est remarquable.

La peinture a conservé presque toute l'intensité des teintes premières.

Par contre, les panneaux extérieurs, faits d'une matière moins riche, semblent délavés ; les personnages ont moins d'allure et les physionomies sont plus plates. Dans le fond du tableau, représentant Saint Jérôme dans le désert, on remarque la reproduction de l'église abbatiale de Saint-Chef telle qu'elle était à l'époque.

La photographie en infra-rouges a permis de trouver le monogramme de l'auteur dans l'angle inférieur droit du panneau gauche ; il est composé d'un G et d'un P. Après un délicat nettoyage de cet angle, le monogramme est partiellement visible à l'œil. C'est le monogramme de Georges Penez. Penez, élève de Dürer, est né à Nuremberg en 1500 ; en 1539, il exécute à Rome l'estampe de la Prise de Carthage. Il était allé étudier à Rome, à l'école de Marc-Antoine Ramiondi. Il meurt à Leipzig en 1550.

L'identification ne laisse donc plus aucun doute puisque l'histoire est d'accord avec la peinture.

info Pour en savoir plus : Conférence de l'association La Tour Prend Garde du 30 mai 2011 sur le triptyque

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