La cloche communale de La Tour-du-Pin
A défaut d'être prestigieuse, cette cloche n'en est pas moins un trésor estimable, qui permet de remonter aux sources de la Tour du Pin et mériterait d'être mieux accessible à la vue du visiteur.
Observons :
1° Elle ne porte aucun signe religieux. Or, comme toutes les cloches rituelles en ont, ce n'est donc pas une cloche d'église.
2° Elle est datée de 1584, et porte des armoiries meublées d'une tour et d'un pin ; et confirmerait que - il y a quelque 400 ans - on ne songeait pas à évoquer une étymologie celtique ("pen" : monticule).
3° Selon les traités d'héraldique, les villes ont obtenu au moyen-âge des armoiries de patronage en même temps que les franchises communales. Elles se composent généralement de pièces ajoutées aux armes de la famille du prince souverain. En l'occurrence, le pin s'ajoute à la tour, que les barons locaux maintiennent, même quand ils sont Dauphins régnants. Cette concession a vraisemblablement été faite en même temps que la "Charte de statut communal" octroyée pour 15 ans en 1290 par Humbert Ier confirmée par Jean en 1315, et rappelée dans le traité lors du rattachement à la France, en 1349.
4° Le sapin qui a surgi au XIX° siècle dans l'armorial municipal s'est substitué au symbole du pin arraché (avec racines) de type sylvestre qui, d'après la cloche, est seul authentique et légitime.
Que se passe-t-il autour de 1584 ?
Placé sur l'itinéraire des troupes rentrant des guerres d'Italie (vers 1559), le bourg avait beaucoup souffert.
En 1562, le Baron des Adrets fait le siège avec 800 cavaliers et 2500 arbalétriers, met tout à feu et à sang pour le compte de la ligue protestante. Les biens catholiques sont pillés ou détruits, les cloches d'église sont fondues pour faire des canons.
En 1577-78, la puissante famille des MUSY acquiert les vieilles masures du château de La Tour du Pin, à l'exception de la grosse tour qui a servi de prison.
1579 : La ville est restaurée (commande de la cloche ?).
1584 : Date de la cloche.
1590 : Nouvelle incursion des protestants.
1591 : Ravage des napolitains.
Cette cloche a dû subir l'un de ces multiples incendies : elle présente des traces de fusion du métal. De plus, les brisures à la base, et l'arrachage des anses, semblent témoigner d'une chute (non seulement la charpente, mais tout le beffroi était souvent en bois).
C'est ce que pourrait nous raconter ce témoin muet de notre passé qui a sonné les heurs et malheurs de La Tour du Pin.