Histoire du château de Pin et de la Maison Blanche à Saint-Didier-de-la-Tour
Le château de Pin - Cliquez sur la photo pour l'agrandir
[Source : Dr André Dénier, livre « La Tour du Pin, terre des Dauphins » et Histoire des Châteaux de La Tour-du-Pin et de la région, Revue Évocations, AD38, PER970/1, 1945-1948]
Le château de Pin
Le château actuel a été construit en 1674, comme le porte une pierre d'angle de la construction.
Henri du Colombier, vers 1840, a été obligé en raison de la vétusté de la toiture Louis XIII du château, de procéder à sa réfection. Il en a profité pour élever la construction d'un étage et à cause de la rigueur des hivers et de l'importance écrasante de la neige sur le toit, a remplacé le toit Louis XIII initial par un toit Louis XVI beaucoup plus en pente. La suppression des douves a eu lieu vers la même époque.
Les premiers et plus anciens renseignements trouvés aux archives du château ne remontent guère au-delà de 1550, époque où seule existait la maison-forte de Pin -actuellement la ferme de Pin- dont certains restes permettent de situer la construction à la fin du XIVe siècle ou au début du XVe.
Cette maison-forte formait le bastion Sud-Est du camp retranché de la baronnie de La Tour-du-Pin. Elle était sur la paroisse de Saint-Didier ainsi que toutes les terres qui en dépendaient et appartenait dans la deuxième moitié du XVIe siècle à une famille notariale locale, les Mitalier, dont deux branches furent anoblies au cours du siècle suivant. Leurs armes étaient : « d'azur aux pommes de pin d'argent, renversées et tracées de sable », emblème qui, plus tard, s'est également retrouvé sur les pilastres soutenant le portail d'entrée.
Claude Mitalier fut vibailli de Vienne entre 1574 et 1583. Hélléniste et linguiste de talent, il entretenait une correspondance suivie avec Cujas le célèbre jurisconsulte qui fut professeur à l'Université de Valence et de Paris. Il donnait de grandes espérances quand il mourut prématurément âgé de 36 ans. De son mariage avec Marguerite de la Tour, il eut entre autres enfants, un fils Pierre, qui fut maître des requêtes à la Chambre des Comptes du Dauphiné. Il est également connu comme linguiste et aussi comme poète : il a laissé un poème de 4.000 vers acrostiches à la gloire de Henri IV et de Lesdiguières. Malgré ses travaux, il fit mentir la devise de son père.
« Quod vigili datur studio accrescit vitæ », que l'on peut traduire en paraphrasant « le travail enrichit l'homme car il fut obligé de vendre la maison-forte et la terre de Pin vers 1600. Il avait épousé Anne Béatrix-Robert. Leur fils Pierre aussi Maître des Comptes n'eut que deux filles : Benoîte mariée à Gui de Cleveyson et Laurence à Abel de Buffevent.
La terre de Pin fut acquise aux premiers jours du XVIIe siècle par André Basset de Saint-Nazaire, conseiller au Parlement de Grenoble, baptisé à Grenoble le 18 novembre 1581. Il était fils de Félix Basset avocat au Parlement et de Louise Morrut de La Tour-du-Pin. Il épousa Marguerite de Morges (de la maison Bérenger). Leur fils aîné Félix baptisé à Grenoble le 27 septembre 1612, mourut jeune. Le second, aussi prénommé Félix, baptisé à Grenoble le 1er avril 1619, sieur du Pin (sic) mourut à Grenoble le 4 octobre 1632. Peu de temps avant sa mort il vendit la terre de Pin à Antoine Vincent, dit Merlin, d'abord procureur puis secrétaire du Roi au Parlement, rentier des prieurés de Saint-Chef et de la Buisse, et receveur des décimes du clergé. Ce dernier avait trois fils ; deux officiers dans les troupes royales, l'un tué au siège de Montrond, l'autre mort gouverneur d'une ville du Nord, le troisième Jean exerçait l'importante et lucrative charge de Trésorier de France en Dauphiné. En raison de service la famille Vincent fut anoblie en 1653 en la personne d'Antoine et de ses fils.
À la mort de son père, Jean de Vincent lui succéda ; il avait épousé Dorothée de Gallien de Cléret d'une famille du Plateau Mateysin, dont il n'eut pas de postérité. Il mourut de maladie à Évian en 1690 laissant toute sa fortune aux pauvres de l'hôpital de Grenoble dont nommément la terre et le château du Pin qu'il avait fait bâtir en 1674. Sa femme eut à éteindre pendant un quart de siècle encore les procès fiscaux qu'il avait engagé au titre de sa charge de Trésorier général et eut à faire de ce fait des reprises sur la fortune léguée à l'hôpital. Cette situation litigieuse fut liquidée d'une entente commune entre Madame de Vincent et les recteurs de l'hôpital vers 1719 seulement.
Une première vente eut lieu par laquelle la famille de Gallien de Cléret restait propriétaire de Pin en la personne du Grand Prévôt de Grenoble, Ennemond de Gallien de Cléret, frère et héritier de Madame de Vincent. Le montant de la valeur de ce fief, soit 60.000 livres et le montant des reprises dotales de Madame de Vincent qui s'élevaient à 42.000 livres laissaient donc 18.000 livres qui furent versées par Ennemond de Gallien à l'hôpital de Grenoble. Il advint toutefois que le Grand Prévôt mourut peu après cet arrangement avant d'avoir pu payer cette soulte. Le domaine, après accord entre les intéressés fut remis en vente et adjugé à Gaspard de Gallien de Cléret, neveu du Grand Prévôt et de Madame de Vincent.
Du consentement de ses oncle et tante, Gaspard de Gallien de Cléret, habitait déjà Pin depuis plusieurs années avec Françoise Dijon de Cumane, sa femme issue d'une famille d'auditeurs à la Chambre des Comptes. Il en devint ainsi seul propriétaire après avoir levé par payement l'hypothèque de l'hôpital. Depuis cette date (1730) la translation du château et du domaine se fit, dans la famille, par voie de succession directe, comme il sera dit plus loin.
Jean de Vincent ayant hérité de Pin par son père, a songé à en augmenter considérablement le domaine et la juridiction et, ceci fait, édifia une nouvelle demeure seigneuriale, plus en rapport avec l'importance de la terre, le goût du temps, et sa haute position sociale. Il a entre temps, joint au domaine, par achat à André Athéaume de Boissat (alias le Maréchal de Boissac) aîné de cette famille de propriétaire de Cuirieu, toutes les terres situées sur le plateau entre l'ancien chemin et la nouvelle route de La Tour-du-Pin à Virieu ; et par rachats à la famille de la Porte, Seigneurs de Doissin, des terres et droits seigneuriaux sur Saint-Didier. Abandonnant à l'exploitation agricole l'ancienne maison-forte de Pin, il fit construire le nouveau château entièrement sur ses plans et avec les pierres des ruines de l'ancien château de La Tour-du-Pin, achetées de MM. Musy. L'ancien château de La Tour-du-Pin, étant en ruines depuis les guerres de religion, de la fin du XVIe siècle, les droits régaliens n'avaient pas été payés depuis, ni par leurs prédécesseurs (Lesdiguières entre autre). Aussi la cession des pierres et moellons ne put être enregistrée à Grenoble, qu'après payement des droits et arrérages.
En 1815 Madame du Colombier dut héberger à Pin, le Feld-Maréchal von Bubna et son état-major pendant toute l'occupation des Coalisés, car il faut se rappeler que l'occupation de notre région par les troupes austro-sardes a duré deux ans.
Gaspard de Gallien de Cléret et Françoise Dijon de Cumane n'eurent qu'une fille Gasparde, née en 1727 et morte en 1811 : elle fut mariée en 1748 à Hugues Marquis de Rachais, des seigneurs de Montferrat dont elle eut trois enfants :
1°) Antoine Étienne, marquis de Rachais premier lieutenant aux Gardes Françaises, colonel d'infanterie, mort en 1814, sans postérité de son mariage contracté le 17 août 1783 avec Catherine Henriette de Dreux-Brézé, fille de Joachim, marquis de Dreux-Brézé, lieutenant général des armées du Roi, grand maître des cérémonies de France, celui du jeu de paume interpellé par Mirabeau, et de Louise Jeanne de Courtavel.
2°) Marie Gabrielle Françoise du Rachais, mariée le 9 novembre 1767 à François de Corbel-Corbeau, Marquis de Vaulserre, seigneur des maisons-fortes de Saint-Franc et de la Bâtie de Moylau, capitaine au régiment du Royal Pologne, cavalerie.
3°) Françoise Marguerite, sans postérité de son mariage contracté le 22 novembre 1768 avec Pierre Marie, marquis de Vaulx, président à mortier au parlement du Dauphiné.
Antoine Étienne, dernier marquis de Rachais, laissa son château et sa terre de Pin, par testament du 1er mars 1814 à sa nièce et filleule, Gabrielle Aimée de Corbel-Corbeau de Vaulserre, fille de sa sœur aînée, qui devint la seconde femme de César du Colombier, et la mère d'Henri du Colombier lequel fut propriétaire de Pin jusqu'à sa mort survenue en 1888. Sa fille Marie du Colombier, héritière d'une partie des terres de Pin, racheta le château à l'un de ses beaux-frères, le Colonel Baron de Bellaing, qui l'avait eu dans sa part. Elle épousa le Comte du Parc de Locmaria dont le propriétaire actuel est un de ses fils.
C'est grâce aux renseignements que ce dernier m'a donnés que cette note a pu être rédigée.
Complément :
Archives du château du Pin (AD38, série 8J)
Blason des Mitalier (Armorial du Dauphiné) - Cliquez pour agrandir
D'azur, à 3 pommes de pin d'or, renversées et tracées de sable
La Maison Blanche, maison forte de Saint-Didier-de-la-Tour
La Maison Blanche apparaît pour la première fois dans un dénombrement de Maisons Fortes en 1350. Elle était construite pour la défense du pays contre les Savoyards dont les incursions étaient fréquentes. Elle forme un tout : habitations pour domestiques et pour les hommes d'armes, avec ferme, forteresse "champestre" comme l'appellent les écrivains du temps. C'est un fort d'arrêt sur la route de Saint-André-la-Palud (Saint-André-le-Gaz) qui appartint longtemps au Comte de Savoie. C'est en somme une des 22 sentinelles groupées dans la région autour du réduit central, « le Castellum turrispini ».
En 1540, la Maison Blanche appartient à Gilles de Ruins et Jean de Ruins, propriétaires de la Maison Forte de la Mure, à Saint-Didier. Ses revenus sont, toutes charges déduites, de 10 livres. Possédée en 1666 par Clément de Ruins, elle devint la propriété des De Boissat, sur la fin du XVIIe siècle et fut la résidence des chanoinesses de Boissat. À la veille de la Révolution, c'est un riche bourgeois de La Tour, M. Ollivier, maître de poste, qui en est le propriétaire, ses héritiers la cèdent au Marquis du Vivier qui la vend à M. Auguste Fontanel, en 1840, dont Mme Douare est la descendante directe. Aujourd'hui à Me Douane, avocat parisien, président des Dauphinois à Paris.
La Maison Blanche n'a pas été remaniée depuis longtemps. Elle conserve un cachet très original avec ses fenêtres à meneaux et sa tour, son étang ; mais à l'origine elle comprenait un corps de bâtiments donnant sur une cour intérieure, reliée l'extérieure par une poterne et un pont-levis, le tout entouré de fossés alimentés par le Ruy-Jaillet. La chapelle disparut au moment de la Révolution et les armes qui étaient au fronton de la porte d'entrée furent martelées.
La Maison Blanche et le lac Félix à Saint-Didier - Cliquez sur une photo pour l'agrandir