La race charolaise, origine et extension
Source : La connaissance générale du bœuf, par Louis Moll et Eugène Gayot, 1860
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De toutes les races bovines qui occupent depuis un temps immémorial le plateau central de la France, la plus importante paraît être aujourd'hui la race blanche du Charolais. Son origine, comme celle de toutes les races anciennes, se perd dans la nuit des temps, et, bien que certains agronomes voyageurs aient cru en retrouver en Toscane la souche originelle, il n'existe aucun fait connu d'importation ancienne ou récente qui puisse nous autoriser à admettre cette supposition. Toutefois, et pour l'exactitude des faits, nous devons reconnaître qu'il existe entre les bêtes communes du Charolais et celles citées plus haut une analogie très grande, ainsi que nous avons pu le constater au concours agricole universel de 1856, sur une douzaine de bêtes arrivées trop tardivement pour avoir pu être inscrites au catalogue. Ce sont bien les mêmes formes, la même robe, le même poil et le même maniement ; mais il nous semble plus rationnel d'admettre, jusqu'à preuve contraire, que ces deux races, comme la plupart des autres, descendent de l'ancienne race des forêts, si bien décrite par David Low dans son travail sur l'Histoire naturelle des Animaux domestiques de la Grande-Bretagne, travail dans lequel il constate que cette race-mère avait des tendances égales à donner des produits blancs, noirs pies, etc. ; de telle sorte que, sous l'influence de climats différents et des idées diverses des premiers éleveurs, chaque pays a vu s'établir des races distinctes, ayant des formes, des aptitudes et des couleurs définies.
Quoi qu'il en soit de cette explication, la race charolaise, prise en masse, est restée depuis les âges les plus reculés ignorée au fond de sa province, par suite du défaut de communications et de relations quelconques entre les cultivateurs ; il n'y a guère plus d'une centaine d'années qu'elle a été définitivement appréciée, et ce n'est que vers 1770 qu'elle a pénétré en Nivernais. A cette époque, elle présentait comme caractères principaux, chez les individus bien nés, c'est-à-dire pour les deux tiers environ de la population, une robe uniformément blanche, d'une nuance de crème ; un corps cylindrique et pesant ; des membres courts et peu chargés ; une tête courte, large et des naseaux bien ouverts ; des cornes demi-longues, de grosseur moyenne, lisses, avec la teinte blanche de l'ivoire, et légèrement relevées vers la pointe ; des yeux bien ouverts exprimant la douceur, la confiance et une certaine énergie physique. L'encolure moyennement chargée était presque entièrement dépourvue de fanon ; le poil, fin, lisse et peu tassé, présentait rarement, à l'encolure, à la tête et à la queue, les caractères propres aux natures velues, disposées à dépenser largement la vie ; l'ensemble exprimait un grand poids uni à une certaine distinction, et l'on voyait tout d'abord que ce type moyen devait être aussi propre aux travaux des champs qu'avantageux pour la boucherie.
Les premiers éleveurs charolais paraissent avoir négligé entièrement la question du lait, et l'ancienne souche ne possédait aucun des caractères qui distinguent les types sérieusement laitiers. Soit que le climat ou la nature des herbages fussent opposés au développement de cette spécialité, soit que la race elle-même se trouvât radicalement incapable sous ce rapport, il n'en reste pas moins certain qu'à ce point de vue, et toute proportion gardée, elle est restée complètement inférieure aux races flamande, cotentine, vendéenne, bressane et bretonne. Les mamelles, quelquefois bien conformées, ainsi que les trayons, étaient, dans la race ancienne comme dans la nouvelle, presque toujours charnus et sans activité ; les vessies mammaires et les fontaines de lait étaient et sont encore peu accusées : la race n'a rien gagné sous ce rapport.
C'est dans le département de Saône-et-Loire, et particulièrement dans les communes de Briant, Saint-Christophe, Oyé, Sarry, Saint-Didier, Varennes-l'Arconce, Saint-Julien-de-Civry, Amanzé et la Clayette, parties comprises dans l'ancien Brionnais, qu'ont existé les premières et les meilleures vacheries ; de là elles se sont répandues dans l'ancienne province du Charolais et jusque sur les rives de la Saône. Du reste, la nature des herbages et le climat de Saône-et-Loire ont tout fait pour la race charolaise, et personne parmi les anciens n'a conservé le souvenir de la moindre tentative faite dans un but d'amélioration.
Le Brionnais et le Charolais reposent sous un climat doux, plutôt humide que sec, et sur un sol fertile, généralement argilo-calcaire et argilo-siliceux, mais néanmoins perméable, et particulièrement favorable à la végétation des trèfles et des graminées de premier ordre ; les ondulations du terrain, l'abondance et la richesse des eaux ont permis d'établir, jusque sur le sommet des coteaux, des herbages qui ne le cèdent à ceux de Normandie que sous le rapport de la quantité. C'est dans ces conditions extrêmement avantageuses que la race charolaise a acquis depuis des siècles les caractères que nous avons énumérés plus haut, et la finesse de tissus qui l'ont de tout temps fait préférer à toute autre par la boucherie de Lyon.
Les anciens éleveurs, et les plus importants dont le souvenir ait été conservé, sont MM. Mathieu d'Oyé, dont les fils sont venus plus tard habiter le Nivernais ; les Despierre, dont les uns habitaient Saint-Julien-de-Civry et les autres Saint-Didier ; les Glassard de Busseuil, Ducroux de Poisson, Lamotte de Saint-Didier, Circaud d'Oyé, Darmazin de la Rivière d'Oyé, les Goin et Ravier d'Anzy-le-Duc, Tachon de Vauban, Buchet du Lac, Monmessin de Saint-Laurent, les Ducret de Saint-Laurent et d'Amanzé, etc. Tous ont contribué dans des proportions diverses à faire la réputation de la race charolaise, et à la répandre dans les contrées limitrophes.
L'impulsion donnée par eux et leurs contemporains à la production en grand du bétail développa bientôt cette industrie sur une très large échelle, et quelques esprits actifs, secondés du reste par la fertilité des herbages et la facilité extrême de la race à se bourrer de chair et de graisse, se lancèrent dans la spéculation des embouches, qui n'avait point jusque-là reçu un très grand développement, mais qui ne pouvait manquer de devenir profitable en présence de la consommation toujours croissante de Lyon et de ses environs. En quelques années, cette nouvelle manière d'exploiter devint générale et fut appliquée à tous les meilleurs fonds ; l'élevage en grand dût, pour rester avantageux, s'éloigner de plus en plus des centres qu'il avait primitivement occupés. Cependant les bénéfices réalisés à court terme dans la nouvelle industrie devinrent tellement considérables qu'on vit affermer dans le pays certains herbages à raison de 140 francs par bœuf, soit environ 280 francs par hectare net pour le propriétaire, l'hectare pouvant, dans un grand nombre de cas, engraisser jusqu'à deux têtes. C'est aussi vers la même époque qu'on vit s'enrichir un grand nombre de fermiers dont les descendants, malgré la division des fortunes, ont conservé une grande position dans le pays. Mais cet état de choses ne pouvait durer longtemps ; la diminution de l'élevage et la concurrence entre les engraisseurs, dans les foires de bœufs maigres, amena une hausse soutenue dans les prix ; d'autre part, la location des herbages allant toujours croissant, les profits s'amoindrirent, et quelques fermiers pensèrent à porter plus loin leur industrie.
Vers cette époque, en 1770, autant qu'il est permis de préciser, un des Mathieu, de la famille des Mathieu d'Oyé, dont il a été question plus haut, et dont le fils, Mathieu (Antoine), fut connu plus tard en Nivernais sous le nom de Mathieu d'Aunay, vint s'établir dans la terre d'Anlezy, magnifique ferme située près le village du même nom, à 24 km de Nevers et à 12 km environ de la ville de Decize, amenant avec lui son bétail charolais et le mode d'exploitation par herbages. Le sol frais et fertile d'Anlezy le servit à merveille dans ses combinaisons, et bientôt, à la place de terrains dont la culture dispendieuse ne laissait aux détenteurs qu'un bénéfice illusoire, on vit s'étendre d'immenses prairies couvertes de bêtes blanches, dont l'exploitation dans sa plus grande simplicité n'occupait plus que quelques domestiques.
Les résultats financiers de cette entreprise furent si satisfaisants que de nouveaux fermiers charolais vinrent occuper successivement dans la Nièvre les positions les plus fertiles. M. Lorthon se fixa à Savigny près Cercy-la-Tour ; M. Massin, à Limanton et aux environs de Montigny ; enfin M. Ducret fit la ferme d'Anlezy, précédemment occupée par l'importateur Mathieu, et MM. Mathieu aîné et Camille, l'un et l'autre fils de Mathieu d'Oyé, qui fut l'un des meilleurs éleveurs du Charolais, vinrent s'établir, le premier à Montat, dans le voisinage de Limanton, le second à Espeuilles, commune de Montapas, et plus tard à Aunay, ferme précédemment occupée par Mathieu (Antoine), fils de l'importateur ; les Monussin se fixèrent à Montigny, etc.
Mais pendant que ces faits s'accomplissaient, et que le sol frais et humide, quelquefois frais et fertile, de la Nièvre se convertissait en herbages sous la main des nouveaux venus, les agriculteurs nivernais ne restaient point inactifs. Doués généralement d'un esprit entreprenant et hardi, ils eurent bientôt compris l'excellence d'un système qui s'appliquait si bien au pays et les avantages d'une race aussi apte au travail que la race locale, mais infiniment plus propre à l'engraissement : ce fut comme une traînée de poudre.
La Nièvre ne possédait à cette époque que la race énergique du Morvan, les foires étant pour la plupart envahies par les jeunes bœufs limousins et ceux de la race de Salers, de la souche des environs de Mauriac, qui y avaient une vogue justifiée par leur utilité réelle à titre de travailleurs ; on retrouvait encore un peu partout une foule d'animaux sans caractères distincts, sans spécialité déterminée. Cet état de chose, plus ou moins modifié par les importations charolaises et les croisements qui eurent lieu sur tous les points, dura jusque vers 1815, époque à laquelle les travailleurs intelligents de MM. Boitard, Cornu (Antoine), Cornu (Nicolas), Cornu de Montgazon, Roux de Crecy, Roux d'Achun, et enfin de M. Paignon père, imprimèrent à l'élevage une direction plus rationnelle et mieux définie : ce dernier surtout influa puissamment sur la production par l'excellence de sa souche et le nombre considérable de reproducteurs qui sortirent de ses étables. Nous citerons encore M. Chamard père, qui commença ses opérations en 1808 et les termina en 1851, voisin et ami de M. Paignon, et, du reste, en relations constantes avec les principaux introducteurs et la plupart de ceux qui avaient adopté de prime abord leur système d'exploitation. Il organisa à Meauce, dans le val de l'Allier, un vaste système d'élevage, qui obtint un plein succès jusqu'en 1815, année désastreuse où le typhus contagieux ravagea la contrée et enleva de ses étables, en quelques jours, quatre-vingts têtes de bétail. Cette perte ne le découragea point ; en 1818 il vint s'établir à la ferme de la Maison-Rouge, près Germigny-l'Exempt (Cher), où il développa à nouveau l'élevage de la race charolaise. Le soin qu'il apporta dans le choix des reproducteurs fit bientôt de sa souche l'une des plus renommées sous le rapport de la naissance et de l'aptitude à prendre la graisse ; le nombre des animaux qu'il vendit dans les vingt dernières années de ses opérations ne saurait être calculé aujourd'hui ; mais ce qui est digne de remarque, c'est qu'il en fut acheté dans ses écuries pour retourner en Saône-et-Loire. Il introduisit en même temps dans ses assolements la culture des prairies artificielles, inconnue jusque-là dans cette riche vallée, et put dès lors consacrer aux embouches la majeure partie de ses prairies, dont il avait, du reste, augmenté l'étendue par l'adjonction des fermes de la Garde et des Grivos. Vers 1840, cette partie de son exploitation reçut une extension considérable, et comprenait un chiffre variable de deux cent quatre-vingts à trois cents bêtes mises à l'engrais chaque année dans les herbages.
Les travaux qu'il accomplit pour la transformation en prairies des terrains froids et compactes de ses fermes ne furent point sans influence sur le mode d'exploitation locale ; il eut la satisfaction de les voir reproduire dans toutes les parties du pays susceptibles de recevoir le même traitement ; et cette vallée, qui précédemment restait, pour ainsi dire, improductive malgré sa haute fertilité, livre aujourd'hui à la boucherie plus de deux mille cinq cents bêtes grasses chaque année, outre l'élevage considérable qu'on y pratique. Sous l'influence du nouveau système, la valeur foncière des propriétés rurales s'accrut dans une proportion rapide, et le prix des fermages, qui était, en 1815 et 1820, de 20 à 25 fr. par hectare, s'est élevé jusqu'à 100 fr., y compris les terres arables, dont les locations, lorsqu'elles sont isolées, ne dépassent guère 30 à 40 fr. par hectare. La ferme de la Maison-Rouge, qui était louée 1,800 fr. avant 1818, fut affermée 8,500 fr., y compris les menus suffrages, après 27 ans d'exploitation par M. Chamard.
On peut voir par ce qui précède quelle a été l'influence du système charolais et l'introduction du bétail de Saône-et-Loire dans le Cher et la Nièvre : on verra prochainement des effets analogues se produire dans une grande partie du département de l'Allier, où cette race pénètre de plus en plus. C'est qu'en effet la race charolaise est éminemment propre à l'engraissement à l'herbe, et ce système est tellement simple qu'il devient facile à exécuter partout où le sol manque de bras et où l'humidité constante s'oppose à une culture lucrative, même dans les fonds les plus fertiles.
Avant d'aborder l'examen de la race actuelle et de consigner les résultats obtenus par les éleveurs les plus récents, nous devons constater un fait important qui s'est produit dès les premières importations du bétail charolais dans la Nièvre et dans les départements limitrophes. Sous l'influence d'un climat moins régulier, moins doux, et d'un sol humide et froid, bien que produisant en abondance les fourrages nécessaires à leur alimentation, les descendants de la race importée ont perdu, dès les premières générations, la finesse moléculaire, le soyeux du poil et la souplesse originelle de la peau ; la charpente osseuse s'est développée, la tête est devenue plus forte, les cornes ont pris une teinte verdâtre, l'encolure s'est renforcée, le fanon s'est prononcé, et le regard a perdu sa douceur ; l'ensemble de la machine est devenu plutôt l'expression propre à l'animal travailleur qu'à celui dont les aptitudes sont multiples et la fin dernière la boucherie. Les influences dont il s'agit ont sans doute, en cela, été largement favorisées par les idées qui avaient cours à cette époque chez les premiers éleveurs, pour lesquels le beau idéal était encore le faciès d'un bœuf de trait ; néanmoins, ce qui démontre bien que ces influences étaient sérieuses, c'est que les jeunes animaux atteints de cette modification physiologique, transportés par les circonstances commerciales sous le climat plus doux de Saône-et-Loire, perdaient complètement et assez rapidement l'âpreté qui les éloignait du type primitif.
Peu à peu, cependant, en présence des résultats obtenus d'une manière constante et sans efforts par les importateurs, les idées des éleveurs locaux se modifièrent au point de vue de l'idéal à réaliser dans le produit ; les prés déjà existants, les étangs déjà mis à sec et transformés en herbages furent assainis plus complètement ; les joncs et autres plantes de la même famille firent place aux légumineuses et aux bonnes graminées ; des importations fréquentes du Brionnais et du Charolais permirent de maintenir désormais la nouvelle race dans les conditions d'une sorte aussi propre à la boucherie qu'au travail agricole. Ajoutons encore que l'action des comices et des grands concours agricoles organisés par l'État vint éclairer les éleveurs et leur permit de préciser, dans leur imagination, le type à réaliser et les moyens d'y parvenir. L'ensemble de ces circonstances a donné naissance à la race actuelle, qui n'a pas, nous pouvons le dire, plus de finesse moléculaire que l'ancienne souche du Brionnais ; mais sous le rapport de la précocité de la faculté à prendre graisse et d'une conformation avantageuse pour la boucherie, elle l'emporte incontestablement.
Parmi les éleveurs de notre époque qui ont le plus contribué à fixer dans ce sens les caractères de la race, nous pouvons citer : dans la Nièvre, MM. Clerc, à Lille, commune de Mars-sur-Allier, la même ferme sur laquelle opérait, il y a quarante-cinq à cinquante ans, M. Paignon père ; Chapuis-Linard, Gaulon, Guérault, Guillerand, Valot, Buisvert, Doury, Balleret, J. Ponceau, De Thé, les frères Bourdiaux, Blin, Vary, Delafond, Frébault, Usseloup, Pierre Ponceau, Germain et Marcel Ponceau, Suif du Marais, Tierçonnier, Meaume, les Clément, Decray, de Marne, les frères Maringes, Adam, Ferreir, Cornu, Cornu (Langis), Bailly, Robet, Colas, Moineau , Bouzé, Bellard, Louis Bernard, Audebal, Prisye, comte de Bouillé ; et dans le Cher, MM. Louis Massé et Dindeau.
Puis une foule d'autres également habiles, mais que nous ne pouvons citer faute d'espace ; néanmoins nous ne saurions résister au désir de faire connaître et de populariser les opérations de M. le comte de Bouillé et de M. Louis Massé, parce que leurs procédés d'élevage diffèrent essentiellement de ceux généralement employés, et que leurs succès ont eu dans le monde agricole un immense retentissement.
M. Massé a commencé ses opérations en 1822 au domaine des Bourgoins, près la Guerche-sur-l'Aubin (Cher), à l'extrémité du val de Germigny-l'Exempt, et plus tard à Martout, sa résidence actuelle. Ses premières vaches furent achetées chez M. Chamard et chez M. Ducret, l'un des importateurs de la race pure en Nivernais. La plupart de ces bêtes étaient de provenance charolaise et présentaient toute la finesse moléculaire désirable ; mais la modification physiologique qui s'était opérée dès le début dans l'élevage des fermiers nivernais, modification que nous avons signalée plus haut, ne tarda pas à se faire sentir : les produits prirent du gros, de l'os, du poil et de la peau, et se mirent en équilibre avec le milieu qui leur était donné. M. Massé, ainsi qu'il le raconte lui-même, eut bientôt pris son parti ; il supprima le mode d'élevage qu'il avait suivi jusque-là à l'imitation des éleveurs charolais, qui, opérant sous un climat plus égal et plus doux, n'avaient point à craindre les mêmes mécomptes ; les jeunes animaux furent laissés seuls, pendant la meilleure saison du vert, dans les herbages les mieux composés ; les reproducteurs adultes furent soumis à la stabulation et au régime des trèfle, luzerne, vesces, maïs et autres plantes fourragères très alibiles ; en hiver, le meilleur foin et les racines, betteraves et carottes, furent donnés à discrétion aux adultes et aux jeunes produits ; enfin quelques reproducteurs furent achetés de nouveau en Charolais et chez M. Chamard. Ce mode de traitement, qui supprimait l'action locale d'un climat frais et humide, l'alimentation substantielle et abondante appliquée à l'élevage des adultes et des jeunes, déterminèrent promptement, chez les uns et chez les autres, les modifications les plus heureuses : la peau prit de la souplesse, le poil devint plus doux et plus fin, le système musculaire se développa dans une large proportion, et la souche prit un cachet de distinction qu'elle n'avait point présenté jusque-là. Ces qualités obtenues par le régime se reproduisirent dans les descendants et reçurent un caractère de fixité permanent par l'emploi réitéré d'accouplements consanguins. Depuis quinze ou seize ans, M. Massé a renoncé à l'emploi de reproducteurs mâles nés ailleurs que chez lui, de sorte que sa vacherie, qui est aujourd'hui très nombreuse, ne se compose que d'animaux ayant entre eux un degré de parenté très rapproché.
Cette amélioration rapide et radicale du bétail de Martout devint tellement manifeste, que certains esprits prévenus ou envieux avancèrent que M. Massé avait opéré clandestinement des croisements avec la race de Durham. Ce dernier repousse énergiquement les insinuations malveillantes qui ont eu lieu à cet égard, et rappelle avec raison que son bétail était déjà arrivé au plus haut degré de perfection avant l'introduction des durhams dans le Cher, chez MM. Tachard, Acher et Chamard. Du reste, si ces allégations eussent eu quelque fondement, il eût été facile aux intéressés d'établir des faits avec précision ; car cet éleveur, distingué à plus d'un titre, n'a jamais refusé à personne l'entrée de ses étables, et nous avons été personnellement à même de constater souvent combien sont également erronés les dires de ceux qui avancent que M. Massé fait pour la nourriture de son bétail des dépenses en tourteaux et en farineux que nul autre éleveur du pays n'oserait tenter : nous avons la conviction qu'il n'en est rien, et que l'état d'embonpoint dans lequel se trouve toujours le bétail de Martout tient particulièrement à l'excellence de la souche. Mais voici des faits qui n'ont pas besoin de commentaires.
Depuis l'institution des concours de reproducteurs et d'animaux de boucherie, la sous-race de Martout a valu à son propriétaire, à Poissy, 15 médailles en or, 6 en argent et 3 en bronze ; total 24 ; et dans les concours de reproducteurs, 14 médailles en or, 7 en argent et 5 en bronze, soit 26 ; et pour la totalité, 50 prix avec médailles. Ajoutons encore que, dès 1840, la vacherie de M. Massé fut, comme celle de M. Chamard, mise hors concours pour les comices de Sancoins, Néronde et la Guerche, afin de ne point décourager les autres éleveurs. Enfin les exhibitions publiques, en faisant connaître et apprécier le bétail de Martout, ont valu à M. Massé, si nous sommes bien informé et si nos souvenirs sont exacts, la vente à très haut prix de plus de 90 à 100 reproducteurs, dont moitié au moins pour les mâles, et dans un espace de 8 ou 10 ans.
La vacherie de M. le comte Charles de Bouillé date de 1826 ; elle fut établie par M. le comte de Bouillé, son père ; il y joignit un peu plus tard, vers 1830, un essai de bêtes de Durham qu'il s'était procurées chez M. Brière d'Azy. Ce dernier avait, dès 1822, fait des importations de bêtes anglaises à son domaine de Verlotte (Nièvre), confié à la direction de fermiers anglais qui ne surent point tirer parti de la bonne situation des lieux. L'essai fait par M. de Bouillé, limité à quelques domaines, donna d'abord des résultats satisfaisants ; mais la vente difficile de ces animaux pour le commerce local, qui n'avait point su les apprécier, et la pleuro-pneumonie contagieuse qui, en 1843, en enleva 25 sur 30, à l'exclusion presque complète des bêtes chevalines vivant dans les mêmes conditions, firent que M. de Bouille renonça à l'élevage de la race courte-corne, et le décidèrent à concentrer tous ses soins sur la race charolaise, qui était appréciée et d'une santé plus résistante.
La vacherie fondée par M. de Bouillé père provenait des étables de M. Paignon, de Lille, dont il a été question précédemment, et du bétail de MM. Roux, que nous avons également cités. A ce premier noyau, déjà très important par le nombre d'animaux et la qualité des sujets, M. Charles de Bouillé, l'éleveur actuel, joignit un certain nombre d'animaux provenant de MM. Suif du Marais, Nantin et Valot, puis plus tard un jeune taureau acheté par lui chez M. Massé. Le résultat ne se fit pas longtemps attendre ; car, dès 1844, le mérite de la souche charolaise de Villars fut tellement apprécié que M. de Bouillé put vendre annuellement de 15 à 20 reproducteurs à des prix très rémunérateurs. Les grandes exhibitions publiques justifièrent, vers 1852, la faveur croissante dont cette sous-race était l'objet dans le val de l'Allier et dans la plupart des contrées voisines. Le succès allant croissant, la souche de Villars obtint, de 1849 à 1859, dans les concours publics et dans les comices de la Société d'Agriculture de Nevers, 30 prix représentés par 7 médailles en or, 12 en argent et 13 en bronze ; total 32 médailles, plus 11,730 fr. en numéraire.
L'amélioration du bétail de Villars est due à deux moyens également puissants : le régime et le choix des reproducteurs. En hiver, les jeunes animaux reçoivent à discrétion des racines et le meilleur foin, puis des tourteaux et des farineux ; les adultes sont aussi largement nourris, mais seulement avec des racines et du foin ; en été, les uns et les autres sont, à peu d'exceptions près, laissés en liberté dans de bons herbages.
M. de Bouillé apporte le plus grand soin dans les appareillements : il lui arrive fréquemment d'employer des taureaux étrangers à sa vacherie, lorsqu'ils possèdent des qualités qui ont de la précision et qui paraissent susceptibles d'effacer chez les produits des caractères trop peu accentués chez les mères. Il conserve généralement plusieurs mâles pour l'usage de la monte, de manière à être toujours en mesure de rectifier dans la production les quelques défauts qui pourraient exister chez les mères, et il fait en même temps un usage fréquent de la consanguinité. Ses meilleurs produits ont été, comme chez M. Massé, obtenus par le moyen qui est encore aujourd'hui repoussé énergiquement par un grand nombre d'éleveurs ; en ce moment même il fait usage d'un reproducteur qui se trouve être le propre frère de son père, et qui lui donne, depuis deux ans, des produits excellents.
La vacherie de Villars compte actuellement 60 têtes, dont 24 mères, 2 taureaux, 6 génisses d'un an, 6 de deux ans, et 22 veaux. On engraisse rarement à Villars ; tous les produits ou presque tous sont enlevés pour la reproduction, mais M. de Bouillé ne cède à aucun prix ses animaux les plus remarquables. Chez lui une vache de 4 ans mesure communément : au garrot : 1,34 m, au thorax, circonférence prise derrière les épaules : 2,07 m, largeur aux hanches : 0,62 m, de la nuque à la naissance de la queue : 2,12 m, de la pointe de l'épaule à la face extérieure de la fesse : 1,67 m.
Ces résultats sont sans doute très remarquables, et nous constaterons en passant que chez M. de Bouillé, comme chez M. Massé, dont nous avons esquissé les opérations, des méthodes analogues ont conduit au même but. Chez tous deux, une forte alimentation a développé chez les jeunes des caractères qui sont devenus durables sous l'influence de la consanguinité.
En ce qui concerne l'élevage général de la race, les premiers introducteurs et la plupart de ceux qui les imitèrent, jusque vers 1835, conservèrent l'habitude de renouveler le sang de leur vacherie par l'importation fréquente des meilleurs taureaux de Saône-et-Loire, qu'ils prenaient de préférence chez MM. Mathieu, Augagneur, d'Armazin et Circaud d'Oyé, Demôle et Despierre de Saint-Julien, Ducret, Lorthon et Montmessin d'Amanzé, Montmessin de Saint-Laurent et Faucault de Saint-Christophe, etc. Mais ce pays, s'étant adonné de plus en plus à l'industrie des embouches, ne tarda pas à s'appauvrir des reproducteurs distingués qui avaient, dès les temps les plus reculés, donné de l'importance à la race ; il n'en produit aujourd'hui que par exception, et les bons éleveurs nivernais, ayant eu recours plus on moins aux moyens adoptés tout d'abord par MM. Massé et de Bouillé, ont renoncé tout à fait à ce premier moyen d'amélioration.
Les caractères les plus estimés aujourd'hui dans la Nièvre, comme indiquant l'aptitude au trait et surtout à la boucherie, type vers lequel on tend de plus en plus, sont : une tête courte, conique, large à la partie supérieure et ayant un chanfrein droit ou camus avec de larges voies respiratoires ; le haut du front plat, surmonté de cornes rondes, petites, d'un blanc d'ivoire, dirigées en avant et légèrement relevées vers la pointe ; des yeux grands, saillants, au regard vif et doux ; des joues fortes et paraissant déborder latéralement la région frontale quand l'animal est vu de face ; le dessous de la gorge bien fourni et simulant une sorte de double ou triple menton ; des oreilles larges, relevées et peu fournies de poils ; l'encolure courte, peu chargée et dépourvue de fanon ; la ligne dorsale droite et garnie de muscles dans les dernières limites du possible ; le rein large, épais et court ; les côtes longues et fortement arquées ; les hanches effacées, mais aussi larges que possible, ainsi que la croupe et la culotte dont le développement ne saurait être trop exagéré ni descendu trop-bas sans se désunir jusque vers le jarret ; la queue courte, fine à l'extrémité, peu garnie dans la région du fouet, large à la base et s'arrondissant avec les ischions sans former aucune saillie notable ; les membres fins, distingués, bien d'aplomb et d'une longueur à peu près égale au tiers de la taille du sujet ; le tronc volumineux et arrondi sur tous les angles ; la ligne du dessous à peu près parallèle à celle du dos et des reins et se prolongeant jusqu'au bas de la culotte, ce qui donne au système digestif une certaine prépondérance ; la rotule noyée dans le pli du grasset, qui ne saurait descendre trop bas sur le tibia, et le coude empâté dans les chairs ; la peau d'épaisseur moyenne, mais toujours d'une grande souplesse et recouverte d'un poil fin, lustré et peu fourni ; l'ensemble exprimant la douceur et une grande distinction unie à un grand poids ; enfin, un développement exagéré des parties que la boucherie regarde avec raison comme étant de qualité supérieure, comme le dos, le rein, la croupe et la culotte.
Les fermiers de Saône-et-Loire ne se sont point jusqu'ici, autant que les Nivernais, préoccupés de la conformation, la boucherie de Lyon, qui forme leur principal débouché, étant moins exigeante que celle de Paris, qui absorbe tous les produits de la Nièvre ; ils s'attachent de préférence à la sorte, c'est-à-dire à la finesse moléculaire et à la faculté d'engraisser vite et bien.
Dans le Brionnais et le Charolais, les génisses sont livrées à la production dès la seconde année, et donnent leur premier veau vers l'âge de deux et demi à trois ans ; les taureaux commencent à saillir à un an et sont réformés après leur seconde monte. L'opinion est qu'ils deviennent verts, c'est-à-dire que leur état physiologique perd une partie de sa prédisposition à faire de la graisse ; ils deviennent turbulents et actifs au premier chef, et transmettent cette disposition fâcheuse à leurs produits ; ils donnent moins de sorte, suivant l'expression locale. Les veaux naissent de février à mai et jusqu'en juin, mais ceux qui viennent après la Saint-Jean ne sont point conservés ; les premiers vivent au pâturage avec les mères jusque vers la Saint-Martin, époque à laquelle ont lieu les derniers sevrages. A cette saison, les veaux sont généralement beaux et paraissent bien réussir, mais l'alimentation insuffisante qu'ils reçoivent pendant l'hiver arrête leur croissance et les déforme ; les tourteaux, les farineux et les racines leur sont inconnus ; ils vivent de foin sec et le plus souvent d'un mélange de foin et de paille jusqu'au retour du printemps. En avril suivant ils sont lâchés dans les paquiers, pâturages relativement médiocres, et s'y refont de l'état de misère dans lequel ils se trouvent au sortir de l'hiver ; à l'approche des froids, ils sont de nouveau rentrés dans les étables et soumis au régime de la mêlée, paille et foin, jusqu'au printemps suivant ; à cette époque, ils retournent dans les paquiers qu'ils avaient précédemment occupés et s'y refont comme la première fois. Dans le cours de la saison, on commence à les dresser pour le travail et on livre les génisses à la reproduction. Les mâles sont bistournés vers l'âge de douze ou quinze mois, et, par exception, à trois mois chez les bons éleveurs.
La taille moyenne pour les mâles est : à un an, d'environ 1, 14 m ; à 2 ans, 1,25 m ; à 3 ans, 1,36 m, et à 6 ans, 1,44 m. La largeur moyenne aux hanches est : à un an, de 0,25 m ; à 2 ans, 0,45 m ; à 3 ans, 0,52 m, et à 6 ans, 0,65 m. La valeur moyenne d'une paire de bœufs de 3 à 4 ans est de 600 fr., et de 650 à 5 et 6 ans ; à cet âge, un bœuf charolais pèse net, après l'engraissement, 400 kg, et se vend communément 500 fr. et au-delà.
Les génisses devenues mères à trois ans sont conservées jusqu'à l'âge de sept ou huit ans, si elles produisent bien et régulièrement ; dans le cas contraire, elles sont vendues dans les foires locales avec les veaux, ou engraissées dans les herbages après l'allaitement du veau qu'on sèvre alors du troisième au quatrième mois.
Dans l'Allier, le mode d'élevage, à part quelques exceptions en mieux sous le rapport du régime d'hiver, a conservé une grande analogie avec la pratique usitée en Saône-et-Loire ; mais dans la Nièvre et dans le Cher, il a subi des modifications qui méritent d'être signalées. Chez la plupart des éleveurs modernes, principalement ceux que nous avons cités, les mères reçoivent en hiver, outre la nourriture habituelle, foin, balles, courtes pailles, etc., une ration de betteraves suffisante pour les entretenir en bon état de chair et favoriser la lactation ; en mai, et quelquefois fin avril, elles sont mises en liberté avec le mâle dans les herbages les plus rapprochés de l'exploitation ; et en novembre elles sont remises à la stabulation d'hiver.
Les veaux naissent de janvier à mars et tètent la mère régulièrement deux fois par jour ; ils reçoivent en outre, aussitôt qu'il leur devient possible d'en faire usage, une ration de très bon foin, un peu de racines et quelques farineux. Vers la fin d'avril ou au commencement de mai, suivant la température, ils sont mis dans les meilleurs herbages à proximité des bâtiments, et rentrent pour l'allaitement deux fois par jour à l'étable ; le sevrage s'opère de lui-même quand la lactation faiblit ; néanmoins il ne devient guère définitif qu'à l'époque des premiers froids, lors de la rentrée des veaux à l'écurie. Il arrive même parfois que les sujets les mieux réussis sont laissés en liberté avec la mère au milieu des herbages, et qu'ils profitent d'un allaitement complet pendant sept à huit mois ; dans le premier cas, les veaux ne disposent que de la moitié du lait des mères pendant les trois ou quatre premiers mot, puis ensuite de la totalité. La castration est pratiquée du troisième au quatrième mois et quelquefois un peu plus tard.
Dès le commencement de l'hivernage, les veaux de l'année reçoivent à discrétion des racines et du foin ou regain de bonne qualité ; l'année suivante, même traitement, c'est-à-dire pâturage d'été dans de bons herbages et stabulation d'hiver avec régime aux racines et fourrages secs de bonne qualité ; à deux ans et demi ils sont dressés pour le travail, et à 6 ans, quelquefois même à 5, ils sont engraissés, soit à l'herbage en été, soit en hiver à l'étable. Les jeunes femelles reçoivent sous le rapport du régime un traitement semblable à celui des mâles et vivent toujours séparées de ces derniers ; elles sont livrées au taureau vers l'âge de 2 ans, et donnent leur premier produit dans la troisième année de leur naissance ; les mères sont réformées quand elles commencent à faiblir, c'est-à-dire vers l'âge de 8 à 9 ans si elles sont de bon choix ; dans le cas contraire on les engraisse après leur deuxième ou troisième vêlage : les bêtes qui produisent irrégulièrement ne sont point conservées, mais les bêtes de choix ne sont point réformées par cela seulement qu'elles manquent leur année ; contrairement à la coutume charolaise, les taureaux de qualité supérieure sont gardés entiers pour la monte jusqu'à ce que, devenus trop lourds, leur poids s'oppose au service.
Cette différence dans la pratique en a amené une grande dans les résultats : la race a pris de l'ampleur, de la précocité, et s'est insensiblement rapprochée du type de boucherie. Nous ne saurions dire que les bœufs de la Nièvre et du Cher aient acquis plus de sorte que ceux de Saône-et-Loire, la qualité des herbages, qui communique aux divers tissus la finesse moléculaire, étant bien supérieure dans ce dernier pays ; mais, s'il y a parité de ce côté, l'avantage reste à ceux du Nivernais sous le rapport du poids dans la proportion de plus d'un tiers.
Bien que l'industrie des embouches ait pris depuis vingt ou trente ans une grande importance dans la Nièvre, l'élevage ne s'en est pas moins répandu dans tout le département et dans ceux du Cher et de l'Allier ; mais les localités qui se distinguent le plus sous ce rapport sont les environs de Nevers, Magny-Cours, Saint-Pierre-l'Aboutier, Montigny, Saint-Canne, Châtillon-en-Bazois, Saint-Saulze, Decize, etc., toute la partie comprise entre la Loire et l'Allier dans ce dernier département ; et, dans le Cher, toute la vallée de Germigny-l'Exempt, les cantons de la Guerche, Saint-l'Aubois, Nérondes, Sancoins et le val de la Loire, depuis le Guétin jusqu'à Saint-Latour et Sancerre. Dans le département de Saône-et-Loire, l'élevage s'est graduellement étendu depuis la Saône jusqu'à la Loire ; mais les meilleurs élèves se font encore dans le voisinage de Charolles, Oyé, Saint-Julien, Amanzé, Saint-Christophe, Marcigny, Génelard. Et ceux qui en ce moment font l'élevage en grand sont : MM de Soumilly, Commerçon de Toulon-Saint-Arroux de Blanzy, Baudin de Champoussot, Dœuf de Forges, Malherbes de Rigny et Bouthier de la ferme-école du Monceau.
Nous avons dit que la race charolaise ... qu'elle ne possède point les signes qui ... cialité ; aussi ne retrouvons-nous aucun ... et de fromage dans les localités où ... mais nous devons constater que la qua ...les vaches est largement suffisante pour l'allaitement du veau, à qui du reste on n'en laisse guère prendre que moitié. La portion traite, 5 litres environ sur 10 que donne la bête un mois après vêlage, est consommée chez les éleveurs et mélangée souvent avec du lait de chèvre qui en augmente la quantité pour la fabrication des fromages ; on estime que 25 à 26 litres fournissent 1 kg de beurre, et 2 litres un fromage de 250 grammes. En Nivernais les vaches donnent de 9 à 10 litres, et on estime qu'il en faut 30 par kg de beurre frais, et 3 par fromage de 600 grammes.
C'est donc comme bêtes de travail et d'engrais que les Charolais ont développé leur race et qu'elle a été acceptée par les fermiers du Cher, de la Nièvre et de l'Allier. Au premier abord, l'alliance de ces deux qualités fera jeter de hauts cris aux partisans quand même des spécialités uniques, et par ceux surtout qui regardent comme impossible l'union de la vigueur et de la force avec la mollesse physique et morale qui caractérise certains individus chez lesquels l'embonpoint résulte d'un état de débilité générale. Mais les faits parlent plus haut que les plus brillantes théories, et personne n'ignore dans nos départements du centre que, à l'époque de l'introduction des bêtes charolaises dans la Nièvre, la race du Morvan, vigoureuse et énergique, s'étendait dans toutes les contrées, conjointement avec des salers et des limousins qui étaient amenés comme bœufs de trait ; personne n'ignore, disons-nous, que ces trois races éminemment travailleuses ont successivement fait place à celle du Charolais, au fur et à mesure que le cercle occupé par elle allait s'élargissant. Nous pourrions encore ajouter que les habitants du Morvan, qui ont en général de grands transports à exécuter, soit en ce qui concerne les bois exploités dans la partie montagneuse du pays, soit en ce qui regarde les approvisionnements des usines du Cher et de la Nièvre, en charbons, minerais, etc., n'établissent aucune différence en pratique sous le rapport de la force et de la vigueur des deux races : ne voyons-nous pas du reste tous les jours certains chiens braques et certains chevaux de la race arabe, dont la vigueur ne laisse rien à désirer, s'engraisser outre mesure dans les intervalles de repos, réunissant ainsi des provisions à l'avance pour le jour où l'alimentation la plus forte se trouverait insuffisante à réparer les pertes occasionnées par une grande activité ?
Au point de vue de la rapidité du croît et de la facilité à prendre graisse, la race charolaise ne le cède guère qu'aux meilleurs types de Durham ; comme cette dernière assurément on peut l'engraisser à tout âge et toujours très complètement : nous en exceptons toutefois les sujets communs et rudes, dont la fibre musculaire est souvent sèche et grossière, et dont la peau reste épaisse et ferme ; ils prennent bien des maniements, mais ils sont toujours peu couverts, et les muscles coupés en travers offrent parfois des reflets métalliques ; mais ces faits sont assez rares et ne sauraient en aucun cas amoindrir l'excellence de la race. Quant aux sujets de sorte fine, ceux qu'on regarde comme bien nés, s'ils ont eu d'ailleurs à l'herbage un séjour de quelque durée, ils présentent, sous un poil mat qui accuse la maturité, des chairs fermes, bien couvertes par une graisse dont la finesse et la teinte jaune beurre frais ne laissent rien à désirer ; les muscles s'en trouvent pénétrés jusque dans les fibrilles les plus déliées, ce qui constitue le marbré qui distingue les viandes de bonne qualité ; la chair est tendre, savoureuse et d'une finesse moléculaire qui ne peut guère être dépassée.
Pour rendre cette opinion plus claire et lui donner de l'autorité, nous allons l'appuyer de documents officiels consignés par M. Baudement dans l'un de ses rapports sur les concours de Poissy.
En 1856, une commission fut nommée par M. le ministre de l'agriculture, et choisie parmi les membres du syndicat de la boucherie de Paris, à l'effet d'examiner à l'étal la qualité comparative des viandes fournies par les animaux primés ; le classement eut lieu en chiffres, et la plus haute qualité fut désignée par le n° 20. Voici quel a été le classement de 3 bœufs charolais provenant des étables de M. Massé :
L'un, en première première, avec le n° 19 ;
Le second, en deuxième première, avec le n° 18 ;
Et le troisième, en première deuxième, avec, le n° 16.
6 bœufs cotentins, engraissés depuis 18 mois pour figurer dans les fêtes de concours, ont offert les résultats suivants :
Sébastopol reçut le n° 18 ;
Aima et Inkerman le n° 17 ;
Traktir le n° 16 ;
Bomarsund et Malakof le n° 15.
Sous le rapport du poids net, les charolais ont donné 1,880 kg de viande pour 2,785 kg de poids vif à l'abattage, soit 67,5 % de poids vivant.
Les 6 cotentins ont rendu 4,490 kg net pour 7,285 kg de poids vif à l'abattage, soit seulement 61,63 % de poids vivant.
En ce qui concerne le produit en suif, les trois charolais ont donné :
L'un, de 41 mois, 100 kg pour 630 kg de viande nette, soit 15,87 %,
Le second, de 4 ans et 2 mois, 84 k. pour 605 k. de viande, soit 13,88 %,
Le troisième, de 4 ans et demi, 85 k. pour 645 k. de viande, ou 13,18 %.
Soit en moyenne 14,30 % de viande nette.
Les 6 cotentins ont donné 755 k. de suif pour 4,490 k. de viande, soit 16,81 % de viande nette.
Sous le rapport du cuir, les 3 charolais ont donné 8,97 % et les 6 cotentins 9,65 % de viande nette.
Il résulte de cette comparaison que les charolais se sont montrés supérieurs aux cotentins, sous le rapport d'une proportion de peau moindre, et sous le rapport également du rendement net et de la quantité de la viande ; ils ont été inférieurs quant à la production du suif ; mais sous ce rapport la comparaison n'est plus exacte, car les cotentins se trouvaient dans leur septième année, et l'âge exerce une influence toujours très favorable à ce genre de produit.
Nous avons choisi à dessein ces deux exemples, parce qu'il y a trente ans la race cotentine passait pour la meilleure de nos races françaises pour la boucherie, et celle du Charolais, la souche nivernaise plutôt, pour une des moins estimées : elles peuvent sans doute aujourd'hui rivaliser à plus d'un titre, mais il est à croire que la charolaise conservera la supériorité sous le rapport du rendement net.
La race du Charolais est éminemment propre à l'engrais d'herbe, et prospère surtout dans les fonds frais où l'herbe reste verte assez avant dans la saison. Les herbages qu'on regarde en Saône-et-Loire comme les plus importants pour ce genre de spéculation sont : le pré Sarry, de 55 ha, faisant 110 bœufs et rendant net en location foncière 130 à 140 fr. par bœuf ; le Breuil de Sermaise, le pré du Moulin, l'Hôpital et les prés de Frésit, à Oyé ; les prés de Tour et le Chambon, à Anzy-le-Duc ; le grand pré de Saint-Didier, et enfin la Prée et le Chenaud, à Amanzé, qui produisent en moyenne, à l'exception de celui de Sarry et quelques autres, 150 fr. par hectare de location foncière.
Parmi les emboucheurs les plus importants de Saône-et-Loire nous comptons pour l'époque actuelle : MM. Buchet, Despierre, Montmessin, Augagneur, Lépinasse, le cousin Despierre, les Tachon, Foucault, J. Farnier, Farnier (Victor), Bazard, Bardat, etc. Ceux qui font plus spécialement l'engraissement d'hiver à l'étable sont MM. Berland, Malherbes, Fort, Ant. Goin, Mouter, et enfin M. Bouthier de la Tour, à la ferme-école du Monceau.
En Nivernais, les herbages les plus renommés s'étendent sur de grandes surfaces, et se trouvent pour la plus grande partie compris dans les communes d'Anlezy, Romenay, Limanton, Aulnay, Montigny, Saint-Canne, Saint-Révérien, Châtillon-en-Bazois, Saint-Saulge, et Saint-Pierre-du-Mont, propriété longtemps exploitée par Antoine Mathieu, fils de l'importateur. Il existe encore de bons prés d'embouche dans le val de l'Allier, depuis Gimouille jusqu'au-delà de Saint-Pierre-le-Moutier. Dans le Cher, nous devons citer, comme ayant pris une grande importance sous ce rapport, toute la partie comprise dans ce pays sous la dénomination de vallée de Germigny, et dans laquelle a opéré M. Chamard. Nous avons nommé une grande partie des emboucheurs de l'époque actuelle, en citant les éleveurs qui ont obtenu, dans ces derniers temps, les succès les plus éclatants : il ne sera pas sans intérêt d'examiner maintenant les procédés d'embouche employés par les fermiers de Saône-et-Loire et de la Nièvre.
Dès la fin de la saison, quand toutes les bêtes en graisse ont été écoulées, vers le milieu de novembre généralement, on fait tondre, par des moutons d'hivernage ou des chevaux dans quelques cas, les herbes qui n'ont pas été consommées entièrement ; assez souvent, au contraire, on en conserve une partie pour que les bêtes lâchées en mars ou en avril suivant puissent trouver dans les herbages assez d'herbes pour s'alimenter : une portion sans doute a séché sur pied, mais, quand la nouvelle herbe repousse, il en résulte un mélange qui tient davantage au corps et maintient mieux les animaux, bien qu'il ne soit pas plus nourrissant. Les eaux sédimenteuses sont dirigées sur les prairies, et les rigoles d'assainissement sont tenues nettes pendant l'hiver ; les bouses sont écartées soigneusement, ainsi que les taupinières, pour faire profiter l'herbage du bien qui peut en résulter. Les taupes sont prises en février et mars et les clôtures réparées vers la même époque ; c'est aussi vers la fin de ce dernier mois, suivant la température, qu'on lâche les premières bêtes dans les herbages du Charolais ; on continue la mise à l'herbe jusque vers le 15 mai, en observant dans la pratique les progrès de la végétation.
L'acquisition des bêtes d'embouche a lieu de janvier à mai ; les premières achetées reçoivent jusqu'au jour de l'herbagement des rougeons ou foin de refus, récolté l'année précédente sur les parties les moins rongées des prés les moins chargés de bétail ; celles qu'on achète pendant la pousse de l'herbe sont mises immédiatement dans les prés. Généralement les Nivernais et les engraisseurs du Cher choisissent un tiers de leurs bêtes ayant terminé leur croît et devant être grasses les premières ; un second tiers est pris parmi les animaux à croître et devant rester à l'herbage jusqu'à la fin de la saison : ce sont les plus productifs. L'autre tiers représente une moyenne entre les deux extrêmes, et cette moyenne disparaît en partie quand les herbages sont très bons et que les bêtes sont de premier choix : c'est ce qui arrive en Charolais, où les bœufs à croître sont toujours préférés et plus productifs que ceux dont la croissance est terminée lors de la mise au pré.
A une certaine époque, les herbagers nivernais avaient pour habitude de démarronner les bœufs qui se trouvaient mal bistournés, mais cette habitude se perd de plus en plus. La castration se fait actuellement dans des conditions meilleures que par le passé ; néanmoins il existe encore dans les foires quelques sujets susceptibles de reprendre dans les herbages les allures naturelles aux mâles conservés entiers : ils sont actifs, tourmentants, batailleurs, et tiennent toute la troupe en émoi. On essaye souvent de les calmer en leur sciant les cornes jusqu'au vif, ou en leur bouchant les yeux, mais le naturel est là ; l'ardeur de leur tempérament supposant à un résultat final satisfaisant, le mieux est de les vendre et de les remplacer par d'autres.
Lorsque d'ailleurs on ajoute dans les herbages dé nouvelles bêtes aux anciennes, à mesure de la pousse des herbes, on a grand soin de surveiller, pendant plusieurs heures, la chasse qui leur est donnée par celles qui sont déjà en possession du local, parce qu'elles les poursuivent de leurs attaques et les forcent à franchir les haies.
Il arrive aussi que, à la suite d'un printemps chaud et favorable à la végétation des herbes, les animaux largement nourris forment plus de sang que l'action vitale ne saurait en assimiler, surtout chez les sujets vigoureux ; alors il devient utile, pour éviter les réactions sanguines qui pourraient déterminer des maladies inflammatoires, de supprimer par la saignée un trop plein qui leur deviendrait fatal. Le même moyen est mis en usage pour les bêtes herbagées très maigres et qui ont profité très promptement : les herbagers qui ont du tact distinguent très facilement ceux de leurs animaux dont l'état pléthorique réclame cette opération, mais ils se gardent de l'appliquer à ceux qui ne se trouvent point dans le cas qui vient d'être mentionné.
Il arrive encore parfois que l'action vitale détermine sur la peau des exutoires utiles à la santé : on ne se hâte pas de les faire disparaître ; mais lorsque les insectes tourmentent par trop les sujets, on fait dessécher les plaies au moyen de siccatifs dont l'odeur finit par les éloigner.
Souvent, sous l'influence des rosées et de l'humidité du sol, la corne des pieds s'amollit, s'allonge, et fait boiter les animaux : on ne manque jamais, dans ce cas, de leur rogner les onglons de manière à ramener les aplombs dans leur position naturelle.
Ce qui vient d'être dit des embouches s'applique surtout aux grandes opérations, et concerne principalement les grands engraissements de bœufs. La division des fortunes, en modifiant la position des familles, amena d'abord dans le Charolais certaines modifications dans le système des embouches, et plus tard en Nivernais. Depuis une quarantaine d'années, les fermiers de Saône-et-Loire s'adonnèrent aux embouches de vaches, pour lesquelles il fallait moins de capitaux, et dont le résultat en argent était au moins égal à celui qu'on obtenait des bœufs. D'autre part, les vaches s'engraissent mieux, et présentent pour la boucherie un avantage incontestable pendant la saison d'été : on peut les tuer successivement, et les bouchers n'ont pas à prendre les précautions nécessaires à la conservation des viandes qui leur restent sur la vente des gros bœufs : de plus elles donnent au débit une proportion plus forte de tous les morceaux de choix, et leur viande, quand elles sont jeunes, est généralement supérieure à celle des meilleurs bœufs.
Cette innovation, accueillie avec faveur par la boucherie de Lyon, qui absorbe tous les produits du Charolais, fit en peu de temps des progrès tellement rapides qu'il fallut bientôt aller chercher au loin les bêtes nécessaires à ce genre d'exploitation : la diminution de l'élevage en faisait du reste une nécessité. Les contrées limitrophes furent bientôt explorées, et en peu de temps les idées furent fixées sur la valeur des races au point de vue de l'engraissement. C'est dans l'Auvergne, et particulièrement dans le Puy-de-Dôme, que les Charolais purent faire les meilleures acquisitions : Maringues, Montferrand, Clermont, Combronde et Issoire, fournirent de plus en plus aux nécessités de la nouvelle situation ; et il n'est pas rare de voir aujourd'hui dans les foires, de janvier à mai, jusqu'à 150 acheteurs, et 3,500 à 4,000 vaches vides et bonnes pour l'embouche.
Le Nivernais et le Cher ont également introduit dans leurs herbages l'engraissement des vaches ; mais leur débouché sur Paris, où la viande de vache est moins estimée qu'à Lyon, ne leur a pas permis de donner à cette branche de leur industrie une importance aussi considérable que celle qu'elle a acquise en Saône-et-Loire ; d'ailleurs les anciens droits d'entrée, prélevés par tête et non au poids, comme actuellement, opposaient une barrière infranchissable à l'arrivée, sur le marché de la capitale, des vaches et des races de poids moyen.
Les embouches des vaches se pratiquent comme celles des bœufs. Les acquisitions se font de janvier à mai, suivant les ressources en fourrage dont on dispose ; la mise à l'herbe a lieu aussitôt que possible, quand les gelées ne sont plus à craindre, c'est-à-dire en mars et avril, et au fur et à mesure de la pousse des herbes : moins les herbages sont riches, plus la proportion des bêtes ayant fini leur croît doit être considérable. On a soin de n'acheter que des bêtes non pleines, et on introduit un taureau en temps convenable pour que les bêtes destinées à séjourner dans les herbages jusqu'en octobre et novembre ne soient point avancées de plus de six mois en gestation ; quant à celles qui doivent être prêtes en juillet et août, on les fait saillir en mars et avril ; celles que par erreur on a achetées pleines sont vendues après vêlage, avec leur veau, comme bêtes laitières, à moins qu'elles ne soient d'excellente sorte, auquel cas leur engraissement est continué et le veau vendu au boucher ; on fait passer leur lait au moyen d'une forte saignée faite à jeun, après avoir épuisé les mamelles.
De même qu'il existe des bœufs verts qui mettent en mouvement tous les bœufs d'un herbage, de même il existe des vaches taurelières qui tourmentent les autres par une cavalcade continuelle et les maintiennent dans un état d'agitation contraire à l'engraissement : ces bêtes sont reconnaissantes à un léger enfoncement qui se creuse au-dessus des ischions de chaque côté de l'origine de la queue et à l'expression des yeux et de la face ; on se hâte généralement de se défaire de ces bêtes turbulentes et lascives, qui ne sauraient jamais, quelques soins qu'on leur donne, dépasser un état de chair moyen.
La race charolaise donne lieu également à l'engraissement d'hiver à l'étable dans les quatre départements dont il a été question. Nous avons indiqué, en parlant des emboucheurs de Saône-et-Loire, les personnes qui se livrent le plus en grand à ce genre d'industrie ; c'est surtout dans la Nièvre et l'Allier que ce mode d'exploitation s'est développé, et principalement chez les agriculteurs qui ont pu donner quelque extension à la culture des racines.
Dans la plupart des cas, les bœufs réformés à cinq ou six ans sont mis à l'étable en octobre ou novembre, après les semailles d'automne ; quelquefois même, au printemps, en mai, après les semailles de cette saison, on les met dans les herbages pour les rentrer à l'époque dont il a été question : dans ce dernier cas, ils sont déjà en très bon état quand l'opération commence ; ils reçoivent alors, de même que les premiers, du foin de bonne qualité et des racines à discrétion pendant tout le temps qu'ils sont susceptibles de profiter avec ce régime ; quand on s'aperçoit qu'ils commencent à demeurer stationnaires, on ajoute à la ration 5 à 10 litres de farineux et 2 à 3 kg de tourteaux de noix, et on diminue les quantités de foin et de racines qui formaient, dès le début, la base à peu près unique de l'alimentation.
Ceux qui ont été commencés par les herbages en mai sont généralement susceptibles d'être livrés à la boucherie en janvier, c'est-à-dire après 3 mois d'étable ; les autres ne sortent guère qu'en mars ou avril, environ 5 mois après leur mise à l'engrais.
Leur compte peut s'établir à peu près ainsi qu'il suit :
Prix d'achat ou estimation, à l'époque de la mise à l'étable : 325 fr.
Intérêts de cette somme pendant 5 mois à 5 % : 6,80 fr.
Foin de pré. 10 kg au début, 5 kg vers la fin de l'engraissement, soit 7,5 kg pendant 150 jours, ou 1,225 kg à 40 fr. les 100 kg : 45 fr.
Betteraves. 50 kg au début, 30 kg vers la fin, soit 40 kg en moyenne pendant 150 jours, ou 6,000 kg à 12 fr. les 1,000 kg : 72 fr.
Farine d'orge. En moyenne, 6 litres pendant 75 jours, 4,50 hl, à 10 fr : 45 fr.
Tourteaux. 2 kg en moyenne pendant 60 jours, soit 120 kg, à 20 fr : 24 fr.
Soins. 150 jours, à 12 cent. : 18 fr.
Total de la dépense : 535,80 fr.
L'animal pèse, après 5 mois d'engraissement, 425 kg nets, ce qui le met à 1,26 fr. le kg, prix de vente assez ordinaire s'il a été bien choisi.
On remarquera que l'augmentation de valeur acquise fait ressortir le prix des denrées à un taux suffisant, et que les engrais qui en résultent restent en bénéfice net à l'engraisseur ; ces derniers peuvent s'évaluer ainsi qu'il suit :
1,225 kg de foin rendront en fumier : 2,450 kg
6,000 de betteraves : 3,000
270 de farine ou 4h50 : 540
120 de tourteaux : 240
Il n'est rien compté pour la paille, qui est supposée rendre sa valeur en fumier (Mémoire).
Total des engrais : 6,230 kg
Qui seront payés facilement par les cultures à raison de 5 ou 6 fr. les 1,000 kg ; soit donc un produit de 31 fr. environ en plus des fourrages cotés au cours.
Ceux qui commencent l'engraissement à l'herbe obtiennent à peu près le résultat suivant :
Achat ou valeur du bœuf en mai ou juin : 325 fr.
Intérêts. 8 mois à 5 % : 10,83 fr.
Herbagement dans un pré de deuxième qualité, à 3 bœufs pour 2 ha, l'herbe valant 100 fr. par hectare : 66,66 fr.
Foin pendant 3 mois, à 10 kg par jour et à 40 fr. par 1,000 kg : 36 fr.
Betteraves. 40 kg pendant 90 jours, soit 3,600 kg, à 12 fr : 43,20 fr.
Farine d'orge, ou menus grains, 6 litres pendant 60 jours, soit 3,60 hl, à 10 fr : 36 fr.
Tourteaux. 2 kg pendant 60 jours, soit 120 kg, à 20 fr : 24 fr.
Pansage et soins. 90 jours, à 12 c. : 10,80 fr.
Paille. Mémoire : 0
Total des dépenses : 552,49 fr.
L'animal pèse, fin janvier, environ 900 kg, et revient à 1,20 fr. le kg de viande nette ; il se vend 1,25 fr. ou 1,30 fr. le kg, et laisse généralement un bénéfice plus assuré que le précédent, mais il fait moins d'engrais ; ces derniers sont évalués ainsi qu'il suit :
900 kg de foin donnent : 1,800 kg
3,600 de betteraves : 1,800
216 de farine ou menus grains : 432
120 de tourteaux : 240
Total des engrais produits : 4,272 kg
Qui, à 5 fr. les 1,000 kg, vaudront, pour les cultivateurs, 21,36 fr.
A l'herbage on obtient les résultats suivants :
Prix d'achat : 325 fr.
Intérêts à 5 % pendant 6 mois : 8,12 fr.
Frais de foire : 3 fr.
Herbagement de 3 bœufs pour 2 ha de première qualité, dont le loyer est de 120 fr. l'hectare : 80 fr.
Expédition par chemin de fer et courtage : 15 fr.
Surveillance d'un homme par 100 bœufs à l'herbage, soit 6 fr.
Foin de refus, donné à ceux achetés en janvier, février ou mars, pour les frais de récolte seulement, étant reproduits par l'herbage : ces faibles frais et la paille sont compensés par le fumier.
Chances de perte et mortalité, 2 % : 6,50 fr.
Total des dépenses : 443,62 fr.
L'animal pèse, après six mois d'engraissement, 400 kg nets, et se réalise à raison de 1,20 fr. le kg, soit : 480 fr.
La dépense ayant été de : 443,62 fr.
Reste net pour l'engraisseur : 36,38 fr.
Ou plutôt l'herbe a été payée 174,57 fr. par hectare au lieu de 120 fr., comme nous l'avons évalué pour la location foncière, et y compris les menus frais d'entretien.
On calcule généralement que les bœufs herbagés dans les prés de première qualité gagnent de l'achat à la vente 140 à 150 fr. par tête, ce qui rentre à peu près dans notre appréciation ; ceux engraissés dans les herbages de seconde classe gagnent de l'achat à la vente 120 à 130 fr.
Les embouches de vache se liquident approximativement ainsi qu'il suit :
Achat de janvier à mai : 120 fr.
Intérêts à 5 % pendant 6 mois : 3 fr.
Frais de foire : 2,50 fr.
Herbagement. 2 têtes par hectare de pré de seconde classe, à 100 fr. l'hectare : 50 fr.
Vente sur place ou dans les foires locales : 2,50 fr.
Surveillance pour cent bêtes : un homme : 6 fr.
Risques et mortalités, 2 % : 2,40 fr.
Les foins de refus consommés par les bêtes achetées de janvier à mars sont reproduits par les herbages et ne doivent compter que pour les frais de récolte ; ces frais et la paille sont couverts par l'engrais produit (Mémoire)
Total des dépenses : 186,40 fr.
La bête, après 6 mois d'engraissement, pèse au moins 200 kg de viande nette, et souvent 225 kg. Les 200 kg se réalisent facilement à 1,10 fr., prix inférieur à la viande de bœuf à cause de quelques vieilles bêtes dont la valeur marchande est moindre ; soit donc ; 220 fr.
La dépense ayant été de : 186,40 fr.
Reste net par vache engraissée : 33,60 fr.
C'est-à-dire que l'herbage de deuxième classe a produit, par l'engraissement, 167,20 fr. par hectare au lieu de 100 fr., prix auquel nous l'avons compté. En pratique, la différence du prix d'achat au prix de vente est en moyenne de 90 à 100 fr. par tête, ce qui rentre à peu près dans les données précédentes.
Une autre méthode d'engrais a été mise en pratique depuis huit ou dix mois par M. Bouthier de la Tour, directeur de la ferme-école de Saône-et-Loire. Cette méthode consiste à faucher l'herbe verte et à la faire consommer à l'étable au râtelier. Il a pu engraisser de la sorte le double environ des bêtes qui eussent consommé l'herbage par les procédés usuels ; mais les prés, dans ce système, ont besoin d'être semés de temps à autre pour éviter l'épuisement résultant de la production. Sur la fin de l'engraissement il ajoute ordinairement des tourteaux et des farineux ; les bœufs ainsi engraissés jouissent au le marché de Villefranche d'une faveur très méritée. Ce système, quoique fort avantageux, s'est peu généralisé à cause de la main-d'œuvre et des soins qu'il nécessite ; néanmoins M. Bouthier de Rochefort a pu, en pratiquant cette méthode retirer 160 fr. par hectare de terrains qu'il avait peine à louer 20 fr. auparavant, et M. Goin d'Anzy-le-Duc a fait produire 200 fr. par hectare à des terres encore inférieures à celles de M. Bouthier de Rochefort. Nous avons à regretter de ne pouvoir donner des chiffres sur le résultat argent obtenu par ce procédé.
Si maintenant nous jetons un regard rétrospectif sur les faits énumérés, nous trouverons, sans aucun doute, que la plupart d'entre eux sont fertiles en enseignements, et les conséquences que nous pourrons en tirer dans la suite ne seront pas sans influence peut-être dans la pratique de l'élevage et de l'amélioration des races.
La question, encore si débattue en France, des avantages de la consanguinité, a reçu, chez M. le comte de Bouillé et chez M. Massé, une consécration pratique importante à constater. Depuis plus de vingt ans ce dernier éleveur reproduit par elle-même, sans aucun mélange d'autre sang, la souche charolaise, dont tout le monde a pu apprécier le mérite incontestable pour la boucherie et pour le trait ; cette souche, largement développée par la stabulation et une alimentation substantielle, loin de faiblir sous le rapport de la vigueur, a gagné, au contraire, sous ce dernier rapport, autant qu'en distinction et qualité pour la graisse. Les mêmes faits se sont produits chez la plupart des éleveurs qui ont tenu à conserver un certain équilibre entre les deux facultés.
Il reste acquis à la pratique que les individus bien nés ne le cèdent à aucune autre race sous le rapport du rendement net et de la qualité de la viande ; que, de plus, ils présentent l'avantage inexplicable de grossir et de grandir considérablement à l'herbage, particularité que ne possède au même degré aucune autre race française, si ce n'est celle de Salers, et seulement pour les sujets d'élève ; elle ne devient inférieure qu'en ce qui regarde la production du lait. Il est à noter, toutefois, que les races spécialement laitières résultent de certaines conditions de climat, et que les fermiers charolais, quoique voisins de la Bresse et du Jura, n'ont point, malgré leur expérience, cherché à propager chez eux les individus laitiers, bien convaincus que les avantages offerts par le type qu'ils ont créé devaient être supérieurs à ceux qu'ils eussent retirés des deux races dont il s'agit.
Il résulte encore des faits rapportés plus haut que l'engraissement s'est montré sur tous les points plus profitable que l'élevage, celui des reproducteurs excepté, car partout on est arrivé à réserver les meilleurs fonds pour ce genre de spéculation ; les terres arables, sur un grand nombre de points, ont été transformées en prés, et leur produit net, dans la plupart des cas, a été décuplé.
Ainsi se simplifient peu à peu dans les départements du Centre les opérations agricoles les plus complexes : l'herbagement dure à peine six mois et se liquide à court terme ; l'élevage porte à un grand nombre d'années l'époque fermier peut réaliser une partie des capitaux engagés ; il lui faut, comme pour l'agriculture, avec laquelle, du reste, il est étroitement lié, un personnel nombreux et une surveillance de tous les instants ; les risques sont considérables et durables : l'herbager peut, à la rigueur, exploiter 150 ha avec deux hommes. Ce fait explique bien des choses et rend facilement raison de la préférence accordée à ce genre d'exploitation partout où la fertilité du sol le rend praticable.
Cependant l'application de ce système tient encore à deux autres causes, dont la moindre paraît avoir une importance capitale : l'énorme produit net qu'il devient facile de réaliser par l'exploitation du sol en herbages (nous avons fait voir qu'il varie de 160 à 180 fr. par hectare dans la Nièvre, et qu'il s'élève jusqu'à 240 fr. par hectare en Charolais) ne saurait être dépassé dans les mêmes circonstances, et dans l'état actuel de nos connaissances agronomiques, par aucune autre combinaison agricole. D'autre part, le résultat dont il s'agit paraît être intimement lié à l'existence de la race charolaise qui couvre aujourd'hui toute la contrée ; en effet, la plupart des animaux de cette race présentent la faculté innée de se développer à l'herbage et de grossir dans une proportion extrême, à tel point qu'on a vu fréquemment des bouviers ne plus reconnaître au milieu des embouches, après quelques mois d'herbagement, les bœufs qu'ils avaient tenus sous le joug pendant plusieurs années. Les engraisseurs ont, du reste, tellement reconnu ce genre de supériorité qu'ils renoncent de plus en plus à conduire dans leurs herbages les sujets même les plus remarquables, s'ils n'ont point de sang charolais.
C'est ce qui explique pourquoi les croisements tentés dans la Nièvre et le Charolais sont restés sans grand succès ; le mélange avec le sang suisse du bétail de Berne et de Fribourg a été, dès les premières opérations, complètement abandonné dans les deux localités ; on cite cependant un croisement qui fut fait en Charolais par M. Mathieu d'Oyé avec des bêtes du Limousin, d'autres disent du Périgord, à la suite d'une épizootie qui avait emporté une portion considérable du bétail de Saône-et-Loire ; le résultat fut satisfaisant, et on attribue encore aujourd'hui à l'existence de ce croisement la couleur, teinte froment, qui distingue certains animaux ; mais l'expérience n'a pas été renouvelée, et le fait date de loin. Le seul mélange qui nous paraisse réunir pour l'avenir des chances sérieuses de succès est celui fait avec les durhams ; on le regarde en Charolais comme devant être avantageux ; bien des éleveurs nivernais, quoiqu'ils s'en défendent à outrance, ont croisé leurs charolais avec le bétail anglais ; cependant il convient de dire que, malgré les qualités acquises, les métis de premier croisement sont plus tenus à l'étable qu'à l'herbage.
Nous avons essayé à plusieurs reprises de faire le recensement de la race charolaise et de ses croisements à divers degrés, mais toujours en vain ; une bonne statistique établie dans chaque département, au point de vue zootechnique, pourrait seule nous renseigner à peu près exactement ; en l'absence de ce document, et en attendant qu'une semblable opération vienne à être exécutée, nous y parviendrons dans les limites du possible par les calculs suivants.
Au dire des courtiers de Paris et des personnes les plus au courant du mouvement commercial des bêtes grasses, dans les 4 départements dont il a été question,
L'Allier, le Cher et la Nièvre envoient chaque année à Paris 25,000 bœufs gras,
La Saône-et-Loire en envoie à Lyon 10,000
Total annuel : 35,000
Chaque domaine vend aux herbagers, en moyenne et annuellement, 4 bœufs maigres et 4 vaches de réforme, toute étendue compensée, les uns plus, les autres moins ; les vaches ne sont pas comprises dans le chiffre indiqué plus haut ; elles se consomment un peu partout, à l'exception des auvergnates engraissées dans la Saône-et-Loire, qui sont absorbées par Lyon.
Or une vente annuelle de 4 bœufs maigres et de 4 vaches suppose par domaine moyen une population de :
4 vaches mères (plus 4 de trois ans remplaçant les réformes), à 200 fr. par tête : 800 fr.
8 veaux d'un an, 4 mâles et 4 femelles, à 100 fr : 800
4 mâles de 2 ans : 800
4 femelles de 2 ans : 800
4 mâles de 3 ans nouvellement liés : 1,200
4 femelles de 3 ans remplaçant 4 vaches réformées : 1,200
4 bœufs de 4 ans : 1,200
4 bœufs de 5 ans : 1,300
Total : 36 têtes, dont la valeur est de 8,100 fr.
Le chiffre de 36 étant normal pour les existences annuelles de chaque domaine moyen, les 8 bêtes disponibles s'évaluent ainsi qu'il suit :
En mâles de 6 ans : 35,000
En femelles pour la Nièvre, le Cher et l'Allier : 25,000
En femelles pour Saône-et-Loire, et vendues à divers âges : 10,000
Total des animaux de la race engraissés annuellement : 70,000 dont le huitième représente une population sédentaire de 36 têtes par domaine moyen, soit 70,000/8 = 8,750 x 36, qui donnent en bêtes d'élèves 315,000 têtes, dont la valeur est de 70,875,000 fr., qui produisent annuellement :
35,000 bœufs gras, à 480 fr : 16,800,000 fr.
25,000 vaches d'une part, à 300 fr : 7,500,000
10,000 vaches de Saône-et-Loire qui ne sont pas toutes engraissées, mais écoulées à divers âges et à divers prix, soit 200 fr. seulement en moyenne : 2,000,000
Total pour la valeur des 70,000 têtes engraissées annuellement : 26,300,000 fr.
On peut juger par là de l'importance actuelle de la race, et de la rapidité avec laquelle elle s'est développée dans les départements du Centre, quand on saura que vers 1800 ou 1810 il en existait encore peu dans la Nièvre. Le prix des reproducteurs mâles, qui était en 1825 et 1830 de 240 à 300 fr. à dix-huit mois, s'est élevé successivement au fur et à mesure des demandes, et dépasse aujourd'hui très fréquemment, pour les animaux d'élite, les chiffres de 1,000 à 1,200 fr.
Chronique de l'ascendance d'Anne Camille MATHIEU, fille d'Antoine MATHIEU et petite-fille de Claude MATHIEU d'Oyé
Notice historique sur le château de Saint-Pierre-du-Mont et ses seigneurs, Mademoiselle de Lardemelle et Antoine Mathieu propriétaire en 1822