Vestiges de l'homme préhistorique dans le Charollais et le Brionnais
Le département de Saône-et-Loire est un de ceux où les recherches antéhistoriques ont donné les résultats les plus intéressants pour l'histoire primitive de l'humanité.
La station célèbre du rocher de Solutré est universellement connue de tous ceux qui se sont occupés de ces âges éloignés par les documents importants qu'elle nous a fait connaître sur le genre de vie de nos premiers ancêtres, antérieurement à la connaissance des métaux et lorsque le pays était habité par des espèces d'animaux qui ont disparu ou se sont entièrement éteints sur le globe : le mammouth ou éléphant de grande taille, l'ours et l'hyène des cavernes, l'aurochs, le renne, etc., etc.
Aussi, tous les vestiges de ces époques reculées excitent-ils le plus vif intérêt et méritent d'être signalés avec grand soin.
En parcourant, ce printemps, les riches vallées du Charollais et du Brionnais, en vue de recherches géologiques industrielles spéciales, notre attention a été attirée sur cet objet et nous avons recouru que si ces débris y sont rares, ils n'y font pas absolument défaut, quoique moins fréquents que sur les pentes morvandelles.
Il est vrai, aussi, qu'une partie du sol se trouve cachée par le gazon des prairies et échappe ainsi à nos recherches et explorations.
Sur la commune de Marcilly-la-Gueurce, entre le château et le hameau de Mans, sur la croupe ondulée formée par le lias inférieur (sinémurien), recouverte par une alluvion jaune ancienne, nous avons ramassé à la surface des champs labourés, bordant le chemin de cette fertile vallée, un grand nombre d'éclats de silex indiquant un véritable stationnement d'une tribu de l'âge de la pierre paléolithique.
Nous avons aussi reconnu, près la route allant à Mans, un monticule assez vaste, entièrement formé d'une masse basaltique d'origine éruptive avec cristaux de péridot ou obsidienne et ayant jusqu'à ce jour échappé à l’attention des géologues ; car nous sommes, croyons-nous, les premiers à le signaler, ainsi qu'une autre traînée de basalte que nous avons reconnue entre Briant et Saint-Christophe-en-Brionnais.
Ces dépôts éruptifs ont dû se produire sur la fin des temps tertiaires ou au commencement de l'époque quaternaire et ont certaines communautés avec ceux du Drevin, près Couches, ou d'Iguerande, et il est des plus probable que les premiers hommes ont été témoins de ces phénomènes d'éruptions ayant dû singulièrement frapper leur imagination.
C'est là que j'ai recueilli trois pointes massives en silex, largement éclatées sur les bords et de forme lancéolée dite acheuléenne, des pointes en silex taillées d'un seul côté, lisses de l'autre, et des racloirs en formes arrondies ou quart de cercle dites formes du Moustiers, de nombreux éclats tranchants ayant pu avoir les usages les plus variés.
On trouve aussi des percuteurs ou marteaux en roche dure, criblés de meurtrissures, ayant servi à détacher ces lames des blocs siliceux apportés des terrains crétacés par les premiers habitants. Ils ont souvent aussi utilisé les golats ou rognons tertiaires dont les immenses dépôts recouvrent nos collines près de Semur-en-Brionnais et les bords de la Loire.
Notre récolte a été faite en moins de deux heures et sur un espace limité, les champs étant déjà recouverts par la végétation des céréales, et nous le signalons d'une façon toute spéciale aux chercheurs qui s'occupent de préhistorique.
M. Révérend du Mesnil, d'Oyé, à qui nous avions parlé de nos trouvailles, avait eu connaissance que déjà plusieurs pointes en silex taillé y avaient été trouvées.
Entre Paray-le-Monial et Charolles, principalement au voisinage du château de Cypierre, nous avons également découvert divers silex artistement taillés en petites pointes de flèche et deux petites hachettes en roche dioritique polies de l'âge néolithique. Ces objets appartiennent à une époque beaucoup plus récente que ceux signalés plus haut.
Nous avons déposé ces objets au Musée de la Société d'histoire naturelle d'Autun, où ils peuvent être étudiés.
Plus au nord, dans la vallée de l'Arroux, vers Digoin, Génelard, Gueugnon et les environs de Toulon, ces objets en silex ne sont pas rares et ont été recueillis en grand nombre par MM. Moraillon et Roy, de Génelard, et J. Carion, conseiller général, à Montmort. Malheureusement, on les trouve toujours à la surface du sol où des objets d'âges fort différents se sont mélangés et n'ont plus l'importance, quoique fort intéressants, de ceux recueillis dans des dépôts stratifiés dont l'ancienneté est connue.
HIPPOLYTE MARLOT
Membre Correspondant de l'École d'Anthropologie de Paris et de la Société d'Histoire naturelle d'Autun.