Pierre tournante, faillettes et légendes autour de Dun-le-Roi ...
D'après le « Guide du voyageur et du touriste en Beaujolais », voyage le long des voies ferrées Villefranche - Tarare, Villefranche - Monsols et Lozanne - Paray-le-Monial, par E. Berlot-Francdouaire. Cet ouvrage de 1904 est
téléchargeable sur le site de la BnF (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1053731).
Le voyageur emprunte ici la ligne Lozanne - Paray-le-Monial. Après Chauffailles, nous arrivons à Mussy.
Mussy-sous-Dun
Quelques kilomètres séparent à peine Chauffailles de Mussy ; c'est un but de promenade très fréquenté. Car c'est ici que se dresse le plus grand viaduc de la ligne, œuvre d'art audacieuse, grandiose, qui jette ses deux bras à cinq cent mètres de distance, sur les sommets de deux hautes collines, laissant la vallée ombreuse à des profondeurs vertigineuses. Le spectacle est merveilleux, dans ce cirque de montagnes aux gras pâturages. On aperçoit, dit-on, le viaduc de Mussy, de Chalon-sur-Saône. Mussy dépendait, jadis, comme Chauffailles, de l'archiprêtré de Charlieu. Le chœur de son église date du XIIe siècle. À droite au fond dans la vallée que barre le viaduc perce le clocher d'Anglure-sous-Dun. Car, dans cette région, un grand nombre de villages portent, accolé à leur nom, celui de la montagne de Dun, Pagus Dunensis, à 789 mètres d'altitude, entre Mussy et La Clayette, joli point d'excursion, avec ses tombeaux gaulois et la chapelle coquette construite à son sommet, en 1899.
Dun
Le Charolais est riche en vieux souvenirs et en traditions. Qui nous dira l'histoire des antiques forteresses féodales de Suin, Dondin, Dun ou Artus, qui eurent, assurément, leurs jours célèbres ? Les vieillards, à la veillée, ne vont-ils pas contant que Mâcon était jadis sur la montagne de Dun. L'ennemi vint, établit ses canons sur la montagne de Dunet et bombarda la ville. Depuis lors, le trou de Dunet, plein de pierres, s'est toujours appelé le « Pote (trou) de l'ennemi ». La ville fut saccagée, ruinée, brûlée, et l'on reconstruisit Mâcon sur les bords de la Saône. La ville de Mâcon, perchée autrefois sur le Dun, bombardée, détruite par le canon, il y a plus de mille ans : tout cela semble bien tenir de la légende. La vérité qui s'en dégage est que Dun, par son nom celtique Dunum, par ses ruines, paraît fort ancien, et devait être assurément très fortifié par sa situation sur la plus haute montagne du Mâconnais. La forteresse avait deux portes, l'une de Mâcon - de là vient la légende - l'autre de Saint-Laurent, quatre tours rondes et des murs épais. Philippe-Auguste, qui fit la guerre aux comtes de Chalon, de Mâcon et de Beaujeu, pour les punir d'avoir ravagé les terres des moines, en 1181, démolit complètement Dun, qui ne se releva jamais de ses ruines. La tradition populaire met le canon à la place des machines de guerre - la tradition n'a pas inventé la poudre ! - et voilà tout ! Une relation manuscrite, maladroitement recopiée, et à laquelle on ne peut dès lors, assigner d'âge certain, dit : « Et fut prise et battue, cette ville de Dun-le-Roi, sur le comte de Mâcon ; et sur le comte de Beaujeu furent pris et abattus les forts et ville de Chevagny-le-Lombard. Après ladite démolition, tous les habitants, bourgeois et principaux officiers de la maison dudit comte de Mâcon, se retirèrent en la ville de Bois-Sainte-Marie. Tout destruit et gasta et prit proies ». Tout fut rasé impitoyablement. L'église seule fut respectée, le chœur tout au moins. C'est autour de ce chœur, restauré avec intelligence et avec goût, que se dresse la chapelle neuve, à la façade simple et élégante élevée par les soins de M. le comte de Rambuteau. La porte d'un fort bon style, est encadrée par deux archivoltes en cintre brisé, qui reporteraient plutôt au XIIIe siècle qu'à la seconde moitié du XIIe siècle. Au milieu de la façade s'ouvre une grande fenêtre en plein cintre, cantonnée de colonnettes. L'église est surmontée, au-dessus du carré du transept, d'un joli clocher, à pyramide de pierre, composé de deux étages, le supérieur ajouré de tous les côtés. Une charte de Savigny, de 922, fait mention de l'église « Saint-Pierre du monastère de Dun » Un monastère dans une forteresse ? Des fouilles récentes, très curieuses, ont été faites sur la montagne. On trouve encore, tout autour, des amoncellements de ruines non fouillées, qui cachent peut-être des trésors d'archéologie.
Car les légendes foisonnent autour de Dun, au sujet des richesses qui y seraient enfouies. Telle la légende de la « pierre tournante » qui tournait durant l'élévation de la messe de minuit ; la cavité restait un moment béante, découvrant dans les flancs d'une caverne des trésors inouïs d'or, d'argent, de pierres étincelantes. Une pauvre femme voulut s'emparer de ces trésors. Elle vint donc, une nuit de Noël, tenant son petit enfant dans ses bras, à Dun, sur la « pierre tournante ». Le moment solennel arrive, la pierre tourne, l'or étincelle. Vite la femme dépose son enfant sur le sol et plonge dans la caverne. Bientôt son tablier est plein d'or. Mais la pierre tourne et reprend sa place. La mère pousse un cri ; l'enfant avait roulé dans le trésor. Eplorée, elle courut voir un ermite voisin, qui lui conseilla de retourner, l'année suivante, à Noël, sur la pierre, d'y reporté tout l'or volé, sans qu'il y manqua une piécette. L'enfant devait être lui être rendu à ce prix. La légende veut que la mère retrouva, en effet, à minuit, son enfant encore vivant, malgré ce jeûne forcé d'une année. Ne nous inscrivons pas en faux contre ce joli conte ? N'est-il pas charmant, dans sa naïveté ?
Les sources abondent dans la montagne de Dun. Telle la fontaine Saint-Denis qui guérissait, disait-on, l'épilepsie, appelée « Mal Saint-Jean » dans toute la contrée charolaise. La légende voulait aussi que les souterrains de Dun fussent habités jadis par une race d'hommes si petits que les Lilliputiens de Gulliver eussent passé près d'eux pour des géants. Ces petits êtres s'appelaient « Faillettes », ou petites fées, comme la peuplade qu'on disait vivre à la petite montagne de Chemineau, dans le voisinage de Dun et qu'on appelle encore « Roches-Faillettes ». Là, le paysan vous montre parmi les rochers, « le fauteuil de la reine », le « greu » ou berceau de l'Enfant-Jésus, l'écuelle de la Vierge, etc... autant de pierres druidiques qui servaient de refuges aux malignes petites « Faillettes » de Chemineau.
Croyez-vous que Dun, avec ses souvenirs et ses légendes, ne méritait pas d'être visité ?
Le Mâconnais mégalithique (Revue de folklore français, 1931)