Description de l'église romane d'Iguerande
Source : Jean Virey, L'Architecture Romane dans l'Ancien Diocèse de Mâcon, Mémoires de la Société Eduenne, tome XVIII (1890).
Iguerande, situé près de la rive droite de la Loire, était du bailliage et de la recette de Semur-en-Brionnais, du diocèse de Mâcon et de l'archiprêtré de Beaujeu (1), de la baronnie de Semur (2). Cette paroisse était sous le patronage de la prieure de Marcigny, qui était dame du clocher depuis l'échange qu'elle en fit, en 1088, avec saint Hugues, abbé de Cluny, contre la seigneurie de Berzé-la-Ville (3). L'église paroissiale actuelle, sous le vocable de Saint André (*), est située sur une hauteur assez escarpée, d'où elle domine le cours de la Loire ; elle appartenait à des moines de l'ordre de Saint-Benoît. Au bas du village est le château occupé autrefois par ces religieux : on le nomme encore le Prieuré.
La seule mention ancienne que nous ayons trouvée de l'église d'Iguerande date du début du onzième siècle. (4)
Le plan de Saint-André d'Iguerande est celui d'une église à trois nefs interrompues par un transept faisant saillie à l'extérieur. La nef et les collatéraux se prolongent au-delà du transept pour constituer le chœur, et se terminent : la nef centrale par une abside en hémicycle, les nefs collatérales par des absidioles. Le clocher s'élève au-dessus de la croisée du transept.
La nef centrale est voûtée en berceau plein cintre renforcé par des arcs doubleaux également en plein cintre, doublés.
(1) Pouillé du quatorzième siècle. Pouillé du seizième siècle.
(2) Ragut, Statistique du département de Saône-et-Loire, Mâcon, 1838, 2 vol. in-4°, t. II, p. 185.
(3) Courtépée, Description du duché de Bourgogne, 2° édit., Dijon, 1848, 4 vol. in-8°, t. III, p. 116.
(4) Cartulaire C de l'abbaye de Cluny, fol. 24, col. 2. (Bibl. Nat. 2262, fonds latin des nouvelles acquisitions.)
La nef communique avec les collatéraux par de grandes arcades en plein cintre.
Les collatéraux sont voûtés par des compartiments d'arêtes, séparés par des arcs doubleaux en plein cintre.
L'aspect de cette église, à l'intérieur aussi bien qu'à l'extérieur, est singulièrement massif et trapu ; la nef centrale dont la voûte n'est guère plus élevée que celle des collatéraux, ne peut point pour cette raison avoir de fenêtres propres ; elle reçoit la lumière par les bas-côtés dont le mur à chaque travée est percé, dans l'axe des grandes arcades, d'une baie en plein cintre, ébrasée à l'intérieur et à l'extérieur. La nef est éclairée encore par une grande fenêtre en plein cintre, percée au-dessus de la porte dans le mur de façade.
La nef est divisée en trois travées par deux rangées de piliers sur plan carré dont chaque face est cantonnée d'une colonne engagée. Des pilastres rectangulaires appliqués contre le mur des bas-côtés reçoivent les retombées extérieures des doubleaux des collatéraux. Les colonnes engagées dans la face des piliers tournée vers la nef sont munies de chapiteaux et de bases qui nous semblent appartenir à la fin du onzième siècle plutôt qu'au douzième. Une porte percée dans la troisième travée du collatéral nord donne accès de l'extérieur dans l'intérieur de l'église.
La nef communique avec la croisée du transept par une grande arcade en plein cintre, doublée. Les collatéraux communiquent avec les croisillons par des arcades en plein cintre, non doublées. Les quatre piliers de la croisée ont un plan différent de celui des autres piliers.
La croisée du transept est voûtée par une belle coupole octogonale sur trompes en cul-de-four. La croisée communique avec chaque croisillon par une grande arcade en plein cintre, doublée. Les croisillons sont voûtés en berceau plein cintre, dans une direction perpendiculaire à l'axe de l'église. Ils sont éclairés dans leur mur de fond par une fenêtre en plein cintre, ébrasée au dehors et au dedans ; ils communiquent avec les travées collatérales du chœur précédant les absidioles par des arcades en plein cintre.
La croisée du transept communique avec la travée précédant l'abside par une grande arcade en plein cintre, doublée ; cette travée est voûtée en berceau et communique avec l'abside par une arcade en plein cintre, et avec les travées collatérales par des arcades en plein cintre, doublées. Ces travées sont également voûtées en berceau, tandis que les travées collatérales de la nef ont reçu des compartiments d'arêtes ; elles sont éclairées chacune par une fenêtre en plein cintre ; les absidioles qui ouvrent sur elles sont en hémicycle et voûtées en cul-de-four ; la lumière leur arrive par une seule fenêtre en plein cintre.
L'abside centrale, en hémicycle, est voûtée en cul-de-four plein cintre ; elle est éclairée par trois larges fenêtres en plein cintre, ébrasées, et dont l'ouverture a dû être agrandie.
En revenant sur nos pas, nous remarquons, ainsi que nous l'avons déjà constaté, que le plan des quatre piliers de la croisée du transept est différent de celui des piliers de la nef ; à la nef le plan était carré ; au transept, il est cruciforme. Les deux piliers qui sont communs à la croisée et à la nef sont sur plan cruciforme comme les deux autres ; comme eux ils ont deux colonnes engagées, mais pas sur les mêmes faces. Pour les deux premiers, les colonnes engagées sont sur la face tournée vers l'axe de la nef et sur la face orientale ; pour les deux autres, c'est leur face orientale et leur face occidentale qui reçoit cette addition.
Sortons maintenant de l'église et examinons l'extérieur en commençant par la façade. Le peu de différence qu'il y a entre la hauteur de la voûte principale et celle des voûtes collatérales est cause qu'une seule toiture à deux rampants, posée directement sur les reins des trois voûtes, les recouvre facilement sans être pour cela bien inclinée, et que le mur de façade accuse avec peu d'évidence les dispositions intérieures de l'édifice. Cependant, le mur qui ferme la nef principale est légèrement en saillie sur celui qui ferme les collatéraux. Cette partie centrale de la façade, terminée à sa partie supérieure en forme de pignon, est limitée à droite et à gauche par deux contreforts qui ne s'élèvent pas très haut et se terminent par un glacis à une seule pente. Au centre de cette façade est percée une grande porte en plein cintre ayant son seuil presque au niveau du sol. La baie proprement dite est rectangulaire ; elle est amortie par un linteau qui supporte un tympan appareillé. Les pieds-droits qui portent le linteau sont des demi-colonnes de diamètre assez fort, engagées dans les montants de la porte (comme à la porte de la façade de Châteauneuf) ; ces colonnes sont munies de bases et de chapiteaux à sculpture plate qui nous paraissent bien pouvoir remonter au onzième siècle. Une archivolte en plein cintre encadre le tympan de la baie ; ses sommiers reposent sur des colonnes munies de bases, de chapiteaux et de tailloirs sculptés ; un cordon sculpté de la même façon que les tailloirs rejoint ces derniers l'un à l'autre en accompagnant dans sa longueur le linteau de la porte. Les motifs qui décorent les chapiteaux sont empruntés au règne végétal ; les bases sont assez caractéristiques ; la sculpture est plutôt en creux qu'en relief.
Un cordon sculpté suit horizontalement la partie de la façade qui correspond à la nef principale et se recourbe pour encadrer l'archivolte, faisant ainsi communiquer l'un avec l'autre les deux contreforts de la façade.
Au-dessus de cette porte est une assez longue baie en plein cintre profondément ébrasée.
La partie du mur de façade qui ferme l'ouverture des collatéraux ne présente absolument aucune particularité : elle est limitée à droite et à gauche par deux contreforts.
Après avoir contourné au midi l'angle de la façade, étayé par deux puissants contreforts, jetons les yeux sur l'élévation latérale qui ne présente que la muraille des bas-côtés, puisqu'une seule toiture couvre la nef et les collatéraux. Cette muraille présente l'ouverture de trois fenêtres en plein cintre qui ont probablement été agrandies ; entre ces fenêtres sont d'énormes contreforts (du côté méridional) qui donnent à ce côté un singulier aspect de lourdeur et de solidité. Ces contreforts n'étaient pas primitivement d'une section aussi considérable, nullement nécessaire d'ailleurs au maintien de la construction ; le renforcement a été opéré, en même temps qu'on talutait le pied du mur jusqu'à une certaine hauteur, par mesure de précaution, au commencement de ce siècle, parce que dans le cimetière qui entoure l'église, on avait creusé jusqu'au pied du mur du collatéral des fosses profondes, et qu'on avait fini par redouter un effondrement. Ces énormes contreforts sont inclinés en forme de talus.
Au-dessus d'eux, il y a la corniche du toit soutenue par des modillons très simples non sculptés.
Les croisillons font une saillie assez sensible sur l'alignement du mur des collatéraux ; leur mur de fond est renforcé aussi à l'extérieur, à chaque extrémité par de gigantesques étais en maçonnerie, dans l'intervalle desquels on voit l'ouverture en plein cintre de la fenêtre.
Arrivons maintenant au chevet ; nous trouvons d'abord le mur droit de la travée placée au-devant de l'absidiole, puis un contrefort, puis la construction d'une sacristie moderne qui cache la convexité de l'absidiole, puis enfin l'abside centrale flanquée de deux contreforts rectangulaires d'une saillie de 0m50 ; ces contreforts séparent les trois fenêtres en plein cintre. Au dessus est la corniche du toit portée par des modillons sculptés : on y voit des ornements empruntés au règne végétal, des têtes grimaçantes d'hommes ou d'animaux.
Le clocher monté au-dessus de la croisée du transept est trapu et massif comme tout le reste de la construction ; il est carré, et ses quatre faces sont décorées de la même façon ; il rappelle assez le clocher central de l'église d'Ainay, à Lyon. Le clocher est divisé en deux étages : l'étage inférieur qui est plutôt un soubassement, aveugle à l'orient et à l'occident, est percé au nord et au sud d'une ouverture en plein cintre non ébrasée et sans aucune ornementation. L'étage supérieur est orné sur chaque face de doubles baies jumelles amorties en plein cintre, dont les retombées portent sur des colonnettes ; chacune de ces baies géminées divisée par un système de deux colonnettes placées l'une derrière l'autre, s'ouvre dans un encadrement en plein cintre, doublé, dont les archivoltes sont ornées de gros tores, et ont à leurs retombées intérieures des colonnettes, et à l'extérieur reposent sur le massif même de la tour.
Au dessus viennent les modillons qui portent la corniche du toit : corniche et modillons paraissent être modernes. La toiture en tuiles rondes est très aplatie : c'est une pyramide à quatre pans.
La maçonnerie de cet édifice est faite de moellons d'assez fort échantillon, taillés, et assez régulièrement appareillés : elle semble refaite à l'extérieur, et cependant il n'en est rien. On s'est contenté, lors des dernières réparations, de jeter du mortier dans les interstices des pierres : c'est ce qui donne à l'extérieur l'aspect d'une construction neuve. Comme silhouette, l'église d'Iguerande ressemble beaucoup à celle d'Ameugny : même apparence courte et solide.
En résumé, l'église d'Iguerande, où on ne voit pas les bandes et arcatures lombardes qui caractérisent si généralement les édifices propres au Mâconnais, nous paraît être une construction de la fin du onzième siècle. Sa structure extrêmement puissante, ses berceaux et ses arcades en plein cintre, l'absence au fond du chœur, d'une décoration d'arcatures retombant sur des pilastres ou des colonnettes, que nous trouvons dans toutes les églises voisines datant du douzième siècle, nous empêchent de la faire descendre jusqu'à cette époque, de même que son plan général, et particulièrement celui du sanctuaire, le plan des piliers, la grande ouverture des fenêtres, le doublement d'un certain nombre d'arcs, nous défendent de la faire remonter trop haut. C'est d'ailleurs une construction fort intéressante, d'une conservation parfaite, et qui présente une curieuse collection de chapiteaux sculptés.
(*) L'église d'Iguerande a été dédiée à Saint André puis à Saint Marcel lorsqu'elle devint église paroissiale au XVIIe siècle.
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