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In pago Matisconense, in agro Iguerendes - juillet 893

Charte de Cluny Charte de Cluny

Le plus ancien acte transcrit dans le cartulaire C de l'abbaye de Cluny, commencé au XIe siècle, est un diplôme de Charles le Chauve daté du 8 novembre 846 portant donation à un fidèle du nom d'Acbertus d'un manse avec une chapelle dédiée à saint André, dans la villa d'Iguerande, au pagus de Mâcon.

Quelques actes copiés au XVIIIe siècle ou transcrits dans le cartulaire A nous apprennent quelle fut la destinée de la donation faite par Charles le Chauve à Acbertus. En juillet 893, Anselme et Eve vendirent le domaine à Madalbert et Hélène :

« Domino magnifico Madalbert et uxore sua nomine Elena, emtores, ego, in Dei nomen, Anselmus et uxor sua Ava, venditores, vendedimus vobis curtilo cum manso (1) indominicado et cum ecclesias, que sunt constructas in onore Dei et Sancti Andree et Sancti Joannis atque Sancti Marcelli, cum omnibus appendiciis, que sunt sitas in paugo (2) Matisconense, in paugo Alvernico, in agro Iguerendens vel in agro Brugalinens, in villas nocubantas (3) in Scuciago et in villa que vocabulum est Campus... »

C'est-à-dire :

« À magnifique seigneur Madalbert et à sa femme nommée Hélène, acquéreurs, au nom de Dieu, moi Anselme et son épouse Ave, vendeurs, nous vous avons vendu un clos avec un mas libre et franc (4) avec les églises construites en l'honneur de Dieu et de Saint André, Saint Jean et Saint Marcel, avec toutes leurs appartenances, le tout situé dans le Pagus (5) de Mâcon et dans le Pagus d'Auvergne, dans l'ager d'Iguerande (6) et dans l'ager Brugalinens (7) aux villages appelés de Scocieu (8) et Champ. »

Lambert de Barive, un érudit qui, en 1775, fut admis à travailler sur les archives de l'abbaye de Cluny avant qu'elles n'eussent subi les outrages révolutionnaires, annota cette charte de l'observation suivante : « C'est un fait très curieux que celui de la vente de ces trois églises d'Iguerande, faite par un séculier à un autre séculier, sans qu'il soit fait mention d'un seul ecclésiastique. Du reste, ce fait avait lieu pour les cimetières, pour les oblations, etc. Toutes ces choses étaient alors possédées d'une manière incommutable par des séculiers et faisaient même partie de leur succession. »

1. Le manse, mas ou meix comprenait une certaine étendue de fonds avec bâtiments d'habitation et d'exploitation : c'était à peu près, ce qu'on appelle aujourd'hui une ferme ou un domaine.
2. Le clerc qui vient d'écrire sans h le mot onore, peut bien écrire paugo pour pago.
3. Pour nuncupatas.
4. Nous traduisons ainsi le mot indominicato (qu'il faut lire au lieu de indominicado), car il signifie que les vendeurs en avaient conservé la libre et pleine propriété.
5. Il est impossible de traduire autrement ce mot qui désignait une circonscription administrative dont nos diocèses actuels sont la représentation assez exacte. L'ager en était une subdivision.
6. On voit par cette charte qu'Iguerande était alors considérable et formait le chef-lieu d'un ager : l'un des hameaux principaux était Scocieu, ancienne villa gallo-romaine de Scocius. L'ager d'Iguerande était divisé en deux parties, l'une du diocèse de Mâcon, l'autre du diocèse de Clermont ; il confinait en outre aux diocèses d'Autun et de Lyon.
7. Nous ignorons de quelle localité il s'agit ici et nous ne traduisons pas.
8. Pour Scociacus.


Sources et compléments :

o L'Ancien Forez, 3ème année, E. Révérend du Mesnil, pp. 45-46, 1884-1885.
o Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, A. Bernard, Tome 1, 1876.
o Maurice Jusselin, Le Moyen âge : bulletin mensuel d'histoire et de philologie, 1908.
o Base de données des chartes de l'abbaye de Cluny (802-1300).
o Thèse d'Anelise Nicolier, La construction d'un paysage monumental religieux en Brionnais à l'époque romane, tome 3, volume 2, 2015.

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