
L'église abbatiale de Cluny par Marcel Aubert (1936)
L'abbaye de Cluny par Maria et Kenneth Conant 1894-1984 (DPLA) - Cliquez pour agrandir
Source : Congrès archéologique de France, Lyon-Mâcon 1935 (BnF-Gallica)
L’histoire de l’église abbatiale de Cluny est aujourd’hui connue et je ne la reprendrai pas ici. Je voudrais seulement rappeler les principales dates de sa construction et résumer ce que nous savons de l’édifice d’après les travaux les plus récents et, notamment, d’après les fouilles et les articles de M. Kenneth John Conant, professeur à l’Université Harvard (États-Unis), qui prépare une grande monographie de l’église et de l’abbaye (1).
Des fouilles avaient été entreprises en 1913, sous la direction de M. André Ventre, au nord de l’église, dans la cour du haras, et le 23 mai avait été retrouvée par M. Malo dans le, volume du Congrès archéologique, Moulins-Nevers, 1913. Mais la guerre arrêta les travaux et, en 1916, les fouilles durent être remblayées.
Plan de Cluny - Cliquez pour agrandir
Une chapelle consacrée à la Vierge et à saint Pierre existait déjà à Cluny lors de la fondation de l’abbaye par Guillaume d’Aquitaine, le 11 septembre 910. Nous n’en connaissons rien, non plus que de l’église dédiée à saint Pierre et saint Paul en 915, 916 ou 917, sous l’abbé Bernon. Nous savons seulement, par les fouilles de M. Conant, que la villa donnée par Guillaume et, par conséquent, la chapelle qui s’y trouvait et qui peut-être fut agrandie et devint la première église abbatiale, ou qui fut remplacée par celle-ci, était à peu près sur l’emplacement de l’église Saint-Pierre-le-Vieux. M. Conant a retrouvé, au cours de deux campagnes de fouilles (1929 et 1932), les fondations de cette église, que l’on désigne sous le nom de Cluny II et dont il fixe ainsi les dates de construction : vers le milieu du Xe siècle, sans doute entre 950 et 954, au moment où Mayeul est nommé coadjuteur de l’abbé Aymar, vieux et aveugle, commence la construction du chœur. En 963, Aymar meurt et est enterré derrière l’autel matutinal — son épitaphe, qui était au fond de l’abside, se trouve aujourd’hui au Musée Ochier. Le chœur était donc terminé. Le transept, les bas-côtés et la nef, plus large, de construction plus légère et couverte de charpentes, tandis que le chœur était voûté, ainsi que l’avant-nef à l’ouest précédée d’un porche entre deux tours, sont élevés entre 963 et le 14 février 981, date de la consécration de l’église, peut-être sur l’emplacement de l’ancienne nef où avaient été célébrés les offices pendant la construction du nouveau chœur.
L’église était orientée. Le plan du chœur, au sujet duquel on avait longuement discuté, a pu être précisé par M. Conant : deux travées droites communiquent par de larges arcades avec les collatéraux : à l’est, une abside profonde, que l’on voit encore sur le plan de 1623 publié par M. Virey (2), étayée à l’extérieur par deux puissants contreforts et encadrée par deux absidioles en fer à cheval dans l’axe des bas-côtés, prises à l’extérieur dans un mur plat planté légèrement de biais et renforcées, au nord et au sud, par un contrefort. Le chœur, long de 18 à 19 mètres, mesurait 6 à 7 mètres de large, et les collatéraux 2 mètres seulement. Les « Coutumes de Farfa » complétées par l’Ordo cluniacensis, les Antiquiores Consuetudines Cluniacensis et les Constitutions d’Hirsau (3) montrent qu’en arrière du maître-autel étaient trois autels où se célébraient, suivant les jours et les fêtes, les messes matutinales : au centre, l’autel de la Vierge ; à droite, l’autel de saint Pierre ; à gauche, celui de saint Paul ; dans les chapelles latérales étaient, au sud, l’autel de saint Jean et saint Jacques le Majeur ; au nord, celui de saint Philippe et saint Jacques le Mineur. Ces cinq autels sont du même ordre liturgique et sont toujours mentionnés ensemble, pour l’« Asperges », pour les encensements et pour les autres cérémonies de l’office ; il était donc nécessaire qu’une large ouverture fût pratiquée entre le chœur et les collatéraux, et c’est ce que l'on voit dans les plus anciennes églises ayant utilisé les coutumes liturgiques de Cluny, à Hirsau comme à Romainmotier. Le transept était long de plus de 30 mètres et il y a tout lieu de penser que, ici comme à Saint-Pierre d’Hirsau — à Romainmotier, les autels étaient appuyés contre le mur oriental des croisillons — une chapelle s’ouvrait à l’est sur chacun des bras ; malheureusement, M. Conant n’a pu encore vérifier le fait par des fouilles (4). Le chœur de cette église Saint-Pierre-le-Vieux, construite par saint Mayeul entre 950 environ et 963, présente donc le premier exemple du type que Lefèyre-Pontalis à décrit sous le nom de plan bénédictin (5). Parmi les petites églises qui, autour de Cluny, rappellent le plus Saint-Pierre-le-Vieux, les unes, comme Chapaize, Châteauneuf et Saint-Laurent-en-Brionnais, ont un transept non saillant, ou peu débordant, comme Iguerande, et un chœur profond flanqué de collatéraux communiquant largement avec lui et terminé par une abside flanquée d’absidioles couvertes à l’extrémité, des collatéraux, ou, comme Saint-Hippolyte, Uchizy et l’ancienne église de Bourg-de-Thizy, elles ont un transept très accusé et une chapelle ouverte sur chaque bras, aux côtés d’un chœur carré ou rectangulaire terminé par une abside ; l’église d’Anzy-le-Duc présente en même temps les deux dispositions (6), et le plan en échelon est encore accusé par l’addition d’une petite chapelle prolongeant vers l’est l’abside principale.
L’église Saint-Pierre-le-Vieux était devenue trop étroite pour le grand nombre de moines que contenait Cluny et l’abbé Hugues avait demandé à son ami Alphonse Ier, roi de Castille, de l’aider à construire une église plus grande. Celui-ci, très occupé par la reconquête — il reprend Tolède en 1085 — envoie dix mille talents et promet des sommes plus considérables encore ; en 1086, il épouse Constance, veuve de Hugues, Comte de Chalon, petite-fille du duc de Bourgogne Robert, allié de l’abbé Hugues, et ce mariage resserre encore les liens qui unissaient le roi de Castille à l’abbé de Cluny, qui trouvera auprès de son ami toutes les ressources nécessaires à la construction de son église ; vers 1106-1108, l’abbé Hugues appliquera au roi les bénéfices des messes dites à un des autels de la nouvelle église, construite en partie grâce aux donations royales (7). C’est le 30 septembre 1088 que fut posée la première pierre (8). Le 25 octobre 1095, le pape Urbain II, qui dix ans auparavant — Odon de Lagery, prieur de Cluny, puis cardinal d’Ostie, en 1078, fut élu pape en 1088 sous le nom d’Urbain II — avait consacré la chapelle Notre-Dame de l’infirmerie, de passage à Cluny, consacra le maître-autel, en l’honneur de Dieu et en mémoire de saint Pierre et saint Paul, et l’autel matutinal en l’honneur de la Vierge : en même temps étaient consacrés les autels de trois chapelles du déambulatoire alors terminées (9), et le pape, dans un sermon, recommanda au peuple l’œuvre de l’église; il fut convenu que la dédicace de la nouvelle église, lors de son achèvement, serait célébrée le 25 octobre (10). Avant la fin de cette année, l’autel Saint-Jacques, dans la première chapelle au sud du déambulatoire, était consacré par Dalmace, évêque de Compostelle, ancien moine de Cluny (11) ; un autre, peut-être celui de la cinquième chapelle rayonnante, vers 1104, par Geoffroy, évêque d’Amiens (12).
Saint Hugues mourut le 29 avril 1109, et son biographe Gilon, qui écrivait à Rome vers 1113 ou 1114, en empruntant quelques passages purement apologétiques de la vie écrite par Hézelin à Cluny au lendemain de la mort du grand abbé, loue Hugues d’avoir élevé une si grande basilique dans l’espace de vingt ans (13) — elle avait été commencée en septembre 1088 et était donc achevée en 1108 -, témoignage que reprendra en 1120 le pape Callixte II enquêtant sur les vertus et les miracles d’Hugues, dont il s’apprête à proclamer la sainteté (14). Gilon précise que le chœur était alors (15) complètement terminé, qu’il était si vaste que des milliers de personnes pouvaient y tenir et que les moines, serrés dans la vieille église Saint-Pierre, s’y étaient installés très à l'aise. Saint Hugues fut enterré derrière l’autel matutinal (16). Vers la même époque et, en tout cas, avant 1115, avait été bénie la chapelle haute de la tour de l’Horloge, au bras sud du grand transept, ainsi qu’en témoigne une inscription, malheureusement en partie effacée, retrouvée et publiée par M. Gonant (17).
Plusieurs textes prouvent qu’en réalité, l’église n’était pas complètement achevée et que les travaux continuèrent sous l’abbatiat de Ponce de Melgueil (1109-1122). Nous savons par un texte de 1121 que celui-ci détruisit la nef de Saint-Pierre-le-Vieux, après l’achèvement de la grande église (18), pour élargir le cloître, dont la galerie nord fut reportée jusqu’à la chapelle de la Vierge, dite aussi chapelle de l’abbé, consacrée le 16 août 1118 (19) et qui s’élevait parallèlement aux dernières travées de la nef de la grande église et sur l’alignement du mur de façade du bras sud du transept.
Restitution par M. Conant du chœur de l'église abbatiale de Cluny
Une inscription de la sacristie de l’église abbatiale de Cluny (20), très postérieure aux événements qu’elle rapporte, mais dont elle conservait sans doute la tradition, disant que l’église avait été achevée en vingt-cinq ans (1113), grâce aux donations de Henri Ier d’Angleterre — le roi Alphonse Ier était mort à Tolède le 30 juin 1109.
Cette date de 1113 a été considérée par beaucoup d’historiens comme celle de l’achèvement des travaux.
L’église de Saint-Hugues ne fut donc terminée qu’au temps de Ponce de Melgueil. Une remarque faite par M. Conant au cours de sa campagne de fouilles de 1931 (21), nous permet de préciser la marche des travaux. M. Conant a remarqué un changement de construction entre la sixième et la septième travée : les piles des six premières travées en partant de l’ouest sont moins profondément fondées que celles des cinq autres. On remarquera que la coupure se fait à hauteur du mur occidental du cloître, comme si l’on s’était fixé tout d’abord, comme limite de la première campagne de travaux, ce point précis (22).
L’église, terminée à la mort de saint Hugues et à la construction de laquelle travaillèrent les moines Gauzon et Hézelon, devait comprendre le chœur, le déambulatoire et ses chapelles, très avancées en 1095, lors de la bénédiction du maître-autel, de l’autel matutinal et de trois autels des chapelles rayonnantes, le petit transept, le grand transept et les cinq dernières travées de la nef, fermées sans doute alors par un mur provisoire. Les moines avaient pris possession de leurs stalles, qui débordaient dans les dernières travées de la nef, peu avant la mort de saint Hugues (1109), ainsi qu’en témoigne la biographie du moine Gilon. La rapidité de la construction s’explique par les moyens considérables en argent et en hommes dont disposait l’abbé de Cluny.
Les six premières travées de l’église et la façade, sans doute aussi les deux travées orientales de l’avant-nef qui, d’après M. Conant, sont de peu postérieures à celle-ci, sont l’œuvre de l’abbé magnifique et dépensier Ponce de Melgueil qui les termina dès 1113, si l’on en croit l’inscription de la sacristie, et en tout cas, avant 1118 (23), époque où les travaux durent être momentanément suspendus. Les difficultés de toutes sortes, manque d’argent (24), lutte dans l’abbaye même entre les partisans de Ponce et ceux de son successeur, Pierre le Vénérable, élu le 21 août 1122, avaient sans doute fait fermer les chantiers ou en avaient ralenti l’activité, lorsque, en 1125, au plus fort des troubles, un désastre se produit qui arrête pour près d’un siècle l’achèvement du narthex : la grande nef de l’église, qui venait d’être terminée, s’effondre (25).
Le désastre fut considérable — et le biographe de Pierre le Vénérable (1122-1156), Raoul, loue celui-ci d’avoir relevé et décoré l’église (26) — mais il semble bien qu’il fut limité à la nef, dont les voûtes hautes, insuffisamment contrebutées peut-être — notamment celles des six premières travées, moins bien fondées — s’écroulèrent. On se mit aussitôt à l’œuvre, on releva la nef, lança de nouvelles voûtes, et les travaux de restauration étaient assez avancés en 1130 pour que l’abbé Pierre le Vénérable pût demander au pape Innocent II, alors à Arles, de venir à Cluny et d’y célébrer la dédicace de la nouvelle église, ce qui eut lieu le 25 octobre (27).
Cependant, les travaux n’étaient pas alors terminés et, en 1131, le roi Henri Ier d’Angleterre, dont le neveu, Henri de Blois, avait été en partie élevé à Cluny, s’engage à donner une rente annuelle à Cluny, qui fut appliquée aux travaux de l’église (28). En 1132, le pape accorde des indulgences à ceux qui visiteront l’église le jour anniversaire de la dédicace (29) ; la même année, le 20 mars, le chapitre général de Cluny décide que, dorénavant, le silence sera observé par tous les ouvriers, excepté sur le chantier de la nouvelle église (30). La reconstruction de la nef — ou au moins des parties hautes et de la voûte de la nef — est donc l’œuvre de Pierre le Vénérable, qui dut y consacrer toutes les ressources de l’abbaye et l’avant-nef resta inachevée jusqu’en 1220, où elle fut terminée par l’abbé Roland (31). Les deux tours Barabans furent ajoutées à l’ouest, de chaque côté de l’entrée, aux XIVe et XVe siècles, et le portail, décoré par l’abbé Eudes de la Perrière, de 1424 à 1457.
Pierre II de Chastellux (1322-1344) édifia la chapelle Saint-Martial, au bras sud du grand transept. Jean III de Bourbon (1457-1485), grand constructeur, abbé magnifique, fit élever à Paris l’hôtel de Cluny et à Cluny le palais abbatial aujourd’hui Musée Ochier et, vers 1470, la chapelle qui porte son nom, à l’extrémité sud du petit transept. Jacques II d’Amboise (1485-1510) fait construire le deuxième palais abbatial (hôtel de ville). En 1562, 1567 et 1575, l’abbaye est pillée par les protestants.
Au milieu du XVIIIe siècle, le prieur claustral, Dom Dathoze, reconstruit le cloître et les bâtiments conventuels.
En 1790, il y avait encore quarante moines et, jusqu’en 1793 (32), les habitants de Cluny chassent et pendent les incendiaires et protègent leur abbaye. Le 29 novembre de cette année commencent les profanations, destructions des tombeaux, vente du mobilier. Les bâtiments sont abandonnés ; le 21 avril 1798, sous prétexte que leur entretien nécessiterait de grands travaux, ils sont mis en vente et acquis par un marchand de biens de Mâcon, qui, avec l’autorisation du préfet, en entreprit la démolition. Lorsque, en 1801, le ministre de l’Intérieur Chaptal, répondant à un sursaut de la conscience publique, essaye d’intervenir, il est trop tard, le mal est consommé : une rue est percée à travers la nef, laissant d’un côté le narthex, de l’autre le chœur ; à partir de ce moment, la dévastation se précipite. On fait sauter la façade de l’église le 8 mai 1810 ; l’État, pour établir un dépôt d’étalons, rase la partie nord du transept et du chœur ; il fallut soixante-quinze coups de mine, en 1811, pour détruire le clocher des Bisans, sur le bras nord du grand transept. En 1823, l’abside et ses chapelles rayonnantes, qui étaient encore en partie debout, furent détruites : la ruine était consommée (33).
Cette belle église, la plus grande de la chrétienté jusqu’à la construction de Saint-Pierre de Rome, mesurait hors œuvre, d’après les relevés précis de M. Conant, 141m 73 et, avec le narthex, 181m 62. La nef avait 10 mètres de large, et la voûte en berceau légèrement brisé s’élevait à la hauteur de 30 mètres. Il n’en subsiste plus aujourd’hui que la dernière travée du deuxième collatéral sud de la nef et les trois travées extrêmes du bras sud du grand transept, sur lequel ouvrent la chapelle Saint-Étienne et la chapelle Saint-Martial, celle-ci reconstruite entre 1322 et 1344 par Pierre II de Chastellux. La porte sud a été refaite en 1750. Au milieu se dresse le clocher de l’Eau-Bénite et, à l’extrémité, contre le mur ouest, le clocher de l'Horloge, au haut duquel est la chapelle Saint-Gabriel. La deuxième chapelle du bras sud du petit transept est encore conservée, ainsi que la chapelle de Bourbon, à l’extrémité de ce croisillon (34). Les fouilles de M. Conant permettent de préciser le plan des autres parties de l’église ; il a, en outre, retrouvé les parties basses de la porte occidentale de l’église et du portail de l’avant-nef, entre les deux tours occidentales appelées les Barabans, encore en partie debout.
Quelques restes des bâtiments de l’abbaye du moyen âge subsistent encore : la double porte de l’enceinte, la tour ronde à l’angle nord-est de cette enceinte ; au sud, le farinier, grenier élevé par l’abbé Yves Ier (1257-1275), mesurant 54 mètres de long et réduit à 36 mètres au XVIIIe siècle ; le rez-de-chaussée est divisé en deux nefs par des colonnes et voûté sur croisées d’ogives ; au-dessus règne une vaste salle couverte d’une charpente en berceau. Contre le farinier est une grande tour carrée où était installé le moulin.
Le cloître et les grands bâtiments conventuels du milieu du XVIIIe siècle, avec leurs voûtes d’arêtes, leurs escaliers de pierre aux belles rampes de fer forgé, œuvre du frère Placide, leurs étages de hautes fenêtres, constituent un ensemble majestueux.
À l’ouest du cloître se voit encore le palais dit du pape Gélase, mort à Cluny en 1119. Ce palais est, en réalité, l’œuvre de l’abbé Bertrand de Colombiers (1295-1308), qui utilisa quelques murs de l’ancien palais où résida sans doute le pape. Le deuxième étage est décoré de dix-neuf fenêtres gothiques, divisées en deux formes tréfiées portant un trilobe sous un arc brisé. Ce premier étage n’avait pas de fenêtres. Le bâtiment a été complètement restauré en 1873.
Les deux palais abbatiaux construits par Jean III de Bourbon (1457-1485) et par Jacques II d’Amboise (1485-1510) sont encore bien conservés. C’est dans le premier, affecté au Musée Ochier (35), que sont exposés les chapiteaux du tour du chœur de la grande église Saint-Pierre et les fragments de sculpture retrouvés par M. Conant au cours de ses fouilles.
On a beaucoup discuté sur la date de ces chapiteaux. Certains archéologues, à la suite de A. K. Porter, K. J. Conant, pensent qu’ils étaient terminés lors de la consécration des autels du chœur, en 1095 ; d’autres, avec André Michel et Paul Deschamps, s’appuyant sur les caractères de leurs sculptures, les reportent au temps de Pierre le Vénérable (1122-1156) (36). La date de 1095 me paraît faire remonter trop haut des sculptures dont la perfection et le style en feraient alors des œuvres exceptionnelles ; par contre, il n’est peut-être pas nécessaire de les faire descendre jusqu’à Pierre le Vénérable, qui eut la lourde charge, dans un moment où les finances de l’abbaye étaient fort obérées, de relever la nef après l’accident de 1125.
Je suis très porté à croire que c’est au temps de Ponce de Melgueil, aussitôt après l’achèvement de la construction de l’église entre 1109 et 1113, alors que l’on commençait à élever, en avant de la façade, les deux travées orientales du narthex, que fut terminée la décoration du chœur, entre 1113 et 1118, avant les grandes fêtes de 1120, où fut célébrée, en présence du pape Calixte II, la béatification de saint Hugues, dont les restes furent élevés dans une châsse sur le maître-autel.
La grande peinture qui décorait le cul-de-four de l’abside semble bien avoir été exécutée dans le même temps, et peut-être par les mêmes artistes, que les peintures de la chapelle de Notre-Dame au cloître et celles de la chapelle des moines à Berzé. Les auteurs (37) qui ont étudié ces dernières sont d’accord pour les dater du temps de la mort de saint Hugues (1109) ou des années qui suivirent immédiatement, aussitôt après l’achèvement de la chapelle. C’est sans doute peu après que furent exécutées les peintures de la chapelle de Notre-Dame au cloître, dite de l’abbé, consacrée le 16 août 1118, peintures que l’on considérait comme les plus belles de toutes, et il y a tout lieu de penser que les artistes qui travaillaient aux peintures de la chapelle de l’abbé, considérées comme les plus belles de toutes, achevaient, dans le même temps, celles du cul-de-four de l’abside de la grande église.
Les huit chapiteaux du tour du chœur, encore en place en 1823 et transportés depuis au Musée Ochier, ont pu être sculptés dans le temps où l’on terminait le décor du fond du chœur. Ils seraient ainsi les plus anciens — et aussi les plus beaux — de la fameuse série des chapiteaux romans bourguignons, dont ceux de Saulieu, Vézelay, Autun, Notre-Dame de Beaune sont les plus connus, et parmi lesquels bien des archéologues ont pu être tentés de les placer comme un aboutissement plutôt que comme un début.
Tandis que les autres chapiteaux, chapiteaux engagés et décorés presque tous de feuillages, ont été sculptés sur le chantier ou terminés en place au fur et à mesure de l’avancement des travaux (38), les chapiteaux isolés du tour du chœur seraient restés épannelés pendant quelques années : peut-être la composition était-elle déjà esquissée (39) et avait-on même taillé certains motifs du sommet de la corbeille, abrités par les tailloirs (40).
Leur comparaison avec des sculptures exécutées sans doute dans les dernières années de la première campagne de construction de Cluny, 1088-1109, comme les deux chapiteaux engagés du tour du chœur représentant Adam et Ève et le Sacrifice d’Abraham ou celui de la dernière travée du collatéral sud de la nef figurant David et Goliath, et même avec des sculptures du début de la deuxième campagne (1109-1113), comme les têtes, bustes, fragments retrouvés par M. Conant et provenant du tympan et des voussures du portail occidental (41) détruit par l’explosion du 8 mai 1810, ne permet pas de faire remonter les chapiteaux isolés du tour du chœur, d’une technique et d’un style plus avancés, à une époque antérieure aux dernières années de cette campagne — vers 1113-1118 —, avant les fêtes de 1120 et la période de troubles qui suivit et qui se termina par le désastre de 1125. Profitant des échafaudages dressés pour la peinture du cul-de-four de l’abside ou usant d’échafaudages légers dressés au fond du chœur — l’autel matutinal avait pu être avancé dans la travée droite du chœur, derrière le maître-autel, pendant la durée des travaux — on sculpta ces chapiteaux, dont le parti très simple, les grandes masses, les figures fortement détachées sur le fond des médaillons, les feuillages largement traités répondent admirablement à un décor vu par l’artiste en place, à huit mètres de haut (42).
BIBLIOGRAPHIE. — La bibliographie dressée par M. Jean Virey dans le volume du Congrès archéologique de Moulins-Nevers,1913, p. 90-91, s’est accrue depuis de quelques ouvrages importants :
Virey (Jean), L’abbaye de Cluny (Petite Monographie), Paris, 1921. —- Truchis (Pierre de), L'architecture de la Bourgogne française sous Robert le Pieux, dans Bull, mon., 1921 ; L'œuvre architecturale de Cluny aux premiers temps de la Renaissance romane, dans Mém. de la Commission des Antiquités de la Côte-d’Or, octobre-décembre 1926, p. 253-300.— Oursel (Charles), L'art roman de Bourgogne, Dijon, 1928 (Cluny et Paray-le-Monial, p. 57-94). — Graham (Miss Rose) et A. W. Clapham, The monastery of Cluny, 910-1155, dans Archaeologia, 1930, t. LXXX, p. 143-178; — Conant (Kenneth John), Le problème de Cluny, d’après les fouilles récentes, dans Revue de l'art,
1931, p. 141-151 et 189-204. — Sur les fouilles de Cluny, voir les articles de M. K. J. Conant, dans Bull. mon. 1928-1929, et dans Speculum, 1928-1934, et Virey (Jean), Les travaux du professeur K. J. Conant à Cluny, dans Revue Mabillon, avril-juin 1934. — Chagny (abbé André),Cluny et son empire, Paris, 1934. Virey (Jean), Les églises romanes de l’ancien diocèse de Mâcon, Cluny et sa région, 2e éd., Mâcon, 1935.
Sur la date des chapiteaux du chœur de Cluny, voir les articles de A. Kingsley Porter, dans Gazette des Beaux-Arts, 1920 ; Paul Deschamps, Ibid., 1922 ; C. Oursel, Revue archéologique, 1923, p. 255-289 ; P. Deschamps, Ibid., 1924, p. 163-173 ; C. Oursel, L'art roman en Bourgogne, 1928, p. 60, 167 ; L. Bréhier, Revue archéologique, 1929, p. 91-316 ; K. J. Conant, Speculum, 1928-1934; Bull. mon., 1928, p. 55 ; 1929, p. 109 ; P. Deschamps, Ibid., 1929, p. 514, et Revue de l'art, 1930, p. 157-176 et 205-218 ; K. J. Conant, Ibid., 1931. p. 141-154 et 189-204 ; R. W. Lloyd, Cluny epigraphy, dans Speculum, 1932, p. 336-349.
Références
(1) M. Jean Virey a analysé dans la Revue Mabillon, avril-juin 1934, les résultats des fouilles de M. Conant, fouilles exécutées sous les auspices de la Commission des Monuments historiques, à l’aide des subsides fournis par l’Académie médiévale d’Amérique et dont le journal a été publié, depuis 1928, dans le Speculum, revue de cette Académie. Dès l’été 1927, M. Conant, qui avait visité Cluny en 1924, commençait ses relevés et découvrait dans la chapelle Saint-Gabriel de la tour de l’Horloge l’inscription qui permet de dater avant 1115 le transept, inscription qu’il a publiée dans le Bulletin monumental, 1928, p. 55-64. Au cours de l’été 1928, il retrouvait les fondations du portail du narthex, du grand portail de l’église, de la chapelle d’axe ; il dégageait la seule travée subsistante du collatéral sud de la nef, les chapiteaux du transept cachés sous le lierre. En 1929, il achève les fouilles de la façade, précise le tracé du déambulatoire et des parties avoisinantes de la grande église et de la nef de Saint-Pierre-le-Vieux. En 1931, des fouilles exécutées au nord, du côté du haras, complètent les détails des fondations du chœur, du déambulatoire et des transepts, font retrouver des fragments de sculpture et de peinture et le plan exact de la chapelle Sainte-Agathe, au bras nord du petit transept, et de la chapelle Saint-Eutrope, qui lui fait pendant au sud. En 1932, M. Conant termine les fouilles de 1931, vérifie, dessine, photographie et dégage les fondations du chœur de Saint-Pierre-le-Vieux. Toutes ces fouilles, dont les résultats ont été exposés au fur et à mesure dans le Bulletin monumental, 1928, 1929, la Revue de l'art 1931-1932, et le Speculum, 1928-1934, ont été exécutées avec un soin et une conscience dont nous ne saurions trop féliciter M. Conant : tout a été relevé, dessiné, photographié ; tous les fragments de sculpture inventoriés, numérotés et classés, et les morceaux les plus importants publiés avec tous les détails souhaitables, tant en ce qui concerne la technique que le style, l’iconographie et l’épigraphie. Souhaitons que la grande monographie que prépare M. Conant pour l’Académie médiévale d’Amérique puisse bientôt paraître. Il est juste d’associer aux heureux résultats de ces fouilles faites par M. Conant, sous la surveillance de M. Malo, de M. Virey et de M. Gélis, représentant la Commission des Monuments historiques, ses collaborateurs et notamment Mme K. Conant, M. Frédéric Palmer, architecte, et son aide, M. René Folcher, M. R. W. Lloyd, chargé des études épigraphiques, Mlle Kleinschmidt, de l’iconographie du portail.
(2) Ce plan, d'après M. K. Conant, ne daterait que de 1717.
(3) Sur ces divers textes, et notamment sur l’interprétation que l'on doit donner aux Coutumes de Cluny, dites « Coutumes de Farfa » et rédigées entre 1039 et 1049, voir la publication de Dom Bruno Albers, 1900, et les études de Schuster dans la Revue bénédictine de 1907, de V. Mortet dans le Congrès du millénaire de Cluny, 1910, et Recueil de textes relatifs à l’histoire de l’architecture, 1911, et du Dr Mettler dans Zeitschrift für Geschichte der Architectur, septembre et octobre 1910, III, 12, p. 273-286 et IV, 1, p. 1-16. Miss Rose Graham et A. W. Clapham sont revenus sur cette question dans Archeologia, t. LXXX, mais les conclusions de M. Clapham se sont trouvées erronées.
(4) M. Conant espère pouvoir faire cette vérification au cours de la dernière campagne de fouilles, pendant l’été de 1936.
(5) Bull. mon., 1912, p. 439-485.
(6) Peut-être l’église de Charlieu, qui présente de nombreuses analogies avec celle d’Anzy-le-Duc, avait-elle le même plan. V. J. Vallery-Radot, Les analogies des églises de Saint-Fortunat de Charlieu et d'Anzy-le-Duc, dans Bull. mon., 1929. p. 243-267.
(7) Baluze, Miscellanea, VI, 477 ; Luc d’Achery, Spicilegium, III, 408; Dom L’Huillier, Vie de saint Hugues, p. 393 : « Dedimus ei, in ecclesia beatorum Apostolorum Petri et Pauli nova, quam ipse de propriis facultatibus construxisse videtur unum altare de praecipuis, quo scilicet divina mysteria ibidem celebrata saluti ejus valeant suffragari. Cum vero hujus temporalis vitae cursum debito fine compleverit, exceptis officiis, missis atque elemosinis quae pro illo agenda sunt, uno anno in supradicto altari missa specialiter pro illo cantetur. »
(8) Chronologie des abbés de Cluny, dans Bibliotheca Cluniacensis, col. 1621. La date de 1088 est aussi celle que donne Gilon dans sa Vie de saint Hugues. V. Dom L’Huillier, Vie de saint Hugues, p. 605-606. Gilon, qui écrivit cette vie à Rome, s’inspire de la vie d’Hézelon, apologie écrite au lendemain de la mort de saint Hugues, mais qui ne renferme aucun détail sur les travaux de l’église et de l’abbaye. Harleian ms. 3036, fol. 3, publié par Lucy M. Smith, Cluny in the eleventh and twelfth centuries, 1930, p. 290-294.
(9) Bibliotheca Cluniacensis, col. 518, 519, 1368, et Orderic Vital, Historia ecclesiastica, éd. Le Prevost, III, 463.
(10) Baluze, Miscellanea (1713), VI, 474-475.
(11) Mabillon, Annales ordinis Sancti Benedicti VI, 187.
(12) Guibert de Nogent, Histoire de sa vie, p. 200.
(13) « Talem basilicam levavit infra viginti annos. » Dom L’Huillier, Vie de saint Hugues, p. 606.
(14) « Deo juvante, habitationi gloriae Dei tantam ac talem basilicam intra XX annos construxit, ut capaciorne sit magnitudine, an arte mirabilior difficile judicetur. » Bibliotheca Cluniacensis, col. 458.
(15) Sans doute, dès 1108. ou en 1109, au moment de la mort de saint Hugues ; au plus tard en 1113, date de la rédaction de la Vie de saint Hugues par Gilon.
(16) Nous publions ici la reconstitution du chœur de l’église abbatiale de Cluny qu'a dessinée pour nous M. Kenneth Conant — et nous lui en exprimons toute notre reconnaissance — d’après l'aquarelle de la collection du comte de Rambuteau que nous avons reproduite dans le Bulletin monumental de 1935, p. 375-376.
(17) Bull. mon., 1928, p. 55-64. L’autel fut béni par Pierre, évêque de Pampelune de 1084 à 1115, à une date dont la fin n’est plus lisible : « Millesimo [centesimo nono] », restitution proposée par M. Conant, mais qui reste hypothétique.
(18) Bibliotheca Cluniacensis, col. 560.— L’abside qui abritait l’autel de Saint-Pierre et Saint-Paul fut conservée — on la voit encore sur le plan de 1717 — et les tours qui flanquaient le narthex à l’ouest furent englobées dans les bâtiments de la chambrerie, à l’ouest du cloître.
(19) Par Guy, archevêque de Vienne (Bibliotheca Cluniacensis, col. 564).
(20) « Major ecclesia est opus anno XXV, constructore sancto Hugone, favente Henrico 1° Anglorum rege, cujus prima dedicatio ab Urbano II° Ann. MXCV. secunda dedicatio ab Innocentio II°, ann. MCXXX. » — Cf. J. Virey, dans Millénaire de Cluny, t. II, p. 236, et Charles Oursel, L’art roman de Bourgogne, p. 61. Miss Rose Graham, qui a donné une étude très approfondie des textes relatifs à la construction de l’église de Cluny dans Archeologia, t. LXXX, p. 161, date cette inscription de 1738.
(21) Rapportée par M. Virey, Les travaux du professeur K. J. Conant à Cluny, dans Revue Mabillon, avril-juin 1934.
(22) La nef de la grande église de Paray-le-Monial, construite au temps de saint Hugues et en partie par ses soins, n’a que trois travées venant buter sur une avant-nef et des tours plus anciennes.
(23) Le 16 août 1118 était consacrée la chapelle de la Vierge, entre le cloître et l’église, ce qui semble prouver que la nouvelle église Saint-Pierre était alors achevée, puisque la vieille église Saint-Pierre ne devait être démolie et le cloître agrandi — et la chapelle de la Vierge a dû être construite en même temps que la nouvelle galerie nord du cloître, contre laquelle elle s’appuie — qu’après l’achèvement de la nouvelle église.
(24) Ponce avait dépensé des sommes énormes pour la construction et la décoration de l’église ; il avait été obligé d’engager tous les revenus et le trésor de l’abbaye et, lorsque Pierre le Vénérable lui succéda en 1122 — Ponce avait dû déposer la dignité abbatiale et était parti pour la Terre sainte — il trouva des bâtiments magnifiques, mais une abbaye ruinée : « Quando ad hoc officium... assumptus sum magnam quidem ecclesiam, religiosam et famosam inveni, sed pauperrimam, magnarum expensarum, et comparatis redditibus cum expensis, nullorum pene reddituum. Trecenti erant vel eo amplius fratres, nec centum de propriis sumptibus domus ilia procurare valebat. Turba hospitum, semper pauperum infinitus uumerus... » Bibliotheca Cluniacensis, col. 592. — On connaît les apostrophes véhémentes de saint Bernard, dans l’Apologie de 1124, contre les dimensions exagérées et la richesse excessive du décor peint et sculpté des grandes abbayes bénédictines, et notamment de Cluny.
(25) « Ipsa die, terribile prodigium illic contigit : ingens basilicae navis, quae nuper edita fuerat, corruit, sed, protegente Deo, neminem laesit. Sic pius Dominus omnes pro temeraria invasione insperata ruina terruit, sua tamen omnes immensa benignitate salvavit. » Orderie Vital, Historia ecclesiastica, pars III, lib. XII, dans Migne, Patrologie latine, t. CLXXXVIII, col. 895.
(26) E. Martène, Veterum Scriptorum amplissima collectio, VI, 1192-1193, et Migne, Patrologie latine, t. CLXXXIX, col. 15-27.
(27) « Tunc ibidem XI diebus papam cum suis detinuerunt, ecclesiam novam in honore S. Petri apostolorum principis ab eodem... dedicari fecerunt » (Orderic Vital, Historia ecclesiastica, pars III, lib. XIII, 933). Orderic Vital était à Cluny en 1132 et il y assista à une magnifique procession à laquelle prirent part 200 prieurs de l’ordre réunis pour le chapitre général, à travers l’église Saint-Pierre, les cloîtres et la chapelle Notre-Dame. L’inscription conservée à la sacristie donnait également la date de 1130 pour la dédicace de l’église. La Bibliotheca Cluniacensis (col. 1639) insiste sur l’importance de ces fêtes de la dédicace, auxquelles assistèrent de nombreux cardinaux, évêques, abbés et une grande foule de clercs et de peuple.
(28) A. Bernard et A. Bruel, Recueil des chartes de Cluny, 369, 370. — En 1125, l’abbé Pons avait enlevé tous les objets d’or, crosses, chandeliers, encensoirs, calices, vases précieux, châsses, et pillé le trésor que Pierre le Vénérable avait commencé à reconstituer (Bibliotheca Cluniacensis, col. 551-553). Les donations du roi d’Angleterre Henri Ier, dont Robert de Torigny dit qu’il reconstruisit de ses propres ressources l’église de Cluny (Migne, Patrologie latine, t. CXLIX, col. 900), de sa fille, l’impératrice Mathilde, qui, après la mort d’Henri V, épousa Geoffroy, comte d’Anjou (1129), et de son neveu, Henri de Blois, abbé de Glastonbury (1126) et de Winchester (1129), tous trois amis de Pierre le Vénérable, l’aidèrent à réparer le désastre de 1125 et à refaire le mobilier liturgique.
(29) Bibliotheca cluniacensis, col. 1380-1381.
(30) « In operatoriis vero universis continuo teneatur silentium, excepto uno tantum magistro uniuscujusque operatoriae domus, et exceptis operariis novae ecclesiae et operatoriis ipsorum. » Bibliotheca Cluniacensis, col. 1360, 1361, et Migne, Patrologie latine, t. CLXXXIX, col. 1031.
(31) Au milieu du XIIe siècle, l’abbaye de Cluny était obérée de dettes et l’on ne pouvait guère songer alors à entreprendre de nouveaux travaux : en 1149, Henri de Blois avançait à Cluny une grosse somme d’or et d’argent pour l’aider à payer ses dettes, pour lesquelles l’abbaye avait dû engager plusieurs des objets les plus précieux de son trésor. G. F. Duckett, Charters and records of Cluny, I, 80-81 ; II, 81.
(32) La dernière messe fut célébrée à Cluny le 25 octobre 1793, en l'anniversaire même de la fête de la dédicace.
(33) L. Daclin, Tentatives faites pour sauver l’église abbatiale de Cluny en 1809-1810, dans Annales de l’Académie de Mâcon, 1932-1933 ; abbé Chagny, Cluny et son empire, 1934. Le comte de Rambuteau possède, dans ses collections, une série d’aquarelles exécutées au cours des travaux de destruction dans les premières années du XIXe siècle et qui, beaucoup plus précises que les lithographies de la même époque, nous permettent de reconstituer les parties disparues, et notamment le chœur, dont le décor intérieur rappelait celui de La Charité-sur-Loire, le déambulatoire et les chapelles rayonnantes.
(34) La description des parties conservées de l’église abbatiale de Cluny a été donnée à maintes reprises, notamment par M. Jean Virey, dans le Congrès Moulins-Nevers, 1913, p. 73-86, dans sa Petite monographie et dans son volume Les églises romanes de l’ancien diocèse de Mâcon.
(35) Le Dr J.-B. Ochier, devenu propriétaire du palais de Jean III de Bourbon, en avait fait un musée où fut reçue, en 1850, la Société française d’archéologie. En 1865, Mme veuve Ochier donna le palais à la ville de Cluny, qui y fit porter les chapiteaux du tour du chœur et les sculptures alors déposées dans la chapelle de Bourbon. V. L. Daclin, dans Annales de l’Académie de Mâcon, 1932-1933, p. 463-470.
(36) Les deux thèses ont été soutenues, avec toutes les preuves à l’appui, par M. Conant, dans la Revue de l'art, 1931, p. 141-154 et 189-204, et par M. P. Deschamps, dans la même revue, 1930, p. 157-176 et 205-218.
(37) MM. Virey, Églises romanes de l’ancien diocèse de Mâcon ; Ch. Oursel, L’art roman de Bourgogne ; F. Mercier, Les primitifs français.
(38) M. Kenneth Conant a bien voulu m’en signaler un, épannelé, mis en place et resté inachevé, dans le petit collatéral sud, qu’il a dégagé au cours de ses travaux.
(39) M. Bréhier et M. Conant ont montré que l’iconographie de ces chapiteaux avait pu être influencée par une lettre du cardinal Pierre Damien écrite en 1063 à saint Hugues, Bibliotheca Cluniacensis, col. 479-483, mais il fallut en déterminer le sens, car la lettre ne donnait pas d’une manière précise l’indication des sujets qui furent choisis : tons du plain-chant, saisons, fleuves et arbres du Paradis, vertus théologales et cardinales, vie monastique.
(40) M. Deschamps a signalé un de ces chapiteaux, dont une face est restée épannelée, à Notre-Dame de Beaune ; le chapiteau des fleuves du Paradis, à Cluny, n’est pas complètement terminé sur sa face postérieure. Des chapiteaux restés épannelés sans être terminés ou sculptés seulement sur leur face visible, ce qui paraît bien prouver qu’ils ont été terminés sur place, ont été signalés en maints endroits. Cf. notamment Jean Trouvelot, dans Bull. Mon., 1936, p. 103-108. Les congressistes ont pu en voir, par exemple, au beau portail de l'église Saint-Pierre à Lyon.
(41) Certains détails de la sculpture du tympan sont absolument semblables à ceux des chapiteaux engagés du tour du chœur figurant Adam et Ève et le Sacrifice d’Abraham ; dans ces derniers, comme à la façade, les artistes sont moins sûrs d’eux-memes, moins indépendants de la matière, moins libres de style et de technique que dans les chapiteaux isolés du tour du chœur. Le tympan de la façade ouest représentait le Christ dans sa gloire portée par des anges et, au linteau, les Apôtres ; les fragments retrouvés par M. Conant sont assez nombreux pour que Mlle Kleinschmidt ait pu, sous sa direction, tenter une restitution qui sera remontée dans ce qui subsiste de l’église abbatiale.
(42) L’étude technique de la sculpture des chapiteaux du moyen âge montre de plus en plus qu’un grand nombre d’entre eux, du moins parmi ceux qui sont le plus richement décorés, ont été terminées sur place, comme on le fait encore aujourd’hui, par l’artiste qui pouvait juger ainsi de l’effet produit par la composition, par les attitudes, les gestes, les masses, le relief plus ou moins grand des divers pians, la valeur des ombres et des lumières. En outre, il était difficile de hisser à une grande hauteur des chapiteaux fouillés si profondément, si délicatement sculptés dans une pierre assez tendre, et de les protéger jusqu’à l’achèvement des travaux de construction. L’avis des architectes et des sculpteurs est unanime sur ce point.
