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La Révolution française dans le canton de Chauffailles

Source : B. Rameau, Annales de l'Académie de Mâcon (1899)


Ce canton comprenait les cinq paroisses de Chauffailles, Coublanc, Mussy, Saint-Igny-de-Roche, Tancon.

L'esprit public y resta antirévolutionnaire. Au mois de décembre 1795, l'agent du Directoire exécutif, Rubat, écrivait au commissaire près ce canton : « On me porte des plaintes de toute part que les prêtres déportés, ceux qui ont rétracté leur serment, ces hommes sans morale et sans principes se réunissent auprès de vous que vous leur accordez une protection honteuse. On me dénonce notamment un prêtre appelé Vincent, ex-Joséphiste, recelé chez un nommé Barrigand (sic) à Tancon, vis-à-vis la ci-devant cure ... Je vous préviens que je serai moi-même votre propre dénonciateur auprès du Gouvernement, si vous ne vous conformez littéralement à ce que prescrivent les loix. »
Le 9 février 1796, un délégué écrivait : « L'esprit public du canton de Chauffailles est le plus mauvais que j'ai vu dans ma tournée ... les prêtres réfractaires font ici un mal inconcevable, et ils y sont en grand nombre. »
Le 21 octobre 1797, l'administration municipale du canton est suspendue, parce que « les signes extérieurs du culte n'ont pas été abattus ». Enfin, au mois de juillet 1799, l'Administration centrale déclare que l'esprit public est complètement anéanti dans ce canton », et en attribue la cause principale à Claude Déverchères, président de Chauffailles, et à Pierre Chollier, agent municipal ; elle révoqua avec eux les agents de Mussy et de Tancon [Archiv. départ. I L 5].

CHAUFFAILLES

L'église de Saint-André de Chauffailles, dont un chapelain est cité en 1271 [Archiv. départ. Série H 143], était à la nomination de l'Abbé de Saint-Rigaud.
La population de ce bourg n'a cessé de s'accroître. En 1685, on comptait 268 feux imposables ; en 1790, 1.795 habitants ; aujourd'hui 4.888 habitants.
François Pernéty, curé depuis 1769, prêta serment en 1791, ainsi que l'abbé Pierre-Philibert Chuffin, son vicaire, qui devint curé de Saint-Boil, et apostasia. Le curé Pernéty exerça jusqu'au 25 novembre 1793, où il déposa ses lettres de prêtrise au district. En 1796, la commune demanda à loger son curé ; c'était peut-être l'abbé Pernéty ou plus probablement un abbé Joseph Boisson, prêtre du département du Rhône, qui exerçait encore à Chauffailles en 1801, où l'église faillit être fermée en raison des partis qui divisaient la commune. Un abbé Léchère y exerçait aussi son ministère en 1801 [Ibid. Série K, regist. 100, folio 25]. Mais, le 12 avril, l'agent du Directoire exécutif à Mâcon répondit : « La loi ne reconnaît aucun ministre du culte et n'en loge aucun. » Il paraît que l'abbé Pernéty, étant âgé, se retira plus tard à Roanne. Au Concordat, François-Didier Circaud, né à La Clayette en 1755, fut nommé, le 1er septembre 1802, curé inamovible de Chauffailles. Ancien curé de Saint-Nizier-sous-Charlieu, il n'avait pas prêté serment et était frère de l'abbé Camille Circaud, vicaire général de Mgr Moreau. Il fut aussi nommé chanoine honoraire d'Autun.
Il y avait, sur le territoire de Chauffailles, deux chapelles avec fondations que ferma la Révolution, celle de Saint-Jean de Vintrigny, qui était aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, et celle de Notre-Dame de Montchéry, bâtie en 1628 par Claude d'Amanzé, baron de Chauffailles, et dotée par lui en 1634, « pour qu'un prêtre y résidant pût assister de son ministère les populations voisines [D'après l'acte de visite de 1746, une pierre de taille avec inscription rappelait la date et le nom du fondateur] ».

COUBLANC

L'évêque de Mâcon nommait directement à l'église de Sainte-Madeleine de Coublanc, qui était autrefois du patronage de l'Abbé de Vézelay. L'ancienne église, qu'a remplacée en 1852 une belle église neuve (style du XIIIe siècle), avait une chapelle de Notre-Dame de Pitié, dite des Buchet, dont la fondation datait de 1538 et était due à Antoine Buchet, prêtre.
La paroisse, qui comptait 102 feux seulement en 1685, et 725 habitants en 1790, en a aujourd'hui 1.915.
Claude Renard, né en 1736, curé de Coublanc en 1773, déclara en 1790 un revenu net de 1.929 livres et prêta serment en 1791. L'année suivante, il demandait un vicaire, mais le Directoire du département répondit par un refus. Le 24 novembre 1793, il abdiqua ses fonctions, en envoyant ses lettres de prêtrise au district. La cure et l'église furent adjugées, le 24 août 1796, pour 2.832 fr., à André Berthier, de Coublanc.
L'abbé Renard se rétracta et devint de nouveau curé de Coublanc en 1803. Il y mourut en 1818, âgé de plus de 80 ans.

MUSSY-SOUS-DUN

L'église de Mussy (vocable saint Austrégésile) était à la nomination du Chapitre de Saint-Vincent de Mâcon. L'église, qui a été remaniée, n'a conservé de parties anciennes du XIIe siècle que le transept et le chœur dont les fenêtres sont encadrées « dans « un système de cinq arcatures en plein cintre retombant sur des pilastres sculptés ou des colonnettes. Au-dessus de ces arcatures règne une corniche ornée de deux rangs de perles plates sur son chanfrein [Virey, loc. cit., p. 207] ».
Une chapelle extra tectum, voûtée, mais basse, était au seigneur d'Anglure.
En 1790, Mussy avait 1.404 habitants. Anglure, l'un de ses hameaux, étant devenu le chef-lieu d'une nouvelle paroisse, il n'y a plus à Mussy que 992 habitants.
Gilbert de Lagrye, né en 1732, jésuite sécularisé à la suppression de l'Ordre en France, installé à Mussy en 1769, prêta serment en 1791 et déclara sa cure à portion congrue. En raison de son âge, il eut pour vicaire assermenté un ci-devant religieux, Dombey, dont le traitement fut fixé à 700 livres. Après rétractation, Lagrye (sic) fut de nouveau curé de Mussy en 1803 et il y mourut en 1810. Le château d'Anglure, aujourd'hui transformé en maison bourgeoise depuis la démolition de ses tours et remparts, avait sa chapelle, dont le chapelain, Augustin Condemine, ne prêta pas serment, et devint curé de Châteauneuf en 1803.

SAINT-IGNY-DE-ROCHE

L'évêque de Mâcon nommait directement à l'église de Notre-Dame de Saint-Igny (jadis Sintigniacum). La population, qui était de 573 habitants en 1790, est aujourd'hui de 1.029, grâce à l'industrie du tissage de la soie et du coton. Le peu d'importance de la population, en 1802, avait valu à cette paroisse de n'être pendant plus de vingt ans qu'une annexe de Coublanc, avec le titre d'église vicariale.
Le curé, François-Louis Monteret, nommé en 1782, déclara en 1790 que le capital des nombreuses fondations faites en son église montait à la somme de 10.000 livres. Le cahier des doléances de la paroisse est aux Archives départementales [Archiv. départ. B 2329] ; il fut rédigé par Antoine Fleury et Pierre Déverchères. Le curé Monteret prêta serment, et après la Terreur, la cure et ses dépendances furent adjugées pour 2.920 livres, à J. Denis, notaire, le 7 septembre 1796. L'abbé Monteret, s'étant rétracté, reparut à Saint-Igny, mais avec le seul titre de vicaire, qu'il porte encore en 1819.

TANCON

L'église actuelle de Tancon, église à trois nefs en style du XIIIe siècle, bâtie en 1852, a remplacé l'ancienne église à une seule nef, qui avait une chapelle extra tectum, chapelle avec tombeau des anciens seigneurs de Verpré, devenus collateurs de l'église après les chanoines de Saint-Paul de Lyon, au XVIIe siècle.
Population : en 1746, 300 communiants ; en 1790, 687 habitants ; aujourd'hui 912 habitants.
Claude Nain, nommé curé en 1784, déclara un revenu de 984 livres en 1790, la cure étant à portion congrue, et ne prêta qu'un serment ambigu ; si bien que, le 31 janvier 1792, il envoya sa démission au district, déclarant qu'il se retire devant les tracasseries qu'on lui suscite depuis deux ans, qu'il a été attaqué plusieurs fois la nuit, et que deux fois il a dû s'évader : « Tout cela, dit-il, est le fruit de la cabale des gens dont la tête « a été exaltée par des menées hostiles, par l'exemple et la conduite de gens de Coublanc restés impunis. Je puis attester que je n'ai jamais prêché contre la Constitution ... mais puisque j'ai perdu la confiance d'une partie de mes paroissiens ... je vais incessamment me retirer dans ma famille. » Le 25 mai suivant, le district déclarait que le curé Nain s'était rétracté, et, à la demande de la municipalité de Tancon, il le remplaçait par Gabriel Duvernay, vicaire de Saint-Christophe. L'abbé Nain prit un passeport pour Genève, le 13 septembre 1792, étant âgé de 60 ans.
A l'occasion de la fermeture des églises, il y eut à Tancon, comme à Chauffailles et à Mussy, des troubles pendant lesquels on vit « des femmes, filles, jeunes gens, armés de pierres, piques, bâtons, empêcher les citoyens d'aller au temple pour l'étude des loix » et protester ainsi contre la profanation des églises. Les gardes nationaux furent requis pour dissiper ces attroupements.
Tout culte ayant cessé, un abbé Vincent, caché chez le nommé Barrigand (sic), à Tancon, se mit à exercer son ministère. Dès le 24 décembre 1795, l'Administration centrale met la gendarmerie à ses trousses. Batonard, l'un des administrateurs, est envoyé à Châteauneuf, avec le commandant de gendarmerie, porteur de 16 mandats d'arrêt contre des hommes de Tancon et l'ex-prêtre Vincent.
L'abbé Vincent fut arrêté vers le 12 janvier 1797, mais au son du tocsin il y eut un attroupement à Châteauneuf, et, dit le rapport, « l'ex-prêtre Vincent a été enlevé à la justice ». A Tancon, Batonard n'a pu arrêter qu'un nommé Dutrève, cultivateur. Il ajoute, dans son rapport, les curieuses remarques suivantes : « Ils ont une secte particulière qui a pour titre le nom de Catholique, et pour mot de reconnaissance Ami du sac. J'ai remarqué des croix peintes soit en noir, soit en blanc dans les endroits les plus apparents des domiciles des sectaires de cette nouvelle doctrine [Archiv. départ. I L 5]. » On reste stupéfait de tant d'ignorance et de bêtise chez un administrateur du département.
Pendant la durée de ces événements, la chapelle Saint-Roch, située dans le cimetière de Tancon, avait été vendue, en 1795, au citoyen Pierre Ray, et la cure, avec ses dépendances, avait été adjugée, pour 3.440 fr., aux citoyens Alix et Turin, le 17 septembre 1796.
En 1802, Tancon fut uni à la paroisse de Châteauneuf.

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