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Julius Tasgillus et le monument antique de Chauffailles

Jupiter à l'Anguipède Chauffailles en 1829 Pierre de Tasgillus

Reconstitution d'une colonne gallo-romaine, emplacement de l'ancienne église et pierre de Tasgillus - Cliquez sur une illustration pour l'agrandir

Source : Les monuments et le culte de Jupiter à l'Anguipède* dans la cité des Éduens, Émile Thévenot, pp. 427-498, In Mémoires de la Commission des antiquités du département de la Côte-d'Or, 1938 (BnF/Gallica).

* Un Anguipède est une créature légendaire dont le corps finit en queue de serpent.

Chapitre IV. Chauffailles : C., XIII, 2581 [1]

La mise au jour des restes du monument de Chauffailles remonte au moins à 1839, puisque la première mention des trouvailles figure dans l'Annuaire de Saône-et-Loire de la dite année. À cette époque, on démolissait en partie l'ancienne église du bourg de Chauffailles, qui était l'un des monuments religieux les plus anciens de la contrée ; on déblaya également le vieux cimetière, pour aménager une place publique. L'Annuaire précité [2] rapporte la découverte de quatorze grandes tombes en pierre, fermées par des couvercles également en pierre ; l'une d'elles était engagée dans les fondations du clocher. L'Annuaire de 1843 [3, 3bis] est plus explicite : après avoir rappelé l'exhumation des tombes, il relate qu'à côté de ces sépultures, « on a découvert un autel votif, surmonté d'une statue en marbre ou en pierre calcaire jaunâtre haute d'un mètre ; sur l'une des faces, on a pu déchiffrer encore les mots suivants... [suit une lecture assez fantaisiste de l'inscription]... ; des tombes renfermant des squelettes assez bien conservés et des pièces de monnaie qu'on croit être d'Antonin ont également été trouvées en 1842 en déblayant l'emplacement de cette église ».

Nous serions assez mal renseignés par ces indications vagues si, par chance, le monument n'avait été observé et décrit par un archéologue avisé. Devoucoux [Jean Sébastien Adolphe Devoucoux (1804-1870)] put le voir avant 1848, puisque l'ouvrage intitulé Autun archéologique [4] nous apprend la trouvaille, sous le chœur de l'ancienne église de Chauffailles, des restes d'une colonne « dont la base quadrangulaire portait dans le bas une inscription et dans le haut des images sur chaque face ; quelques restes du fût ont pu être reconnus ». Devoucoux donne à son tour sa lecture et son interprétation de l'inscription, puis il passe à l'analyse des bas-reliefs : « il était facile de reconnaître Jupiter et Junon assis l'un à droite, l'autre à gauche du monument ; en face une femme, portant un petit Hermès et ayant auprès d'elle un canistrum, nous parut être Maïa présentant son fils naissant ». Quelques années après, dans une communication à la Société éduenne [5], Devoucoux relevait une analogie entre le monument de Chauffailles et la colonne de Cussy (Cussy-la-Colonne, Côte-d'Or) ; c'est pour lui une occasion de décrire à nouveau les éléments retrouvés de la colonne de Chauffailles. Ce deuxième rapport confirme le premier, tout en apportant quelques précisions. Le piédestal, explique Devoucoux, se décomposait en deux parties : l'une comportait primitivement une « niche avec statue sur chaque face » ; trois de ces images étaient seules conservées ; l'autre partie offrait une inscription [6].

Nous avons tenu à reproduire scrupuleusement la double série de renseignements fournis par les Annuaires d'une part et par Devoucoux de l'autre ; car le malin démon, qui se plait à égarer les antiquités retrouvées par l'effet du hasard, a, cette fois encore, exercé ses maléfices. Les cercueils de pierre, restés dans le pays, ont été peu à peu détruits, après avoir servi longtemps d'auges à faire boire les animaux ; la base ornée de bas-reliefs a disparu sans que personne ait pu nous renseigner sur son sort ; il en est de même des fragments de fût reconnus par Devoucoux [7]. Seul le socle inférieur a été sauvé ; devenu propriété de la Société éduenne, il a pris place dans les collections du Musée lapidaire [8] ; son installation a permis de découvrir, sur une deuxième face, une deuxième inscription qui avait échappé aux regards. Consolons-nous en considérant que le fragment conservé à Autun est sans doute l'élément le plus intéressant parmi ceux qu'avaient livrés les substructions de la vieille église de Chauffailles.

Assurément nous ne saurons résoudre tous les problèmes qui se posent à propos de cette colonne ; du moins est-il possible en confrontant toutes les données, de tenter une reconstitution de l'ensemble et surtout de dégager, pour l'étude générale de ces monuments en pays éduen, les enseignements précieux que la colonne de Chauffailles est seule à nous apporter.

Le socle inférieur, celui qu'abrite une galerie du Musée lapidaire d'Autun, est un bloc quadrangulaire de 0m35 de haut, et dont chaque face mesure 0m60 de large ; les angles sont cantonnés de pilastres cannelés, à chapiteaux corinthiens frustes [9]. Les cannelures sont au nombre de quatre et, comme les pilastres sont contigus deux à deux d'une face à l'autre, la quatrième cannelure, commune à deux pilastres, constitue l'arête verticale de la pierre. Entre les pilastres, sur deux des faces, on peut lire une inscription, dont le déchiffrement et l'interprétation retiendront bientôt notre attention ; les deux autres faces sont nues.

Immédiatement sur ce bloc, était installé le socle supérieur, si l'on peut dire, celui qui est perdu. Ses dimensions peuvent être aisément calculées néanmoins ; en largeur et épaisseur, c'étaient sensiblement celles de la base conservée, soit 0m60 ; la hauteur nous est donnée, par l'Annuaire de 1843, comme équivalant à un mètre. Chacun des deux chiffres garantit l'exactitude de l'autre, car il est facile d'observer que les proportions des pierres dites à quatre divinités sont, dans l'immense majorité des cas, telles que la largeur des faces dépasse un peu la moitié de la hauteur [10]. Quant à l'iconographie, le mieux est d'accepter les identifications de Devoucoux ; si nous comprenons bien son exposé, le piédestal présentait sur une face Jupiter assis, sur la face opposée Junon assise, sur une troisième face, à la main gauche de Jupiter, une femme portant un petit Hermès, dans laquelle Devoucoux reconnaissait Maïa, mère de Mercure [11]. La quatrième face offrait sans doute l'image d'un dieu ; quoi qu'il en soit, cette imagerie est très conforme à celle des soubassements de colonnes à Jupiter : Jupiter et Junon figurent sur le piédestal octogone de Cussy ; quant à Mercure, c'est avec Junon la divinité la plus fréquemment représentée.

Au-dessus du socle de Chauffailles, s'élevait certainement une colonne [12], puisque des fragments du fût ont été retrouvés et vus par Devoucoux ; on ne nous dit malheureusement rien de leur décoration. D'après les dimensions du socle, le diamètre du fût pouvait se rapprocher de 0m35 à 0m40 et la hauteur être comprise entre 1m50 et deux mètres. En prévoyant une corniche entre le socle et la base de colonne et compte tenu de la hauteur du chapiteau et du groupe terminal, on peut évaluer à quatre mètres ou à 4m50 la hauteur de l'ensemble. Ce sont des proportions inférieures de moitié à celles de la colonne de Cussy.

La colonne de Chauffailles est surtout remarquable à un autre point de vue : elle jouit du privilège, très rare pour cette catégorie de monuments d'offrir une inscription en langue latine. Cette inscription, bien qu'incomplète, apporte une série de précieuses informations ; elle nous fait connaître le nom du personnage qui a pris l'initiative de faire construire la colonne, une partie du nom de l'architecte ; les dieux en l'honneur de qui elle a été élevée ; enfin quelques éclaircissements nous sont même donnés sur les circonstances et le lieu de l'érection.

L'inscription de la face principale, la seule qu'ait lue Devoucoux, comprend sept lignes de texte, d'un déchiffrement assez malaisé, car la pierre s'est notablement altérée depuis sa découverte ; le bord supérieur et le bord inférieur du socle, en s'effritant peu à peu, entraînent dans leur disparition la première et la dernière lignes du texte ; aussi faut-il tenir grand compte de la lecture d'Hirschfeld [Otto Hirschfeld (1843-1922)], auteur du Corpus [13], qui a vu l'inscription en meilleur état ; la lecture de Devoucoux peut également servir à rétablir quelques lettres.

Hirschfeld a pu distinguer exactement les mots ou fragments de mots suivants [14] : ...ucili. Tasgillus Iul fili. Iovi ...Iunoni ... essor huiu...mus V S L M. D'autre part il a complété, d'après Devoucoux, la première ligne en : Lucili ; la quatrième ligne en : Aug. et Iunoni. D'où sa lecture définitive :

[Pro salute] Lucili. Tasgillus Iul(i) fili(us). Iovi Aug(usto) et Junoni [poss]essor huiu[s do]mus V S L M.

La traduction littérale est la suivante, dans l'ordre même des mots latins :

« Pour la conservation de Lucilius, Tasgillus, fils de Julius, à Jupiter Auguste et à Junon, propriétaire de cette demeure, a accompli son vœu de bonne grâce et à juste titre [15] ».

Cette lecture appelle quelques remarques. Hirschfeld a restitué, au début du texte la formule pro salute, considérant ainsi le nom propre Lucili comme un génitif. Ce qui justifie cette restitution, c'est que la même formule se retrouve plusieurs fois sur le socle de colonnes à Jupiter de la région rhénane. Un de ces monuments est élevé pour la conservation d'un particulier [16] ; la grande colonne de Mayence a été érigée pour la conservation de l'empereur Néron [17] ; à Heidelberg on peut lire une formule très voisine : dans l'intérêt du dédicant et de sa famille [18]. La première de ces trois inscriptions présente un parallélisme remarquable avec celle de Chauffailles ; la seule différence c'est que le document rhénan respecte l'ordre traditionnel, et donne en tête le nom de la divinité, ce qui n'a pas lieu à Chauffailles ; encore cet ordre n'est-il pas immuable et on pourrait citer, sans sortir des limites de la Gaule, des exemples de la formule pro salute placée en tête, précédant de loin le nom de la divinité à qui le monument est dédié [19]. Dès lors, si l'on admet que le mot Lucili est bien un génitif, et il serait difficile de le contester [20] : on sera conduit à accepter l'interprétation du savant allemand, par rapprochement avec les autres textes épigraphiques que nous venons de citer. Le début de l'inscription faisait donc connaître le motif de l'érection du monument : c'est pour attirer la bienveillance divine sur le personnage de Lucilius que le dédicant a élevé la colonne.

En deuxième lieu, c'est le nom du dédicant lui-même et sa filiation que nous pouvons lire, sans la moindre difficulté : Tasgillus, fils de Julius. Tasgillus est évidemment un surnom, tandis que le nom de famille est Julius ; le prénom n'est pas indiqué. Malgré cette lacune sans conséquence, la personnalité du dévot est singulièrement éclairée par les deux noms qui nous sont révélés. Le terme Tasgillus appartient à l'onomastique celtique ; le nom paraît formé d'un radical tasg- et d'un suffixe -illus, éléments que l'on retrouve dans des vocables notoirement indigènes : un chef carnute nommé par César s'appelait Tasgetius [21] et le père de Vercingétorix s'appelait Celtillus [22]. Le nom de famille Julius ne doit pas faire illusion sur la patrie originelle du personnage ; on sait que les Gaulois romanisés conservaient, comme surnom, une appellation d'origine celtique [23] ; les Éduens en particulier qui adoptent, dès les premiers temps de l'empire, des noms romains, observent cette habitude ; parmi les noms de famille les plus fréquemment employés figure précisément celui de Julius ; nous connaissons par l'épigraphie ou par les auteurs C. Julius Eporedorix [24], C. Julius Vercundaridubnos [25], Julius Sacrovir [26] et d'autres encore. Ces noms sont portés par des notables du Ier siècle. La ville d'Autun elle-même se serait appelée Julia à un moment donné, aux dires du rhéteur Eumène [27]. Peut-être n'est-il pas trop hardi de supposer que Julius Tasgillus appartenait à une grande famille éduenne.

En troisième lieu, l'inscription de Chauffailles nous révèle le nom du dieu principal à qui le monument est dédié ; aucun doute n'est possible : le nom de Jupiter vient en tête et le nom de Junon lui est associé, ces deux mots lisibles encore aujourd'hui. À la ligne cinq, les premières lettres du mot [poss]essor, rétablies par Hirschfeld ne paraissent pas assez nombreuses pour remplir le début de la ligne : nous proposons de lire [Reg. poss]essor et de compléter le nom de Junon par le qualificatif de Reine ; cette addition ne modifie nullement le sens, mais l'inscription est ainsi plus conforme à la généralité des inscriptions rhénanes où Junon Reine est régulièrement associée à Jupiter [28].

Les cinquième et sixième lignes de l'inscription ramènent notre attention sur Julius Tasgillus qui est qualifié de propriétaire de cette demeure. Sans doute cette lecture est-elle une restitution ; mais il manque si peu de lettres que l'on peut considérer le texte comme rétabli de façon à peu près certaine. L'expression confirme d'ailleurs ce que nous pensions du personnage ; c'est un possédant, un maître de maison, donc un aristocrate. De plus la colonne est érigée tout près de sa maison ; cette proximité résulte de l'emploi du démonstratif hujus ; le sens littéral est « propriétaire de la maison que voici, qui est ici près ». La colonne de Chauffailles s'élevait sur un domaine privé ; la formule que nous lisons ici est l'équivalent de l'expression in suo, c'est-à-dire « sur son fonds », gravée au pied de quelques monuments analogues [29].

Enfin la dernière ligne de notre inscription est l'abréviation habituelle par laquelle le dédicant explique qu'il a accompli un vœu, après avoir obtenu la grâce désirée.

Une deuxième face du socle offre en trois lignes un renseignement complémentaire ; la ligne supérieure, comme sur la face principale, rase le bord de la pierre et se trouve de ce fait très endommagée. Hirschfeld a lu : Cl...x Litugeni fil(ius) feci ; ce qui signifie « moi Cl...x, fils de Litugenus, j'ai fait ce monument ». Le premier nom celtique terminé par -rix comme Dumnorix, désigne sans doute l'architecte de la colonne ; son père Litugenus portait également un nom celtique [30].

On ne manquera pas d'être impressionné par le fait que le dédicant, comme l'architecte, sont d'origine indigène. Cette particularité est de la plus haute importance. Si la colonne n'avait pas été élevée à l'instigation d'un Celte, on pourrait croire que les appellations de Jupiter et de Junon désignent purement et simplement les dieux du Capitole. Au contraire, quand nous voyons un Gaulois habitant une localité retirée faire appel à un autre Gaulois pour édifier un monument religieux, nous avons tout lieu de penser que les noms de divinités romaines, gravés sur le socle, ne constituent rien de plus que l'interprétation de divinités indigènes. Le dieu qu'invoque Tasgillus est, par essence, autre chose que le Jupiter du Capitole ; c'est ce mystérieux cavalier terrassant l'anguipède retrouvé à Beaune, ce dieu à la roue qui trônait au sommet de la colonne de Montgeraud ; Jupiter latin est le correspondant le plus exact de cette vieille divinité celtique. Toutefois Tasgillus a une raison de préférer la désignation latine : en adoptant la terminologie romaine, lui provincial, il fait montre de loyalisme envers le pouvoir central : Jupiter et Junon sont les dieux protecteurs de Rome. Par surcroît, afin de bien préciser son intention, Tasgillus fait suivre le nom de Jupiter de celui d'Auguste, associant ainsi au maître des dieux la divinité impériale. C'est bien le cas de rappeler l'observation de M. Toutain, qui voyait dans les colonnes au dieu-cavalier des manifestations de loyalisme, particulières à la Gaule et à la Germanie romaine [31]. Peu de monuments confirment, cette manière de voir aussi nettement que la colonne de Chauffailles : si nous retrouvions le groupe qui la terminait, il serait très possible que le dieu fût, comme celui de Beaune, costumé en empereur romain.

L'examen attentif de l'inscription de Chauffailles peut encore fournir une indication d'un autre ordre. Hirschfeld a noté que les caractères, bien tracés, appartiennent au premier siècle. De fait la gravure est soignée : les lettres sont nettes, dépourvues des ornements qui caractérisent la décadence. La facture des E et des F est remarquable à cet égard : dans les E la barre du milieu est exactement aussi longue que les deux autres ; les deux lignes horizontales des F sont égales. Suivant Cagnat [32], c'est là un indice de bonne époque. La colonne de Chauffailles était, à coup sûr, l'une des plus anciennes du pays éduen ; nous hésitons toutefois à la faire remonter jusqu'au premier siècle : la paléographie ne peut d'ailleurs permettre de dater avec précision. De plus, le libellé même de l'inscription témoigne d'une certaine négligence : après la mention du nom du dédicant et de sa filiation, nous ne lisons pas immédiatement sa qualité ; les noms de Jupiter Auguste et Junon s'intercalent assez maladroitement entre ces diverses parties de l'inscription. On peut aussi remarquer une certaine irrégularité dans les espaces ménagés entre les lettres. Chose curieuse, l'inscription de la deuxième face, celle qui donne la signature de l'architecte, témoigne d'un plus grand souci d'exécution ; les caractères sont plus grands [33] et surtout tracés avec plus de fermeté ; les hampes sont très droites et profondes. Le graveur, de ce côté, n'avait que trois lignes à porter ; la maladresse apparaît dans le fait que le texte est mal centré : la première ligne rase le bord supérieur de la pierre.

Si nous condensons tout ce que nous apprend l'inscription, nous pourrons donc dire qu'avant le IIIe siècle un riche éduen a élevé, aux portes de sa demeure, une colonne à Jupiter, en accomplissement d'un vœu et pour le plus grand bien d'un certain Lucilius ; le dieu qu'invoque Tasgillus paraît être un compromis entre une divinité gauloise et le Jupiter latin auquel il associe l'empereur ; enfin un architecte d'origine indigène a été l'exécuteur de la volonté du dévot.

Cette interprétation générale s'accorde parfaitement avec les données archéologiques que nous possédons sur le milieu où s'élevait la colonne. Les débris du monument ont été retrouvés, on se le rappelle, dans les fondations d'une très ancienne église, sous le chœur. Or Jullian a montré naguère, et cette observation se vérifie couramment, que les anciennes paroisses ont succédé aux domaines gallo-romains et que, de plus, les monuments du culte chrétien se sont élevés sur les ruines de la villa du maître [34]. Tout s'explique alors : la colonne de Chauffailles s'élevait, l'inscription le prouve, aux abords immédiats de la maison du maître ; sur le même emplacement s'est édifié, plus tard, le premier oratoire chrétien, autour duquel le village s'est groupé peu à peu. À l'époque barbare, le lieu n'avait pas cessé d'être habité : c'est à cette période que nous rapportons les tombes en grès, fermées par des couvercles, trouvées avant 1839 et les tombes contenant des squelettes assez bien conservés, mises au jour en 1842. À Chauffailles, comme à Cussy, comme à Beaune, des sépultures de basse époque, entouraient le monument [35].

Références

(Abréviation : C : Corpus Inscriptionum Latinarum)

1. Chauffailles, chef-lieu de canton, arrond. de Charolles, Saône-et-Loire. Chauffailles faisait partie de l'ancien diocèse de Mâcon, formé du démembrement de la civitas Aeduorum ; il y a donc lieu de rapporter aux Éduens le monument que nous étudions.
2. p. 178-179.
3. p. 199-200.
3bis. Citation de M. Monnier dans "Description des communes du Brionnais en 1856, hameaux et écarts" : Nous avons signalé, dans l'Annuaire de 1839 la découverte de 14 tombes en grès, qui ont été rencontrées à 2 mètres de profondeur, en déblayant le vieux cimetière dont on a fait une place publique. A côté de ces sépultures, qu'on attribue aux anciens comtes de St-Georges, seigneurs de St-André, nom que paraît avoir porté Chauffailles à une époque très reculée, on a découvert un autel votif, surmonté d'une statue en marbre ou en pierre calcaire jaunâtre, haute d'un mètre. Sur l'une des faces on a pu déchiffrer encore les mots suivants : TARSUS. GILLUS. LUCII. FILIUS. IOVI ET IVNONI. Ce cimetière joignait l'église qui a été en partie démolie, il y a peu d'années, et qui était un des monuments religieux les plus anciens de la contrée. On peut présumer que cette construction s'était élevée sur les ruines d'un temple du paganisme. Des tombes, renfermant des squelettes et des pièces de monnaie, qu'on croit être d'Antonin, ont également été trouvées en 1842, en déblayant l'emplacement de cette église.
4. Autun archéologique, par les secrétaires de la Société éduenne, Autun, 1848, p. 248-249.
5. Notice lue par M. Devoucoux, dans la séance du 25 janvier 1855, sur la colonne de Cussy. Annales de la Société éduenne, 1855, p. 174 :  « Il y a environ 15 ans, les habitants du bourg de Chauffailles, arrondissement de Charolles, venaient de faire construire une nouvelle église ; quand ce vaste édifice fut achevé, on se mit à démolir l'ancien qui n'avait du reste rien d'intéressant pour l'art. Dès qu'on fut arrivé aux fondations du sanctuaire, on y découvrit les restes d'une colonne dont la base presque entière et une partie du fût étaient parfaitement reconnaissables. La base se composait, comme celle de la colonne de Cussy, d'un piédestal divisé en deux parties, dont l'une présentait à chaque face une niche avec une statue. Trois de ces images sont conservées. Moins riche que le piédestal de Cussy, celui de Chauffailles n'avait que quatre faces  ; mais sa partie inférieure était ornée d'un encadrement dans le centre duquel on avait gravé une inscription que nous recueillîmes presque en totalité. On y lit indubitablement LVCILIVS TASGILLVS IVLII FILIVS IOVI AVGVSTO ET IVNONI. VOTVM SOLVIT ; c'est-à-dire Lucilius Tasgillus, fils de Julius, a accompli un vœu en l'honneur de Jupiter Auguste et de Junon. »
6. Il est inutile de relever les erreurs de lecture de l'inscription commises par l'informateur des Annuaires et par Devoucoux, puisque cette partie du monument est conservée.
7. Tels sont les résultats de notre enquête à Chauffailles.
8. L'entrée au musée lapidaire est antérieure à 1889, date de la publication de l'ouvrage de Fontenay, Autun et ses monuments, lequel mentionne la base de Chauffailles et publie sommairement l'inscription à la page 485.
9. Ce monument n'a pas été reproduit dans le Recueil d'Espérandieu.
10. Cf. ci-dessous p. 459, nos observations sur les proportions de ces monuments.
11. Ordinairement les dieux et déesses sont représentés debout ; toutefois il y a des exemplaires où ils figurent assis ; cette circonstance ne saurait infirmer l'identification proposée.
12. On nous opposera peut-être les termes du rédacteur de l'Annuaire de 1843 (cf. ci-dessus, p. 448) : « autel surmonté d'une statue » : la description de Devaucoux montre clairement que l'informateur de l'Annuaire s'est mal exprimé : Il a désigné un bas-relief par le mot statue et il a voulu dire que le socle inférieur portant l'inscription était surmonté d'un bas-relief sur chacune des faces du monument.
13. C. XIII, 2581.
14. Aujourd'hui il est impossible de lire autre chose que : cili / T...gillus / lui fili. Iovi / ...lunoni / ...essor / huiu...mus / ...m. Dans cette reproduction, nous séparons les lignes par des traits verticaux ; nous écrivons, suivant l'usage entre [ ] les lettres disparues, entre ( ) les lettres sous-entendues par le lapicide.
15. La mention « propriétaire de cette demeure » se rapporte à Tasgillus et non à Junon.
16. C. XIII, 6456 : « À Jupiter très bon et très grand et à Junon Reine, pour la conservation de Lucius Durius... » ; le bloc provient de Steinheim ; cf. E. Germanie, n° 696.
17. C. XIII, 11806 : il s'agit, il est vrai, cette fois, d'un monument de caractère purement romain, mais cela n'exclut pas la possibilité de rapprocher les formules épigraphiques.
18. C. XIII, 6397 : « ...aram et columnam pro se et suis... »
19. C. V, 7866 : autel de Villevieille, Alpes-Maritimes : la formule pro salute est ici écrite en abrégé p. S. Cf. encore C. XIII, 1194, Bourges : « pro salute caesarum et populi romani, Minervae... »
20. Devoucoux avait lu Lucili(us) au nominatif, faisant de Lucilius un nom de famille s'appliquant à un personnage dont le surnom serait Tasgillus ; mais Tasgillus est qualifié à la ligne 3 de « fils de Julius », d'où il découle que le gentilice de Tasgillus était Julius et non pas Lucilius.
21. César, Bellum gallicum, V, 25, 1.
22. Ibid., VII, 4, 1. Le nom de Tasgillus se retrouve dans diverses inscriptions de la Gaule de l'ouest et du nord-est (cf. Holder, s. v. Tasgillus).
23. Cf. Dottin. La langue gauloise, p. 33-34.
24. C. XIII, 2725 et 2805.
25. Tite Live, Epitome, 139 (12 av. J.-C.).
26. Tacite, Annales, III, 40 ; ce personnage avait reçu droit de cité.
27. Gratiarum actio, ch. XIV.
28. Cf. C. XIII, 6456, 7268, 7352, 6721, 6722 entre beaucoup d'autres ; nous justifierons plus loin la présence du mot Auguste à la suite du nom de Jupiter et nous expliquerons la portée de cette expression.
29. C. 7265, 7268, 6728 a (blocs et inscriptions de la région de Mayence).
30. Dottin, op. cit., cite un nom gaulois Clutorix qui correspond pour l'initale et la finale aux lettres subsistant dans l'inscription de Chauffailles ; le nombre de lettres remplirait l'espace entre le début et la fin du mot. Quant nom de Litugenus, il est formé d'un suffixe -genos marquant la filiation et un radical Litu- ou Lito- ; on lit le nom de Litugena dans une inscription de Narbonne (C. XII, 5022) ; Litugeni ou Litogeni dans des inscriptions de Vaison et Vienne (C. XII, 1293 et 5682, 67).
31. Cf. Toutain, Observations sur quelques formes religieuses de loyalisme, particulières à la Gaule et à la Germanie romaine, dans Beiträge zur alten Geschichte, 1902, p. 202-204 ; voir aussi les remarques de Jullian sur le culte de la divinité impériale, dans Histoire de la Gaule, VI, p. 75.
32. Cagnat, Cours d'épigraphie latine, 3e éd. 1898, p. 14.
33. Hauteur des lettres de la face principale : 0m033 ; de la 2e face : 0m047.
34. Jullian prend régulièrement les anciennes églises comme centres des fundi gallo-romains ; cf. Rev. études anciennes, 1926, p. 135-151, l'Analyse des terroirs ruraux ; M. Grenier, Manuel d'arch. gallo-rom., 2e partie, p. 921, 926, 940, a repris et développé les conclusions de Jullian.
35. Il est regrettable que les sarcophages aient disparu et que nous ne sachions rien de leur orientation, le peu qui est rapporté de leur matière et de leur mode de fermeture concorde avec les constatations que l'on relève dans les cimetières barbares et à Cussy en particulier.


info Tentative de reconstitution de la colonne antique de Chauffailles : présentation à la 14e rencontre du groupe Histoire et Généalogie du Sud-Brionnais, 10 juillet 2018 pdf

Cussy Cussy

La colonne romaine de Cussy en Côte-d'Or, avant et après reconstruction - Cliquez sur une photo pour l'agrandir
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