Chauffailles dans les années 1825

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1. Les Archives de Saône-et-Loire conservent, sous la cote O 514, un « Mémoire présenté à Monsieur le sous-préfet de l'arrondissement de Charolles concernant le bourg de Chauffailles, sa situation et son commerce », qu'il est intéressant de transcrire en entier, car il contient des informations tout à fait inédites sur l'aménagement urbain, commercial et industriel aux premiers temps de son développement. (L'orthographe originale a été respectée, la ponctuation seule améliorée quand il était nécessaire)

« Le bourg de Chauffailles est situé aux pieds des montagnes, à deux myriamètres de Beaujeu, six de Lyon, à un de La Clayette, à deux et demi de Charolles ; sont St-Germain-la-Montagne au matin, Belmont au midi (qui dépendent de la Loire), St-Ygny-de-Roche entre midi et soir, Tancon au soir, Mussy au Nord. La route d'Autun à Lyon par Beaujeu traverse le bourg dans sa longueur, ce qui rend cet endroit, quoique petit, le plus commerçant de l'arrondissement, et son commerce augmente tous les jours, en sorte que si l'on n'y met obstacle avec les protections des autorités, il pourra rivaliser avec les villes voisines, s'il ne les surpasse pas.

Il y a à Chauffailles un marché tous les vendredis de chaque semaine, et une fois tous les premiers jeudis de chaque mois. Le commerce consiste en toiles de cotton, lin et fil, cotton filés et en bourre, et ce commerce se fait pour les achats et les ventes par les communes situées au midi de Chauffailles depuis Tizy jusqu'à Charlieux, et cette vente est évaluée par les marchands à quatre vingt ou cent milles francs par marchés.

Il se fait encore un commerce considérable de pors gras, qui ont leur débouché sur Lyon et dans le Forez, surtout pendant quatre mois en hyver, il y en a ordinairement huit cent, chaque marché, qui sont fournis par les communes situées au Nord de Chauffailles ; à prendre depuis St-Ygny de Vers, Matour, jusqu'à Charolles, Parai et autres lieux encore plus éloignés, parce qu'on est sûr de les vendre, les jours de marché surtout, vu qu'il n'y a point de tems à perdre pour les conduire à Lyon, ni de dépens superflus à faire, parce que les marchés de Lyon suivent ceux de Chauffailles.

Il se vend aussi beaucoup d'autres denrées, comme sabots, fayence, poterie, beurre, fromage, œufs, vollailles. Il y a aussi beaucoup de marchands étalagistes, tant pour la draperie, roannerie, toileries, clincaillerie, les gros marchands étaient sous les halles et les petits sur la place. Les jours de foires seulement, il se vend aussi des bœufs et des vaches de trait pour le service des environs.

Il y a à Chauffailles huit ou dix voituriers, qui vont à Lyon toutes les semaines, dont un a quinze à vingt chevaux, les autres quatre ; il existe quarante cinq à cinquante aubergistes ou caffetiers qui n'ont que cette ressource pour subsister.

Le bourg de Chauffailles est divisé en deux quartiers qu'on peut appeler l'ancien, du côté de soir en entrant par la route venant de Charolles, et le nouveau au matin, du côté des routes venant de Lyon et Tizy.

Il existe au dit bourg trois petites places, qui seroient très avantageuses au commerce, si elles étoient distribuées avec sagesse. La première et la plus grande est située au quartier ancien entre les halles et l'église ; elle a une superficie de vingt une ares (sic) et quelques centiares, elle forme presque un quarré quoique un peu plus longue que large ; elle est bien pavée, entourée de maisons, par conséquent bien abritée. La route départementale passe au bas, du côté du midi, l'église au milieu située au matin, les halles aux toiles et draperies vis-à-vis du côté du soir. Il n'y arrive qu'un chemin du côté du Nord où il ne peut passer des voitures considérables à cause de sa mauvaise situation. C'est au haut de cette place que c'est toujours fait jusqu'à présent la vente des porcs, et au bas sur le bord de la route que se sont placés les petits marchands étalistes (sic). S'il existoit une grenette, on pourrait dire qu'elle se tient sur cette place vers la cime de la halle au toiles. Avant la Révolution elle existoit, et dependoit du corps des halles, aujourd'hui chacun tient grenette où il veut à la porte de sa maison ou d'une auberge. Attenant à cette place entre la route et le cimetière commence une autre place, qui dans sa majeure partie est quarrée et y compris la langue entre le cimetière et la route ; elle a onze ares et quelques centiares. Cette place ditte « la verchère » n'a servi de rien, jusqu'à présent, cependant elle peut être d'une grande utilité. Quoique non pavée, elle est très commode, la route la joint au midi, aucun chemin n'y aboutit, ce qui fait qu'elle seroit très propre pour servir de dépôt à tout ce qui est fragile, comme poterie, sabots, beurre, œufs, etc

Ensuite une autre située au quartier neuf (on peut dire neuf puisqu'il y a quarante ans, qu'il n'y avoit que trois maisons), elle a onze ares et quelques centiares de superficie, elle est faite en triangle, elle est bien environnée de maisons, mais la route départementale la côtoie du côté du Nord sur sa longueur, et le chemin venant de Tizy, Cour et Belmont, et de tout le côté du midi et matin la côtoie aussi pour arriver à la route ce qui est un grand obstacle à la sûreté. C'est sur cette place que se tient les jours de foires le marchés des bœufs, vaches et porcs : ou pour mieux dire, c'est là qu'on se rend selon la coutume avec les bestiaux, mais c'est sur la route du côté de Lyon, jusqu'à la cime du bourg que se tient la foire des animaux et ce n'est pas sans de grands dangers, surtout depuis l'augmentation du commerce et l'établissement des roulages et voitures publiques.

D'après ces faits, il conviendroit, vu que cette place est trop petite, et qu'elle n'est pas pavée et que c'est exposer les propriétaires avec les bestiaux sur la route où tous les quarts d'heures il passe des voitures, et de l'autre côtés des chevaux se suivent à la file, et quoique montés par de bons cavaliers, s'effrayent et peuvent causer des accidents comme on le voit tous les jours ; que la vente des porcs se tiennent les jours de foires et de marchés dans le haut au nord de la place vis-à-vis les halles comme il a toujours été les jours de marchés, jusqu'à présent, et les bœufs, vaches, etc.. dans la place du quartier neuf, ou place ditte de la bouverie ; les sabots, poterie, fayence, œufs, beurre, vollaille, fil dans la place ditte la verchère ; les petits marchands étalagistes au bas de la place ditte des halles en suivant sous le cimetière jusqu'au bout le long de la route.

Et d'après les règlements qui ne peuvent être que très justes sous tous les raports, puisque les porcs arrivant par la route venant de la Clayette, et du côté de Mussy ne se trouvent pas exposés en traversant le bourg, par une foule de monde, de voitures et de chevaux. On peut objecter que ce soit le matin ou le soir, il faut bien traverser le bourg pour se rendre aux routes de Lyon et Tizy ; on répond qu'il existe un chemin à la sortie de la ditte place des halles, qui cottoie le dit bourg et rentre dans la route à la sortie, et que c'est celui là qu'on prend ordinairement pour sortir les porcs qui débouchent dans le Lyonnois. De plus les marchands de toiles et cotton venant de Villefranche, Tizy et autres lieux arrivent au marché le matin et logent presque tous dans le quartier neuf, il seroit embarassant pour eux de traverser avec leurs chevaux chargés de marchandises et une foule d'hommes et de bestiaux.

Ainsi chaque commerce auroit des issues libres, les contestations et les périls seroient écartés, les dépens à peu près également répartis entre les différents quartiers. Les commerces n'ayant aucune entraves entr'eux ne pouroient que prendre de nouveaux accroissements, et l'on n'auroit qu'à s'applaudir d'une administration, qui auroit opéré cet acte de police si juste et si équitable.

Le Maire de Mussy sous Dun : Odin
Le Maire des communes de Châteauneuf et de St Martin de Lixi : Alix
L'adjoint de Mr le Maire de la commune de St Maurice et à son absence : Tachon adjoint
Le Maire de la commune de St Igny de Roche : Démurger. »

2. A l'appui de ce mémoire non daté, mais émis, selon toute vraisemblance, avant le mois de septembre 1824, sont conservés, aux Archives de Saône-et-Loire, et dans la même Série O : Chauffailles, deux plans géométriques des places publiques du bourg, datés des 18 septembre et 12 octobre 1824, dressés par le géomètre-arpenteur Baudinot (échelle de 1 mm par mètre), sur la réquisition du Maire du lieu et sur « l'indication des Srs Marcout, Achaintre, Labrosse, Aucour, Bajard, Villard et Faure, tous propriétaires au-dit Chauffailles », et, de plus, un plan graphique et un plan cavalier intéressant la seule « Grande place » de Chauffailles appelée « place du Marché » ou « place des Halles » (aujourd'hui place de l'Hôtel de Ville), datés du 20 novembre 1825, sous la signature de Bert, géomètre (1). Le plan cavalier, très curieux, fort bien dessiné et colorié, est une « espèce de perspective de la grande place de Chauffailles » ; il était destiné à « marquer d'une façon exacte de quelle manière l'escalier de Laumorte (propriétaire riverain de la place, du côté Est) est construit et l'effet qu'il fait de la place et à la porte à Villard » (autre riverain contigu, au Nord de Laumorte).

(1) « Je certifie le présent levé exactement. Je déclare que pour la première opération j'ai employé onze vacations et pour la seconde dix sept vacations ce qui forme en tout vingt huit vacations y compris les deux voyages fait à Chauffailles et les retour. La totalité du temps employé fait une somme de cent soixante huit francs, de laquelle je demande taxe. Charolles le 20 novembre 1825. Bert géomètre.

Les voisins de Georges Laumorte, marchand de lin, s'étaient en effet décidés à préparer une pétition qu'ils signèrent le 13 décembre 1825, dans le dessein d'obtenir la suppression de l'escalier qui empiétait de façon exagérée sur la place ; long de 33 pieds (11 m x 3 m environ selon le relevé du géomètre Bert), il était « d'une hauteur prodigieuse », avec son massif emmarchement de sept degrés dans sa partie la plus élevée, soit au Sud, afin d'épouser la déclivité du sol ; sa présence était préjudiciable, non seulement à Jean-Benoît Villard, le voisin immédiat, mais à l'ensemble des riverains de la place. On relève dans les registres d'état civil, à la date du 29 novembre 1874, le décès de Jean-Benoît Villard, natif de Charlieu (fils de Jean), rentier âgé de 78 ans, et veuf de Jeanne Rouiller. L'acte ne précise pas s'il doit être confondu avec un homonyme, qui fut maire de Chauffailles en 1860-1861.

Indépendamment de son indéniable qualité plastique, le document du géomètre Bert, très scrupuleusement établi, permet de confronter avec certitude, les aspects anciens et actuels de l'ancienne place, et de vérifier que ce pourtour, 170 ans plus tard, lui est encore presque superposable. Les immeubles principaux ne sont évidemment plus les mêmes, puisqu'aux anciennes halles, s'est substitué, du côté Ouest, l'Hôtel de Ville, construit ainsi qu'on le verra à la fin du siècle dernier ; à l'ancienne église, du côté Est, le nouvel édifice religieux implanté selon un axe Nord-Sud et non plus Est-Ouest, de sorte que le logis presbytéral, qui subsiste, est maintenant perpendiculaire à l'église entièrement reconstruite, est maintenant perpendiculaire à l'église. Mais il est visible qu'a été conservé l'immeuble bordant le petit côté Nord de la place, caractérisé par ses toitures et rupture de pente et par l'alignement des lucarnes qui l'agrémentent.

Du côté Est, l'emmarchement semi-circulaire en saillie qui donnait accès à l'ancienne église et au cimetière a été supprimé. Au haut de la place, occupé par les maisons Villard, puis Laumorte, est aujourd'hui installée la Poste ; mais l'alignement lui-même demeure, et les débouchés Nord de l'ancienne esplanade, par la rue Antoine Achaintre, ancienne route de Mussy, et par la rue des Ecoles, ont été respectés. La voie publique traversant le bourg de Chauffailles dans toute son enfilade Ouest-Est, de La Clayette et Charlieu à Lyon, a, bien entendu, été maintenue ; la rue avait été pavée sous l'administration de M. Guilloud, Maire de Chauffailles, qui avait signé, le 3 novembre 1808, l'adjudication des travaux de pavement approuvés par le Préfet de Saône-et-Loire le 30 novembre suivant, pour une dépense de 2309,34 francs ; les travaux furent complétés sur l'exercice 1811, pour l'extension du pavage jusqu'à la place des Halles ; la dépense de 1200 francs fut inscrite sur le rôle ouvert le 18 mai.

3. Historique et description de l'immeuble fermant la place de l'Hôtel de Ville, au Nord ; section B 297 à 299 du cadastre de 1829

Cet immeuble était occupé respectivement par la veuve Laumorte, la veuve Labrosse et les « nommés Labrosse » en 1825. Georges Laumorte, né à Chauffailles de Philibert et de Françoise Polette, décéda, célibataire, à l'asile Rambuteau de Bois-Sainte-Marie le 7 juin 1880, à l'âge de 70 ans ; l'acte d'état civil le désigne comme ayant exercé la profession de « greigneur » (transcription de l'acte au registre d'état civil de Chauffailles le 13 juin 1880).
Cette belle habitation, élevée sur plan rectangulaire, et haute d'un étage sur rez-de-chaussée, demeure, moyennant un certain nombre de transformations, conforme au plan levé par le géomètre Bert. La façade principale donnant sur la place laisse apparaître deux éléments distincts dans la construction : à droite, le logis le plus important, autrefois divisé en deux sections à partir d'un couloir d'entrée, sous une toiture à quatre pans de faible pente, dont l'arête faîtière est perpendiculaire au front de la place ; à gauche, un logis plus étroit, sous toiture aiguë à arête faîtière parallèle à la façade. Les toits principaux sont reliés l'un à l'autre par un élément de couverture bas et horizontal. L'unité de liaison est rétabli par la section inférieure, à la Mansart, et traitée en ardoises. Le dispositif est identique à celui qu'avait dessiné le géomètre Bert, à cette différence près que cinq lucarnes seulement font saillie sur la partie basse du toit ; rectangulaires, elles ne correspondent pas aux sept qu'indique le dessin, et qui étaient coiffées de petits pavillons triangulaires. On compte, dans cette même partie de droite de la façade, un nombre égal de percements rectangulaires à l'étage. Deux portes de rez-de-chaussée ont survécu, encadrée par de larges devantures qui n'existaient pas dans le dessin. La section de gauche a perdu ses lucarnes, mais a conservé à l'étage ses deux fenêtres rectangulaires, et la devanture de l'Institut de beauté a remplacé la porte de rez-de-chaussée flanquée d'une fenêtre à sa gauche.

Source : AD71, Inventaire dans les années 1995 du patrimoine de Chauffailles, Généralités, 5 FI 120/1.