Charolles peint en 1835 par Émile Sagot
[Source : Voyage pittoresque en Bourgogne, 2e partie, département de Saône-et-Loire, 1833-1835, BnF/Gallica.]
Le comté de Charollois, pays coupé de forêts, d'étangs et de rivières, s'étendait du nord au sud de Saint-Eusèbe-des-Bois à Poisson, sur une longueur d'environ dix lieues, et de l'est à l'ouest depuis Saviange jusqu'à Toulon, distant l'un de l'autre de plus de huit lieues.
L'arrondissement, dont Charolles est devenu le chef-lieu dans ces derniers temps, en renferme une très grande partie ; il est borné au nord par celui d'Autun, au sud par le département du Rhône, à l'est par l'arrondissement de Mâcon, et à l'ouest par les départemens de l'Allier et de la Nièvre.
Traversé du sud au nord par une branche de la chaîne des montagnes granitiques des Cévennes, un des versans de cette contrée appartient au bassin de la Loire, l'autre à celui de la Saône. Les coteaux qui s'appuient à cette haute digue, renferment de petites mais fertiles vallées, de riches prairies, des forêts et des étangs ; plusieurs localités possèdent des houillières et des mines exploitées avec succès, dont la Loire, la Saône, l'Arroux et le canal du Centre facilitent l'exploitation.
Du temps des Romains, le Charollois était habité par les Ambarii qui dépendaient de la grande république fédérative des Éduens. Plus tard, il forma, sous le nom de Pagus Quadrellensis, une de ces divisions sous lesquelles les Romains tentèrent d'étouffer les souvenirs d'une indépendance hostile à leur domination. Il fut compris, sous ce nom, dans la seconde Lyonnaise, au temps d'Honorius, ce qui n'empêcha pas, quand le christianisme s'introduisit dans les Gaules, qu'on l'attribuât au diocèse d'Autun ; car c'est une remarque bien digne d'intérêt, que la religion qui venait prêcher à l'homme la liberté, releva presque partout, dans ses circonscriptions diocésaines, les anciennes limites des divers cantons que la politique des Romains avait effacées.
Les rois de Bourgogne d'abord, les rois de France ensuite, les comtes de Châlon plus tard, possédèrent tour à tour le Charollois. Enfin, en 1237, le duc Hugues IV, ayant acheté le comté de Châlon, en détacha le Charollois, et le donna à sa petite-fille Béatrix, pour en jouir comme d'une seigneurie héréditaire. Ce démembrement, conforme à l'esprit des temps qui tendait à multiplier les grands vassaux, fut confirmé par le roi Philippe-le-Hardi, et serait devenu la source d'une des plus puissantes maisons de la Bourgogne, si, dès l'année 1390, le duc Philippe-le-Hardi n'avait racheté le Charollois, avec une partie de la dot de Marguerite de Bavière, sa belle-fille. Dès lors, cet apanage fut destiné à former la dotation de l'héritier du duché, et c'est ainsi que Philippe-le-Bon, et après lui Charles-le-Téméraire, portèrent tous deux, avant leur avènement, le titre de comte de Charollois. Après la mort de Charles, Louis XI s'en empara, en 1477, comme d'un fief réversible à la couronne, et le plus noble mouvant du duché de Bourgogne ; ce qui n'empêcha pas Charles VIII de le rendre, en 1493, par le traité de Senlis, à Philippe, archiduc d'Autriche, petit-fils de Charles-le-Téméraire, à la charge d'en faire hommage à la France. Après lui, Marguerite, sa sœur, hérita du Charollois ; Charles V, son neveu, voulut en avoir la souveraineté viagère ; et lors du traité de Cambrai, en 1529, la France, humiliée encore sous la défaite de Pavie et sous les dures conditions du traité de Madrid, dut céder à ses exigences.
Le Charollais fut compris dans l'abandon fait par Charles-Quint à Philippe II, et celui-ci, en 1598, le donna à sa fille mariée à l'archiduc Albert. Cette princesse étant morte sans enfans, il fit retour à la couronne sous Philippe IV ; mais à la déclaration de guerre de 1674, la France le confisqua, et le 28 mars 1684, il fut adjugé au prince de Bourbon-Condé, dans la famille duquel il demeura jusqu'à 1761, date de l'échange qu'en consentit à Louis XV pour la terre de Palaiseau, Alexandrine de Bourbon, dite Mademoiselle de Sens.
Durant cette longue période, le Charollois ne fut pas épargné par les divers fléaux dont les provinces voisines furent successivement ravagées. Les troupes du duc d'Aquitaine en 761, les Auvergnats dans le dixième siècle, les écorcheurs en 1418, les Auvergnats l'année suivante, les ligueurs et les protestans sous Charles IX, Henri III et Henri IV, causèrent à ce pays des maux infinis. La culture fut abandonnée, et près de trois siècles après, la misère y était encore si grande, que, dans les années 1708, 1709 et 1710, plus des trois cinquièmes des habitans moururent de faim. On a conservé, dans les registres des États généraux de Bourgogne, le relevé des pertes de chaque bourg de ce comté ; à Paray-le-Monial, sur 1486 habitans, il n'en resta que 626 ; les 860 autres moururent de famine et de misère. Les États particuliers du comté du Charollois, qui depuis la fin du quatorzième siècle administraient ce pays, s'appliquèrent avec tant de succès à réparer ces pertes cruelles, qu'en 1751, époque de leur réunion aux États généraux du duché de Bourgogne, la population des lieux les plus maltraités avait déjà doublé.
Charolles, capitale du comté, ne paraît pas avoir existé avant le neuvième siècle. En 829, Raoul, roi de France, y fonda le prieuré de la Madeleine, en mémoire de la bataille qu'il venait de gagner sur les Normands. L'église de Saint-Nizier, paroisse de la ville, fut unie à Cluny, sous le prieuré de la Madeleine, en 1105, et érigée en collégiale en 1526. C'est à peu près aujourd'hui le seul monument de Charolles, avec les restes du château-fort des comtes, et ceux de quelques-uns des monastères qui y existaient avant 1792. La situation retirée de cette petite ville n'a pas permis aux progrès de la civilisation d'y pénétrer aussi rapidement que dans les cités plus heureusement placées. Cependant une louable émulation y a fait établir, dans ces dernières années, un grand nombre d'écoles pour les enfans des deux sexes, un cours gratuit de dessin, une bibliothèque publique et une imprimerie. L'ignorance du peuple devra céder à ces moyens puissans, qui ne peuvent que féconder les germes de sa prospérité ; le commerce du bétail et des bois, celui des fers et des charbons, en forment la principale base, mais ces industries laissent encore beaucoup à désirer pour leur entier développement.
Charolles est à six myriamètres sept kilomètres de Châlon.