Le prieuré d'Anzy-le-Duc et lithographie d'Émile Sagot
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[Source : Voyage pittoresque en Bourgogne, 2e partie, département de Saône-et-Loire, 1833-1835, BnF/Gallica.]
De même qu'un grand nombre de villes et de bourgs, dont nous avons déjà signalé l'origine, celle d'Anzy-le-Duc se rapporte à l'influence civilisatrice du clergé régulier du moyen âge. C'était encore un lieu désert du temps de Charlemagne (768-814), et moins d'un siècle après (880), de nombreuses habitations avaient pris la place des forêts et des marais stériles qui couvraient ce pays. La fondation d'un prieuré dépendant de l'abbaye de Saint-Martin d'Autun, avait suffi à cette prompte transformation. Protégée par les moines, encouragée par leurs exemples, une de ces populations nomades qui cherchaient alors un abri sous les murs des églises et des donjons, s'était fixée autour de ce prieuré, qu'avait fondé la piété d'un seigneur du pays, Letbalde, et celle de sa femme, Aspasie. Hugues de Poitiers, premier prieur de cette maison, en étendit au loin le renom, par l'éclat de ses miracles et la sainteté de ses œuvres. Les terres furent défrichées par ses mains ; les nouveaux habitans furent instruits par ses soins, nourris par ses largesses ; quand il mourut, en 930, Anzy était devenu un bourg important, que les rois de France avaient pris en affection. Une grande et forte tour leur servait de demeure, quand ils visitaient cette partie de leurs états, et on la voit mentionnée dans un diplôme de Louis IV, d'Outre-mer, de l'année 944. Plus tard, les ducs de Bourgogne n'attachèrent pas moins d'importance à cette belle seigneurie, et c'est du fréquent séjour qu'y firent nos souverains, que ce bourg prit, dans le treizième siècle, le nom d'Anzy-le-Duc. L'éloignement des villes où les troupes ducales tenaient d'ordinaire leurs quartiers, avait engagé les moines d'Anzy à solliciter la permission de fortifier leur monastère. Cette mesure de précaution fut la cause de sa ruine, durant les guerres de religion. La forteresse ecclésiastique fut tour à tour envahie et dévastée par les ligueurs et les royalistes, qui traitèrent les moines militairement, comme gens conquis de force. Le 18 juin 1594, d'Amanzé, l'un des capitaines de Henry IV, s'en empara après un assaut meurtrier ; le trésor fut pillé et les caves enfoncées. Le 5 août suivant, les troupes de la Sainte-Union, conduites par Despres, y entrèrent de la même façon, et cette fois ce fut sur la bibliothèque et le chartrier que les vainqueurs firent main-basse. Depuis lors, le prieuré ne se releva plus de ses désastres, et l'éloignement des prieurs, devenus commandataires au milieu du dix-septième siècle, acheva la ruine de cet antique établissement. La flèche, qui surmontait la tour octogone de l'église, fut abattue par un orage en 1644 ; cette tour est à peu près tout ce qui reste aujourd'hui du prieuré. Les monumens d'art que renfermait l'église ont été brisés depuis longtemps, et la révolution a pris soin d'anéantir ceux que les guerres avaient oublié.
Anzy, situé au milieu des riches et silencieux vallons du Brionnais, a quelque ressemblance, pour l'aspect mélancolique de son paysage, avec cette célèbre maison de Cluny dont nous parlerons bientôt. On voit que c'est un pays dont la vie est éteinte à jamais ; ce qui l'animait ne peut revenir ; ses souvenirs sont tout ce qui lui reste.
Anzy-le-Duc est à trois myriamètres trois kilomètres de Charolles, dix myriamètres de Châlon.