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Notice sur André Du Ryer, sieur de Malzair, par J.-B. Derost

André du Ryer et l'Alcoran de Mahomet Blason de la famille du Ryer Cadastre napoléonien de Saint-Martin-du-Lac


[Source : Bulletin de la Société d'Études du Brionnais, 1935-1936.]

André Du Ryer naquit à Marcigny, à la fin du XVIe siècle, sans qu'on puisse préciser la date exacte de sa naissance ; on ne sait rien non plus de sa jeunesse. Il est probable que la famille Du Ryer était en relations avec François Savary de Brêves, ambassadeur en Turquie, et qui, rentré en France en 1606, fut nommé conseiller d'État par Henri IV, et ambassadeur à Rome, il était très versé dans les langues orientales, peut-être le jeune Du Ryer lui fut-il attaché, et de là, peut-être, son initiation aux langues orientales. Savary de Brêves était fort en faveur auprès de Marie de Médicis, et nous croyons que c'est grâce à sa protection que le jeune André Du Ryer fut nommé consul à Alexandrie, et son frère Christophe, lieutenant général des Basses-Marches du Bourbonnais et maître des requêtes de la reine Marie de Médicis.

Quoi qu'il en soit, André Du Ryer fut nommé consul à Alexandrie, mais on ignore en quelle année, ce ne fut guère, à notre avis, avant 1620, en tous cas, il occupait ce poste en 1626, ainsi qu'en témoigne l'attestation suivante :

« Nous soussignés, marchands, traficants et négociants au pays d'Égypte, sous la protection de la bannière de France, certifions et attestons par ces présentes, à tous qu'il appartiendra, que, aux jours passés, le sieur Abdy-bey darsier d'Alexandrie, aurait fait requérir le sieur André Du Ryer, consul pour le roi audit pays, de faire faire le compte des marchands et leur faire payer ce qu'ils seraient devoir à la douane, ce qu'il aurait fait et commandé incontinent à un chacun de finir son compte avec ledit Alexandrie et retirèrent leurs calax dudit darsier, après avoir payé ce qu'ils devaient justement, plus... selon le.... dudit Alexandrie et non davantage... Et lors qu'il fut question de finir les comptes des marchands qui étaient au Caire, leurs facteurs en faisaient difficulté, disant qu'ils voulaient attendre l'ordre de leurs maîtres, ledit ordre leur étant venant dudit Caire, ledit sieur consul se transporta deux fois es doanne, encore qu'il fut mal disposé pour finir leurs comptes susdits et fut contraint de courroucer lesdits commis pour leur faire faire lesdits comptes parce qu'ils s'amusaient à passer leur temps au lieu de servir leurs maîtres, mais nous n'avons vu aucunement que ledit sieur consul aye battu, frappé, ni fait battre ou frapper personne, seulement aurait menacé lesdits facteurs de les battre s'ils n'étaient plus soigneux des affaires de leurs maîtres.

En témoignage de quoi avons à la réquisition dudit sieur Consul fait la présente attestation signée de nos mains et avons fait apposer le scel royal de ce consulat accoutumé en Alexandrie d'Égypte, le 29 mars 1625.

Pierre Cordeil, Grandony, Apignatan, Jangail, Martin... Martignengni, Pierre Budin, Rocco, Saltamachi, Geronino Ponsalvini, Mario Tamaigno (ainsi signé à l'original). »


L'existence de cette pièce prouve qu'André Du Ryer avait été faussement accusé de violences. Cependant, Louis XIII satisfait de ses services l'en récompensa en le nommant gentilhomme ordinaire de sa chambre.

« Grand chambellan de France, premier gentilhomme de la Chambre, premier maître de notre hôtel, etc., salut.

Ayant égard aux bons et fidèles services qui nous ont été rendus par notre cher et bien-aimé André Du Ryer, sieur de Malzair, et désirant en considération d'iceux le traiter le plus favorablement qu'il nous sera possible et l'approcher de nous en qualité à son service et mérite. Iceluy pour ces causes et encore en ce nous mouvant, avons ce jourd'huy retenu et retenons par ces présentes signées de notre main en l'état et charge de l'un des gentilhommes ordinaires de notre chambre pour dorénavant nous y servir, ledit état et charge exercer, en jouir et user par ledit sieur de Malzair, aux honneurs et autres prérogatives, privilèges, franchises, libertés, gages, droits, profits et émoluments accoutumés et qui y appartiendront, tels et semblables que les ont et prennent nos autres officiers de pareilles charges et retenue de ce temps qu'il nous plaira.

Voulons et mandons à chacun de vous, ainsi qu'il appartiendra que dudit sieur de Malzair prenne et reçoive le serment en tel cas requis et accoutumé.

Donné à Paris le 16 mai 1630.

Signé : Louis. »


Vers cette époque, André Du Ryer quitta son consulat d'Alexandrie et se rendit à Constantinople auprès du sultan Amurat IV, qui, en 1632, le chargea d'une mission auprès de la cour de France. Il revint donc dans sa patrie, mais à cette époque un pareil voyage était extrêmement dangereux, on risquait à tous moments d'être pris par les corsaires barbaresques et vendu comme esclave, aussi André Du Ryer ne s'embarqua-t-il que muni des plus puissantes recommandations, la première est un passeport du sultan Amurat, en voici la traduction :

« Illustres et excellents commandeurs, refuges des grands triomphants, éminents, glorieux et honorables seigneurs doués des grâces particulières de Dieu, bachas ou vices-rois, beys ou gouverneurs qui êtes sur le chemin de notre très auguste Porte au royaume de France, Dieu perpétue votre gloire. Justes juges des musulmans, minéraux de vertu et de science qui êtes sur le chemin de notre très auguste Porte au royaume de France, Dieu augmente vos vertus. Honorables et fidèles gouverneurs, capitaines des forteresses et châteaux, capitaines et patrons des galères et vaisseaux, darsiers et douaniers qui êtes sur le chemin de notre très auguste Porte au royaume de France, Dieu accroisse vos honneurs et votre gloire.

Lorsque ce très auguste commandement arrivera à vous, sachez que le sieur Du Ryer, gentilhomme français, est envoyé de notre part en France pour plusieurs affaires importantes, lorsqu'il arrivera allant et venant aux lieux de notre commandement par mer ou par terre, dans nos ports, dans nos villes, sous nos châteaux, et en quelque autre endroit que ce soit, je vous commande de le recevoir avec toute sorte d'affection et de bon accueil, et ne permettrai pas qu'il lui soit rendu aucun déplaisir, directement ou indirectement. Vous lui ferez donner tout ce qui lui sera nécessaire et faciliter de tout votre pouvoir son passage, celui de ses deux serviteurs et de ses coffres et lorsqu'il aura fait en France ce qui lui a été commandé et qu'il retournera à notre très auguste Porte, vous en ferez de même, et prendrez garde de contrevenir à ce, ni en nos hauts commandements, ni aux capitulations. Sachez-le de la façon et après avoir vu ce mien très haut commandement vous le laisserez entre ses mains et ajouterez pleine et entière foi à cette mienne très illustre marque.

Donné à Constantinople le dernier jour du mois de dielhey et 1041. Scellé au-dessus de la marque ou sceau du grand Seigneur.

Signé : Amurat sultan, et au bas : Hussein. »


Les ordres du Sultan n'étaient pas toujours obéis, aussi André Du Ryer jugea-t-il prudent de se munir le plus de recommandations possibles. Il obtint un passeport du capitan Jater Bassa que nous reproduisons ci-dessous :

« Amiral des mers du grand Seigneur, puissants et excellents bassas et beys, gouverneurs d'Alger, de Tunis, de Tripoli et de Barbarie, Dieu augmente votre prospérité ; illustres et doctes cadis ou juges, Dieu perpétue vos honneurs ; capitaines de châteaux et forteresses, Dieu protège votre gloire.

Tous sont avertis que le sieur Du Ryer, gentilhomme français, est envoyé de Constantinople au roi de France pour des affaires importantes, lorsqu'il arrivera aux lieux de nos gouvernements, vous lui ferez donner tout ce qui lui sera nécessaire et à ses gens, et le ferez passer de lieu en lieu le plus diligemment que faire se pourra, et lorsqu'il aura fait en France ce qui lui a été commandé et qu'il retournera en cette heureuse Porte, vous avancerez son voyage le plus que vous pourrez, sans retardement. Capitaines et beys des galères, patrons des navires du roi et autres qui avaient des vaisseaux à vous propres, qui êtes en voyage sur la mer vous serez avertis que ce gentilhomme français susdit est envoyé en diligence au roi de France, vous ne le retarderaient en aucune façon et ne manqueraient pas de le faire passer de lieu en lieu le plus promptement que vous sera possible, prenez garde à ce qui vous est ordonné et ne lui rendez point de mécontentement, s'il fait plainte, elle portera fruits, et ne serez écoutés en vos raisons, faites ce qui est contenu en ces lignes. Dieu éternel perpétue votre félicité. Signé Jaer Bassa. »


André Du Ryer obtint aussi une sauvegarde du comte de Marcheuilles, alors ambassadeur de France près de la Porte, mais cette recommandation s'adressait aussi et plus spécialement aux nations chrétiennes, en voici le texte :

« Nous, Henri de Gournai, comte de Marcheuilles, conseiller du roi, en ses conseils, et ambassadeur pour Sa Majesté au Levant, prions affectueusement tous seigneurs, bûchas, beys et autres gouverneurs des pays, terres, et ports de mer du grand Seigneur, amiraux, capitaines des galères et vaisseaux et autres de quelque qualité qu'ils soient, commandant par les mers de Sa Hautesse. Prions aussi de même tous seigneurs, gouverneurs de provinces, villes et ports de mer des princes chrétiens, amiraux de leurs mers, armateurs et capitaines de leurs galères et vaisseaux de laisser sûrement et librement passer et séjourner par l'étendue de leurs juridictions, le sieur Du Ryer, sieur Malezair, français, gentilhomme de la chambre du roi, avec deux serviteurs, lequel s'en va vers Sa Majesté pour affaires concernant l'amitié qui est entre elle et le grand Seigneur.

Et d'autant que nous faisons estime de sa personne, cela joint au sujet de son voyage, fait que nous le recommandons autant que possible à tous ceux de la faveur et protection desquels il pourrait avoir besoin par où il passera à ce qu'il leur plaise de l'en gratifier aux occurences, ne se souffrant qu'il lui soit fait, ni à ses serviteurs, ni à ses hardes et bagages aucun tort ou déplaisir, promettant que nous reconnaîtrons la courtoisie qui lui sera faite quand le sujet s'en offrira. En foi de quoi nous avons signé ces présentes de notre main et fait sceller du scel de nos armes.

Donné à Péra de Constantinople, le 7 juillet 1632.

Marcheuilles. »


On ignore quelle était la mission dont André Du Ryer avait été chargé par le sultan de négocier à la cour de France, ni s'il obtint un résultat. On ignore également quelle fut la durée de son séjour en France et l'époque de son retour en Orient.

Il avait rendu d'éminents services aux marchands marseillais qui trafiquaient aux Échelles du Levant ; les consuls de la ville de Marseille lui en témoignèrent leur reconnaissance par une lettre dont nous donnons ci-dessous la teneur :

« À Monsieur Durier, sieur de Malechair (pour Mailzair) gentilhomme de la chambre du roi à Constantinople :

Monsieur,

Ayant appris par le rapport de plusieurs marchands de cette ville les bons offices que vous rendez tous les jours à ceux de notre nation et particulièrement à nos concitoyens, qui, tous unanimement, se louent fort de votre affection et du soin particulier que vous prenez à les protéger et défendre, nous avons crû être de nos devoirs de vous en rendre, par ces lignes, mille remerciements, et ce, d'autant plus affectionnement que votre courtoisie, et non point leurs mérites, vous porte à tous ces bons offices dont eux et nous garderons à jamais un perpétuel souvenir pour vous en marquer quelque ressentiment lorsque l'occasion s'en offrira, et vous faire connaître par nos services que vous n'avez point jeté votre semence à une terre infertile ; cependant, Monsieur, nous vous supplieront de bien vouloir continuer l'honneur de votre amitié et les effets de votre bienveillance, ainsi que nous désirons de vous témoigner en toutes sortes de rencontres que nous sommes véritablement vos bien affectionnés serviteurs.

Les consuls gouverneurs de la ville de Marseille : Monthonlieu, Françoys Nappolon, Dupont. »


Voici une autre attestation des consuls de Marseille :

« Nous consuls, gouverneurs, protecteurs et défenseurs des privilèges, franchises et libertés de la ville de Marseille, certifions et attestons à tous qu'il appartiendra, comme M. André Du Ryer, seigneur de Malezair, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, et ci-devant consul pour Sa Majesté en Égypte, a exercé la charge dudit consulat en homme de bien et d'honneur, n'ayant jamais été fait plainte de son administration, ny de ses déportements pendant le temps qu'il a demeuré et exercé ladite charge, comme encore n'a esté faite aucune plainte dudit sieur Du Ryer pendant le temps qu'il a séjourné à Constantinople pour le service de Sa Majesté, auprès de Monseigneur de Marcheuilles, ambassadeur pour le roi ès parties du Levant. Ainsi tous les capitaines et officiers des vaisseaux marchands et autres qui négocient lesdites parties reçoivent de lui toutes sortes de faveurs tant aux sujets qui leur surviennent que aux affaires regardant le service de Sa Majesté et advantages du commerce de ses sujets. En témoin de quoy nous avons fait faire et signé ces présentes et à icelles fait mettre et apposer le scel et armes de cette ville accoutumés, à Marseille ce douzième jour de février 1633.

De Bourgogne, consul ; J. Savarnin, consul ; Meinaudet, consul.

Pour mesdits sieurs consuls : Boet. »


Pendant son séjour en Turquie, André du Ryer s'était parfaitement initié aux langues et aux littératures arabe, turque, persanes, qu'il possédait parfaitement ; il servit souvent d'interprète à la cour ottomane et put ainsi rendre de grands services, comme il est attesté par les deux certificats que nous reproduisons ci-après :

« Nous, Philippe de Harlay, comte de Césy, conseiller ordinaire du roi en ses conseils, et ci-devant son ambassadeur à la Porte ottomane, certifions à tous qu'il appartiendra que durant le temps que nous avions l'honneur d'y servir Sa Majesté, le sieur Durier de Malzair, très savant aux langues orientales, nous a fort souvent servi d'interprète pour les affaires de sa dite Majesté, au Mouphti et aux Vizirs, et qu'à notre partement ce fut ledit sieur Durier qui interpréta ce que nous dîmes à Sa Hautesse à notre audience de congé, dont il s'acquitta très éloquemment et fidèlement.

Pour témoignage de quoi nous lui avons donné le présent certificat signé de notre main, à Paris, ce 25 octobre 1651.

Philippe de Harlay Césy. »


Le second certificat diffère peu du premier et le confirme pleinement, en voici la teneur :

« Henry de Gournay, comte de Marcheuilles, conseiller du roi en ses conseils et ci-devant son ambassadeur en Levant et Constantinople, certifions à tous qu'il appartiendra que le sieur Durier, sieur de Malzair, a servi le roi dans la charge de premier et principal interprète près du Grand Seigneur, le Mouphti, le Grand Vizir et les principaux officiers de la Porte Ottomane, avec beaucoup d'honneur pour le service de Sa Majesté.

Enfin de quoi nous avons signé le présent certificat de notre main et y avons apposé le scel de nos armes.

À Marcheuilles, le 12 novembre 1651.

Marcheuille. »


On ne sait pas l'époque à laquelle André Du Ryer rentra définitivement en France, mais il est établi qu'il prit du service dans les armées du roi qu'il s'y conduisit vaillamment et reçut plusieurs graves blessures.

Pendant son absence, il avait été omis dans l'enregistrement de la noblesse et fut considéré comme ayant dérogé ; désireux d'y réintégrer André Du Ryer adressa au roi la supplique suivante :

« Au roy

Sire,

André Du Ryer, sieur de Malezair, remontre très humblement à Votre Majesté que bien qu'il ait l'avantage d'être issu d'une famille noble et qui a toujours vécu noblement, il a eu néanmoins le malheur de se voir privé de ce glorieux titre de noblesse pour n'avoir pas été dans le pouvoir de faire par devant les sieurs commissaires députés par Sa Majesté la représentation de ses titres, si ce malheur était un effet de la justice de Votre Majesté il ne plaindrait pas son sort, mais l'étant d'une cause qui devrait contribuer à rendre son nom plus illustre et plus recommandable, c'est ce qui lui fait plaindre sa disgrâce et implorer le secours que Votre Majesté ne refuse, par sa bonté, à aucun de ceux qui le demandent avec quelque sorte de justice, le suppliant croit être de ce nombre, et il espère que lorsqu'il aura plu à Votre Majesté des emplois dont le suppliant a été honoré dans les pays étrangers pour son service, celui de l'État, de la religion et du christianisme, pour les biens du commerce et du public, Votre Majesté, par un effet particulier de cette même bonté, entrera en quelque considération des services du suppliant pour les faire suppléer à la perte de ses titres arrivée dans le pillage qui fut fait en la maison du sieur Du Ryer, son père, lors de son décès arrivé pendant que le suppliant était absent, employé dans des voyages au Levant, et ne refusera pas par une grâce spéciale ce qu'il pourrait demander avec justice, cessant cette disgrâce que lui ont causé les emplois qu'il avait, lesquels, comme il vient de l'observer à Votre Majesté, devant plutôt contribuer à sa gloire, semblent ne devoir être aujourd'huy la seule cause de la plus grande perte qu'un homme de sa naissance puisse faire, puisque sans l'honneur un gentilhomme ne peut pas vivre, et que le perdant il perd ce qui lui est plus cher que la vie et que les biens.

Le suppliant demande donc grâce à Votre Majesté en la suppliant de lui permettre de faire preuve des emplois qu'il avait de consul à Alexandrie, et de premier interprète des langues orientales à la Porte Ottomane, des autres commissions dont il a été honoré soit en Perse, ou en d'autres endroits de l'Orient et des services qu'il y a rendus dans tous ces différents endroits par les commissions, provisions, instructions, certificats, passeports et autres pièces qui en font foi, et comme dès lors il fut honoré par le roi Louis XIII, d'heureuse mémoire, d'une charge de gentilhomme ordinaire de sa chambre qui ne s'accorde qu'aux gentilshommes de naissance, et que depuis ayant été obligé de se retirer des pays étrangers, il a encore rendu ses services à Votre Majesté dans ses armées jusqu'à ce qu'ayant reçu des blessures considérables et obtenu congé de Votre Majesté et de se retirer chez lui, il y a vécu avec les mêmes sentiments que sa naissance lui a toujours inspiré et n'a jamais fait aucune action dérogeante à sa qualité, dans laquelle il ne peut espérer d'être rétabli si Votre Majesté ne veut par sa bonté lui faire grâce en le dispensant de faire la représentation de tous les titres de sa noblesse dont la perte est arrivée à l'occasion de tous ses emplois pour le service de Votre Majesté, de l'État, de la Religion et du Christianisme, et du public pour lequel il a encore travaillé utilement dans les ouvrages qu'il a composés. C'est la grâce que le supppliant demande avec soumission à Votre Majesté et qu'il lui plaise en considération de tous ses services le maintenir dans une qualité qui lui sera toujours plus chère que la vie et les biens et l'obligera de rendre avec son zèle et son affection ordinaires ses services à Votre Majesté et ceux de ses enfants, lesquels aussi bien que lui continueront leurs vœux et leurs prières pour la santé et prospérité de Votre Majesté. »


Le jeune Louis XIV, âgé seulement de treize ans, n'eut peut-être pas connaissance de cette supplique, mais la régente, Anne d'Autriche, la prit sans doute en considération, car un brevet d'interprète des langues orientales fut décerné à André Du Ryer, qui, dans cette pièce, est qualifié d'écuyer, ce qui donne à croire qu'il fut également réintégré dans la noblesse. Nous donnons ci-après le texte de ce brevet :

« De par le roi, grand chambellan de France, premier gentilhomme de notre chambre, premier maître et maîtres ordinaires de notre hôtel, et vous maîtres et contrôleurs de notre chambre aux deniers, salut.

Les bonnes qualités qui sont en la personne de notre cher et bien amé André Du Ryer, écuyer, sieur de Malzair, et la capacité et intelligence qu'il s'est acquise aux langues orientales nous convient à l'approcher de notre personne et lui témoigner l'estime que nous faisons de lui. Pour ces causes et autres à ce nous mouvant, nous l'avons aujourd'hui retenu et retenons par ces présentes signées de notre main en l'état et charge de notre secrétaire interprète aux langues orientales pour dorénavant nous y servir, ledit état et charge exercer, en jouir et user aux honneurs, autorités, prérogatives, prééminences, privilèges, franchises, libertés, gages, droits, fruits, profits, revenus et émoluments à ladite charge appartenant et tout ainsi qu'en jouissent nos autres secrétaires-interprètes, tant qu'il nous plaira.

Et voulons et vous mandons que dudit sieur de Malzair pris et reçu le serment en tel cas requis et accoutumé, vous cette présente... fassiez enregistrer ès registres et écrits de notre dite chambre aux dossiers, et du contenu d'icelle le fassiez, souffriez et laissiez jouir et user pleinement et lui obéir et entendre de tous ceux ainsi qu'il appartiendra ès choses concernant ladite charge.

Mandons en outre aux trésoriers généraux de notre maison que les gages et droits à la charge appartenants ils payent et délivrent audit sieur de Malzair dorénavant par chacun an aux termes et à la manière accoutumés suivant nos états, car tel est notre plaisir.

Donné à Paris sous le scel de notre scel le 26e jour de septembre 1651.

Louis.

De par le roy, de Guénégaud. »


Cette charge était-elle simplement honorifique, ou était-elle effective ? Dans ce dernier cas, André Du Ryer dut-il se rendre à Paris pour y remplir réellement ses fonctions. Nous l'ignorons.

Entre temps, il avait épousé Catherine Le Moyne de la Faye, fille de noble Humbert Le Moyne, seigneur de la Faye, près de Semur-en-Brionnais, dont il eut au moins trois enfants qui sont dénommés dans son testament.

1° Françoise-Christine Du Ryer qui épousa noble Gaspard Dupont de Dinechin ;
2° Pierre Du Ryer qui fut chanoine de l'église collégiale de Beaujeu ;
3° Christophe Du Ryer, né à Marcigny le 8 septembre 1644, dont nous ne connaissons aucune postérité.

À une certaine époque de sa vie, André Du Ryer fut aussi capitaine châtelain de Semur-en-Brionnais. Il avait employé ses loisirs à composer différents ouvrages concernant les langues orientales ; on a de lui la première traduction de l'alcoran en français : « L'alcoran de Mahomet translaté de l'arabe en français », Paris, 1647, in-4°. Cette traduction, malgré ses nombreux défauts, obtint un grand succès. Elle fut réimprimée en Hollande dès 1649, et depuis on en a fait des réimpressions, elle a même été traduite en anglais, en hollandais et en allemand d'après la version hollandaise. Parmi les réimpressions de cet ouvrage, on doit distinguer celle d'Amsterdam, 1770, 2 vol. in-12, à laquelle on a ajouté la traduction du discours préliminaire placé par Sales en tête de la traduction anglaise. Cet ouvrage fut encore réimprimé en 1733, chez Pierre Martier, à Amsterdam, in-12.

Une grammaire turque : « Rudimenta grammatices linguæ turcicæ », Paris, 1630 et 1634. Dans la préface de ce volume, datée du mois d'avril 1630, Du Ryer présente sa grammaire turque comme la première qui ait été publiée, ce qui n'est point exact, Mégissier avait donné, en Allemagne, en 1612, ses « Institutionnes linguæ turcicæ », 1612, in-8, mais André Du Ryer annonçait la publication prochaine d'un Dictionnaire turc-latin qui devait être accompagné d'un recueil de diplômes, d'actes et de lettres familières, mais ce dictionnaire n'a jamais paru, il se trouve parmi les manuscrits de la Bibliothèque nationale en deux exemplaires.

On a encore d'André Du Ryer « Gulistan ou l'Empire des Roses », composé par Saadi, prince des poètes turcs et persans, Paris, 1634, in-8. Dans cet ouvrage, Du Ryer donne des extraits seulement des huit livres dont se compose le « Gulistan ». On prétend qu'il a fait cette traduction d'après une version turque.

Outre ces diverses publications, André Du Ryer a laissé, écrites de sa main, des « Instructions des Affaires de l'Orient » qui n'ont jamais été mentionnées et que nous avons découvertes dans les archives de M. le marquis d'Anfreville. Nous reproduisons in-extenso cette pièce curieuse, absolument inédite et inconnue :

« Instructions des Affaires de l'Orient

Les ambassadeurs du roi sont envoyés à Constantinople peut-être à quatre principales fins. La première pour entretenir cette telle quelle amitié qui est entre Sa Majesté et le Grand Seigneur et donner avis des plus importantes affaires qui se passent à la Porte, auxquelles le roi peut recevoir quelques contentements, particuliers et touchant les affaires des princes chrétiens voisins de la domination de Sa Hautesse.

La seconde peut-être pour en espérer quelques secours comme arriva du temps de François I, par la prudence de l'ambassadeur de France et par la réputation qu'il s'était acquise à la Porte ; il obtint du Grand Seigneur d'envoyer son armée navale à Toulon commandée par le bassa Cairdin qui saccagea l'île de Corse et quelques lieux maritimes de Gênes et de Naples. Ce qui arriva aussi par la prudence et réputation que le sieur de Brêves avait à la Porte durant les guerres civiles de la Ligue contre Henri IV. Il obtint du Grand Seigneur d'envoyer trois armées consécutives, son armée navale aux côtes du royaume de Naples pour divertir les forces navales d'Espagne qui menaçaient la Provence.

La troisième fin peut-être pour le commerce qui est assez diminué, comme aussi l'autorité et le crédit de l'ambassadeur, pour des causes trop longues à déduire à présent, pour ne blâmer personne, et peut-être aussi parce que les ambassadeurs sont quelquefois assez mal payés. Il faut qu'ils entretiennent à la cour un homme pour solliciter leur pension qui sont seulement payées en rescription en divers lieux où ils sont contraints d'aller aux dépens de son maître pour faire tenir ces pensions à Constantinople, à faute d'autres voies ; ils en achètent des draps qu'ils envoient à Marseille et de là à Constantinople, il faut attendre le temps de la vente de ces draps ou les donner à vil prix pour avoir de l'argent, avec perte et diminution de la réputation de l'ambassadeur.

Les ambassadeurs d'Angleterre, de Hollande et de Venise ont un honnête entretiennement pour leurs personnes et pour leurs familles, et vivent avec faste, mais pour subvenir aux affaires extraordinaires imprévues et pour s'acquérir des créatures qui les peuvent être utiles aux occurences, ils ont un droit qui est établi sur les marchandises du Levant, duquel ils sont payés sur les lieux, ainsi l'argent ne leur manque aucunement. Lorsqu'un ambassadeur est nécessiteux, les Turcs le méprisent et mesurent la grandeur d'un prince à la conduite de son ambassadeur.

Pendant les guerres civiles de la Ligue, les rois n'ont pu envoyer de l'argent à leurs ambassadeurs, mais ils y avaient prudemment pourvu, ils leur avait permis de lever deux pour cent sur les marchandises du Levant, de quoi ils étaient payés sur les lieux, par douceur ou par autorité. Cette imposition aida grandement aux ambassadeurs à acquérir et conserver cette grande réputation qu'ils avaient au Levant, et avaient acquis nombre de créatures à la Porte, par le moyen desquelles ils ont empêché l'établissement de l'ambassadeur de Florence et d'Espagne.

Le commerce des Français a ci-devant été au Levant plus grand que celui de toutes les autres nations à Constantinople, Smyrne, Alep, Alexandrie d'Égypte, où les marchands tiennent des comptoirs. Un ambassadeur est en quelque façon convié de voir ou faire voir les bassas, et autres officiers d'autorité que le Grand Seigneur envoie pour gouverner ces pays, ce qui les rend plus retenus à fâcher les Français, principalement s'ils ont connaissance que le Mouphti et le Grand Vizir ont inclinaison pour l'ambassadeur, et qu'il leur peut rendre quelques bons ou mauvais offices, cela ne se peut faire sans quelques présents. Peu de chose corrompt les Turcs.

Il y a longtemps que le droit de deux pour cent a été établi par le roi pour subvenir à la dépense de l'ambassadeur de Constantinople. Les habitants de Marseille désirant prendre connaissance de tout le commerce du Levant tâchèrent de faire supprimer cette imposition et obtinrent du roi qu'elle se lèverait dans leur ville, ou ailleurs, à leur diligence, pour faire tenir ce qui en proviendrait à l'ambassadeur de Constantinople. Ils firent proclamer les fonds, traitèrent avec l'ambassadeur verbalement, mais ils n'étaient pas soigneux de lui envoyer de l'argent, et en recevait peu de ses émoluments, et peut-être point du tout, et le service de Sa Majesté n'en était pas mieux fait. Si ce droit était perçu en Levant par l'ordre de l'ambassadeur, il le recevrait par douceur ou par autorité et n'aurait jamais faute d'argent, le roi en serait mieux servi, et les négociants plus soulagés, on pourrait voir en peu de temps à combien pourrait monter ce droit par un compte exact qui en serait fait, et peut-être décharger de l'épargne d'une partie ou du tout de l'entretiennement de l'ambassadeur.

Est à propos de remarquer que les avaries ou injustices qui se font en Turquie sur les Français arrivent rarement pour les marchands qui viennent faire leurs emplettes, chargent leurs navires et retournent en chrétienté. Ces avaries arrivent trop souvent pour cause des commis que les marchands de Marseille et autres lieux envoient résider en Levant, lesquels quand ils y sont habitués et y ont séjourné quelque temps, prennent des marchandises des Turcs, Maures et Juifs à crédit, les chargent sur des navires français et les envoient à Marseille, à Livourne, à Messine et autres lieux et en après font banqueroute volontaire, s'espoussent du pays et s'enfuient sans payer leurs dettes. Ce que voyant, les Turcs, Maures et Juifs se pourvoient par devant les bassas et autres officiers et en promettent davantage en cas qu'ils soient payés. Les bassas émus du profit menacent de faire arrêter tous les navires qui sont dans le port et de prendre tous les effets des Français qui sont dans leur pays jusqu'à concurrence de ce qui est dû aux sujets du Grand Seigneur, les marchands français, ou les commis et facteurs des riches marchands de Marseille et autres lieux, voyant ce désordre, pour éviter la totale perte de leurs effets se retirent à la maison du consul et prennent tous ensemble la liberté de faire une imposition de deux ou trois pour cent sur le général dudit commerce du lieu où ils résident pour être levé jusqu'à l'entier paiement des dettes susdites des banqueroutiers et commettent entre eux un commis pour recevoir les deniers qui en proviendront.

Pour éviter ces désordres à l'avenir, il semble qu'il serait à propos de rendre les riches marchands de Marseille et autres lieux, cautions de la conduite de leurs commis et facteurs. Ils auront soin d'y envoyer des personnes de bonne conduite.

Pour savoir que deviendront les effets de tels banqueroutiers, où ils auront été portés et qui les a reçus, on pourrait ordonner aux ambassadeurs et aux consuls de ne laisser partir aucun navire que, préalablement le patron ou le commis n 'eut remis entre leurs mains, ou de leurs secrétaires ou chancelier, le dénombrement de leur chargement signé de leur main, avec noms et surnoms de ceux auxquels appartiennent lesdites marchandises, du lieu où ils les doivent décharger, à qui ils les doivent délivrer, et ordonner aux ambassadeurs et consuls d'en envoyer copie au greffe de l'amirauté, ainsi on pourra savoir ce que deviennent et où sont les effets de tels banqueroutiers pour y avoir recours pour soulager la nation des frais qu'elle aurait supportés par la mauvaise conduite des dits commis et facteurs, on pourrait aussi savoir en peu de temps à quelle somme monte le commerce du Levant à la supputation de ses chargements, on éviterait les contrebandes et les droits de l'ambassadeur seraient plus fidèlement payés.

La quatrième fin est pour la religion, pour protéger les religieux qui sont à Jérusalem, mais cela ne demanderait pas beaucoup de peine à l'ambassadeur lorsqu'il se sera acquis quelque créance à la Porte, il les pourra faire recommander par lettres du Mouphti ou du Grand Vizir, ou d'autres personnes d'autorité aux bassa de Damas et cadi de Jérusalem. Ces religieux aident fort à se maintenir et sans nécessité empruntent de grosses sommes des plus puissants de Damas ou de Jérusalem, lorsque les officiers du Grand Seigneur menacent de les chasser ceux auxquels ils doivent supposent de peine de perdre leur argent, ils aident à les maintenir, et est avantageux aux religieux de faire connaître qu'ils sont pauvres pour être moins vexés.

Le patriarche des Grecs et le peuple grec avaient grande inclination pour les Français, mais lorsqu'ils virent la diminution du crédit de l'ambassadeur, ils se mirent en mains de l'ambassadeur de Hollande pour être protégés aux occurences. Il y a des Grecs qui fréquentent ès maisons des grands de Constantinople et apprennent les affaires qui se traitent à la Porte, ils les font savoir à leur patriarche qui en fait part à qui bon lui semble, et ce n'est pas désavantageux à un ambassadeur de bien vivre avec ledit patriarche qui lui peut quelquefois donner de bons avis.

Les Juifs sont très bons espions, ils se glissent insensiblement ès maisons des grands, apprennent souvent les affaires qui se traitent à la Porte, ils s'intriguent dans les intérêts des plus puissants et dans leurs affaires domestiques, tellement qu'il n'est pas désavantageux à un ambassadeur d'avoir quelques connaissances avec leur docteur qu'ils nomment Kakan, et d'avoir un juif affectionné qui puisse fréquenter avec moins de soupçons les juifs qui sont employés chez le Vizir, chez le Mouphti et autres pour avoir quelques avis, mais il s'y faut fier modestement et ne leur pas faire connaître qu'on en aie quelque défiance.

Le Mouphti est le grand prêtre des Turcs, c'est toujours un vieillard vénérable, consommé aux affaires, docteur en la loi mahométane, et est un des principaux mobiles des résolutions de la Porte aux choses importantes de l'État, et aux particulières, on ne résoud rien pour la paix ou pour la guerre sans son avis ; il est perpétuel en sa charge et n'est jamais déposé pendant sa vie s'il n'arrive quelque accident bien extraordinaire. Les Vizirs ne durent en leurs charges qu'un an ou deux ans, pour le moindre soupçon le Grand Seigneur les exile ou leur fait couper la tête, ce qu'il ne fait pas sans prendre l'avis et l'assentiment du Mouphti qui est révéré de tous les ministres, tant à cause de sa dignité qu'à cause de la religion, et sont tous grands hypocrites, lorsqu'ils veulent appuyer une affaire, ils n'osent le contredire facilement et témoignent affection à ceux pour lesquels il a quelque inclinaison, ce qui doit obliger un ambassadeur à cultiver son amitié sur toute autre.

Pour avoir son amitié et celle des ministres principaux de la Porte, il leur faut faire quelques petits présents des choses des chrétiens qui peuvent être rares en Levant. Ils sont extrêmement avaricieux et peu de chose les corrompt, même leur faire ces petits présents avant que d'avoir besoin de leur crédit et de leur autorité. En ces présents l'ambassadeur doit user de prudence et se garder qu'on le croît nécessiteux, audit cas ils le mépriseraient, les Turcs croiront que son maître est un petit prince qui n'est pas mieux entretenu. Ils mesurent la grandeur d'un prince à la conduite de son ambassadeur, parce que peu d'entre eux ont connaissance de la carte et de la puissance des princes chrétiens. Souvent les Vizirs et quelques autres ministres ne savent ni lire, ni écrire, mais ils ont une grande pratique et connaissance des affaires de leur empire.

Les Anglais et Hollandais n'incommodent pas beaucoup le commerce des Français qui font tout leur trafic à Marseille, à Livourne, à Messine et quelques autres lieux d'Italie et bien peu en Espagne. Pour les marchandises du Levant, l'établissement de l'ambassadeur de Gênes les peut plus incommoder. Cet ambassadeur s'est établi sous un prétexte spécieux et connaît le faible des Turcs qui sont grandement avaricieux, et leur a fait espérer de faire apporter à Constantinople et autres lieux du Levant, du satin, du velours, des draps et autres marchandises à bon marché, et d'acheter les marchandises du Levant tout ce qu'elles pourraient valoir. Si au temps que tous les grands de la Porte font vêtir leur train, leurs personnes et leurs femmes, les étoffes se rencontreraient être rares et un peu chères, on pourrait adroitement remontrer ou faire remontrer aux ministres de la Porte que cet ambassadeur les a trompé et qu'ils ont été surpris par le prix des marchandises, et ainsi diminuer la créance qu'on a de lui, mais pour cela n'était pas son dessein, ni celui des Génois, que c'était un faux prétexte pour s'établir, à la persuasion du roi d'Espagne, ancien ennemi des Turcs pour plusieurs sujets ; le principal est de présenter si grand les voudrait donner quelques secours en leur rébellion contre Sa Majesté en cas de besoin. Les antécesseurs de Sa Majesté étaient comtes de Gênes et les Génois sujets naturels du roi. Ils se sont rebellés et voyant qu'ils ne se pouvaient maintenir ils se mirent en la protection du roi d'Espagne, ancien ennemi des Turcs, et aujourd'hui les victoires, les conquêtes et la bonne fortune de Sa Majesté leur donne de l'appréhension d'être châtiés de leur rébellion, connaissant que le roi d'Espagne n'est pas assez puissant pour les protéger, et qu'il a prou peine à se protéger lui-même et ses états, partie desquels ont déjà été conquis par Sa Majesté. Ils sont dépendants et l'Espagnol lui obéissent comme le prince de Transylvanie et autres princes tributaires obéissent à Sa Hautesse, et sont ambassadeurs de Gênes et du roi d'Espagne par le conseil duquel il a tâché de s'introduire à la Porte et lui donneront des avis contre le contentement du Grand Seigneur au préjudice de son service. Néanmoins que le roi se confiant en cette ancienne amitié qui a toujours été conservée et entretenue ponctuellement entre leurs prédécesseurs, et entre Sa Majesté et sa Hautesse, ne peut croire qu'il veuille donner secours à ses sujets révoltés, d'autant que la protection des sujets révoltés d'un prince ancien ami, et de recevoir un ambassadeur de leur part n'est pas agréable à Dieu. (Il est hors de propos de leur parler de la crainte de Dieu en toutes sortes d'affaires pour ce qu'ils sont de grands hypocrites) mais il est nécessaire de gagner le Mouphti, grand prêtre de leur loi, avant que d'en parler au vizir et aux autres ministres de la Porte.

Les vizirs et bassas sont gens de peu, fourbes, corrompus, intéressés, sans parole, et ne faut assurer de leurs promesses que l'accomplissement ne soit faite. Au contraire, le Mouphti se pique de probité, de religion et de justice, le Grand Seigneur a du respect pour lui, les ministres le révèrent et le peuple l'estime comme une personne sainte ; il le faudrait bien instruire avant que d'en parler au grand vizir, s'il veut appuyer cette affaire ils ne l'oseraient facilement contredire et ne faudrait rien précipiter ; les Turcs ne font rien avec précipitation, peu à peu on pourrait secrètement noircir cet ambassadeur de Gênes et peut-être lui faire ordonner de se retirer, en ces rencontres il faut faire la guerre à... et ne rien entreprendre sans le sentiment du Mouphti, auquel on pourrait en temps et lieu donner connaissance de la grandeur du roi, de ses victoires et de ses conquêtes, comme aussi aux ministres, ce qui aideraient beaucoup en ce rencontre, mais surtout il faut garder le secret en toutes affaires. »


Par les Instructions qui précèdent, on voit qu'André Du Ryer était doué d'une psychologie pénétrante, qu'il avait le sens avisé des affaires, la souplesse et la prudence d'un vrai diplomate, le sens des intérêts de la France et des moyens pratiques de la bien servir.

Ces instructions étaient vraisemblablement destinées à être communiquées à la cour de France ; le furent-elles ? Nous ne savons. Louis XIV n'aimait pas beaucoup les conseils, Vauban avec sa Dîme royale en fit l'expérience, André Du Ryer garda sans doute dans ses tiroirs le manuscrit de ses Instructions qui n'auraient peut-être pas reçu l'accueil qu'il en pouvait espérer, mais elles nous montrent et nous font mieux comprendre ce qu'était notre distingué compatriote.

André Du Ryer blasonnait : d'azur au chevron d'or chargé de trois coquilles de gueules.

Les coquilles, emblème de ceux qui avaient fait le pèlerinage de Jérusalem, étaient une allusion à son séjour en Orient, où il avait fait de longs et pénibles voyages dans l'intérêt de l'ordre du Saint-Sépulcre dont il était chevalier.

Sa femme, Catherine de la Fay, mourut le 6 mars 1646, à Semur-en-Brionnais, où elle fut inhumée, André Du Ryer était alors châtelain de Semur.

André Du Ryer, seigneur de Malezard et de la Garde en la paroisse de Saint-Martin-du-Lac, vend, le 25 janvier 1655, à François de Sainte-Colombe, représenté par haut et puissant seigneur, messire Hector Andrault de Langeron, marquis de Maulevrier, baron d'Oyé, seigneur d'Artaix et de Chaumont, les droits de cens, servis, lods, vends et autres droits seigneuriaux lui appartenant à cause de ses seigneuries de la Garde et de Glaine situés dans la totale justice de Sarry, et se percevant dans les paroisses de Sarry, Anzy et lieux circonvoisins.

Cet acte fut passé au lieu de la Tuillière, paroisse de Baugy, en présence de noble Antoine de la Motte, seigneur de la Motte de Sérilly, receveur des deniers royaux au bailliage de Semur-en-Brionnais, de François Cudel, sieur de ladite Tuilière et de Jean-Baptiste Joleaud, sieur des Forges.

Sur la fin de sa vie, il se retira dans ses châteaux de la Garde et de Malzard à Saint-Martin-du-Lac, s'occupant de l'exploitation de ses terres. Il testa à la Garde le 9 septembre 1668, et mourut au début de 1672, dans un âge très avancé. Il fut inhumé dans l'église de Saint-Martin-du-Lac, comme il en manifestait le désir dans son testament.

En voici le texte :

Je soussigné, André Du Ryer, sieur de Malzair et de la Garde, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, premier interprète de Sa Majesté aux langues orientales et ci-devant son agent au Levant, demeurant à la Garde, paroisse de Saint-Martin-du-Lac, considérant qu'il n'y a rien de plus certain que la mort, ni de plus incertain que l'heure d'icelle, ne voulant décéder sans avoir disposé des biens qu'il a plut à Dieu me donner, j'ai fait mon testament et ordonnance de dernière volonté comme s'ensuit : Premièrement, j'ai fait sur moi le très vénérable signe de la Croix, disant : In nomine Patri et Filii et Spiritus Sancti, et j'ai recommandé mon âme à Dieu le créateur, à la glorieuse Vierge Marie, et à tous les saints et saintes du paradis, et pour ma sépulture je désire qu'elle soit en l'église paroissiale du Lac, au tombeau de mes antécesseurs, sieurs de la Garde, remettant à mes héritiers ci-après nommés le soin de mes funérailles, les priant toutefois d'en faire leur devoir.

Plus je donne et lègue et par droit d'institution délaisse à Françoise-Christine Du Ryer, ma fille, pour elle, ses enfants nés et à naître, la somme de trente livres, outre ce que je lui ai constitué par son contrat de mariage avec noble Gaspard Dupont, avocat en parlement et lieutenant en l'élection de Roannais.

Plus je lègue et par droit d'institution délaisse à Marie Deville, ma servante et celle de feue damoiselle Catherine de la Faye, ma femme, en considération des services qu'elle a rendus à ma femme, à moi et à nos enfants, savoir annuellement et sa vie durant seulement, cinq bichets de froment et cinq bichets de seigle, un poinçon de vin pur et net, un lard tel qu'il se trouvera à la grange de la Garde, un cent de chanvre, du bois pour son usage qui sera pris et coupé dans mes bois et conduit à la Garde par mes grangers de la Garde, une coupe de sel et trente livres d'argent, et encore sa demeure à la Garde, en la chambre par laquelle on va au grenier, garnie de tous meubles nécessaires à sa condition.

Plus je donne et par droit d'institution délaisse à Pierre Renard, mon valet, la somme de cent livres et si je l'ai payé avant ma mort, mes héritiers seront déchargés de ce légat.

Plus je lègue et par droit d'institution délaisse à tous autres prétendants droit en ma succession chacun cinq sols, instituant lesdits légataires en ce que dessus mes héritiers particuliers.

Et au reste de tous mes biens, meubles, immeubles, droits, noms, raisons et actions où je n'ai ci-dessus testé et disposé, j'ai nommé de ma propre bouche, Pierre et Christophe Du Ryer, mes enfants, et les ai institué comme les institue pour le reste de mes biens, pour mes héritiers universels, pour biens paternels et encore maternels, desquels ils pourraient être chargés, à la forme, manière et partage qui s'ensuit, savoir :

Ledit Pierre Du Ryer, mon fils aîné, aura et lui appartiendra la terre appelée « La terre du pain béni » et la terre appelée « La terre du ban » situées aux Chambons du Lac, le moulin, écluses, étangs et tout ce qui en dépend situé au village des Charrières, comme le tient à présent Philibert Gonard par asservisation reçue par Gilbert Verchère, notaire royal à Marcigny, passée à Jean Peguin, beau-père dudit Gonard, la vigne que j'ai acquise de feu Jean Sarrazin, joignant la vigne de la Garde, plus mon fils aîné Pierre Du Ryer, aura et lui appartiendra la terre et seigneurie de la Garde consistant en maison, grange, domaine, bâtiments, colombier, jardin, rentes, prés, terres, vignes, bois et buissons, comme j'en ai joui, avec les terres et prés que j'ai acquis de M. de la Barre, situés au bas de la terre appelée « Les Gerbes » et du pré de la Garde, le tout joignant ensemble, et tous les meubles qui se trouveront à la Garde lors de mon décès. Lesquels fonds et héritages suslégués chargés de leurs charges réelles et foncières s'il s'en trouve, et ce que dessus pour tous biens paternels et encore maternels desquels ils pourraient être chargés, à condition qu'il demeurera chargé de payer le quart de mes dettes.

Et audit Christophe Du Ryer, sera et appartiendra la maison de Malezair consistant en maison, deux granges, domaines, bâtiments, prés, terres, bois et buissons, la vigne de Laye, contenant environ dix œuvrées, qui fut de feue ma cousine Aubery, les terres et prés que j'ai acquis de Antoine Brun, avec un petit pré de mon joignant ledit pré en partie, contenant environ quatre charretées de foin, situé en fonds Charrières qui est de réserve, le bois qui joint l'étang du moulin ci-dessus légué à mon fils aîné, ensemble le pré de réserve situé au-dessous de Malezair, le grand chemin entre deux, contenant environ quinze chars de foin, lesquels fonds et héritages chargés de leurs charges réelles et foncières s'il s'en trouve. Et ce que dessus légué comme tous biens paternels, comme aussi maternels desquels ils peuvent être chargés, à condition qu'il demeurera chargé des trois quarts de mes dettes qu'il sera obligé d'acquitter.

Et en outre sera le pressoir et les cuves communes entre les deux frères, mesdits enfants, au temps des vendanges pour leur vin.

Ainsi pourront mesdits enfants prendre ma succession comme à eux propre et acquise et en faire à leur volonté aux conditions et partage ci-dessus.

Et pour exécuteur testamentaire j'ai nommé noble Claude Du Ryer mon cher frère, docteur ès saints canons, chanoine théologal en l'église collégiale de Beaujeu en Beaujolais. Et ce qui est ci-devant écrit de ma main est mon testament et ordonnance de dernière volonté que j'ai lu et relu, lequel je veux sorte son plein et entier effet par forme de testament solennel, et s'il ne vaut par cette forme, par testament nuncupatif, dispositions et partage entérimés, ou par toute autre meilleure forme et manière que faire se peut, révocant tous autres testaments, codiciles et donations que je pourrais avoir fait pour cause de mort, si aucun s'en trouve.

En foi de quoi j'ai signé cestes, à la Garde, le 9 septembre mil six cent soixante huit.

Du Ryer de Malezair.


Ce testament fut ouvert le 11 février 1672, suivant ordonnance de Guillaume Terrion, lieutenant au bailliage de Semur, d'où nous concluons qu'André Du Ryer mourut fin 1671 ou au début de 1672.

Le château de Malzard n'existe plus. Il y a environ quarante ans, vers 1890, on y voyait encore une tour à demi ruinée, une partie du mur d'enceinte avec quelques meurtrières, la porte d'entrée au-dessus de laquelle se trouvait un écusson brisé, mutilé pendant la Terreur, qui portait les armes des Du Ryer, mais le temps et les hommes n'ont rien laissé du vieux manoir.

info Lettres de André Du Rier consul à Alexandrie, 1623 et 1625.

Amurat IV sultan de l'Empire ottoman Gulistan ou L'Empire des roses, traduit par André Du Ryer (1634)

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