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Livre d’heures de Jacques d'Amanzé

folio 133 folio 149

Livre d’heures de Jacques d'Amanzé, folios 133 et 149 - Cliquez pour agrandir

Sources :

info Manuscrit 655 en latin et en français de la Bibliothèque de l’Arsenal (1460-1477) | folio 133 | folio 149
info Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France (1916)

M. M. Prinet, membre résidant, complète en ces termes la communication de M. Martin :

Le livre d’heures dont l'illustration présente les curieuses particularités que M. H. Martin vient de signaler, porte, aux folios 133 et 149, les armoiries d’un ancien propriétaire. Ce sont des écus mi-partis. La première section est « de gueules à une coquille et demie (pour trois) « d’or ». La deuxième section est coupée : le quartier du chef est « d’or à la croix ancrée de gueules » ; le quartier de la pointe est « échiqueté d’argent et de sable ». L'ensemble de la seconde section représente la moitié d’un blason qui, complet, serait « écartelé aux 1er et 4e, d’or à « la croix ancrée de gueules ; aux 2e et 3e, échiqueté « d’argent et de sable ». Cette marque de propriété n’a pas, que je sache, été identifiée jusqu’ici.

Le blason « de gueules à trois coquilles d’or » est celui de la famille d’Amanzé [1], maison féodale du Mâconnais [2].

La croix ancrée de gueules en champ d’or constitue les armes de la famille Damas [3] ; l’échiqueté d’argent et de sable appartenait aux Digoine [4] dont la branche aînée s’est éteinte chez les Damas [5].

Les Damas, seigneurs de Digoine, ont écartelé leurs armes de celles des Digoine, comme le prouvent les sceaux de Jean et d’Antoine Damas (1549, 1569, 1570 [6]).

Il y a donc lieu de penser que les armes deux fois représentées sur le livre d’heures rappellent l’alliance d’un Amanzé et d’une Damas de Digoine.

Or, nous savons que Jacques d’Amanzé, seigneur d’Amanzé, de Chauffailles [7] et de Virey-lez-Chalon [8], a épousé, par contrat du 31 décembre 1477, Philippe Damas, fille de Robert Damas, seigneur de Digoine, et de Catherine de la Guiche [9]. C’est ce mariage qui explique l’écu mi-parti d’Amanzé et de Damas-Digoine [10].

Les peintures héraldiques que nous trouvons dans le manuscrit n’ont pu, par conséquent, être exécutées qu’après 1477. La confection du manuscrit lui-même doit-elle être considérée comme postérieure à cette date ?

Si nous examinons par transparence le folio 133, nous voyons que la portion senestre de l’écu qui y figure, — celle qui renferme les armes de Philippe Damas, — a été repeinte. Les deux quartiers qui portent la croix ancrée et l’échiqueté ont été substitués à deux autres quartiers dont la décoration a laissé des traces. En chef, on voit nettement un sautoir ; en pointe, on reconnaît deux fasces accompagnées de menus objets indistincts. La partie dextre de l’écu a été conservée telle qu’elle était primitivement : on ne découvre, sous les coquilles d’or en champ de gueules, aucun vestige d’armoiries différentes.

Il semble bien que l’écu était primitivement mi-parti : au 1er, d’Amanzé, et au 2e, d’un blason écartelé d’un sautoir et de deux fasces accompagnées de meubles quelconques, de petites dimensions.

Or, Jacques d’Amanzé, lorsqu’il épousa Philippe Damas, était veuf d’Étiennette de Chantemerle, qu’il avait épousée vers 1468 [11]. Les Chantemerle portaient « écartelé aux 1er et 4e, d’argent au sautoir de sable [ou d’azur) ; « aux 2e et 3e, d’or à deux fasces de gueules accompagnées « de neuf merlettes du même en orle ». Je serais assez disposé à croire que ce sont les armes des Chantemerle qui étaient primitivement jointes à celles de la maison d'Amanzé, dans l’écu peint au folio 133 [12].

Au folio 149, les armoiries ne paraissent pas avoir été repeintes.

Il est possible que le manuscrit ait été commencé durant le mariage de Jacques d’Amanzé avec Étiennette de Chantemerle, et terminé alors que ce seigneur était remarié à Philippe Damas. On a pu, après le second mariage, peindre, au folio 149, les armes des époux, et surcharger, au folio 133, la portion de l’écu qui avait été primitivement blasonnée des armoiries de la première femme du seigneur d’Amanzé.

Les traces des armes recouvertes ne sont pas assez nettes pour que l’on puisse tirer de leur présence un argument sans réplique. Ce que je tiens pour certain, c’est que l’écu mi-parti, deux fois représenté dans le manuscrit, est aux armoiries de Jacques d’Amanzé et de Philippe Damas, sa femme.

Le mode de combinaison qui a été employé pour réunir les deux blasons est celui qui était généralement adopté pour représenter les armes d’une femme mariée. Il est à croire que nous avons ici la marque de propriété, l’ex libris, de Philippe Damas, dame d’Amanzé. On peut conjecturer, sans l’affirmer, que Jacques d’Amanzé avait fait commencer le livre d’heures dans l’intention de le donner à Étiennette de Chantemerle et que, devenu veuf et s’étant remarié, il l’a fait terminer pour l’offrir à sa seconde femme.

Références

[1] Cette famille tirait son nom du village d’Amanzé, Saône-et-Loire, arr. de Charolles, cant. de la Clayette.
[2] Voir La généalogie et les alliances de la maison d’Amanzé, au comté de Masconnais, dans le gouvernement du duché de Bourgongne, dressée ... par le sieur d'Hozier, ... avec les preuves et quelques additions mises par Pierre Palliot, ... Dijon, Palliot, 1659, in-fol. — Charles d’Hozier, fils de celui dont le nom figure sur ce titre, a protesté contre l’attribution de l’ouvrage à son père. Dans une note de sa main, inscrite sur un exemplaire de la Généalogie, conservé à la Bibliothèque nationale (Réserve, Lm3 14), on lit ce qui suit : « Je ne sais point certainement si feu mon père avoit autrefois dressé, selon le goût d’alors et l’ignorance où l’on étoit, quelque généalogie, bien ou mal, de cette maison d’Amanzé... Je sais bien que mon père n’a point eu de part à l’impression de cet ouvrage qui est celui du feu sr Paliot qui a cru aparemment lui donner cours en le faisant paroître sous le nom de mon père, car si lui-mesme l’avoit fait, assurément, dans le temps qu’il l’a été, c’est-à-dire un an avant sa mort, plus éclairé qu’il ne le devoit être dans les temps précédens, il n’auroit pas laissé mettre entre autres, dans le discours et dans les preuves, l’annoblissement des Jaquot, accordé l’an 1008 par le roi Robert, et cela seul sufit pour détromper le public... »
[3] P. Anselme, Histoire généalogique de la maison de France, t. VIII, p. 316 ; Laîné, article Damas, dans les Archives généalogiques et historiques de la noblesse de France, t. V, p. 11-13, pl.
[4] Sceaux de Guillaume de Digoine, 1257, de Huguenin de Digoine, 1340, de Jean de Digoine, 1364, de Louis de Digoine 1380 (sceaux de la Bourgogne, n° 277, 278, et sceaux de la collection Clairambault, n° 3179, 3180, aux Archives nationales), etc. Voir Steyert, Armorial général du Lyonnais, Forez et Beaujolais, p. 33 ; comte de Soultrait, Armorial du Nivernais, t. I, p. 256.
[5] Robert Damas épousa, en 1390, Marie de Digoine, fille et héritière de Jean, seigneur de Digoine (Bibl. nat., Pièces originales 963, dossier 21314, fol. 241, 283, 283 v° ; P. Anselme, op. cit., t. VIII, p. 330).
[6] Bibl. nat., Pièces originales 963, dossier 21314, p. 68, 82, 83, fol. 240. Cf. Steyert, op. cit., p. 31.
[7] Saône-et-Loire, arr. de Charolles, chef-lieu de canton.
[8] Saône-et-Loire, arr. et cant. de Chalon-sur-Saône.
[9] Jacques d’Amanzé était fils de Guillaume, seigneur d'Amanzé, et de Marguerite de Semur. Philippe Damas était veuve de Charles Damas, seigneur de Brèves et de Crux (Bibl. nat., Dossiers bleus 15, dossier 372, fol. 41 ; Cabinet d’Hozier 8, dossier 161, fol. 2 v° ; ms. fr. 20241, fol. 4 ; ms. fr. 31886, fol. 2 ; P. d’Hozier, op. cit., p. 20-24, Pr., p. 13-14 ; P. Anselme, op. cit., t. VIII, p. 330). Laîné (loc. cit.) date par erreur le mariage de l’année 1427.
[10] En présence d’un blason mi-parti d’Amanzé et de Damas, on pourrait penser à l'alliance, contractée le 19 octobre 1450, de Guillaume d’Amanzé et de Marie Damas, fille de Philibert, seigneur de la Bazolle (Bibl. nat., ms. fr. 31886, fol. 2 ; P. d’Hozier, op. cit., p. 17, Pr., p. 8-10 ; P. Anselme, op. cit., t. VIII, p. 333). Mais les Damas de la branche de la Bazolle n'écartelaient pas leurs armes de celles des Digoine.
[11] Voir les textes cités plus haut à propos du second mariage de Jacques d’Amanzé. Étiennette de Chantemerle était fille de Louis, seigneur de Chantemerle et de la Clayette, bailli de Mâcon, et de Françoise de Châtelus.
[12] Les quartiers sont parfois intervertis. Voir les sceaux de Louis de Chantemerle (que l’on a pris à tort pour un seigneur normand), de Hugues de Chantemerle, 1482, d'Aymar de Chantemerle, 1522 et 1526 (Bibl. nat., Pièces originales 671, dossier 15713, p. 6, 50 ; 772, dossier 17645, p. 2, 4, 5 ; nouv. acq. fr. 22020, fol. 11). Cf. Géliot et Palliot, La vraye et parfaite science des armoiries, p. 448, 586 ; comte de Soultrait, Armorial du Bourbonnais, 2e éd., t. 1, p. 176 ; L.-P. Gras, Répertoire héraldique ou armorial général du Forez, p. 61, 62.

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